« Ce n’est pas suffisant, lui avait il répondu avec un reniflement de celui qui en sait plus que tout le monde. Il faut que je devienne le plus fort de la galaxie.
– Oh, fort bien, avait déclaré sa maman d’un air impressionné. Mais, surtout, n’oublie pas d’entrainer un peu ta cervelle.
– Pfeuh ! Ca ne sert à rien, la cervelle, avait ronchonné Kit.
– Bien sûr que si, lui avait elle assuré. Retiens bien que, sans cervelle, les muscles ne servent à rien. »
Il n’avait pas eu envie de contredire sa mère, parce qu’il aimait beaucoup lui faire plaisir. Mais il avait gardé par devers lui l’idée que, par exemple, on ne pouvait décemment pas gagner un combat avec un cerveau. Déjà, le cerveau était à l’intérieur de la tête. Il ne pouvait frapper personne. Et, en plus, il ne faisait que penser alors qu’il se faisait promener de partout par ses pieds. Peut être qu’en donnant des coups de tête, il pourrait mettre sa cervelle à contribution. Il avait alors essayé, mais ses velléités d’utiliser son crâne comme marteau s’étant avérées fort douloureuses, il décida rapidement d’abandonner cette idée. En réalité, il comprenait bien que sa mère lui conseillait de faire preuve de réflexion parfois, mais il avait l’impression de ne jamais réfléchir comme il fallait. Ce qui le décourageait rapidement.
D’ailleurs, il s’occupait un peu trop de ses pensées et pas assez de son entraînement maison qu’il s’était concocté lui même. Avec l’aide du Docteur Sam en fait. Il avait parlé de son projet au Docteur Sam lorsque ce dernier était venu le voir parce que le garçon avait de la fièvre. Ce jour là, le médecin passait justement par Bourgétoile, et la mère de Kit, un peu inquiète, avait fait appel à lui. L’enfant avait très rapidement balayé les questions de routine de Sam pour lui demander comment il pouvait s’entraîner pour devenir l’être vivant le plus fort de toute la galaxie. Le médecin avait commencé par lui adresser un regard scrutateur par dessus ses petites lunettes à verres rectangles. Voyant que le petit était on ne peut plus sérieux, il avait réprimé un sourire. « Il faut de l’exercice régulier, avait il alors professé.
– Régulier, comme tous les jours ? S’était enquis le garçon. Parce que je suis prêt à m’entrainer tous les jours, moi ! Et pendant plusieurs heures ! »
Cette fois ci, le médecin ne s’empêcha pas de rire. Depuis la dizaine d’années qu’il opérait dans le coin, partageant sa semaine entre cinq grosses bourgades, il avait pu voir beaucoup d’enfants. Et il avait pu constater que tous les enfants étaient toujours prêt à faire beaucoup d’efforts tous les jours et toute la journée, dans leur enthousiasme sans bornes. Enthousiasme rapidement douché par la difficulté, l’effort, ou juste par la persévérance nécessaire. Néanmoins, comme le Docteur Sam était toujours prêt à inculquer un peu d’hygiène de vie à ses patients – car, sur cinq bourgades, il en avait beaucoup, et il préférait venir les soigner lorsqu’ils ne tombaient pas malades de leur fait – il commença à expliquer à Kit quel genre d’entraînement il pouvait mettre en place pour devenir un homme fort.
« Pas seulement un homme fort, avait précisé le garçon. L’homme le plus fort.
– Pour devenir l’homme le plus fort, il faut que tu deviennes grand, avait alors continué le médecin sur un ton doctoral. Et aussi, que ton corps se développe correctement, parce que tu es en pleine croissance. C’est pour ça qu’il ne faut pas faire trop d’exercice d’un coup, mais qu’il faut en faire régulièrement.
– Maman dit que c’est pour ça que je suis tombé malade. A cause de la croissance.
– C’est possible, cela demande beaucoup d’énergie de grandir. Du coup, comme ton corps est fatigué, il est plus susceptible de succomber aux microbes et aux virus.
– Je les battrai aussi quand je serai fort. » Avait décrété Kit après un instant de réflexion, arrachant un sourire au médecin. Depuis qu’il avait établi un plan d’exercices à faire grâce au Docteur Sam, le garçon s’y tenait. A la grande surprise de sa mère et du médecin, il se tenait à ce qu’il appelait son entraînement depuis plusieurs mois avec une régularité effarante de la part d’un enfant de huit ans. Une fois qu’il eut terminé ses exercices, il retourna dans le petit hôtel dont sa mère était la tenancière.
L’établissement tenait plus de l’auberge que du grand hôtel de luxe, mais comme il servait également de restaurant et de débit de boisson à la bourgade alentours, il disposait d’une grande salle qui elle était toujours peuplée quelle que soit l’heure du jour et de la nuit. Bien entendu, la nuit seuls les clients de l’hôtel bénéficiaient de la salle, car Mme Granger était tenue de fermer son établissement après minuit. Elle disposait également de nombreuses chambres pour une aussi petite ville que Bourgétoile. Mais c’était là que se trouvait le spatioport de la région. A l’échelle des spatioports, celui de Bourgétoile était plutôt petit. Etant donné l’activité de la région, il n’y avait pas beaucoup de transit. Un vaisseau cargo venait régulièrement emporter ou apporter des marchandises. Il passait toutes les semaines. Au delà de ces vaisseaux cargo, il y avait peu de touristes. Mais certains venaient parfois profiter de l’air typique d’une campagne très provinciale où la technologie ne se trouvait pas si présente que cela. Ou montrer à leurs enfants comment sont élevés les animaux dans une ferme, puisqu’autour de Bourgétoile se trouvaient principalement des fermes. Vu leur taille et les étendues de terrain qu’elles couvraient, les personnes sur place les appelaient plutôt des ranchs. Du au fait qu’il y avait peu de circulation, la sécurité se laissait un peu aller dans le petit spatioport et des contrebandiers y faisaient régulièrement escale. Tant qu’ils ne causaient pas de grabuge, tout le monde fermait les yeux sur leurs activités pas toujours très légales. La plupart de ces personnes arrivant au petit port interstellaire de Bourgétoile logeaient à l’hôtel de la mère de Kit.
