NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 29

Il savait bien que Kit avait suggéré de rejoindre Eglantine juste pour la regarder piloter. Le garçon s’était senti bridé lorsque c’étaient les deux pilotes en gris qui étaient aux commandes. Il n’avait pas pu les abreuver de questions et, même, il n’avait pas eu le droit de parler du tout. Heureusement qu’il y avait eu l’intermède où Rielle avait superposé son esprit au sien. Bran déplorait que les deux hommes en gris aient assisté à cet échange. Maintenant que l’équipage d’Eglantine les avaient laissés sur le Complexe de Recherches, ils allaient certainement faire part à la mère de Rielle de cette histoire. Cela signifiait que Kit allait dorénavant être aussi recherché que sa soeur. Dans l’état actuel des choses, rien ne garantissait qu’il allait pouvoir faire partie de l’Ecole Planétaire de Pilotage dont il rêvait depuis tout petit.

En arrivant dans la cabine de pilotage, ils constatèrent que la capitaine se trouvait déjà à son poste, prête à décoller. Khouaf lui servait de copilote. Mais la porte n’était toujours pas ouverte, malgré les demandes répétées d’Eglantine. Le poste de contrôle avait du être déserté. Aucune réponse n’émanait d’eux. La femme au cache oeil se tourna vers eux, alors qu’une nouvelle secousse ébranlait la structure. « Nous avons un gros problème, leur confirma-t elle. J’ai l’impression que tout le complexe est en train de se désagréger, avec nous à l’intérieur. Il n’y a personne pour nous ouvrir les portes. L’un d’entre nous va devoir se porter volontaire pour aller dans le centre de contrôle et nous ouvrir. Malheureusement, celui là devra rester sur place. » Un silence de mort s’abattit sur la cabine. La capitaine appela les autres membres de son équipage qui étaient venus sur place. Renacleriblob eut du mal à entrer à cause de sa prise de volume. Kit contempla, fasciné, les multiples objets qui flottaient dans le corps en gelée translucide de l’être jaunâtre. Sur son esquisse de tête il arborait, de plus, un étrange bonnet orange à pompon sur le dessus, avec deux lanières de laine tressées qui pendaient des deux côté de sa figure inexistante. En le voyant, Khouaf s’avança sur lui et lui arracha le bonnet, le plaçant sur sa propre tête. Renacleriblob eut l’air de pencher la sienne, comme si il était déçu. Ou triste. Ou quelque chose d’autre de ce genre. C’était difficile à dire.

Lorsqu’Eglantine eut répété son information, Bran et Kit furent stupéfaits de constater que tout l’équipage se porta volontaire pour cette mission presque suicide. D’après les rumeurs, le Complexe de Recherche d’Ayla Kree Lai ne crachait pas sur les cobayes humains ou autres pensants. Du coup, ce qu’il risquait d’arriver à celui qui resterait derrière n’était pas pour faire rêver. « Nous allons devoir tirer au sort, annonça alors la capitaine. Pour savoir qui sera mangé. » Elle lâcha un rire bref et sans joie. « Nous allons le faire à l’ancienne : tirer à la courte paille. » Eglantine fouilla dans ses poches et en sortit un assortiment de vis et de clous, un anneau doré, un mouchoir en tissu, divers tickets froissés et autre cochonneries. « Tiens, je ne sais pas ce que ça faisait dans mes poches, mais admettons. Ca fera tout à fait l’affaire. » Elle leur présenta ses vis et clous, pointes cachées par ses doigts. « Choisissez bien. » Leur déclara-t elle gravement.

Une secousse fit trembler le sol sous le vaisseau de livraison. Elle était tellement puissante que tous, à l’intérieur, tombèrent par terre. Sur l’aire d’atterrissage, les lumières s’éteignirent, laissant place à la lumière rouge clignotante de secours. L’alarme continuait de hurler. Une grosse voix jaillissant des hauts parleurs couvrit le cri de l’alarme. « Mesdames et messieurs, veuillez nous excuser pour les perturbations que vous subissez actuellement. Elles ne sont pas indépendantes de notre volonté, bien au contraire, mais nous vous présentons nos excuses tout de même. » Informa poliment, mais avec une pointe de moquerie, une voix masculine. « Vous ne devez vous en prendre qu’à votre directrice, continua plaisamment l’homme. Oh, oui, ne vous inquiétez pas si vous ne pouvez pas communiquer entre vous. J’ai du faire brouiller vos communications et pirater votre système pour pouvoir vous parler. Je trouvais ça beaucoup plus agréable, ça m’évitera d’être interrompu. » L’équipage d’Eglantine et les garçons se relevèrent, un peu étourdis, tandis que le sol continuait d’être agité de soubresauts à des moments aléatoires. « Ayla ! Rugit brusquement la voix masculine du haut parleur. Je t’avais prévenue de ce qu’il te pendait au nez si tu recommençais. J’ai bien entamé ton laboratoire chéri, mais ce ne sont que des dégâts superficiels pour le moment. Si tu me rends ma fille, je cesserai et tu pourras tout faire reconstruire. Dans le cas contraire, je me charge de dépiauter personnellement tout ton complexe de recherches. Bien évidemment, si quelqu’un d’autre qu’Ayla Kree Lai se montre prêt à me rendre ma fille, cela fonctionne également. »

Kit haletait. « Ed, lança-t il. C’est Ed ! J’en suis sûr !
– Ed ? S’étonna Eglantine. Tu parles de Edward Hammerson ?
– Oui oui, confirma l’adolescent. Il faut qu’on le prévienne que Rielle est avec nous en sécurité, et il pourra peut être nous faire sortir !
– Ca me parait une excellente idée. » La capitaine se jeta sur son tableau de bord pour tenter d’entrer en communication avec le géant blond. Les secousses s’arrêtèrent. Hammerson devait attendre des réponses qui lui amèneraient des nouvelles de sa fille avant de recommencer à pilonner le laboratoire qui flottait dans l’espace. En ouvrant les canaux de communication, une voix féminine l’informa : « Bonjour, vous êtes bien dans le système de communication avec la flotte de monsieur Edward Hammerson. Vous ne pouvez communiquer qu’avec nous pour le moment. Toutes les autres lignes sont coupées par nos soins. Si vous souhaitez vous plaindre de la situation actuelle dans laquelle vous vous trouvez à cause de lui, tapez sur la touche un de votre pavé numérique. Si vous souhaitez lui indiquer où se trouve sa fille Rielle, tapez deux. Si vous… » La voix s’interrompit au moment où Eglantine s’échina sur la touche deux. « Nous faisons suivre votre appel, lui précisa la voix féminine. Merci de patienter un instant. » Ce qu’ils firent, pleins d’expectative.

« Allô ? Rugit le géant blond dans les hauts parleurs du vaisseau de livraison tandis que son visage s’affichait sur l’écran de communication.
– Edward Hammerson ! Se réjouit Eglantine. Je suis ravie de rencontrer une légende telle que toi !
– Papa !
– Ed ! » Rielle et Kit interrompirent la femme au cache oeil pour se placer bien en vue, devant l’écran de communication. Un immense sourire s’afficha sur le visage du géant blond. « Ed, regarde, nous avons retrouvé Rielle !
– Je vois ça, pouffa Hammerson. J’aurais du me douter que tu ne serais pas très loin, petit. » Le regard du géant blond se tourna de nouveau vers Eglantine. « Je te connais, toi. Tu es le poulain de ce vieux Jack Peddler ! La fille avec un prénom de fleur, là.
– Eglantine, précisa cette dernière d’une voix un peu plus froide depuis la mention de Jack Peddler.
– Oui, voilà, Eglantine, c’était bien ça qu’il m’avait dit. Bien ! Où est ce que vous vous trouvez ?
– Nous sommes sur l’aire de décollage du bloc C, indiqua la capitaine de l’Otter Space. Mais il n’y a personne pour nous ouvrir la porte.
– N’en dit pas plus, balaya Hammerson. J’envoie quelqu’un vous ouvrir la voie. Préparez vous au décollage et accrochez vous ! »

L’écran devint noir. Il avait coupé la communication. Eglantine et Khouaf se mirent à préparer rapidement le vaisseau au décollage dans la cabine de pilotage, tandis que le reste de l’équipage s’égaillait dans tout le vaisseau pour faire de même. « Ca y est, déclara Kit à l’attention de sa soeur. Nous partons. » Il lui adressa un sourire éblouissant. En réponse, elle frotta sa tête contre sa mâchoire et enroula sa queue à nageoire dorée autour du cou pour affermir sa prise. Elle comptait bien ne plus jamais le lâcher. Ces moments toute seule avaient été parmi les plus horribles de toute sa jeune vie. Pendant quelques minutes, qui leur parurent une éternité, rien ne bougea autre que la lumière rouge qui clignotait en tant qu’alarme sur l’aire de décollage. Soudain, un bruit fracassant retentit et la porte vola en éclats dans une intense explosion qui ébranla toute la structure. « Ton père est un subtil… » Pouffa Eglantine tandis qu’elle faisait décoller le vaisseau. Evitant les débris qui volaient en tous sens, elle les dirigea vers la sortie. Devant eux se trouvaient deux chasseurs, dont les pilotes leur adressèrent un petit salut de connivence. L’écran s’alluma de nouveau sur Edward Hammerson. « Haha ! S’esclaffa-t il. Je vois que vous vous en êtes sortis, Jack n’avait pas menti sur toi, tu es une pilote accomplie ! Venez, je vous invite sur mon Raton Lavoleur. Suivez les chasseurs, ils vous indiqueront la voie. »

Quelques minutes après avoir arrimé le vaisseau de livraison des hommes en gris, Eglantine, son équipage et les jeunes gens étaient installés dans la salle à manger du Raton Lavoleur, qui était un bâtiment d’un peu plus grosse envergure que l’Otter Space. Ce qui changeait radicalement du vaisseau de la femme au cache oeil, c’était la flottille qui l’accompagnait. La puissance de feu de Edward Hammerson était à la hauteur de sa réputation. Il appelait pompeusement ses suivants une armada et c’était la plupart du temps en troupe qu’ils chassaient le butin. « Bienvenue dans mon humble chez moi, les salua le géant blond. Je suis content de vous voir tous sains et saufs !
– Merci pour le coup de main, rétorqua joyeusement Eglantine.
– Oh, mais de rien, balaya Ed. Je suis content d’avoir pu aider ceux qui étaient venus tirer ma fille des griffes de sa mère. Même si sa mère a plutôt des nageoires que des griffes, haha !
– Comment tu as su pour Rielle ? S’enquit curieusement Kit.
– Et bien, en fait, c’est ce bon vieux Jack qui m’a contacté. Il m’a dit qu’il avait longuement hésité parce qu’il craignait que je lui en veuille pour les quelques mauvais coups qu’il m’avait fait il y a… longtemps. Et il avait raison ! En fait, ça n’aurait pas été des informations vitales concernant Rielle, je serai directement allé lui casser la figure à son ranch. Mais bon. Là, ça valait bien que je lui laisse son nez en état. »

