Jonathan, les yeux rivés sur la fenêtre, contemplait pensivement son œuvre. Un sentiment d’intense satisfaction l’envahit. Ses champs cultivés s’étendaient à perte de vue dans le soleil couchant ; ses semis céréaliers étaient plantés en carrés impeccables et il en était de même pour ses potagers ou ses vergers. Il tourna ensuite légèrement la tête afin de savourer la vision de ses prés où paissait une multitude de bétail bien gras. Et comment oublier sa rutilante moissonneuse-batteuse qui dormait tranquillement en compagnie de ses tracteurs aux diverses fonctions ? Soupirant d’aise, il se rendit à la cuisine, où il se servit un verre de lait. Ceci fait, il retourna dans son bureau, le centre névralgique de toute son exploitation fermière. Il s’assit confortablement devant son ordinateur et passa une main dans ses cheveux.
Le sonnerie annonçant le début de la vidéoconférence tintinnabula enfin et les visages de ses collègues et amis s’affichèrent sur l’écran. « Salut les gars. » Lança-t-il nonchalamment. Depuis toujours, il pensait que la nonchalance lui conférait de la prestance. Une fois l’étape de la politesse achevée pour tous les participants, Jonathan prit la parole. Tous se turent respectueusement ; il était le leader de leur petite communauté d’exploitants agricoles. A force de zèle et d’acharnement, il avait même grandement participé à leur visibilité sur cet outil de communication de masse qu’est Internet et, désormais, ils accueillaient régulièrement de nouveaux membres en leur sein. Certains disaient même que Jonathan avait révolutionné l’agronomie.
« Mes amis, déclara-t-il, comme vous le savez tous, nous sommes partis de rien. Regardez maintenant où nous en sommes ! Nous avons tous prospéré. » Ce disant, Jonathan songea brièvement à Léa, qui n’avait pas su tenir la distance avec sa ferme, et avait fini par abandonner. Mis à part ce fâcheux incident, tous ceux qui avaient persévéré se tenaient à présent sur un véritable empire fermier, à la tête de richesses agricoles incommensurables, même si certains avaient du pour cela fournir un apport de grosses sommes d’argent. « Cela n’a pas toujours été facile, continua-t-il. Surtout lors des lourds investissements que nous avions à faire à chaque fois que nous voulions nous agrandir. Mais nous nous sommes obstinés et nous en récoltons finalement les fruits.
– Et les légumes ! » Intervint joyeusement Théo, avant de se mettre à rire à sa propre saillie. Certains pouffèrent de convenance. Pas Jonathan. Il s’en tenait à sa personnalité nonchalante.
Il continua d’ailleurs, ignorant l’interruption du boute-en-train. « A force d’investissements judicieux, disais-je, de ruse et de diplomatie, nous avons enfin atteint un niveau que les autres ne peuvent plus se permettre d’ignorer. Ils vont devoir prendre sérieusement nos avis en compte ! » Ses interlocuteurs manifestèrent bruyamment leur joie. Enfin leur efforts allaient pouvoir leur permettre de tirer leur épingle du jeu au niveau national. Voire même, au niveau mondial dans la foulée. Personne ne se moquerait plus d’eux et tous ceux qui les avaient critiqués deviendraient envieux. Les grands de ce monde allaient être contraints de les accepter parmi eux, car ils allaient forcément être acceptés comme poids politique avec lequel compter. Jonathan sentit son cœur battre la chamade d’allégresse. Voici venue l’aube d’une nouvelle ère.
Avec, à sa tête, la guilde « La Ferme John et Cie », la première sur superfarming.com.