J’ai un moment caressé l’idée de rester sur place pour être plus facile à retrouver lorsqu’ils se rendraient compte de mon absence prolongée. Mais, après être resté assis sur une souche pendant quelques minutes, j’ai compris que je ne pourrai pas rester ainsi inactif. Je me suis levé et, après m’être dégourdi les jambes, je me suis aventuré à l’exploration. De toutes façons, cette forêt devait bien avoir une fin. Plus personne ne se perdait dans les bois de nos jours, n’est ce pas ? Cette assertion se trouva bientôt confirmée par le fait que je finis bientôt par rencontrer un chemin. Rassuré, je l’ai joyeusement emprunté afin de rejoindre au plus vite un brin de civilisation. A intervalles réguliers, je vérifiais si mon téléphone captait enfin un réseau. Malheureusement, dans cet environnement vallonné recouvert d’arbres, il ne captait toujours aucune antenne ni satellite.
Tout en marchant, je commençais à me demander combien de temps il allait encore me falloir pour arriver quelque part. Le chemin forestier, bien que baigné d’une jolie lumière verte et dorée qui passait à travers les feuilles, finissait par me lasser. Un cadre peut s’avérer à la fois joli et répétitif. Un petit étang vint rompre cette monotonie et, fatigué, je décidais de me reposer un instant à son bord. Alors, il me sembla que l’air s’épaississait, tandis que l’odeur de l’humus se faisait plus prenante. Que se passait-il ? Peut-être étais-je déshydraté. Je me suis donc fébrilement emparé de ma gourde pour en boire quelques gorgées. Ceci fait, je me suis rendu compte que de légères volutes de brume s’élevaient du sol.
Je ne me sentais pas mieux ; j’avais l’impression d’avoir la tête cotonneuse. Puis le martèlement commença. J’ai d’abord cru à une migraine tapageuse mais, le son devenant plus distinct, je reconnus le bruit de sabots au galop sur le chemin de terre. Je me suis levé et retourné, soulagé de pouvoir finalement demander de l’aide. Sauf que les cavaliers qui s’offrirent à ma vue paraissaient provenir d’un autre temps. Il s’agissait de tout un équipage de damoiselles et de damoiseaux tous de blanc vêtus, menés par une femme magnifique à l’air sévère. Bouche-bée, j’admirais cette apparition surnaturelle. La tête de la meneuse était ceinte d’une couronne de feuilles de chêne et un poulain immaculé suivait sa monture richement apprêtée. Ils m’ignorèrent totalement, passant à côté de moi comme si je n’étais pas là. Au moment où les chevaux pénétrèrent dans l’eau à grand renfort de gerbe étincelantes, je sombrai dans l’inconscience.
« On l’appelle la Mare-aux-Fées ou la Mare-au-Diable. » Disait quelqu’un tandis que mon cerveau tentait désespérément de reprendre le contrôle. « Et le Diable sait comment ce touriste a pu arriver jusque là. » En ouvrant péniblement mes paupières, j’ai pu constater que je me trouvais dans un véhicule de pompiers, solidement arrimé à une civière. Le guide qui avait emmené mon groupe dans la forêt se trouvait également là. C’était lui qui parlait. « J’ai suivi le chemin, suis-je parvenu à dire avec un tout petit filet de voix.
– Le chemin ? s’étonna l’homme. Mais aucun chemin ne mène à la Mare-aux-Fées ! »
Car, oui, quelqu’un est arrivé ici en tapant dans son moteur de recherche : « Alors il me sembla que l’air s’épassissait ». J’espère que maintenant il ne sera plus déçu !