Kit prit ensuite la parole pour expliquer à Hammerson – et à tout le monde au passage – comment il avait vécu les choses. Bran se permit de corriger certains faits par ci, par là. Comme Ed les avait invités à dîner et que celui ci était servi, ils l’écoutèrent tous, occupés qu’ils étaient à se remplir l’estomac. Rielle avait reprit sa forme humanoïde pour l’occasion et s’était installée entre Bran et son frère. Tandis qu’elle buvait les paroles du second, elle colla sa jambe à celle du premier. L’étreinte lui fut rendue et la main du jeune homme s’égara sur sa cuisse. « Tu vas nous ramener à Bourgétoile alors ? était en train de s’enquérir Kit à ce moment là.
– Mmmh, marmonna le géant blond. Sans vouloir me montrer pessimiste, garçon, je pense que ça risque d’être un peu compliqué.
– Pourquoi ? s’étonna l’adolescent.
– Et bien, je ne peux pas ramener Rielle à Bourgétoile, expliqua Edward. Maintenant, c’est le premier endroit où les uniformes gris iront la chercher. Ca va d’ailleurs causer pas mal d’ennuis à la populace dans les mois qui viennent…
– Parce que tu crois qu’ils vont continuer à la poursuivre ?
– J’en suis certain, confirma Hammerson en soupirant. Vois tu, Rielle est le résultat des travaux de toute la vie d’Ayla Kree Lai. Tu imagines un peu ? Du coup, elle ne la laissera jamais en paix. Elle continuera toujours de la poursuivre.
– Je ne comprends pas trop pourquoi, avoua Kit. Mais j’ai compris que Ri ne peut plus aller à Bourgétoile.
– Je suis ravi de voir que tu comprends, le félicita le géant blond.
– Oh oui, renchérit le garçon. De toutes façons, nous avions l’intention d’aller à Athenaïs, pour mon Ecole Planétaire de Pilotage. »

Un silence gêné accueillit sa déclaration. Rielle décida de prendre les choses en main. Elle donna un petit coup de son poing fermé sur le dessus de la tête de son frère. « Mais tu es bête ou quoi ? A l’école de pilotage d’Athenaïs, ils vont avoir ton identité et tout ! Tu es fiché puisque tu es originaire de cette planète. Les hommes de ma mère me retrouveraient tout de suite si je vais là bas avec toi, surtout que Doug t’a déjà vu et qu’il sait qui tu es.
– Ah, oui, c’est vrai, réalisa l’adolescent. Qu’est ce que je suis bête !
– Sans vouloir vous alarmer outre mesure, intervint Eglantine auprès des trois jeunes gens, je pense que vos visages ont été stockés par les caméras de surveillance du Complexe de Recherche. Et ça m’étonnerait qu’ils ne portent pas plainte auprès des autorités contre nous. Que ce soit pour enlèvement, vol, détérioration de matériel… Nous allons tous être mis dans le même sac.
– Tu veux dire que nous allons tous les trois être recherchés ? s’enquit Kit.
– Exactement.
– Ah, c’est embêtant. » Le garçon devint pensif. Rielle se réjouit de constater qu’il n’avait pas l’air trop affecté par cette nouvelle. En effet, si il était universellement recherché, il ne pourrait plus faire partie d’une école de pilotage. Même avec une fausse identité, cela s’avèrerait risqué.

« Le mieux, je pense, serait de trouver une petite planète perdue pour recommencer nos vies, suggéra Bran.
– Pour les commencer tout court, tu veux dire, précisa Eglantine avec un sourire.
– Bien sûr, c’est une idée, acquiesça le géant blond. C’est la solution de facilité.
– Mais je veux devenir pilote, moi ! se rebiffa Kit. J’avais décidé que je deviendrai le meilleur pilote de l’Univers ! Ca va être compliqué d’apprendre à piloter sur une planète perdue !
– Oh, et bien ça, je pense que ça peut s’arranger facilement, lui répondit Hammerson avec un clin d’oeil.
– Comment ? s’enquit l’adolescent avec les yeux plein d’espoir.
– Eglantine est une bonne pilote, à ce que je me suis laissé dire, continua le géant blond. Je suis certain qu’elle pourrait t’apprendre beaucoup de choses !
– C’est vrai ?
– Non ! S’écria la capitaine de l’Otter Space. Enfin, si je suis une bonne pilote. Mais non, je n’ai rien à apprendre à qui que ce soit !
– Oh, allez s’il te plait Eglantine, supplia Kit avec son meilleur regard de chaton éploré. Je ne pourrai jamais aller dans une école pour apprendre à piloter, tu veux bien m’aider à réaliser mon rêve ? » Rielle se demandait parfois à quel point son frère était conscient de ses prédispositions à la manipulation.

Eglantine, quant à elle, arborait une mine horrifiée. Il semblait que le garçon venait de lui faire quelque chose de vraiment affreux, comme la trahir. Oui, c’était bien cela, elle paraissait se sentir trahie et prise de court. Elle se prit la tête dans les mains et soupira. « Bon, d’accord, accepta-t elle finalement en découvrant son visage. Je veux bien t’apprendre à piloter.
– Youpi ! Se réjouit Kit en se levant pour aller se pendre à son cou.
– Mais à une condition, précisa la femme au cache oeil qui essayait de reprendre son souffle sous l’étreinte du futur membre de son équipage et apprenti pilote.
– Laquelle ? S’enquit l’adolescent en reprenant sagement sa place.
– Il faudra que tu obéisses au moindre de mes ordres au doigt et à l’oeil.
– Pas de problème ! S’exclama-t il joyeusement.
– Y compris quand je te demanderai de te taire, précisa Eglantine au cas où.
– Ca, ce sera dur, avoua le garçon, mais je ferai de mon mieux !
– Bien ! Se réjouit Ed Hammerson en se frottant les mains. Alors, Eglantine, comment ça fait de récupérer deux membres d’équipage d’un coup ?
– Comment ça, deux ?
– Et bien, Kit et Rielle sont du genre inséparables, tu vois, expliqua le géant blond avec un faux sourire candide. Du coup, si tu acceptes le garçon, tu acceptes aussi ma fille.
– Tu es sérieux ? lança la femme au cache oeil sur un ton accusateur. C’était ça, ton plan en fait ? Tu voulais me mettre ta fille dans les pattes depuis le début ? Pourquoi ne les garderais tu pas, toi ? C’est TA fille après tout ! Moi je n’ai rien à voir avec eux, c’est Jack qui me les a laissés.
– C’est vrai, ça, intervint la jeune fille. Nous pourrions rester avec toi.
– Ce serait avec grand plaisir, déclara Hammerson en caressant la tête de Rielle avec affection. Mais mon équipage et moi allons nous aventurer dans des endroits particulièrement dangereux. Alors je préfèrerais les savoir en sécurité avec toi.
– Allons bon, toi aussi tu essaies de m’amadouer ? ronchonna Eglantine. A coups de flatteries en plus. Je ne te félicite pas. »

Elle poussa un profond soupir. « Hum hum… toussota alors Bran.
– Quoi encore ? s’enquit la capitaine de l’Otter Space.
– Et bien, je pourrais faire partie de votre équipage, moi aussi, suggéra le jeune homme. Je peux vous garantir que, moi présent, ces deux là se tiendront toujours à carreau.
– Oh, vraiment ? » Eglantine paraissait avoir un peu de mal à le croire, mais cette perspective lui plaisait néanmoins. « Tu sais canaliser ces deux là ? Enfin, surtout celui là ? s’enquit elle en pointant Kit.
– Aucun problème. » Lui confirma Bran avec assurance. Il avait longuement lutté intérieurement. Pour lui aussi, cela paraissait compliqué de retourner au ranch de Jack. Même si il était excentré de Bourgétoile, il lui déplaisait de risquer la tranquillité de cet endroit. D’un autre côté, il lui déplaisait aussi de faire partie d’un équipage de personnes versées dans l’illégalité. Il s’était juré qu’il ne se ferait plus avoir de la sorte après ses déboires avec Grand Jean D’Argent. Mais son maître lui avait appris que pour avancer dans la vie, il était important de tourner la page. Et puis, maintenant il était adulte et responsable. Il était tout à faire capable de discerner si on risquait de se servir de lui à ses dépends ou non. De plus, Eglantine les avait aidés, même si elle avait quelque chose à gagner dans cette histoire elle aussi. C’était déjà pas mal altruiste de la part d’une contrebandière, ou pirate, ou peu importe ce qu’elle était. Et puis, il était certain qu’elle ne refuserait pas si, un jour, il décidait de les laisser pour aller vivre sa vie sur une planète quelconque. Il espérait juste que, ce jour là, Rielle voudrait bien rester avec lui.

« Bon, capitula la capitaine de l’Otter Space. Soyez tous les trois les bienvenus parmi nous, dans ce cas. »

3172 mots et FIN !

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 28

Sur un haussement d’épaule, la femme s’en fut. Rielle continua tout de même de palper le collier. Juste au cas où. Elle se cala le plus confortablement possible dans le petit lit peu douillet de l’infirmerie. Au moins, elle se trouvait à l’infirmerie et pas déjà dans un lit de labo dédié aux cobayes de recherches. La jeune fille décida qu’elle pouvait s’en réjouir. Cela ne suffit pas à lui arracher un sourire, mais elle se sentait rassérénée de savoir que Bran et Kit venaient le chercher. Elle comptait bien demander à son frère comment ils avaient réussi à en venir là. Le fait qu’ils aient réussi un tel tour de force juste pour elle lui faisait chaud au coeur. Sa volonté s’affermit ; elle comptait bien les aider du mieux qu’elle pouvait. Malheureusement, ainsi menottée et restreinte dans ses capacités, elle craignait de ne pas pouvoir faire grand chose. Si elle pouvait au moins enlever ses menottes… Peut être pourrait elle convaincre quelqu’un de l’aider pour cela. Pas l’infirmière qui l’avait débarrassée de Doug. Celle là paraissait un peu trop futée. Elle verrait tout de suite clair dans son jeu et Rielle n’était pas certaine de pouvoir lui faire confiance. Beaucoup trop de personnes, dans ce Centre de Recherches, admiraient Ayla Kree Lai et lui étaient entièrement dévoués. Mieux valait qu’elle n’agisse que pour elle même, ici.

Elle jeta un coup d’oeil circulaire autour d’elle. Il n’y avait pas beaucoup de patients à l’infirmerie en ce moment. Peu d’infirmières et de médecins aussi, du coup. De toutes façons, aucun d’entre eux ne devait posséder de clefs de menottes. Elle devrait donc aviser un homme en uniforme. Cette perspective la fit grimacer. La jeune fille aurait voulu avoir le moins à faire possible avec eux. Mais elle devait se démenotter. Ou alors provoquer une situation dans laquelle ils seraient contrains de la libérer. Mais comment provoquer une situation pareille ? Cela, elle n’en avait aucune idée. Pour le moment, elle était tranquille, mais elle soupçonnait que sa mère l’enverrait bientôt chercher. Elle allait bientôt estimer que sa fille serait suffisamment reposée. Rielle se sentit angoissée à l’idée de rester sur place. Elle remarqua que les lits étaient tous dotés de roulettes. Jetant un nouveau regard autour d’elle, la jeune fille attendit que personne ne lui accorde la moindre attention.

