NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 2

Tous les gens qu’elle avait pu voir lui étaient inconnus. Cela avait de grandes chances d’éliminer son hypothèse du jeu de rôles grandeur nature de la veille, puisqu’elle connaissait la plupart des personnes avec qui elle pratiquait d’ordinaire. Peut-être que quelqu’un avait voulu lui faire une surprise en la plongeant dans un univers inconnu — après tout, c’était bientôt son anniversaire et ses amis étaient taquins — ou alors, c’était tout simplement une caméra cachée. Dans tous les cas, il lui semblait que beaucoup de moyens avaient dû être investis dans cette mascarade.

Ce qu’elle trouvait bizarre dans tout ça, c’était surtout sa blessure. Elle en souffrait réellement et il était peu probable qu’on la lui ait infligée à dessein. Ou alors, elle avait vraiment eu un accident et tout cela n’était qu’un délire intérieur de comateuse. Toutes ces possibilités — et encore, beaucoup d’autres, beaucoup moins crédibles, lui avaient aussi traversé l’esprit — la mettaient mal à l’aise.

Agitée, elle bougea, attirant ainsi l’attention de la femme qui veillait sur son sommeil. « Êtes-vous réveillée, madame ? Je peux faire quelque chose pour vous ? Encore un peu d’eau peut-être ? Et puis aller vous faire préparer un petit repas ? » Éléonore s’éclaircit la gorge et se redressa avec précaution, laissant échapper un petit gémissement, avant de répondre :

« Je veux bien boire oui. » Sa bouche était pâteuse. La domestique se précipita pour ajuster les coussins, servir un verre d’eau et l’aider à boire. L’estomac d’Éléonore gargouilla. « Et euh… Je voudrais bien manger aussi.
— Rien d’étonnant à ça, madame, vous avez dormi si longtemps et vous avez tellement de forces à récupérer ! Je vais tout de suite aux cuisines pour leur demander de vous préparer un petit quelque chose. Mais pas trop, parce que les médecins ont dit qu’il ne vous fallait pas trop de nourriture trop riche tout de suite. Ne vous fatiguez surtout pas pendant mon absence, si vous me permettez, ce sont les consignes des médecins. »

Éléonore n’eut pas le temps de demander plus de précisions au sujet du long temps qu’elle avait dormi. Toute seule, elle s’extirpa laborieusement du lit pour poser les pieds par terre et essayer de se lever. Cela lui donna le tournis et elle dut s’accrocher à une colonne du lit. Une fois le malaise passé, elle fit quelques pas hésitants en direction de la haute fenêtre à meneaux et s’y appuya en jetant un coup d’œil à l’extérieur.

Éléonore put contempler un parc immense traversé de sentiers gravillonnés, avec une partie jardins à la française, une partie jardins d’eau, une gigantesque pelouse et, au loin, un bois. Comme la chambre qu’elle occupait, tout cela lui rappelait les châteaux de la Loire, qu’elle avait pu visiter bien des années auparavant, mais s’il s’agissait véritablement de l’un d’entre eux, elle serait bien en peine de le dire. Les jardins n’étaient pas très colorés, endormis qu’ils étaient par la neige et le froid hivernal. La fraîcheur qui s’insinuait à travers les carreaux la fit frissonner et elle recula, remontant sur le lit et cherchant refuge sous l’épais édredon.

La servante revint peu de temps après et s’empressa de poser un plateau à pattes au-dessus des jambes d’Éléonore, tout en déversant une avalanche de phrases. « Je suis bien contente de vous voir réveillée. Voici un potage préparé exprès pour vous par la cuisinière en chef : elle espère que cela vous aidera à récupérer et moi aussi. Ô mon dieu mais vous avez la chair de poule ! Laissez-moi vous trouver un châle… Ah, le voilà, attention à ne pas renverser le potage pendant que je vous le passe sur vos épaules… Là, vous voici bien couverte. Ne vous sentez-vous pas mieux ainsi ? Attendez que j’ajuste encore vos coussins — ils ont glissé — et ensuite je vous aiderai à manger.