Malgré son jeune âge, le garçon avait donc déjà rencontré beaucoup de personnes différentes et de différents horizons. « Mon chéri, lui dit sa mère en le voyant arriver après sa séance d’exercices, Monsieur Hammerson est ici. » Le visage de Kit s’illumina et il ne perdit pas une seconde pour se précipiter dans la salle commune. Il balaya rapidement la pièce du regard pour repérer la silhouette familière de l’homme avec qui il avait tissé des liens si particuliers. « Ed ! s’écria-t il en courant vers Hammerson.
– Hé ! Salut petit ! » L’homme adressa un grand sourire au jeune garçon, tandis que ce dernier se jetait sur lui. Il le souleva d’un bras comme si c’était un fétu de paille. Il faut dire que le dénommé Hammerson était gigantesque, en plus d’arborer une abondante chevelure blonde, une barbe de trois jours et de poser un regard vert pétillant sur le monde qui l’entourait. « Mais dis donc, on dirait que tu as encore grandi et forci depuis la dernière fois, ajouta-t il pendant que le petit lui serrait le cou à lui en couper le souffle.
– Oh, oui, confirma Kit. Je suis tombé malade à cause de la croissance et je m’entraîne pour devenir l’homme le plus fort de la galaxie.
– L’homme le plus fort ? S’esclaffa le géant. Mais pourquoi donc ?
– Pour devenir pilote, expliqua l’enfant.
– Et tu as besoin d’être le plus fort de la galaxie pour devenir pilote ? S’enquit Edward Hammerson avec un large sourire.
– Oui, appuya Kit en arborant un sourire tout aussi large.
– Mais pourquoi donc ?
– Parce que je veux être le meilleur pilote. »
Le géant attendit un instant pour voir si il y avait une suite d’explication. Mais l’enfant gardait son sourire, et aucun mot ne semblait plus devoir sortir de sa bouche à ce propos. Hammerson rit de nouveau. « Tant mieux, dans ce cas, tonna-t il. Parce que je vais avoir grand besoin de l’homme le plus fort de la galaxie.
– Ah bon ? » Les yeux de Kit s’emplirent d’étoiles. Ed allait avoir besoin de lui, quelle fièreté ! « Tu as une mission pour moi ?
– Un peu ! » Le géant lui adressa un clin d’oeil et le posa à terre. De son autre bras qui, venait de se rendre compte le garçon, lui avait été dissimulé tout du long, Hammerson lui tendit une petite créature qu’il n’avait jamais vue. Elle se tenait à quatre pattes, palmées, toutes fermement accrochées au bras de l’homme. Elle tendit son long cou pour croiser le regard brun de Kit avec de grands yeux liquides, noir de jais. Le garçon n’avait jamais vu d’hippocampe, mais c’était bel et bien à cela que ressemblait la créature : un hippocampe avec des pattes, au corps bleu ciel moiré de bleu roi et aux nageoires dorées. L’enfant contempla la petite créature, bouche bée.
« Elle te plait ? S’enquit Hammerson qui regardait la bestiole d’un air attendri.
– Oh oui, répondit Kit en hochant la tête pour appuyer son propos.
– Tant mieux. Parce que j’aurais besoin que tu me la gardes, pendant quelques temps.
– Que je te la garde ?
– Oui, telle est la mission que je te confie, déclara le géant sur un ton pompeux.
– Oh maman, je peux la garder ? » Supplia le garçon auprès de sa mère qui venait servir des pintes à Ed et ses acolytes qui discutaient bruyamment à côté. Madame Granger posa un regard curieux sur la créature qui, elle, s’était retournée en direction de Hammerson et lui adressait des petits bruits sur ce qui paraissait être un ton accusateur. « C’est une mission de Ed, argumenta-t il à tout hasard.
– Une mission d’importance sans aucun doute, susurra sa mère. Dangereuse ?
– Oh non m’dame, promit Hammerson. Je tiens juste à cette petite bête comme à la prunelle de mes yeux et je pense que notre grand Kit sera tout à fait capable d’en prendre soin pendant quelques temps.
– Mmmh, réfléchit elle tandis que son fils faisait preuve de toute sa science en terme d’yeux suppliants pour la convaincre. Et qu’est ce que ça mange ces petites bêtes là ?
– La même chose que nous, ronronna Ed. Il n’y a pas plus facile à s’occuper que cette charmante petite.
– C’est une elle ? vérifia Kit.
– Oui, c’est une elle, confirma Hammerson.
– Comment elle s’appelle ? s’enquit ensuite le garçon.
– Elle se nomme Rielle, révéla le géant en gratouillant tendrement la tête de l’hippocampe bleu arrimé à son bras.
– Oh, maman, s’il te plait, est ce que Rielle peut rester avec nous ? »
Face au regard suppliant de son fils, qui faisait écho au regard suppliant de Hammerson, Madame Granger capitula et accepta que son fils prenne en charge la prunelle des yeux du géant. Elle ne savait pas si elle faisait bien car, contrairement à son petit, elle se doutait que Edward Hammerson faisait au moins de la contrebande. Mais le regard dont il couvait l’étrange créature était empreint de tendresse et non de cupidité. Le même genre de tendresse dont il gratifiait Kit, ce qui faisait qu’elle avait plutôt tendance à lui faire confiance, malgré ses réserves.
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