Lorsqu’elle fut assurée que personne ne lui prêtait attention, elle descendit du lit d’un mouvement fluide, sans attirer le regard de qui que ce soit. Agrippant alors le lit de sa main menottée, elle se mit à le faire rouler à côté d’elle et se dirigea vers la sortie. En état de stress, Rielle se trouva tout de même ravie que personne ne l’ait remarquée sortir de l’infirmerie. Maintenant qu’elle marchait dans le couloir, les gens la gratifiaient de regards perplexes. Elle fit de son mieux pour paraitre naturelle, comme si sa situation était tout à fait normale. C’était, bien entendu, très compliqué et elle se sentait au bord de la panique, tandis qu’elle se tenait tellement fort au lit que les jointures de ses doigts blanchissaient. Une illumination se fit soudain dans son esprit : elle devait trouver un bureau de maintenance. Là elle pourrait trouver de quoi se débarrasser de ces satanées menottes. Les gens de la maintenance étaient bien outillés normalement ; elle devrait bien réussir à dégotter une pince coupante ou quelque chose de cet acabit.

Alors que certaines des personnes qui la suivaient du regard commençaient à avoir l’air de vouloir la suivre, Rielle tomba enfin sur une porte réservée à la maintenance. Elle la poussa nerveusement et pénétra dans la pièce, son lit toujours avec elle. La jeune fille se trouvait à présent dans une pièce à peine plus grande qu’un placard à balais et remplie de centaines d’objets plus ou moins utiles qui se côtoyaient en un joyeux fourbi. Comment Rielle allait elle pouvoir trouver quelque chose pour la libérer ? Elle allait passer des heures à mettre la main sur un outil suffisamment coupant. Mais elle ne disposait pas de tant de temps. La rumeur de la jeune fille avec l’étrange collier de métal qui était entrée là avec un lit d’hôpital allait se répandre. Et quelqu’un allait forcément finir par venir voir ce qu’il en était. D’autant plus que son absence de l’infirmerie allait certainement bientôt être remarquée. Sans plus attendre, elle se mit à chercher et se rendit bien vite compte qu’elle était handicapée par ce stupide lit qui la suivait partout et par le fait qu’elle n’avait qu’un bras de libre pour fouiller la pièce. Elle ne se découragea pourtant pas, arma sa volonté et se mit à la recherche d’une boîte à outils.

La jeune fugueuse faillit crier de joie lorsqu’elle tomba enfin sur l’objet de sa quête. Elle ouvrit rapidement la caisse et fouilla au milieu du bric à brac accumulé à l’intérieur. Rien ne paraissait correspondre à ce qu’elle recherchait. Dépitée, elle balaya la pièce du regard, lorsque ses yeux furent attirée par une gigantesque pince accrochée au mur. Elle ressemblait bien à une pince de ferrailleur, capable de couper de gros morceaux de métal. C’était exactement ce qu’il lui fallait. Rielle s’empara de l’outil, ouvrit la pince, la posa sur le lit, plaça la chaine des menottes au milieu et coupa. Soulagée de l’un de ses problèmes, elle se mit à rire toute seule. Avisant la menotte toujours attachée à son poignet et à présent bien plus libre de ses mouvements, elle usa de nouveau de la pince pour s’en débarrasser. Fixant la pince d’un air émerveillé, elle se demanda si elle était suffisamment forte pour couper son collier. Haussant les épaules d’un air désinvolte, elle se résolut d’essayer, d’autant que maintenant elle pouvait utiliser ses deux mains. Après plusieurs tentatives infructueuses au cours desquelles, la pince glissant, avait failli la blesser, elle dut se rendre à l’évidence : la matière qui composait son collier ne pouvait pas se couper ainsi.

Toujours ennuyée de ne pas pouvoir prendre sa petite forme d’hippocampe bleu et doré, elle fouilla la pièce à la recherche d’un habit de travail. La jeune fille se disait qu’ainsi vêtue, elle aurait plus de chances de passer inaperçue. Elle avait tout d’abord réfléchi à rester cloîtrée ici. De fait, comme elle avait indiqué à Kit qu’elle se trouvait dans l’infirmerie du bloc C, elle ne pouvait pas trop s’en éloigner. Mais trop de personnes avaient du la voir entrer ici et la jeune fille décida qu’elle ferait bien d’aller se cacher ailleurs. Elle trouva ce qu’elle cherchait en ouvrant une sorte de casier. L’habit avait visiblement été conçu pour quelqu’un de plus grand et de plus fort qu’elle. Mais elle devrait s’en contenter. Elle l’enfila rapidement au dessus de ses vêtements d’hôpitaux. Constatant qu’elle ne voyait pas de moyen de dissimuler son collier de métal, dont la pointe plantée dans sa nuque l’irritait toujours autant, elle espéra que les gens ne la regarderaient pas de trop près après avoir remarqué son uniforme de la maintenance. Personne ne faisait vraiment attention à ces gens là. Comme ses cheveux blonds étaient longs, elle s’arrangea pour les placer de manière à ce qu’ils camouflent le collier de métal le plus possible. Se disant qu’elle ne pouvait pas mieux faire, elle prit une grande inspiration et ouvrit la porte.

En s’aventurant dans le couloir, Rielle se rendit compte que, comme elle l’avait espéré, personne ne lui prêta attention. Tout en marchant, elle tentait de se remémorer la configuration des lieux. Elle avait du mal à s’en souvenir ; elle était tellement petite lorsque son père l’avait prise avec lui ! Kit lui avait parlé d’un vaisseau de livraison. Elle se donna donc pour objectif de trouver une aire de livraison d’où elle pourrait voir son frère arriver, avec ses compagnons de voyage. Moins de temps ils resteraient dans le complexe de recherches, moins de risques ils prendraient. Et, surtout, la jeune fille avait envie de quitter cet endroit au plus vite. Elle devait faire un immense effort sur elle même pour maintenir une allure qui puisse paraitre anodine, alors qu’elle n’avait qu’une seule envie, c’était de s’enfuir en courant. Ce qui aurait été stupide, puisqu’il n’y avait nulle part où fuir, dans ce complexe. En chemin, elle repéra trois hommes en uniformes gris qui prenaient la direction de l’infirmerie où elle se trouvait auparavant en se dépêchant. Elle blêmit. Sa disparition avait du être signalée. Bientôt, tout le monde se lancerait à sa recherche et quelqu’un finirait bien par remarquer l’étrange collier qu’elle portait.

Au détour d’un couloir, elle heurta quelqu’un. Elle bredouilla des excuses et s’apprêta à filer sans demander son reste. Mais la personne qu’elle avait bousculée l’attrapa par le collet. « Dis donc, où est ce que tu crois aller comme ça ? Tu penses t’en sortir aussi facilement que ça ? » Rielle leva, avec horreur, les yeux sur Doug. Ce dernier resta bouche bée quand il reconnut la jeune fille. « Mais qu’est ce que tu fais là ? siffla-t il lorsqu’il eut récupéré ses moyens.
– Laisse moi partir ! s’écria Rielle en commençant à se débattre.
– Tu peux toujours rêver, rétorqua l’officier en gris en affermissant sa prise sur elle. Comment est ce que tu as fait pour t’échapper ? Je savais que j’aurais du poster quelqu’un pour te surveiller !
– Lâche moi ! Persista la jeune fille qui commençait à paniquer. Laisse moi partir ! » Elle essaya de le frapper, mais en vain. L’homme en uniforme la lâcha néanmoins, mais la poussa derechef dans une pièce dans laquelle il la suivit et ferma soigneusement la porte derrière lui.

Rielle recula lentement. Elle eût juste le temps de constater qu’elle se trouvait dans un bureau, vide. « Je ne te laisserai plus t’échapper, la prévint doucereusement Doug. C’était la dernière fois !
– Il n’y aura jamais de dernière fois, tenta de fanfaronner la jeune fille. Je chercherai toujours à m’échapper. Je ne suis pas un cobaye de laboratoire !
– Bien sûr que si, tu l’es, la contredit il en s’avançant vers elle. Ta naissance même est un test de laboratoire. Tu n’aurais jamais vu le jour sans le génie de ta mère.
– Ce n’est pas une raison, s’entêta Rielle dont la voix commençait à trembler.
– Oh si et, de toutes manières, ce n’est pas à toi d’en décider. Alors cesse de faire l’enfant et vient. Sinon je vais devoir employer la manière forte, et tu ne vas pas aimer ça, je te le garantis.
– Tu vas devoir venir me chercher, l’informa la jeune fille en se mettant en posture de combat comme Bran leur avait appris à Kit et elle.
– Oh ? Tu as appris quelques petites choses sur cette planète de bouseux ?
– Plus que tu ne le crois, siffla Rielle en colère.
– Tant mieux, ça n’en sera que plus intéressant. » La fugueuse n’apprécia pas l’air sadique qui s’affichait à présent sur le visage de l’officier, tandis qu’il se mettait à son tour en posture de combat.

Il s’avança lentement sur elle. Mais elle avait arrêté de reculer, décidant de faire face. Après tout, elle n’avait rien qui lui faisait plus envie que de le frapper en cet instant. Elle comptait donc bien en profiter. Malheureusement, il était plus grand, plus fort et mieux entraîné qu’elle. Les tactiques de combat qu’elle avait mises au point avec Bran impliquaient souvent sa métamorphose. Là, elle devrait faire sans. En plus, elle n’avait pas d’arme alors qu’elle se sentait plus à l’aise avec un bâton ou, mieux, quelque chose qui faisait office de trident, en main. Elle révisa alors son jugement, tandis que Doug était presque sur elle. Et, lorsqu’il passa à l’attaque, elle plongea derrière lui, se précipitant en direction de la porte pour s’enfuir. Kit et Bran devaient bientôt être arrivés, sa seule chance était de foncer à leur rencontre.

Au moment où elle parvint à la porte et l’ouvrit pour s’échapper, l’homme derrière elle l’attrapa de nouveau et la propulsa au centre de la pièce. Dans sa chute, elle heurta l’un des bureaux de la pièce qu’elle brisa. Elle en eut le souffle coupé. Endolorie de partout et un peu groggy, elle tenta de se relever. Ce fut difficile, mais elle finit par se tenir de nouveau debout face à l’officier en gris, qui la fixait d’un air moqueur. « Oh non, tu ne t’en iras pas ! La prévint il. Ne me croit pas si bête. » Il s’approcha d’elle. Une forme fit alors irruption par l’encadrement de la porte et se jeta sur lui. Rielle écarquilla ses yeux noirs, surprise de cette intervention à laquelle elle ne s’attendait pas. Deux personnes suivirent la première qui continuait de lutter au sol, aux prises avec Doug. « Vas y Bran, casse lui la figure ! l’encouragea Kit en mimant un coup de poing.
– Soyez un peu plus discrets. » Leur enjoignit fermement la femme au cache oeil, que Rielle avait vue lorsqu’elle avait contacté son frère dans le vaisseau de livraison, tout en fermant la porte sur eux. La jeune fille sentit monter les larmes aux yeux.