— Je peux manger seule, merci, l’interrompit Éléonore en commençant à tremper sa cuillère dans le contenu de l’assiette creuse en porcelaine.
— Comme vous voulez, madame, mais n’hésitez pas si vous avez besoin, je reste juste là.
— Dites-moi plutôt comment je suis arrivée là.
— Oh, c’est une histoire terrible, madame, un valet et un palefrenier vous ont ramenée toute couverte de sang et…
— Non non, pas cette histoire-là, précisa Éléonore. Je veux savoir ce que je fais dans ce château.
— Comment ça, dans ce château, madame ? Vous y êtes née et c’est votre lieu de résidence, du moins, tant que vous n’êtes pas mariée. Je crains de ne pas avoir bien saisi votre question.
— Je me sens pas très bien, alors si on pouvait arrêter le roleplay juste cinq minutes le temps que je rassemble mes esprits, ça m’aiderait beaucoup.
— Arrêter quoi, madame ? »

L’étonnement se lisait sur le visage de la pipelette : elle n’avait pas compris le mot. Le cœur d’Éléonore se serra un peu, malgré le fait qu’elle avait conscience que cette explication avait peu de chance d’être la bonne, et elle décida de continuer à vérifier cette série d’hypothèses : « Si c’est pas un jeu de rôle, alors c’est peut-être une caméra cachée ?
— Je… euh… Madame, je ne comprends pas ce que vous me demandez. Ne me dites pas que… enfin… vous n’êtes pas possédée, n’est-ce pas ? Vous êtes juste désorientée, comme disait le médecin, n’est-ce pas ? »

Sur le visage de la domestique s’affichaient désormais frayeur et confusion. Si elle jouait un rôle, elle s’en sortait parfaitement bien. Éléonore ne se sentait pas d’humeur, mais voyant que son interlocutrice menaçait de fondre en larmes, elle prit sur elle et lui assura qu’elle était effectivement encore un peu désorientée et qu’il fallait ignorer ce qu’elle venait de dire. Rassurée, sa compagne recommença à babiller, pendant que la malade mangeait doucement.

Éléonore s’efforça de prêter attention à ce qu’elle racontait, espérant grappiller quelques indices sur sa véritable situation. Elle ne parvint pas à comprendre ce qui lui arrivait en écoutant la servante, mais elle apprit quelques petites choses sur diverses personnes qui résidaient au château. Se disant que toute information était bonne à prendre, Éléonore s’employa à en retenir le plus possible. [ça serait p’têt judicieux de trouver un exemple à caser là]

Après avoir fini son potage, elle se sentit suffisamment lasse pour vouloir fermer l’œil un moment. Elle tenta de congédier la servante pour rester tranquille, car elle trouvait perturbant d’avoir quelqu’un qui surveillait son sommeil, mais la domestique lui opposa un refus inébranlable. Celle-ci voulait bien suivre les ordres, mais les ordres de Monseigneur avaient largement préséance sur les ordres d’Éléonore. Aucun argument ne parvint à la faire flancher et la convalescente dut s’avouer vaincue.

Avant de fermer les yeux, elle demanda son nom à la servante dévouée. « Je m’appelle Jodie, madame. » Jodie, voilà un drôle de prénom pour une ambiance Renaissance, songea Éléonore. Son esprit travailla encore un moment à assimiler les informations qu’elle avait apprises de Jodie et elle perçut au changement de luminosité que la servante avait dû fermer les rideaux. Elle était encore tellement épuisée qu’elle s’endormit peu après d’un sommeil de plomb.

 

À son réveil, Éléonore constata avec déception qu’elle ne se trouvait toujours pas dans son lit, dans sa chambre, dans son appartement. Avec une pointe de résignation, elle décida de jouer le jeu des gens du château, espérant que la partie, ou la surprise, ou quoi que ce soit dont il s’agissait, ne durerait pas plus de quelques jours. Le contraire lui paraissait peu probable. En plus du fait qu’elle se trouvait toujours dans un endroit inconnu, Jodie se tenait toujours à côté d’elle, à la fixer avec préoccupation.

