« Kyr et Kilynn » Chapitre 1 : Drakëwynn (2/8)

Il se réveilla, blotti dans une chaude couverture, à côté de Kilynn qui dormait à poings fermés. Une agréable odeur lui titillait les narines et fit gémir son estomac. « Oh ? On dirait que l’appel de la nourriture se fait sentir. » lança une voix enjouée. Kyr émergea de la couverture douillette et vit la Centaure, ses quatre jambes pliées sous elle, à côté d’un petit feu ronflant grâce auquel elle faisait cuire des brochettes. Une créature, qui ressemblait à un dragon de la taille d’un chat aux ailes de papillon, bavait devant la promesse d’un repas imminent. Il avait une petite corne sur le nez et ses écailles brillaient, vertes et blanches, avec l’éclat du feu. Sentant une gêne à la main gauche, le garçon remarqua que celle-ci était bandée par de longues herbes qui maintenaient un cataplasme curatif. Il s’était bel et bien blessé en tapant sur la chemise de maille, mais sa blessure ne le lançait pas. Puis, il regarda autour de lui. Ils semblaient se trouver dans une grange. Il n’osait pas s’approcher de la Femme-Jument qui, bien qu’ayant retiré tout son attirail, était toujours impressionnante et l’intimidait toujours autant. Elle avait la robe isabelle et son corps humanoïde n’était plus vêtu que d’une chaude tunique à l’aspect douillet.

« Tiens Emlyg, pour toi ! » Elle jeta une brochette en direction du petit dragon-papillon. Ce dernier l’attrapa au vol et s’employa à engloutir goulument ce qu’il y avait dessus. Kyr entendit soudain un deuxième estomac gargouiller. Kilynn sortit de sous la couverture et étouffa un cri en apercevant la Centaure. Elle se rapprocha de son jumeau tout en jetant de rapides coups d’œil craintifs à leur environnement. « Et voilà pour vous deux, puisque vous êtes enfin réveillés ! » disant cela, la grande créature leur tendit deux brochettes en éventail d’une main, tandis qu’elle commençait à en manger une troisième qu’elle tenait de l’autre. Les deux estomacs gargouillèrent de plus belle et, pourtant, les deux enfants ne bougeaient pas. « Je ne vous mangerai pas vous, mais vos brochettes si vous ne venez pas les prendre. » Silence. « Venez ! Il y en aura d’autres lorsque vous aurez fini celles-là. »

Ces brochettes alternaient morceaux de viande et légumes divers. Le frère et la sœur échangèrent un regard, puis s’approchèrent timidement du feu. Kyr prit courageusement les brochettes de la main griffue de la Centaure, marmonna un remerciement, en donna une à Kilynn et, sans plus attendre, attaqua la sienne. Ils mangèrent d’un féroce appétit. Alors que la Femme-Jument terminait sa deuxième, les enfants en avaient déjà engloutis trois, avant d’en manger une quatrième plus calmement. Tous étaient restés silencieux durant le repas.

Maintenant qu’il étaient repus, ayant dévoré toutes les brochettes disponibles, leurs inquiétudes refaisaient surface. Ils l’observaient en coin, tandis qu’elle fourbissait ses nombreuses armes et nettoyait sa chemise de mailles, tout en faisant semblant de ne pas remarquer leurs regards inquisiteurs, les laissant l’observer à loisir. Kyr se demandait comment une Centaure pouvait s’être retrouvée dotée de fines écailles, sur le visage et les bras de ce qu’il pouvait en voir, et de griffes. Sans parler de ses canines. Oh, ainsi que ses ailes. Les Centaures n’ont pas d’ailes normalement, si ? En fait, toute sa personne était hors-norme, même pour un Centaure. Son petit dragon-papillon, après les avoir curieusement reniflés, dormait à présent sur son dos, blotti entre les plumes blanches. « Il semblerait que ça faisait longtemps que vous n’aviez pas tant mangé, leur dit-elle après un long silence. Tenez, j’ai encore ça si vous voulez. » Elle fouilla dans l’un de ses sacs et leur sortit des petites pommes qu’elle avait du cueillir sur le chemin. « Profitez-en, ce sont probablement les dernières de l’année. »

Elle avait vraisemblablement raison à ce sujet, puisqu’ils étaient au seuil de l’hiver. Ils en prirent une chacun et elle posa les autres sur une caisse retournée qui lui avait servi de plan de travail pour la cuisine. Puis elle recommença à s’occuper de ses armes. Après quelques bouchées, Kyr prit son courage à deux mains et prit la parole : « Excusez-moi, je peux vous poser une question ? » Cela fit glousser la Centaure.
« Tu viens de le faire, lui répondit-elle en rangeant ses armes. Ne t’en fais pas, tu es tout excusé. » Le garçon resta un moment interdit, le temps de comprendre la réponse saugrenue de son interlocutrice. Voyant qu’elle l’avait bloqué dans son élan, elle reprit plaisamment : « Tu peux poser d’autres questions si tu veux. » Quelques secondes s’écoulèrent tout de même avant qu’il ne reprenne la parole :

« Où sommes-nous ? Pourquoi vous nous avez donné à manger alors qu’on vous a attaquée ? Et qui êtes vous ?
– Houhouhou ! s’exclama la Centaure. Je ne m’attendais pas à une telle déferlante de questions quand je t’ai dit que tu pouvais en poser ! » Kyr se recroquevilla un peu, décontenancé. Ne pouvait-elle pas parler normalement celle-là ? Et pourquoi semblait-elle perpétuellement de bonne humeur ? C’en était presque indécent, selon lui, par les durs temps qui couraient. En plus, il ne pouvait pas s’empêcher de loucher sur ses canines pointues à chaque fois qu’elle souriait et cela le mettait mal à l’aise. « Je vais tâcher de répondre du mieux possible, reprit-elle, toujours souriante. Alors, où sommes-nous ? Dans la grange d’une ferme à présent inhabitée, à environ une demi-heure de marche de là où nous nous sommes rencontrés.
– A présent inhabitée ? émit Kilynn.
– Tout à fait, il a fallu que j’enterre les habitants… » déclara gravement la Femme-Jument, ce qui eût pour effet de faire reculer précipitamment les deux enfants.

Ils la regardaient, les yeux écarquillés de terreur. Elle resta un instant interdite face à leur réaction, avant de la comprendre et d’éclater de rire. « Je ne les ai pas tués voyons, leur expliqua-t-elle. Je voulais leur demander le gîte, puisqu’il n’y a plus d’auberge dans les environs. Mais tous ceux qui habitaient là étaient morts. Ils ont probablement succombé à la maladie. Ca avait l’air assez récent, le dernier a du mourir il y a quelques jours à peine. Enfin, je ne m’y suis pas trop attardée, je les ai enterrés, j’ai purifié quelques trucs récupérables que j’ai posés à côté de la caisse, là, et j’ai brûlé la maison.
– Pourquoi carrément brûlé ? demanda Kyr qui était revenu à sa place avec sa sœur.
– Parce que je n’avais pas de quoi l’assainir de la maladie. Le plus simple et le plus sûr était d’y mettre le feu. Je ne sais pas si cela évitera à des gens de tomber malade, mais il vaut mieux prévenir que guérir, comme le disait une amie à moi. La maison doit encore être en train de terminer de brûler à l’heure qu’il est. Mais ne vous inquiétez pas, que ce soit par la maladie ou le feu, nous ne courrons aucun risque ici. Cela répond-il à ta première question ? » Kyr acquiesça d’un hochement de tête. Ca y répondait dans l’ensemble, effectivement.

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