« Kit ? Emit elle. Tu es déjà là ?
– Oh bah oui, déclara celui ci. Nous avons fait au plus vite, tu vois ! » Il était tellement content de retrouver sa soeur qu’il la prit dans ses bras pour la serrer fort. Puis, se souvenant que leur aîné était aux prises avec un homme en gris hostile, il se retourna en direction du combat. « Allez Bran ! Qu’est ce que tu attends pour lui mettre la potée ?! Dépêche toi !
– On dit la pâtée, corrigea machinalement Rielle en laissant échapper un sourire.
– Bien bien bien, qu’avons nous là… » S’interrogea tout haut Eglantine. Bran avait finalement réussi à mettre Doug hors combat en lui faisant perdre conscience. La jeune fille était étonnée, parce qu’elle savait que l’officier était particulièrement fort en lutte. Mais elle se souvint que c’était le jeune homme qui leur avait appris à se battre, Kit et elle. Et que si il avait réussi à leur apprendre ce qu’ils savaient, c’était certainement qu’il se débrouillait lui aussi dans ce domaine. Elle fut soulagée de voir l’homme en gris inconscient. Elle gratifia Bran d’un regard admiratif, qu’il remarqua. Il parut un peu gêné et s’approcha d’elle pour vérifier comment elle se portait.

Pendant ce temps là, Eglantine commençait à démonter les ordinateurs du bureau et à mettre certaines pièces dans un sac qu’elle portait en bandoulière. Ce faisant, elle chantonnait, comme si elle faisait quelque chose d’aussi banal que cueillir des champignons dans une forêt automnale. « Qu’est ce que tu fais ? lui demanda curieusement Kit.
– Je récupère la mémoire de ces bébés, expliqua-t elle.
– Pour quoi faire ?
– Je te l’ai déjà expliqué, soupira-t elle. Peut être que ces machines contiennent des choses suffisamment intéressantes pour que je puisse les vendre à des concurrents. Renacleriblob est en train de faire de même. C’est un spécialiste de la récupération de choses diverses et variées, vous verrez ! Mais nous ne devons pas trainer. Surtout que vous avez déjà retrouvé votre amie : le hasard fait bien les choses, décidément ! Je nous voyais déjà en train de prendre des risques pour la retrouver. Bref. C’est merveilleux ! Oh, je n’ai pas encore fouillé celui là, j’ai failli ne pas le voir. Mais qu’est ce qu’il fait par terre ? On dirait que quelqu’un s’est battu ici…
– Ri, qu’est ce que tu as autour du cou ? S’enquit soudainement Kit qui venait de remarquer le collier.
– C’est pour m’empêcher de me transformer, expliqua la jeune fille.
– Mais c’est horrible ! S’exclama l’adolescent. Il faut te faire enlever ça.
– Je ne sais pas comment, déplora Rielle en sentant les sanglots lui monter à la gorge. L’infirmière m’a dit que c’était magnétique.
– Qui t’a mis ça ? Intervint Bran d’un ton apaisant.
– Lui. » La jeune fille désigna l’officier en gris qui gisait, inconscient, par terre.

Le jeune homme s’approcha du vaincu et se mit à fouiller ses poches. Il en sortit plusieurs cartes, clefs et choses diverses non identifiées. Puis, son butin en main, il revint vers Rielle, toujours blottie dans les bras de son frère. « Bien, voyons voir si l’un de ces trucs là fonctionne. » Il tenta d’ouvrir le collier de plusieurs manières. Il n’avait toujours pas réussi lorsqu’Eglantine eut terminé d’éventrer tout le matériel informatique à sa disposition. « Attend, il y a bien quelque chose qui va fonctionner… Ronchonna-t il lorsqu’elle les informa qu’il était temps de décamper.
– Tu pourras essayer tout ça quand nous serons tous en sécurité sur le vaisseau de livraison. Ou, mieux, sur l’Otter Space ! Allez, venez ! » Au moment où elle disait cela, un déclic se fit entendre et le collier, séparé en deux morceaux, tomba lourdement par terre. Rielle se sentit libérée, malgré la petite douleur causée par l’aiguille quittant sa nuque.

« Il est fait en quoi ce machin ? Lança Kit étonné par la densité apparente de l’objet.
– Peu importe, s’impatienta Eglantine. Venez vite ! » Les trois jeunes gens lui emboitèrent le pas. Rielle profita du fait qu’elle avait récupéré toutes ses aptitudes, pour se métamorphoser en petite hippocampe bleue et dorée et s’installer sur l’épaule de Kit. Ils marchèrent tous les trois d’un bon pas en direction de l’aire de décollage et d’atterrissage des vaisseaux de livraison pour le restaurant du bloc C. La capitaine leur avait conseillé de ne pas courir pour ne pas attirer l’attention. Mais, le fait est qu’ils ne devaient pas trainer. L’alerte concernant la disparition de Rielle avait déjà été lancée depuis plusieurs minutes. Des hommes en gris courraient d’ailleurs un peu partout. Aucun ne les avait encore arrêtés pour vérifier leurs identités. Ils crurent comprendre qu’ils avaient également perdu un officier. La jeune fille, soulagée de retrouver le contact familier de l’épaule de son frère, supposa qu’il s’agissait de Doug. Là aussi, ce n’était qu’une question de minutes avant qu’ils ne le découvrent, inconscient, sur le sol du bureau où ils l’avaient laissé.

Ils parvinrent sur la piste en même temps que Renacleriblob disparaissait à l’intérieur du vaisseau de livraison. Kit s’étonna de constater que l’être en forme de gelée avait l’air d’avoir au moins quintuplé de volume. Mais il n’eut pas le temps de questionner Eglantine à ce sujet. Une voix leur ordonna : « Halte ! Ne bougez plus ! Retournez vous lentement. » En voyant la capitaine lever les mains et s’exécuter, Bran et Kit firent de même. Rielle, quant à elle, se dissimula derrière le dos de son frère. « Que faites vous là ?
– Et bien, commença Eglantine d’un ton suave, nous avions fini la livraison de pommes de terre et d’autres denrées, du coup nous nous apprêtions à partir.
– Vous ne pouvez pas partir maintenant, décréta l’homme qui était entouré d’une dizaine de gardes tous en gris et armés.
– C’est embêtant, déplora la femme au cache oeil. Nous avions justement rendez vous ; nous sommes vraiment pressés.
– Nous ne vous ouvrirons pas le sas de sortie, l’informa le garde.
– Mais pourquoi donc ? Fit mine de s’offusquer Eglantine.
– Un de nos sujets dangereux s’est échappé, expliqua l’homme. Nous devons fouiller votre véhicule avant de pouvoir vous laisser partir. »

La capitaine soupira. Elle réfléchissait à toute allure. Elle devait gagner un peu de temps pour laisser à Renacleriblob l’opportunité de se dissimuler. Il paraissait avoir trouvé une grosse quantité de choses à voler et Eglantine espérait bien que les gardes en gris ne tomberaient pas dessus. C’était déjà assez angoissant de savoir que le sujet qu’ils cherchaient effectivement se trouvait actuellement pendu au dos du petit Kit. Mais drôle aussi, et la capitaine avait beaucoup de mal à ne pas laisser éclater son hilarité. Le garde, extrêmement nerveux, n’aurait pas compris. « Bon, si vous le devez, je n’y vois pas d’inconvénient, mais faites vite. » Elle espéra que Khouaf avait eu la présence d’esprit de cacher les deux pilotes quelque part. Ils avaient déjà eu le temps de décharger tout le reste de l’équipage dans un cellier où ils seraient certainement découverts avant de mourir de faim. Peut être qu’ils avaient eu le temps d’envoyer les pilotes avec les autres, mais elle n’en savait rien pour le moment. Dans tous les cas, cela impliquait qu’ils devaient partir rapidement. Il ne manquerait plus que le précédent équipage du vaisseau de livraison soit découvert et les dénoncent. En résumé, elle devait à la fois gagner du temps pour Renacleriblob et se presser au cas où les captifs seraient découverts. Voilà une situation qui sentait mauvais et qui s’annonçait pour le moins compliquée.

Au moment où les garçons et elle s’écartaient pour laisser le passage aux gardes en gris, un bruit sourd retentit dans tout le complexe. Kit était même certain que le sol avait tremblé. « Qu’est ce que c’était ? » lança quelqu’un à la cantonade. Le bruit recommença, faisant de nouveau vibrer la structure. Une alarme se déclencha, leur vrillant les tympans. Une voix féminine indiqua que toutes les forces armées étaient réquisitionnées car le Complexe de Recherche se faisait attaquer par des forces hostiles non identifiées mais lourdement armées provenant de l’espace. Tandis que les hommes en uniformes gris se pressaient d’obéir aux ordres, Eglantine fit rapidement monter les deux garçons dans le vaisseau de livraison. « La chance nous sourit, on dirait, leur lança-t elle joyeusement. Nous avons plus qu’à réussir à convaincre quelqu’un de nous ouvrir la porte. » Sans attendre de réponse de la part des plus jeunes, elle fila en direction de la cabine de pilotage.

« Que faisons nous ? Et qu’est ce qu’il se passe à ton avis ? s’enquit Kit pendant que Bran s’occupait d’appuyer sur le bouton de fermeture de la porte.
– Qu’est ce que j’en sais ? lui retourna le jeune homme d’un ton las.
– Moi je sais ! S’exclama l’adolescent. Nous devrions suivre Eglantine.
– Si tu veux. » Ils partirent à leur tour en direction de la cabine de pilotage. Bran se sentait tout mou, maintenant que la pression recommençait à retomber pour lui. Le fait de s’échapper en vaisseau ne dépendait plus que de la capitaine à présent. Lui, il était déjà satisfait d’avoir récupéré Rielle, à qui il adressa un sourire.

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NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 27

Il passa ensuite le bout de son doigt le long de la joue de la jeune fille. « Hum hum. » L’infirmière, qui était toujours présente à côté d’eux, toussota, interrompant ainsi momentanément le tourment de Rielle. « Madame Kree Lai tient à ce que sa fille se repose, souligna-t elle une fois que l’officier eut tourné le regard vers elle.
– Et ?
– Et cela signifie que vous devez la laisser tranquille pour le moment. » Elle avait parlé d’un ton sans appel. Doug, qui n’avait certainement pas envie de s’attirer les foudres de la mère de Rielle, s’écarta de la jeune fille et se leva de mauvaise grâce. Mais sa captive ne se permit un soupir de soulagement que lorsqu’il eut passé le pas de la porte et se trouva hors de sa vue.

« Merci. » Emit elle d’une voix enrouée à intention de l’infirmière. Mais celle ci était également partie, pour s’occuper d’autres patients. Rielle contempla tristement son poignet menotté et, de l’autre main, effleura l’épais collier de métal qui lui enserrait le cou. Elle essaya quand même de reprendre sa forme d’hippocampe bleu et doré. Non seulement elle n’y parvint pas, mais en plus cela lui causa une vive douleur au niveau de l’endroit où l’aiguille perçait sa nuque et se répercuta jusqu’à sa tête. Elle ramena ses genoux à son visage et les enserra de son bras libre. Ainsi pelotonnée, la jeune fille se laissa aller à pleurer. Cela ne dura pas longtemps ; une idée lui traversa l’esprit. Elle essuya bien vite ses larmes. Il lui restait peut être une option. Le collier bloquait la métamorphose, mais il ne bloquait peut être pas sa capacité de contacter Kit. Et Bran. Sa résolution s’affermit, tandis qu’elle fermait les yeux en essayant de joindre son esprit à celui de son frère.