« Comment allez-vous ce matin, madame ?
— Je me sens mieux. » répondit Éléonore. Et c’était vrai. Son crâne avait cessé de la lancer et elle avait même envie de se promener. « J’aimerais sortir un peu aujourd’hui.
— Comment ça ? Sortir ? Dans votre état ? Vous n’y pensez pas, madame !
— Si, je tiens à me dégourdir les jambes.
— Mais il fait froid dehors ! Monseigneur votre père me ferait fouetter si je vous laissais sortir, souffrante, en plein hiver.
— Et bien dans un premier temps, je me promènerai juste de par le château dans ce cas. »

Éléonore s’amusa d’assister à la lutte intérieure de Jodie. La servante finit par accepter, de mauvaise grâce, et commença à sortir de quoi l’habiller d’une armoire imposante. Puis, elle s’offusqua de nouveau : « Madame ! Pourquoi êtes-vous si impatiente ? J’allais venir vous aider à ôter cette chemise de nuit.
— Je peux me déshabiller et m’habiller seule.
— Je… Oui, vous déshabiller d’une chemise de nuit, certainement madame. Je m’excuse de mon outrecuidance. Mais vous aurez besoin d’aide pour revêtir votre toilette et vous apprêter. »

Après un bref regard à la robe que Jodie lui proposait, Éléonore dut bien se rendre à l’évidence : elle ne parviendrait jamais à s’habiller seule avec un truc pareil. Se faire vêtir par quelqu’un était une expérience nouvelle pour elle, qui la mit un peu mal à l’aise tant elle se sentait pataude, mais elle ne put s’empêcher d’admirer la sensation d’authenticité émanant de la robe. Elle l’estimait mieux réussie que la façon de parler de Jodie, qu’elle ne trouvait pas assez désuète.

Éléonore eut l’impression que l’apprêter avait pris un temps considérable et elle regrettait presque d’avoir demandé à sortir de cette chambre. Tout cela s’envola dès que Jodie la laissa admirer le résultat final dans le miroir et qu’elle put enfin passer la porte de la chambre. Elle ouvrait sur un grand salon meublé d’un secrétaire, de petites tables et de fauteuils. Une grande cheminée parait le mur mitoyen à la chambre et un feu ronflait et crépitait dans l’âtre, prodiguant une lumière chaleureuse, en plus des rayons du soleil dispensés par les deux grandes fenêtres.

« C’est très joli ici, commenta Éléonore.
— C’est normal, madame. Après tout, c’est madame qui a décidé de la décoration de ses appartements.
— Vraiment ? Quand donc ai-je décidé de tout ça ?
— Lors de vos seize ans, il s’agissait d’un cadeau de votre mère, madame. J’espère que vous allez bientôt recouvrer vos souvenirs, je suis toujours inquiète de vous entendre poser ces questions, si vous me permettez. »

Éléonore trouvait que Jodie se permettait beaucoup, mais elle préférait la laisser parler. Elle se laissa donc guider hors de ses appartements sans donner son avis sur la question. Alors qu’elle parcourait les pièces du château, avec la domestique qui lui soutenait un bras d’autorité et avec fermeté, Éléonore admirait l’édifice. Les plafonds à caissons affichaient une grande diversité de scènes peintes, les boiseries étaient joliment travaillées, et il y avait encore des milliers d’autres détails à admirer.

