– Oui, Jynpo-sama ?
– Je ne comprends pas pourquoi Sunan veut m’envoyer sa fille. Qu’il m’envoie des diplomates, c’est une chose, mais sa fille… Je ne comprends pas, est-elle diplomate ?
– Votre humilité vous honore, mon Seigneur, répondit le Conseiller Militaire en souriant. Mais vous n’êtes pas sans savoir que votre position en intéresse plus d’un. De nombreux pères, y compris Doji Sunan-sama le Chef du Clan de la Grue, souhaiteraient voir leurs filles mariées à un parti aussi avantageux que le votre. En effet, vous êtes l’héritier impérial et Bushi Défenseur de l’Honneur de Yamato, sans compter votre statut de Chef du Clan le plus honorable de tout l’Empire.
– Ah… Elle n’est pas diplomate alors… Mais, je ne la connais pas ; elle va faire ce long voyage fatiguant pour venir me voir, alors que si ça se trouve, je ne lui plairai pas, ou elle n’aimera peut-être pas le château Togashi. Et puis moi c’est sûr que je n’ai pas envie d’aller vivre chez les Grues. Et surtout, je n’ai pas envie de me marier, moi !
– C’est juste une première approche, histoire que vous fassiez connaissance, Jynpo-sama, expliqua Chiba. D’autres prétendantes se présenteront sûrement à vous dans les semaines à venir, vous pourrez faire votre choix.
– Déjà Ethir, puis Natsumi et même Hideaki veulent que je me marie. Alors qu’en Sylvanie, personne ne voulait que je me marie… » lâcha-t-il avec un soupçon de déception dans la voix.
Ne sachant trop que répondre, le Conseiller Militaire profita de la mention de Yasuki Natsumi pour orienter la conversation à ce sujet : « A propos de votre estimée cousine, elle me paraît un peu insaisissable ces derniers temps, particulièrement dans l’enceinte du palais. Il serait peut-être judicieux de garder à l’esprit qu’en tant qu’invitée et membre de votre famille, il en va de l’honneur du Clan de la protéger et de veiller à ce qu’elle reste en bonne compagnie, afin qu’elle ne soit pas mal influencée.
– Elle est en danger ? Quelqu’un lui veut du mal ? Qu’est ce qu’il s’est passé ? s’inquiéta Jynpo la main déjà posée sur son katana.
– Non, non, mais… »
Fonçant dans les couloirs sans écouter Chiba, le jeune Seigneur se mit à la recherche de sa cousine bien aimée. Après quelques minutes de fouille assidue, il la retrouva dans la bibliothèque du château en compagnie de Simayi, disciple du Conseiller en Magie Tamori Liang. Le feu de la vengeance dans les yeux, ses deux lames à moitié sorties de leurs fourreaux, Jynpo rugit, tel le dragon : « Natsumi ! Tu vas bien ? Qui te veut du mal ? » Il jeta un regard assassin au jeune Shugenja. « C’est lui la mauvaise compagnie qui cherche à mal t’influencer ?
– Euh, non. » répondit la jeune fille d’un air perplexe, tandis que son premier interlocuteur se décomposait devant la fureur du puissant Seigneur de ces lieux.
« Oh. » lâcha Jynpo avant d’inspecter les alentours d’un regard suspicieux au cas où quelqu’un d’autre voudrait du mal à sa cousine. « Je vais te détacher des hommes de ma garde personnelle pour qu’ils te protègent. » Et, sans attendre de réponse, il s’en fut au pas de course, ses armes toujours en main. Il se rendit rapidement dans l’un des baraquements de sa garde. Il lança aux hommes présents à l’intérieur du bâtiment « Allez vite voir ma cousine Natsumi et protégez la ! » avant de s’en aller prestement sans plus d’explications. Aussitôt dit, aussitôt fait, les gardes saisirent leurs armes et se précipitèrent en direction du château pour obéir aux ordres.
Pendant ce temps, le jeune Bushi Défenseur de l’Honneur de Yamato était arrivé jusqu’à son havre de paix : son bureau. Là, il prit le temps de se remettre de ses émotions, avant de se remettre à son courrier. Le soir venu, peu de temps avant qu’il ne doive rejoindre ses invités du Clan mineur de la Tortue, quelqu’un s’annonça à la porte. Il sauta alors de son coussin et ouvrit brusquement l’ouverture coulissante. Devant lui se trouva alors Natsumi, les bras croisés, tapant du pied et fusillant son cousin du regard. Décroisant les bras, elle désigna du pouce la vingtaine de grands gaillards en armure qui l’avaient suivie tout l’après-midi. « Ca, ça ne va pas être possible, lâcha-t-elle d’un ton acide.
– De quoi ? s’enquit naïvement Jynpo.
– Tu crois vraiment que c’était nécessaire de me faire suivre par un peloton de ta garde personnelle, pour me protéger d’un danger aussi imaginaire que soudain ?
– C’est pour ton bien, tenta d’argumenter le cousin qui essayait de ne pas se laisser déstabiliser.
– Et ça te prend d’un coup, alors que j’étais en train de discuter avec un soupirant prometteur ?
– Comment ça un soupirant ? s’exclama le Chef du Clan du Dragon. Ton père est au courant ? Et puis c’est qui d’abord ?
– Cela ne te regarde pas. Et tu crois qu’il est beaucoup plus convenable de faire suivre une jeune demoiselle à longueur de journée par une vingtaine de jeunes et beaux guerriers ?
– Euh, je n’avais pas pensé à ça, balbutia Jynpo en jetant un rapide coup d’œil suspicieux à ses gardes. Arrêtez de la suivre, vous. »