Il lui fallut un peu de temps pour réussir à se concentrer. Elle focalisa toutes ses idées sur Kit. Après avoir passé huit ans à rester sur son épaule, elle le connaissait de très près. Elle connaissait par coeur ses habitudes, ses réactions, ses tics, son odeur… En bref, tout ce qui faisait qu’il était lui. Une fois qu’elle eut de nouveau l’impression de se trouver sur son épaule familière, elle ouvrit les yeux. Elle réprima un mouvement de surprise en voyant un tableau de bord et les étoiles par une vitre. Elle comprit rapidement qu’il ne s’agissait pas de l’endroit où elle se trouvait elle, mais de l’endroit où se tenait Kit. Cela lui posa beaucoup de questions. Où était il ? Il était encore bien trop tôt pour qu’il soit allé à l’Ecole Planétaire de Pilotage. Elle essaya de regarder autour de lui et plus de questions se posèrent. Que faisait il dans une cabine de pilotage avec deux hommes en uniformes gris en guise de pilotes ? Qui était cette femme avec un cache oeil ? Et cette créature qui ressemblait à un dinosaure sans plumes ? C’est alors qu’elle vit Bran, à côté de Kit. Cette vision la réjouit, mais ne répondait pas à ses questions. Pouvait elle communiquer avec son frère maintenant qu’elle avait superposé son esprit au sien ? « Kit, murmura-t elle. Tu m’entends ? »

Il sursauta. « Kit, c’est moi, Rielle. Où es tu ?
– Ri ! S’exclama le garçon. Je suis dans un vaisseau de livraison. Où es tu toi ?
– Dans ton esprit, répondit elle tandis que tout le monde se tournait vers Kit dans la cabine de pilotage.
– Tu parles tout seul, mon garçon ? s’enquit la femme au cache oeil en levant un sourcil d’un air interrogateur.
– Non ! S’exclama l’adolescent. C’est Rielle ! Elle est avec moi ! C’est génial… Ri ! Bran et moi venons te chercher, ne t’en fait pas. Tu vas bien ?
– Oui oui, mentit elle en se disant qu’il ne servirait à rien de l’inquiéter.
– Je ne vais pas te dévoiler notre plan parce qu’Eglantine me fait de gros yeux, s’excusa Kit. Mais ne t’inquiète pas, tu n’auras pas à attendre longtemps.
– Faites attention à vous, les prévint la jeune fille. Ils ne plaisantent pas, là bas.
– Nous non plus, se pavana le garçon.
– Demande lui où elle se trouve dans le Complexe de Recherches, intervint Eglantine. Cela nous sera utile comme information.
– Je suis à l’infirmerie. » Indiqua Rielle avant que Kit ne lui transmette la question. Elle l’avait entendue. Elle entendait et ressentait tout ce que le garçon entendait et ressentait. C’était étrange comme sensation. « L’infirmerie du bloc C, précisa-t elle.
– L’infirmerie du bloc C, répéta le garçon à l’intention de la capitaine.
– Dites donc les loustics, vous devez aller livrer votre fret à quel bloc du Complexe d’Ayla Kree Lai ? » S’enquit Eglantine auprès des pilotes en gris.
Les pilotes échangèrent un regard incertain. Khouaf émit un grondement sourd. La femme au cache oeil émit un petit rire sec.

« Voyons, leur dit elle. Ce n’est pas vraiment une information d’importance. Vous allez nous y mener de toutes manières.
– Nous allons au bloc C, avoua l’un des hommes en uniforme gris.
– Et bien voilà, ce n’était pas si compliqué ! Les félicita moqueusement la capitaine. En tous cas, ça tombe bien. Moins de chemin nous aurons à faire, le moins de risques nous prendrons. C’est parfait.
– Tu entends ça Ri ? Se réjouit Kit. Nous serons là bientôt.
– Merci, murmura la jeune fille. Tu auras beaucoup de choses à me raconter quand nous nous retrouverons, j’ai l’impression.
– Oh oui, confirma l’adolescent avec enthousiasme. Mais tu devrais rester, comme ça je te raconte tout maintenant.
– Je crois que je ne vais pas pouvoir, déplora Rielle. Il y a beaucoup de gens autour de moi ; ça risquerait d’attirer l’attention. Et je n’ai pas envie qu’ils m’empêchent de discuter avec toi.
– Moi non plus. Tu vas partir alors ?
– Oui, mais je reviendrai, lui promit la jeune fille sur un air beaucoup plus assuré qu’elle ne le sentait réellement.
– Tu as intérêt.
– Compte sur moi ! » Lança-t elle d’un ton faussement enjoué.

Craignant de se mettre à sangloter et que Kit s’en rende compte, elle coupa brutalement le contact, réintégrant son corps d’un coup. Cela lui fit une sensation bizarre de retrouver son environnement, de reprendre conscience du contact du métal autour de son poignet et autour de son cou par exemple. Elle n’avait pas eu l’impression de transmettre à son frère ses ressentis. En revanche, elle, avait perçu absolument toutes les émotions qui agitaient l’esprit de Kit. Elle avait parfaitement bien ressenti son enthousiasme d’assister à une démonstration de pilotage. Et son inquiétude mêlée d’affection pour elle même, ce qui la toucha beaucoup. Et, surtout, sa joie et son soulagement de la percevoir avec lui. Rielle était certaine que lui n’avait pas eu accès à ses émotions à elle. Sinon il aurait perçu son angoisse et sa tristesse. Au lieu de lui demander si elle allait bien, il lui aurait demandé ce qui n’allait pas. Malgré tout son émoi, elle ne pouvait pas s’empêcher d’essayer d’analyser cette capacité qu’elle découvrait. Elle ne savait pas que de lier son intégrité physique à celle de son frère pouvait aussi lui permettre de relier son esprit au sien. Peut être était ce du à sa nature expérimentale ?

Sa mère ne lui avait jamais vraiment appris en quoi consistait ce petit rituel de sa race, si ce n’est qu’il liait deux personnes à vie. Celui qui initiait le rituel promettait de manière implicite qu’il prendrait toujours une part du fardeau de l’autre. Dans les temps lointains où la race d’Ayla Kree Lai était encore primitive, les vassaux des grands seigneurs opéraient ce rituel sur leur maître en signe de loyauté. Le seigneur en question pouvait ainsi s’aventurer sur n’importe quel champ de bataille sans aucun risque de blessure mortelle tant qu’au moins l’un de ses vassaux tenait encore debout. Dans le cas de Rielle, ce n’était pas parce qu’elle se considérait comme vassale de Kit qu’elle s’était permise de procéder à ce rituel. Mais parce qu’elle lui avait été reconnaissante de s’être montré aussi gentil avec elle alors que, jusque là, elle avait été considérée comme un monstre de laboratoire dans le Complexe de Recherches de sa mère et que son père l’avait laissée toute seule dans la petite ville de Bourgétoile sur une petite planète perdue au fin fond de nulle. L’adolescent, lui, s’était tout de suite attaché à elle et lui avait instantanément témoigné une affection sans bornes. Elle avait donc décidé de lier sa vie à la sienne.

A l’époque, comme elle était encore très petite, elle ne s’était pas rendue compte de toute la portée de son acte, mais elle savait déjà que cela signifiait que si il devait arriver quelque chose à Kit, elle en mourrait avant lui. C’est pourquoi Doug avait été horrifié de constater qu’elle saignait à la place du garçon et que les hommes en gris n’avaient pas pu le tuer. Sinon ils l’auraient tuée, elle. Etant proche d’Ayla, l’officier connaissait cette particularité de leur race. C’est également pour cette raison qu’elle savait que son frère n’était pas mort, comme Doug s’était plu à le lui répéter. Et pour cette même raison, encore, qu’il avait du insister sur le caractère métaphorique de la mort de Kit. Une pensée l’inquiéta soudain. Puisque l’officier était au courant du lien entre Kit et Rielle, il allait certainement en parler à sa mère, si ce n’était pas encore fait. Ayla se lancerait elle dans la création d’un appareil qui pourrait lui permettre de briser ce lien ? Bien sûr, tout ce qui était de l’ordre du psychique n’intéressait pas la scientifique. Mais si elle avait besoin de les séparer sur ce plan, pour une raison ou pour une autre, elle n’hésiterait pas. La jeune fille tenta de se rassurer en se disant qu’Ayla Kree Lai n’avait certainement prêté qu’une oreille peu attentive à cette information.

Quant à Bran… Elle avait décidé de se lier à lui un peu sur un coup de tête. Elle était mélancolique de savoir que Kit et elle allaient devoir le quitter pour une longue période de temps. Elle avait donc décidé de lui faire ce petit cadeau. Ce n’était que bien peu de choses en vérité. Mais dans son travail au ranch, elle savait que Bran écopait souvent de petites égratignures ou blessures bénignes qui étaient désagréables pour un humain, mais à peine perceptible pour elle qui guérissait à une vitesse folle. Même par rapport à la race d’Ayla Kree Lai. Le fait que Bran ait répondu de manière… et bien, intime, l’avait surprise. Mais elle avait décidé que cela valait le meilleur des remerciements en fin de compte. Sachant qu’il venait la secourir en compagnie de Kit, elle s’était réjouie de pouvoir prendre ses blessures à lui aussi. Les hommes en uniformes gris n’étaient pas toujours tendres. Rielle s’était aussi sentie touchée qu’il vienne aussi à son secours. En revanche, maintenant elle s’inquiétait aussi pour lui. Elle espérait que les deux garçons se montreraient prudents. La jeune fille ne savait pas combien elle pouvait encaisser de blessures en fait. De toutes façons, elle ne pouvait pas les aider autrement, alors heureusement qu’elle avait cela, se disait elle.

Rielle tira machinalement sur les menottes. Cela lui fit mal au poignet, mais elle continua. De toutes façons, elle guérirait vite. Elle se demanda comment son collier se clipsait. Peut être qu’elle avait les moyens de l’enlever tout compte fait. Elle commença alors à le palper de sa main de libre. Ce faisant, elle perçut des stries, mais aucune qui ne semblait faire partie d’un quelconque mécanisme d’ouverture. Comme elle n’avait rien d’autre à faire et qu’elle commençait à s’ennuyer, elle continua de chercher. « Tu n’as pas de moyen de l’enlever comme ça, l’informa l’infirmière qui était de retour.
– Ah bon ?
– Et non. Son ouverture nécessite une clef magnétique, ça ne s’enlève pas à la main.
– Pourquoi je devrais vous croire ? S’enquit fraichement Rielle.
– Peu importe que tu me croies ou pas, balaya l’infirmière. C’est ainsi. »

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NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 26

Le jeune homme s’en trouva soulagé, même si il n’aurait pas très bien su expliquer pourquoi.