Jodie la guida à travers plusieurs pièces, dont l’utilité ne sautait pas toujours aux yeux d’Éléonore. Elle avait surtout l’impression de naviguer de salle de réception en salle de réception. Son visage s’éclaira cependant lorsqu’elles pénétrèrent dans une bibliothèque. Elle appréciait beaucoup les livres et l’opportunité de profiter de ces ouvrages la mettait en joie. Un bureau trônait au milieu, encombré de livres et de quelques très vieux parchemins. « Je n’aime pas trop cette pièce, confessa Jodie. Elle me met mal à l’aise. »

Puisqu’Éléonore n’avait pas l’énergie de se lancer dans l’étude de ce qui se trouvait dans cette pièce, elles quittèrent rapidement l’endroit. Mais la convalescente se promit d’y revenir si l’occasion se présentait. « Ne voulez-vous pas retourner dans vos appartements, madame ?
— Retournons-y, oui. » Elle se sentait fatiguée et en avait un peu assez de voir toute la domesticité du château s’incliner sur son passage. Elles n’avaient pas croisé le seigneur des lieux, mais Éléonore soupçonnait la servante de lui faire éviter son maître exprès, tant elle craignait des remontrances.

Une fois de retour dans ses appartements, elle refusa de retourner se coucher malgré les supplications de Jodie dans ce sens et s’installa sur un fauteuil du salon. « Que voulez-vous faire, madame, si vous ne vous reposez pas ? De la broderie ? De la poésie ? De la musique ? De la peinture peut-être ?
— Ouhlà, mais je ne sais pas faire toutes ces choses.
— Oh madame, ça me fait mal au cœur de vous entendre dire de telles choses. Bien sûr que vous excellez dans tous ces domaines ! Je suis certaine qu’en vous y essayant cela reviendrait tout seul.
— Je me sens trop fatiguée pour tenter quoi que ce soit. » déclina Éléonore qui commençait à se demander si ce qui l’avait le plus exténuée était la promenade dans le château ou Jodie elle-même.

Cette dernière ne paraissait pas trop savoir que faire. Désœuvrée, elle rajouta quelques bûches dans la cheminée, fit disparaître un mouton de poussière dans le feu, puis effectua quelques autres menues tâches. « Pourrai-je me retrouver seule à un moment, ou vas-tu me suivre en permanence ? s’enquit Éléonore.
— Oh, une fois que vous serez rétablie, vous pourrez être seule autant de bon vous semblera, madame. Pour le moment monseigneur refuse que je quitte vos côtés. »

La convalescente hocha la tête, puis quelqu’un frappa à la porte.

 

2189 mots pour aujourd’hui, ça avance !

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 1

Sa tête la lançait terriblement. Elle essaya de se rappeler pourquoi elle avait si mal, mais ses souvenirs peinaient à remonter jusqu’à sa conscience. Elle savait qu’elle s’appelait Éléonore, qu’elle avait un compagnon et se remémorait tout le reste aussi, jusqu’à ce trou noir duquel elle venait d’émerger. La seule chose qui lui revenait à l’esprit était qu’elle avait déjà essayé de se réveiller à plusieurs reprises, mais que c’était la première fois qu’elle se sentait sur le point d’y parvenir.

Elle banda sa volonté pour soulever les paupières. Sans succès. Et son crâne la relança de plus belle. Son réflexe de grimacer parut n’avoir aucune répercussion sur son visage non plus. Du moins, il se pouvait qu’il y ait eu une réponse de ses lèvres, mais elle ne l’avait pas perçue. Une vague d’inquiétude la submergea. Était-elle en train de mourir ?

Elle avait l’impression d’être sur un lit ; elle se trouvait certainement dans un hôpital, où on devait s’occuper d’elle. Elle espéra que [Bidulon], son compagnon, se tenait auprès d’elle ; sa présence la rassurerait. Si elle retrouvait sa conscience au point de pouvoir réfléchir, c’était que son état s’améliorait certainement. Cette pensée l’apaisa, mais ne diminua en rien ses maux de tête. Maintenant qu’elle n’était plus inquiète, son impuissance commença à l’irriter. Le fait de ne pas réussir à se souvenir de ce qui lui était arrivé avant de perdre conscience aussi.

