L’Allégorie de la Caverne

Il se sentait mourir à petit feu. Toute envie de vivre l’avait quitté et il n’avait toujours pas touché sa maigre pitance de la veille. Ni celle de l’avant-veille, d’ailleurs. Voilà d’innombrables jours qu’il était emprisonné ; l’espoir avait fini par l’abandonner. Il sentait son esprit se laisser aller à rêvasser de plus en plus et, dorénavant, la seule chose qui le rattachait à la vie était cette femme qui chantait devant la prison. D’elle, il ne voyait que sa silhouette sur le mur en face de lui, car désormais, tout son monde était composé d’ombres projetées sur la paroi. Il lui trouvait des courbes harmonieuses assorties d’une voix céleste et la jalousie le prenait parfois, car il lui semblait que la chanteuse posait sa tête sur l’épaule d’un homme. Mais avec les ombres, c’est toujours difficile à dire.

Un bruit soudain le tira de sa léthargie. Il s’agissait du gardien qui déverrouillait la porte de la cellule afin de poser le repas quotidien. Puis, sans lui accorder la grâce d’un mot ni d’un regard, il s’en fut en verrouillant soigneusement la porte après son passage, à grand renfort de frottements froids de la clef en métal dans la serrure.

Le captif se plongea de nouveau avec délectation dans la brume de ses pensées et la contemplation béate de l’ombre qui dansait en chantant contre le mur. Enchanté par le son pur et délicat, il ferma les paupières afin de mieux profiter de cette voix pleine d’émotion. Tour à tour joyeux et profondément mélancolique, doux et plein de caractère, le chant était une merveille à son oreille. Pour ne pas rater une seule miette du spectacle de l’ombre dansante, il ouvrit de nouveau les yeux et se perdit dans une explosion de musique et de mouvements gracieux.

C’est ainsi qu’il rendit son dernier soupir ; le violon devant la prison perdit de ce fait son plus fervent soupirant.

FeleHel (2)