« Qu’est ce qu’il s’est passé ? s’enquit curieusement Kit.
– Je préfère te laisser dans l’innocence, éluda Eglantine. Venez avec moi, nous allons rendre visite aux pilotes de l’endroit. » Elle les mena jusqu’à la cabine de pilotage où se trouvaient deux hommes, humains, vêtus d’uniformes gris. Ils étaient gardés par Khouaf. Ce dernier arborait toujours un air indéchiffrable, mais ses deux captifs ne paraissaient pas très rassurés. L’un des deux était même très pâle et menaçait de tourner de l’oeil. Cela étonna Kit. Le reptilien paraissait certes descendre d’une race de prédateurs, avec ses griffes, ses dents pointues et sa démarche taillée pour la course. Mais il ne l’aurait jamais qualifié de dangereux, avec son apparente placidité et sa capacité à obéir immédiatement à n’importe quel ordre lancé par son capitaine. Il se demanda comment il avait pu ainsi traumatiser les deux hommes.

« Bonjour messieurs, les salua joyeusement Eglantine.
– Bonjour, madame, répondirent les captifs sur un signe péremptoire de Khouaf.
– Je suis ravie de voir que mon compagnon vous a indiqué que nous ne sommes pas des sauvages et que nous avons des manières. » Les pilotes échangèrent un regard perplexe, en se demandant si elle plaisantait ou si elle était sérieuse. « Je constate aussi que vous continuez votre course en direction du complexe de recherche que vous devez approvisionner, c’est parfait.
– Vous allez nous laisser effectuer la livraison ? ne put s’empêcher de demander le moins pâle des deux hommes en gris.
– Bien évidemment ! Les rassura Eglantine. J’y compte bien, même. Voyez vous, mes amis et moi même avons une grande envie de visiter ce complexe avec tous ses laboratoires. C’est pourquoi nous profitons du fait que votre vaisseau s’y rende pour nous incruster dans le voyage. N’est ce pas merveilleux ? Vous avez écopé de merveilleux compagnons de route. »

Les pilotes ne semblaient pas aussi enthousiastes. Mais ils n’avaient pas le choix et ils étaient pleinement conscients de ce fait. Ils se retrouvèrent obligés de suivre les ordre de la femme au cache oeil, menacés par un grondement sourd de la part de Khouaf dès qu’ils esquissaient le moindre mouvement qui pouvait éventuellement paraitre suspect. Le reptilien avait l’oeil vif et ne laissait rien au hasard. Kit brûlait de poser des questions. Un millier d’interrogations se bousculaient sur ses lèvres. Mais l’ambiance générale était assez tendue, alors il s’efforçait de garder la bouche close. C’était d’autant plus difficile pour lui qu’il n’avait pas l’habitude de rester silencieux. Bran, conscient de cet effort presque surhumain de son cadet, lui tapota gentiment l’épaule en signe de compassion. Ils savaient tous les deux qu’ils se rapprochaient de Rielle et cela renforçait leur détermination.

Elle ouvrit péniblement ses immenses yeux noirs de jais. La petite créature bleue et dorée du se concentrer et faire un véritable effort de volonté pour les garder ouvert. Sans même parler d’analyser ce qui l’entourait. Elle percevait des gens qui parlaient autour d’elle, mais son cerveau n’était pas encore suffisamment opérationnel pour analyser leurs propos. Rielle eut encore plusieurs petites absences avant de vraiment réaliser où elle se trouvait. Une main froide lui tapota la joue. « Réveillée à ce que je vois ? Bien. Il était temps. Ta petite escapade de huit ans nous a fait perdre beaucoup de temps ! Alors dépêche toi, j’ai quelques questions de routine à te poser. Et puis nous procèderons à certains tests.
– Moi aussi… » émit la jeune fille d’une voix enrouée. Elle se tut, prit sa forme humanoïde, puis toussota pour s’éclaircir la gorge, avant de reprendre : « Moi aussi je suis contente de te revoir après tout ce temps, maman.
– Tu essaies de te montrer sarcastique ? s’enquit Ayla Kree Lai avec presque une pointe d’étonnement.
– Je n’essaie pas, j’y arrive parfaitement bien, rétorqua sa fille dont l’esprit s’éclaircissait.
– Mmmh, tu es devenue arrogante, déplora la scientifique. Mais c’était à prévoir après avoir côtoyé une engeance comme ton père. Ce n’est pas grave, peu importe ton caractère au final.
– Oui, mon caractère t’a toujours été égal, se remémora Rielle. Alors je ne vois pas pourquoi tu as remué cieux et terres pour me retrouver. »

Sa mère la considéra un instant silencieusement, au dessus de ses verres de lunettes en demi lune. Elle avait les mêmes yeux immenses et aussi denses qu’un trou noir. Ayla était une créature élancée au teint bleu pâle, avec une tête un peu allongée au bout d’un long cou. Ses mains palmées trahissaient les origines aquatiques de sa race, qu’elle avait transmises à sa fille. Mais elle ne ressemblait pas autant qu’elle à un hippocampe. Ses vêtements étaient très classiques, gris et, surtout, recouverts par une blouse blanche. Rielle essayait de se souvenir d’un moment où elle n’aurait pas vu sa mère revêtue de cette blouse, mais n’y parvint pas. « Comment peux tu dire une chose pareille ? s’offusqua Ayla Kree Lai. Bien sûr que j’aurais fouillé le moindre recoin de l’espace pour te retrouver !
– Ah bon ? lâcha la jeune fille surprise d’une telle marque d’attention. Je t’ai tant manqué que ça ?
– Evidemment, confirma la scientifique au grand étonnement de sa fille qui se demandait quand sa mère s’était mise à éprouver des émotions. Tu es le travail de ma vie. Toutes mes études sur la génétique inter espèces tournent autour de toi ! Je n’ai pas réussi à reproduire l’expérience une nouvelle fois après toi. C’est pourquoi je dois étudier tout ça. Et je ne pouvais pas le faire sans toi. J’avais des échantillons de ton sang, mais cela ne suffit pas ; il faut que j’étudie ton corps dans son ensemble. Alors cesse de faire l’enfant. Dès que tu seras remise de ton sommeil induit par le gaz, d’ici une petite heure je pense, on procédera à quelques tests. Je suis impatiente ! »

Rielle soupira. Elle avait, encore une fois, espéré. Et, encore une fois, ses espoirs se trouvèrent déçus. Sa mère ne voyait en elle que le sujet d’une expérience. Une fois que sa mère fut partie, elle avisa une infirmière qui l’inspectait, certainement pour vérifier que tout allait bien après le gaz soporifique. « Comment m’ont ils trouvée ?
– Pardon ?
– J’étais bien cachée dans le vaisseau, expliqua la jeune fille. Comment ont ils fait pour me capturer ?
– Ca n’a pas été très compliqué, répondit une voix masculine avant que l’infirmière ait eu le temps d’ouvrir la bouche. Nous savions que tu étais toujours dans le vaisseau lorsque nous avons atterri. » Il s’agissait de Doug. Rielle ne put s’empêcher de grimacer en le voyant entrer dans la pièce. Que faisait il là, d’abord ? N’en avait il pas assez de la tourmenter sans arrêt ? « Alors, nous avons évacué, puis lancé le gaz soporifique, continua l’officier sans s’émouvoir du déplaisir évident de son interlocutrice. Je suppose que tu te demandes comment nous t’avons retrouvée à l’intérieur du vaisseau ? » Rielle ne répondit pas, mais cela ne désarçonna pas Doug qui aimait s’écouter parler. « Tu étais bien cachée, je dois te reconnaitre ça. Si nous n’avions pas eu ces détecteurs de formes de vie, nous n’aurions certainement jamais pu te mettre la main dessus. » Il s’installa sur le rebord de son lit d’infirmerie. « D’ailleurs, même comme ça, cela n’a pas été aussi simple ! »

Sa jeune interlocutrice s’écarta de lui autant qu’il lui était possible. Elle ne l’avait jamais remarqué lorsqu’elle était petite, mais il se dégageait une aura dérangeante de cet homme. Complètement indifférent à son émoi, celui ci continuait de pérorer. « Tu es une petite futée ! Ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait qui est ta mère, en fait. Nous avons du démonter toute une partie de l’engin pour pouvoir te récupérer. Pour le moment, il est inutilisable d’ailleurs. Tu peux te vanter d’avoir causé tout un tas de dégâts. Mais peu importe ! Nous t’avons attrapée quand même. Je finis toujours, tu m’entends, toujours par retrouver ce qu’Ayla m’envoit chercher.
– Super, tu es un chien bien dressé, c’est vraiment intéressant, ironisa la jeune fille avec morgue.
– Ta mère a raison, tu es devenue bien arrogante, nota Doug. Pour me récompenser de t’avoir mis la main dessus, elle m’a autorisé à te donner cela. » Aussi vif que l’éclair, l’homme en gris plaça deux demis anneaux de métal autour du cou de Rielle et les clipsa ensemble, en un collier qui ne pouvait pas être enlevé ainsi qu’elle se rendit rapidement compte en s’échinant dessus. C’était d’autant plus désagréable qu’elle avait senti une petite pointe lui percer la nuque.

« Qu’est ce que c’est ? S’étrangla-t elle en sentant la panique l’envahir.
– Un joli collier de l’invention de ta chère mère, l’informa Doug en arborant un air triomphant. Cela fait des années qu’elle avait travaillé dessus. Il a pour but d’empêcher ta métamorphose, n’est ce pas merveilleux ? Comme ça, cela évite toutes les courses poursuites inutiles dans les conduites d’aération.
– Ca me fait mal, se plaignit Rielle avec les larmes aux yeux.
– Il fallait se montrer plus obéissante, la morigéna l’officier en la couvant d’un regard mauvais. Déjà que j’ai du éliminer ton petit camarade…
– Il n’est pas mort ! » S’écria la jeune fille avec un sanglot. Elle voulait se montrer inflexible, mais se sentait trop impuissante et prise au piège. De plus, elle était encore un peu groggy à cause des effets du gaz soporifique. En la voyant réagir ainsi, Doug afficha un immense sourire.

« Peu importe, balaya-t il d’un ton venimeux. C’est tout comme, puisque tu ne le reverras plus jamais.
– Tu mens, murmura-t elle.
– Oh non, je ne mens pas, rétorqua-t il d’un ton doucereux en approchant son visage à quelques centimètres du sien. Et j’ai autre chose pour toi : un joli bracelet. » Ce disant, il menotta l’un de ses poignets au lit d’infirmerie. « Voilà, comme ça, tu ne pourras plus t’enfuir. Tu vas rester sagement ici. »

1671 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 25

Prise de panique, elle commença par s’activer pour dévisser la grille. Puis, elle s’arrêta net. A chaque fois qu’elle avait une décision à prendre dans un moment stressant, Bran lui avait dit de toujours prendre quelques secondes pour évaluer la situation. Elle prit donc le temps d’inspirer et d’expirer profondément pour se calmer, garder la tête froide et réfléchir. Ils cherchaient certainement à la faire fuir pour l’attraper plus facilement. Rielle revissa alors rapidement la grille, tandis que le gaz montait doucement, mais inexorablement, vers elle. Selon elle, ils ne pourraient pas la trouver si elle se dissimulait au fin fond des conduites d’aération. Ils auraient beau l’endormir, ils ne pourraient pas accéder jusqu’à elle. Peut être même qu’ils ne sauraient pas où elle se cachait. Du coup, elle recula jusqu’à se retrouver à un endroit d’où elle ne pouvait être vue de nulle part, et attendit courageusement que le gaz l’endorme. Lorsqu’il l’environna et qu’elle commença à sentir ses paupières s’alourdir, elle ne lutta même pas. Elle ferma les yeux d’elle même et s’enroula pour dormir. Elle perdit rapidement conscience.