« Je crois qu’elle a bougé, entendit-elle.
— Ah bon ? lança une deuxième voix féminine d’un ton peu convaincu.
— Hmm, en tous cas, j’en ai eu l’impression.
— C’est à force de la fixer, ça donne des illusions.
— Haha oui, ça doit être l’espoir qu’il se passe enfin quelque chose… soupira la première voix.
— Ils ont dit qu’elle allait bientôt se réveiller, j’espère que ça sera vraiment bientôt et pas bientôt dans deux jours.
— Moi aussi. »

Les deux voix se turent. Éléonore voulut parler, mais cela lui sembla un effort encore plus difficile que celui d’ouvrir les paupières. Elle ne parvint même pas à produire le moindre son. Frustrée, elle espéra que les deux femmes resteraient encore un peu auprès d’elle, le temps qu’elle réussisse à bouger ou à parler. Peut-être que leur conversation l’éclairerait aussi sur sa situation actuelle. Ses pensées devenaient plus agiles, mais ses souvenirs restaient très lourds.

À sa grande déception, les deux interlocutrices restèrent silencieuses, ou étaient parties, elle n’avait nul moyen de le savoir. « Elle a repris des couleurs, non ? commenta finalement la deuxième voix.
— C’est difficile à dire… Mais j’espère que c’est le cas, je commence à m’ennuyer, ici.
— J’irais bien me dégourdir les jambes.
— Moi aussi, mais à tous les coups, elle se réveillerait juste quand elle serait toute seule, déplora la première voix. Et tu sais bien ce qui arriverait si quelqu’un apprenait que nous avons abandonné notre poste…
— Oui, j’ai trop besoin d’argent pour faire une bêtise. »
La convalescente sentit des doigts toucher son bras pour le secouer doucement. « Ce n’est pas comme ça que tu la réveilleras, à mon avis.
— Je sais, mais bon. » Un des doigts s’enfonça à travers son vêtement au niveau du biceps, presque assez pour provoquer de la douleur. Éléonore commençait à avoir une meilleure perception de son corps et ses orteils tressaillirent.

Et ses paupières se soulevèrent.

Sa vue s’accommoda rapidement et elle aperçut de grands montants en bois clair soutenant les tentures bleues d’un lit à baldaquin. Elle était elle-même recouverte d’un édredon généreux et richement brodé, qu’elle serra de ses mains par réflexe, et elle constata que sa tête reposait sur des oreillers tous aussi ventrus. D’essayer de tourner son regard provoqua une nouvelle douleur lancinante sous son crâne et elle poussa un gémissement. Il était faible et éraillé, mais les deux femmes dans sa chambre sursautèrent et la contemplèrent avec surprise.

« Elle est réveillée ! s’exclama celle qui se tenait juste à côté du lit. Elle est réveillée, prévient tout le monde ! » Du coin de l’œil, Éléonore aperçut une des deux femmes quitter la pièce en courant, tandis que l’autre lui attrapait la main. « Madame, comment allez-vous ? Pouvez-vous parler ? Oh non non, n’essayez pas de vous lever, vous êtes encore trop faible. Rassurez-vous, les médecins vont arriver, vous allez être guérie en moins de deux. »

La convalescente voulut demander de quoi elle souffrait, mais l’effort à fournir était trop important ; seul un autre gémissement rauque s’échappa de ses lèvres sèches. « Vous souffrez ? s’enquit la femme qui lui tenait la main. Peut-être que vous avez soif… » Elle la lâcha pour lui servir un verre d’eau grâce à une cruche disposée sur une table de chevet attenante. « Je vais vous aider. » lui dit-elle ensuite en soulevant délicatement la tête d’Éléonore pour lui permettre de boire.

C’était plus difficile que ce à quoi la malade s’attendait ; elle manqua même de s’étouffer. De surcroît, elle se sentait d’une telle faiblesse que l’effort lui donna envie de s’endormir de nouveau pour récupérer des forces, sauf qu’elle ne voulait pas s’endormir. Elle ne comprenait pas où elle se trouvait, ni ce qu’il se passait et elle voulait des réponses. À chaque fois qu’elle essayait de parler, la femme qui s’occupait d’elle l’en empêchait, en se souciant qu’Éléonore se fatigue trop et qu’elle avait besoin de rester calme.