« Nous arrivons en vue de notre cible d’abordage. Veuillez rejoindre vos postes ! Abordage prévu dans les minutes qui suivent, alors ne lambinez pas ! » La voix d’Eglantine retentit dans tout l’Otter Space. Khouaf pencha la tête sur le côté et se trouva secoué de soubresauts, comme si il pouffait de rire. Kit ouvrit des yeux ronds. Le reptilien semblait bel et bien rire. Il leur fit signe de ne pas rester au milieu et se précipita hors de la pièce, les plantant là. En voyant la créature se mouvoir aussi rapidement, le garçon se dit qu’il n’aimerait pas être poursuivi par lui. L’adolescent se tourna alors vers son aîné et lui demanda :

« Et, du coup, nous, c’est quoi notre poste ?
– Hem… C’est une bonne question, avoua Bran. Je suppose que cela doit consister à ne pas nous trouver dans les pattes de tout le monde.
– Ca parait plausible, commenta Kit en hochant affirmativement la tête. Il ne faut pas rester au milieu, donc.
– C’est ça.
– Où allons nous rester alors ?
– Euh, je ne sais pas, dans n…
– Et si on allait dans la cabine de pilotage ? l’interrompit Kit.
– La cabine de pilotage ? Répéta Bran un peu pris de court. Mais ça serait justement nous mettre dans leurs pattes, ça !
– Mais non ! On se fera aussi petits que des souris, argumenta le garçon les yeux brillants. Personne ne sera gêné, je t’assure !
– Bon, si tu veux. » Capitula l’aîné. Il se disait que, dans le pire des cas, les pilotes présents les mettraient dehors sans autre forme de procès. Ils ne risquaient donc pas grand chose à tenter le coup.

Sur le chemin, ils faillirent buter sur Eglantine qui courait en sens inverse. « Qu’est ce que vous faites là ? leur demanda-t elle.
– Nous allions voir la cabine de pilotage, expliqua Kit qui n’avait pas abandonné son idée fixe.
– Mais pourquoi donc ? s’étonna la capitaine. Non non non ! Vous faites demi tour et vous venez à l’abordage avec moi ! Zou !
– A l’abordage ? répéta Bran d’une voix blanche.
– Oui, à l’abordage, confirma Eglantine. Vous n’aurez rien à faire, rassurez vous. Mais puisque que nous allons continuer le voyage à bord du vaisseau de livraison, il vaut mieux que vous soyez à bord, n’est ce pas ?
– Ah oui c’est vrai ! » S’exclama Kit avec un grand sourire.

Le jeune homme expira un grand coup, de soulagement. Grand Jean d’Argent avait essayé de le faire devenir un véritable ruffian sans foi, ni loi, mais doté de cruauté. Et cela, Bran n’avait jamais pu s’y résoudre. Son maître des marais lui avait dit qu’il avait le coeur trop tendre pour ces choses là. Il ne voulait rien avoir à voir avec un abordage en bonne et due forme. Néanmoins, cette étape était inévitable si il voulait retrouver Rielle. Il était prêt à n’importe quel effort pour cela. Mais si il pouvait laisser l’équipage d’Eglantine se charger de cette étape qu’il craignait, il leur en serait reconnaissant. Heureusement, la femme au cache oeil n’avait pas eu l’intention de les faire participer. De fait, ils ne virent strictement rien de l’opération. Lorsqu’ils mirent le pied dans le vaisseau, tout était déjà terminé. Bran se trouva stupéfait de constater qu’il n’y avait aucune trace d’échauffourée.

746 petits mots pour aujourd’hui

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 24

Thid soupira de nouveau et Eglantine paraissait ravie de son idée. « Et qu’allons nous faire des gens du vaisseau de livraison ? s’enquit Bran qui avait de mauvais souvenirs d’un certain cuisinier sanguinaire.
– Oh, nous les enfermerons quelques part, balaya la capitaine comme si il s’agissait d’une broutille. Ils ne nous dérangerons pas.
– Bon. » Le jeune homme était rassuré. Il n’aimait pas se rappeler cette période sombre de sa vie, lorsqu’il avait eu à faire avec l’homme cruel nommé Grand Jean d’Argent et qui avait causé sa perdition dans le marais. Au moins, cela lui avait permis de rencontrer ce vieil ermite bizarre qui lui avait appris tant de choses et, notamment, à estimer à qui il pouvait accorder sa confiance. Il considéra Eglantine un instant. Elle les avait accueillis en pointant une arme sur eux, là bas à Ocher Cove. Mais au delà de ça, elle ne lui paraissait pas dénuée d’émotions, ou fondamentalement méchante, comme avait pu l’être ce cuisinier. Il secoua la tête, essayant de se débarrasser de ces pensées parasites. Pour le moment, seul comptait le sauvetage de Rielle. Elle avait besoin d’eux, alors il n’allait pas se perdre dans ses vieux souvenirs. Comme le disait justement Kit à l’instant, il n’y avait pas de temps à perdre.

La porte de la cabine de pilotage s’ouvrit sur un bruit fluide de pneumatique. Khouaf, toujours revêtu de son éternel bleu de travail tâché, fit son apparition. Comme à son habitude, il ne dit pas un mot alors qu’il pénétrait dans la pièce de sa démarche bondissante. « Salut, Khouaf ! » Lui lança joyeusement la capitaine. Il répondit avec une espèce de trille qui venait de la gorge. « Qu’est ce qui t’amène ? » s’enquit ensuite Eglantine. Il se contenta de désigner les deux garçons d’un mouvement de tête. « Ah, c’est déjà l’heure de leur reprise, comprit la femme au cache oeil. Bon, vous avez entendu Khouaf, allez y ! Vous avez du travail qui vous attend. » Kit soupira, puis se leva pour emboîter le pas à son aîné qui suivait déjà le reptilien. Cette fois, au lieu de se montrer indifférent ou ennuyé, Thid parut compatir avec l’adolescent.

Rielle restait là à surveiller les gardes en uniformes gris, qui semblaient s’ennuyer. Ils étaient trois et ils s’étaient mis à discuter de la pluie et du beau temps. C’était une façon de parler, bien sûr, puisqu’il n’y a ni pluie, ni beau temps dans l’espace. Ils parlaient du champ de météores qu’ils avaient du traverser pour aller jusqu’au spatioport de Bourgétoile. Et de leurs familles aussi. La jeune fille apprit tout un tas de choses inutiles, dont beaucoup étaient ennuyeuses. Elle n’avait que faire du petit dernier de l’un d’entre eux qui faisait ses dents, notamment. Un autre était un papa totalement gaga qui ne cessait pas de parler des selles de son bébé. Elle ne savait pas qu’on pouvait avoir autant de choses à dire sur du caca de nourrisson. Pendant ce temps, elle n’avançait pas dans sa propre réflexion. Elle se trouvait prise au piège et cela l’irritait. Si des plantons s’amusaient à faire le pied de grue devant sa porte de sortie, elle allait peut être devoir essayer de s’enfuir une fois que le vaisseau serait arrivé à son port. Mais là, cela impliquait qu’elle allait à la fois devoir s’échapper discrètement du vaisseau, mais aussi trouver un moyen discret de quitter le complexe de recherche et ce, certainement à bord d’un autre vaisseau.

Elle savait fort bien, pour y avoir vécu sa prime enfance, que ce complexe ne se situait pas sur une planète, mais au beau milieu de l’espace. Du coup, elle ne pourrait pas juste quitter le complexe et se fondre dans la planète environnante, mais elle devrait quitter le complexe dans un vaisseau qui partait de là. Elle devrait certainement se cacher dedans. Cela ne devrait pas poser problème puisqu’elle pouvait se montrer particulièrement discrète en hippocampe à pattes. Mais cela impliquait un futur voyage désagréable, où elle devrait dormir dans des endroits peu confortables, voler de la nourriture et ainsi de suite. Une autre idée se fraya alors un chemin dans son esprit, qui ne lui plut pas beaucoup. Elle avait commencé à se demander comme elle pourrait facilement retrouver la planète de Kit. Là, s’était imposé à elle le fait qu’elle ne pourrait peut être pas retourner sur la planète de son frère. Pas parce qu’elle ne trouverait pas de vaisseau pour s’y rendre – après tout, elle savait qu’il y avait au moins deux spatioports sur cette planète – mais parce que dorénavant c’était le premier endroit où sa mère l’enverrait chercher. De plus, les hommes en uniformes gris avaient vu Kit et savaient même qu’il était en lien avec l’hôtel de Madame Granger. Et ça, c’était un problème. Cela signifiait qu’elle ne pourrait plus jamais vivre tranquillement auprès de son frère dans la ville natale de ce dernier. Elle essaya de se convaincre de ne penser qu’à sa fuite, mais son esprit n’arrêtait pas de gamberger sur ce qu’elle devrait faire après. Elle allait devoir se cacher. Cela, au moins, était certain. Reverrait elle Kit un jour ? Et Bran ? Elle avait partagé un étrange moment avec lui le matin de son enlèvement, qui lui paraissait à présent si loin. Ces pensées l’angoissaient.

Puis, soudain, une lumière se fit dans son esprit. Edward Hammerson. Son père l’avait déjà tirée du complexe de recherche une fois, il aurait certainement une nouvelle solution pour qu’elle puisse se cacher quelque part en sécurité. De plus, il pourrait faire passer des messages à Kit. Et à Bran. Cette idée la réjouit, mais se trouva aussitôt assombrie par un nuage de taille : comment allait elle faire pour retrouver le géant blond dans cet espace intersidéral infini ? Elle avait bien compris que son père ne faisait pas dans les activités légales. Et qu’il avait même un certain renom dans les milieux de la pègre. Comment faisait on pour retrouver quelqu’un comme ça ? Rielle n’en avait aucune idée. Elle craignait qu’en demandant aux mauvaises personnes, elle ne se mette dans un pétrin encore pire. Les gens qui devaient savoir où trouver son père ne devaient certainement pas être des personnes très recommandables.

La voix de l’officier retentit de nouveau dans les hauts parleurs, la faisant sursauter. « Rielle, je m’adresse à toi, je sais que tu m’entends. » Le fait qu’il s’adresse à elle directement lui glaça le sang. Elle se doutait bien qu’il était au courant qu’elle n’avait pas quitté le vaisseau, puisqu’elle n’avait aucun moyen de s’enfuir. Mais cela la terrorisa tout de même. « Rielle, tu ne peux aller nulle part. Je ne sais pas si tu l’as déjà vu ou pas, mais des personnes sont postées aux seuls endroits qui te permettraient de quitter ce vaisseau. Alors cesse de faire l’enfant et retourne dans ta cellule. Je compte sur toi pour faire preuve de sagesse et de maturité. Cela ne sert à rien de faire ce genre de caprice. » Si la jeune fille avait été un animal à fourrure, il ne faisait nulle doute que tous les poils de son corps auraient été hérissés en entendant ces propos. Un caprice ? Elle s’était faite enlever après que quelqu’un lui ait tiré dessus avec une fléchette à somnifère comme un vulgaire animal sauvage et il osait qualifier cette tentative d’évasion de caprice ? Rielle eût du mal à retenir le grondement qui lui venait à la gorge. Doug l’avait mise dans une colère noire. Elle était plus que jamais décidée de tout faire pour s’échapper, même si par la suite elle ne devait jamais réussir à voir Kit de nouveau.