La convalescente voulait bien rester calme, mais elle estimait qu’elle se sentirait plus apaisée si on lui expliquait de quoi elle souffrait, où elle était soignée — car elle ne reconnaissait pas l’endroit — et où était son compagnon. Cela ne ressemblait pas de ne pas se trouver à ses côtés alors qu’elle était mal en point. Elle espérait qu’il ne lui était rien arrivé. Le trou noir dans ses souvenirs n’arrangeait pas ses inquiétudes à ce sujet. Sa tête la lançait toujours, mais un peu moins. Cela la rendit optimiste sur l’amélioration progressive de son état. Après tout, elle avait même réussi à ouvrir les yeux et commençait à bouger quelques articulations, même si cela lui demandait énormément d’effort.

La porte de la chambre s’ouvrit et, précédées de la femme qui était partie les chercher, plusieurs personnes y pénétrèrent. Éléonore n’en reconnut aucune. Comme elle venait de se réveiller dans un endroit qu’elle ne connaissait pas, ce n’était pas si étonnant, mais cela n’aidait pas à la rassurer quant à sa situation. « Bonjour, madame, je suis heureux de voir que vous avez enfin repris conscience, la salua un homme. Vous nous avez causé une sacrée frayeur, laissez-moi vous examiner, en compagnie de mon assistant et de mes confrères. »

Ce faisant, et sans attendre de réponse, il s’approcha pour l’inspecter, aussitôt imité par les autres qui s’agglutinèrent tous autour du lit avec leurs regards inquisiteurs. Une fois qu’elle eût été examinée sous toutes les coutures, l’homme reprit : « Vous êtes encore très fragile et fatiguée : il va vous falloir du temps avant de pouvoir quitter le lit et plus encore avant de reprendre des activités normales. » Les confrères hochèrent la tête en signe d’acquiescement.

« Sans même parler de monter de nouveau sur un cheval, bien sûr. Vous avez eu une commotion, ce qui signifie que vous avez peut-être perdu quelques souvenirs, qui devraient revenir dans les semaines à venir. D’ailleurs, vous ne vous en rappelez certainement pas, mais vous avez fait une mauvaise chute de votre monture. Nous avons eu très peur de vous perdre sur le moment : vous aviez perdu beaucoup de sang et la blessure ne nous disait rien qui vaille. Nous étions d’autant plus soucieux que votre père nous a assuré que si vous perdiez la vie, nous perdrions nos têtes. Bien évidemment, nous savons que c’était l’inquiétude qui motivait ses propos et ne lui en avons pas tenu rigueur… » Il y eut un nouvel acquiescement collégial.

« Quoiqu’il en soit, vous paraissez très bien récupérer. La cicatrisation est en cours, la blessure a bien été nettoyée par nos bons soins et votre vue ne semble pas avoir souffert du choc. Cependant, vous paraissez encore un peu désorientée, mais ne vous faites pas de souci à ce propos : c’est tout à fait normal. Vous vous sentirez de mieux en mieux au fur et à mesure que vous prendrez du repos pour aider à la guérison. L’un d’entre nous viendra régulièrement vous voir, afin de s’assurer de votre état, d’une part, et de refaire votre pansement, d’autre part. »

Éléonore réalisa seulement à ce moment-là que quelque chose lui enserrait la tête. « Non non, ne vous forcez pas encore à parler, reprit l’homme en la voyant ouvrir la bouche. Ce ne serait pas raisonnable dans votre état. D’ailleurs, nous n’allons pas trop nous attarder ici : voir du monde est beaucoup trop fatigant pour vous dans votre état actuel. Si… »

Il fut interrompu par la porte de la chambre qui s’ouvrit en grand. Tout le monde s’inclina en voyant entrer un homme à la chevelure grisonnante et richement vêtu. « Monseigneur, le saluèrent les présents.
— Enfin ma fille a ouvert les yeux ! se réjouit le nouveau venu en les ignorant et s’approchant du lit tandis que tout le monde lui cédait la place. Je suis si heureux de vous voir vous remettre de ce terrible accident. Je me suis fait un sang d’encre et j’ai fait abattre la bête responsable de votre malheur, ma chère enfant. Vous avez été soignée par les meilleurs médecins de la région et ils vont continuer à s’occuper de vous, jusqu’à ce que vous soyez entièrement remise. J’ai hâte de vous voir de nouveau sur pied à parcourir le château et vous promener sur notre domaine, ma fille.
— Monseigneur, nous devrions la laisser se reposer, intervint un des médecins. Autant d’agitation ralentit sa guérison.
— Oh oui oui, bien sûr, acquiesça le seigneur avec empressement. Quittez tous la pièce pour la laisser dormir. À part vous ; vous veillerez sur son sommeil et ferez appel si son état montre le moindre signe d’aggravation. »

La femme à qui il venait d’ordonner de surveiller Éléonore s’inclina : « Oui, monseigneur. » Et tous s’en furent aussitôt. « Vous devriez fermer les yeux et dormir pour vous remettre plus vite. » lui suggéra-t-elle une fois qu’il ne resta plus qu’elles deux. La convalescente désigna la cruche d’eau pour demander à boire encore un peu et, une fois l’eau ingérée, elle se rallongea au milieu des oreillers moelleux et ferma les paupières pour masquer son trouble et réfléchir en paix pendant que la servante veillait sur elle.

Un peu désorientée, ouais, le médecin ne croyait pas si bien dire. Qu’est ce que c’était que ce bordel ? Qui était cet homme qui se prétendait son père et qu’elle n’avait jamais vu ? Et pourquoi se prenait-il pour un seigneur de l’ancien temps ? Comme les autres, qui étaient tous vêtus comme s’ils sortaient d’un livre d’histoire… D’ailleurs, que faisait-elle dans un château type Renaissance pour sa convalescence ? Depuis quand faisait-elle de l’équitation ? Se trouvait-elle dans un hôtel de luxe à faire un jeu de rôles grandeur nature ? Vu son état — car elle était véritablement blessée — cela paraitrait étonnant. Son épuisement commençait à prendre le dessus, mais avant de s’endormir, elle se dit que tout cela devait juste être un drôle de rêve et se promit de le raconter à [Bidulon], son compagnon, au réveil.

***

Lorsqu’Éléonore se réveilla une nouvelle fois, elle avait déjà oublié sa mésaventure de la veille. Tout lui revint brusquement lorsqu’elle ouvrit les yeux sur les tentures bleues de l’immense lit à baldaquin qu’elle occupait, au lieu de sa chambre dans leur appartement avec [Bidulon]. En même temps que son mal de crâne se réveillait, une vague d’inquiétude la parcourut : ce n’était donc pas un rêve. Elle tourna précautionneusement le regard sur le côté, pour voir si la servante dévolue à sa surveillance se tenait toujours près du lit.

C’était le cas.

Comme la servante était plutôt accaparée par ce qu’il se passait à la fenêtre, Éléonore referma vite les yeux pour réfléchir en paix à cette situation surréaliste. Prenant une grande inspiration intérieure, elle essaya d’analyser ladite situation. Déjà, point positif, elle se sentait beaucoup mieux que la veille. Du moins, elle espérait que c’était la veille et qu’elle n’avait pas dormi plusieurs jours d’affilée.

 

Nombre de mots : 2015. C’est un peu triste pour un jour férié, mais c’est vraiment dur de se mettre en route. Et aussi, je ne sais toujours pas si je l’appelle Éléonore ou Isabelle.

Le NaNoWriMo 2019 en approche et autres

Glorieuses salutations !

Dans moins d’une semaine débute le NaNoWriMo (vous savez, le challenge où il faut écrire un roman de 50 000 mots en un mois pendant novembre, ce même challenge avec lequel je vous saoule régulièrement ces six dernières années) et je pense savoir ce que je vais écrire, même si je suis pas très sûre d’être prête à me lancer dans ce projet, qui en est un tout nouveau. À la base, j’hésitais à me lancer dans un premier jet du tome 3 d’Arkhaiologia, mais je pense pas que c’était une bonne idée. C’est compliqué de produire des tomes suivants en mode NaNo, ai-je réalisé l’année dernière. Je vais certainement garder ça pour le prochain NaNoCamp. Dans tous les cas, ça sera une bonne façon de voir si ça marche ou pas ! Y a des chances que j’arrête un peu les NaNo à un moment aussi, parce que je commence à avoir beaucoup de projets à retravailler et que plus je NaNote, plus j’en accumule. Ou alors je ferai l’ultra-rebelle du NaNo en faisant de la réécriture/relecture mouahahaha ! Laissons-ça à la Ekwo de 2020. Elle verra bien ce qu’elle en pense !

En attendant le début du NaNoWriMo, j’essaie de reprendre mon petit projet tarte que j’avais commencé pendant le mois de juillet, avant que mon cerveau décide de prendre des vacances et de tout couper. C’est pas mal de reprendre ça petit à petit après la période de septembre qui a été très très compliquée à vivre, ça me permet de remettre le pied à l’étrier tout en ne me prenant pas trop la tête. Juste un peu quand même, parce que c’est très dur d’être drôle, j’ai pas la capacité à produire autant de blagues que mon entourage ! Il s’agit d’une parodie de Bilbo le Hobbit (oui, encore une, je sais) qui se passera pendant notre antiquité. On peut donc dire, de manière pompeuse, qu’il s’agira d’une uchronie fantastique. Ou un truc du genre. Chuis nulle pour mettre des trucs dans des cases. C’est peut-être parce qu’il m’en manque trop.

Dans tous les cas, si jamais certains d’entre vous veulent se lancer dans le challenge du NaNoWriMo pour tester l’aventure, n’hésitez pas. Certes, ça convient pas à tout le monde. Honnêtement, j’étais pas sûre que ça me conviendrait à moi : j’ai beaucoup de mal avec les contraintes. Mais pour ça, étrangement ça passe. Bien sûr, ça marche pas au top tous les ans et je suis très tributaire de mon état mental, mais c’est sympa à essayer. Comme tous les ans, il y a de grandes chances que je poste mon avancée au jour le jour sur ce blog. Comme tous les ans, il faudra être indulgent car ce sera à l’état de brouillon. Parce que oui, quand on fonctionne en pantser comme moi, il y a pas mal de retravail à faire après, les romans changent vachement !

Pantser, qui le terme états-unien (apparemment en France on dit plutôt jardinier ou paysagiste) ça veut dire que, contrairement aux planners (=> architectes en français), je ne fais pas de plans avant. Je ne sais pas toujours où ça va d’ailleurs et, immanquablement, il y a beaucoup de flou. Heureusement, tout ça s’éclaircit au fur et à mesure de l’écriture. Il y a d’ailleurs tout un éventail de fonctionnements d’écrivains entre les pantsers et les planners. Dans la communauté du NaNo d’Auvergne-Rhône-Alpes, les uns sont toujours épatés par le fonctionnement des autres, malgré les visions différentes d’aborder le boulot d’écriture. Et tout le monde est d’accord : il n’y a pas de manière qui soit meilleure que les autres. On a tous un fonctionnement différent. Au passage, les uns comme les autres trouvent des éditeurs, pour ceux qui y arrivent.

Voilà, je vais arrêter de vous embêter avec ça !
Rendez-vous sur le blog le premier novembre pour le début de mon prochain brouillon et… Rendez-vous aussi sur twitter quand je commencerai à poster les aventures de mon Bilbo ! Mais je vous tiendrai au courant ici aussi, ne vous en faites pas.

À bientôt !