Elle décida qu’elle attendrait que tout le monde quitte le vaisseau pour pouvoir s’en aller tranquillement, une fois qu’il serait arrivé. Cela lui paraissait être une bonne solution. Et puis, elle se sentait en sécurité dans ces conduites d’aérations. Personne ne pourrait jamais l’atteindre, ici. Elle n’était même pas certaine qu’ils auraient l’idée qu’elle avait pu s’enfuir par là. Malheureusement, même en échafaudant des plans, elle trouvait le temps long, était un peu fatiguée, se disait qu’elle n’allait pas tarder à avoir faim et, surtout, elle s’ennuyait à mourir. Elle s’affala de tout son long, se disant qu’elle devrait peut être dormir un peu pour tromper l’ennui. Mais le métal était froid et dur et une vague de nostalgie l’assaillit en pendant à toues ces nuits douillettes qu’elle avait pu passer dans le petit lit que Madame Granger avait trouvé juste pour elle. Cette maman là lui manquait. Kit lui manquait aussi. Surtout même. Et Bran également. Elle se sentit triste, mais d’autant plus déterminée.

Le sommeil dut s’emparer d’elle à un moment, puisqu’elle se réveilla en sursaut en entendant de nouveau la voix de l’officier dans le haut parleur. Il informait l’équipage qu’ils étaient arrivés à destination – ils étaient en train d’atterrir sur une plateforme plus exactement – et qu’ils allaient pouvoir quitter le vaisseau, mais en passant par une étape de contrôle à la sortie, puisqu’ils n’avaient toujours pas retrouvé Rielle. Cette dernière se réjouit de voir son attente prendre fin. Elle se redressa et s’étira longuement, car sa sieste mal installée l’avait toute ankylosée. Jetant un coup d’oeil par les ventaux de la grille d’aération, elle guetta le départ des hommes en uniformes gris qui surveillaient les capsules de sauvetage. Elles ne lui étaient plus d’aucune utilité à présent, mais la petite créature bleue et dorée se disait qu’une fois qu’ils seraient partis, elle n’aurait plus à attendre très longtemps avant de dévisser la grille pour sortir de cet endroit étriqué.

Une fois qu’ils furent partis – tout en continuant de parler de leurs enfants – elle prit sur elle de patienter encore quelques minutes. Elle se disait qu’à la place de Doug, elle ferait une ronde dans tout le vaisseau une fois que tout le monde l’aurait quitté, juste au cas où. Bien lui en prit, car un groupe d’uniformes gris passa effectivement dans le hall, aux aguets. Tout en se félicitant de sa ruse, elle se dit qu’il serait certainement plus sage d’attendre encore un peu avant de tenter une sortie. Lorsqu’elle en eut assez de patienter, elle sortit sa patte entre les ventaux et commença à dévisser à l’aide du couteau. Un bruit étrange la fit s’arrêter et rentrer prestement sa patte dans sa cachette. C’était très léger, mais persistant, comme si quelque chose fuyait. Elle constata alors qu’une fumée commençait à envahir la pièce et devait certainement envahir tout le vaisseau. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu’il s’agissait d’un gaz et qu’ils cherchaient, une fois de plus, à l’endormir.

1780 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 23

Kit se réveilla déçu. Il avait espéré que Rielle le contacte pendant son sommeil, comme la dernière fois. Mais cela ne s’était pas produit. Il resta un moment sur le dos, les yeux grands ouverts, à fixer la forme vague de Bran dans le lit au dessus de lui, qu’il distinguait à peine dans la pénombre. Pourquoi sa soeur ne l’avait elle pas contacté ? Etait elle trop loin ? Etait elle en danger ? Etait elle inconsciente ? Peut être qu’elle dormait seulement, comme lui. Devait il essayer de la contacter lui même ? Il grimaça. La seule façon qu’il connaissait de communiquer de loin avec Rielle était de se mutiler, la blessant elle au passage. Et il n’avait pas envie de lui faire mal, même si Bran lui avait expliqué qu’elle guérissait très rapidement. Il poussa du bout du doigt la forme de ce dernier. Comme cela ne produisait pas l’effet désiré, il réitéra à plusieurs reprises. A sa grande satisfaction, il parvint à faire émettre un grognement à son aîné endormi. Malheureusement, il n’y eut pas la suite attendue. Bran parut se rendormir aussi sec. N’étant pas du genre à se démonter pour si peu, Kit recommença l’opération, jusqu’à produire un « Quoi ? » ensommeillé et accusateur à la fois.

« Est ce que c’est le matin ? S’enquit le garçon qui ne savait pas trop quoi dire au final.
– Hmpf, ronchonna le jeune homme en regardant sa montre. Presque. Tu nous as réveillés une heure trop tôt.
– D’accord. Tu as senti la présence de Rielle pendant la nuit, toi ?
– Non. Pourquoi ?
– Parce que moi non plus, expliqua l’adolescent.
– Ah, émit Bran qui venait de comprendre le problème. C’est donc ça qui t’embête ?
– Oui, confessa Kit. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé.
– Ne t’en fait pas, tenta de le rassurer le plus grand. Il n’a rien eu le temps de lui arriver.
– Tu penses ?
– J’en suis certain. » Le jeune homme avait dit cette dernière phrase d’un ton beaucoup plus assuré que ce qu’il se sentait.

« De toutes façons, reprit Kit après un petit silence, elle ne va pas se laisser faire aussi facilement. En fait, je les plains ces hommes en uniformes gris ; elle va leur en faire voir de toutes les couleurs !
– C’est tout à fait possible, pouffa Bran. Ca doit être pour ça qu’elle n’a pas essayé de nous recontacter, si c’était bien ce qu’elle avait fait. Elle doit être beaucoup trop occupée à les martyriser.
– Ca ne m’étonnerait pas ! Se réjouit le garçon avec délectation en imaginant tout ce qu’une Rielle en colère était capable de faire subir. Ils n’avaient qu’à pas l’enlever.
– C’est vrai. » Lui concéda son aîné en se redressant sur son lit. Il s’étira, bâilla longuement, puis reprit : « Bien, je pense que nous n’allons pas dormir de nouveau.
– Ah non, confirma Kit. En tous cas, moi, je n’ai pas sommeil.
– C’est étonnant. » Ironisa Bran qui, lui, aurait bien dormi un petit peu plus. Mais, à présent qu’il était totalement réveillé, il savait qu’il n’arriverait pas à se rendormir. Surtout si peu de temps avant l’heure où il avait l’habitude de se réveiller. Il soupira. Il s’étira de nouveau et entreprit de descendre du lit superposé qu’il occupait. Kit l’imita en sautant à bas de son propre lit.

« Qu’est ce que nous allons faire ? s’enquit il ensuite avec curiosité.
– Euh… » Hésita Bran qui n’avait pas réfléchi à cela. Il s’était juste levé machinalement. Mais son cadet paraissait attendre qu’il prenne des décisions ; ce qui était plutôt normal, songea le jeune homme, puisqu’il s’était placé en tant que maître auprès de lui et de Rielle. « Que dirais tu d’aller dans la cabine de pilotage ? hasarda-t il.
– Oh oui ! S’exclama joyeusement le garçon. J’espère qu’Eglantine sera là, j’ai plein de questions à lui poser !
– Et si elle n’est pas là, tu pourras quand même poser tes questions aux personnes qui seront là à sa place, suggéra Bran.
– Tu as toujours de bonnes idées ! » S’extasia Kit en s’habillant le plus rapidement possible. Maintenant qu’il était réveillé, il avait bien l’intention de mettre la moindre minute à profit pour être meilleur que tout le monde à l’Ecole Planétaire de Pilotage qu’il visait. Il avait, pour le moment du moins, oublié ses inquiétudes vis à vis de Rielle. Son aîné se réjouissait de le trouver si facile à dérider. Lui, en revanche, s’était approprié les craintes de son cadet.

Il savait que Rielle et Kit étaient vraiment très proches. Ils avaient une relation particulièrement fusionnelles. Le fait que la jeune fille n’ait pas essayé de nouveau de contacter son frère ne laissait pas de l’inquiéter. Et puis, il y avait lui, aussi. Ils avaient partagé un moment fort ce fameux matin avant qu’elle se fasse enlever. Si elle n’avait pas essayé de communiquer ni avec l’un, ni avec l’autre, c’était effectivement inquiétant. Il tenta de se concentrer de nouveau sur ce que lui disait Kit alors qu’ils se rendaient tous les deux en direction de la cabine de pilotage. Celui ci faisait des hypothèses sur l’utilité de certains boutons qu’il avait pu apercevoir et dont il n’avait pas réussi à savoir à quoi ils pouvaient bien servir. Cela n’intéressait pas vraiment Bran mais, pour faire bonne figure, il fit mine de participer un peu à la conversation. Ce n’était pas très difficile, avec Kit : c’était un vrai moulin à paroles. Il s’auto alimentait, qui plus est. La plupart du temps, lorsqu’il s’agissait d’un sujet comme celui là où il réfléchissait tout haut plus qu’il ne dialoguait, il suffisait de hocher la tête et de marmonner des assentiments aléatoires.

Lorsqu’ils parvinrent à la cabine de pilotage et qu’ils frappèrent, ce ne fut pas Eglantine qui leur répondit d’entrer. Seul l’être tentaculaire se trouvait là, surveillant paresseusement la trajectoire de l’appareil ainsi que le radar. « Bonjour Thid ! Le salua joyeusement Kit.
– Bonjour à toi aussi, petit, répondit l’interpellé sur le ton de celui qui sent que quelque chose est en passe de venir troubler sa tranquillité.
– Tu es pilote ? Demanda le garçon.
– Oui, acquiesça Thid en se disant qu’il aurait difficilement pu lui prouver le contraire.
– Tu n’as pas l’air très occupé, vérifia ensuite Kit.
– Bah, il faut que je sois prêt si il se passe quoi que ce soit, modula l’être tentaculaire.
– D’accord, mais pour le moment, il ne se passe rien. Je ne vois rien sur le radar et rien n’a l’air de perturber la trajectoire.
– Tu dis vrai, soupira Thid en regrettant que le garçon ait raison.
– Du coup j’ai le temps de te poser des questions ! » Se réjouit l’adolescent avec entrain, pour le plus grand ennui du pilote. Bran compatit intérieurement avec lui. Ce n’était pas toujours facile d’encaisser un Kit en mode questions. Mais, au moins, lui se trouvait un peu tranquille. Il contempla l’immensité de l’espace et l’innombrabilité des étoiles par un grand hublot. Cela lui donnait presque le vertige. Toutes ses pensées étaient dirigées vers Rielle, tandis que le bruit de fond de la conversation entre Kit et Thid le berçait. Le jeune homme se fit la réflexion que, si il n’était pas si inquiet, il aurait très bien pu s’endormir de nouveau.

Il fut tiré de sa torpeur, et le garçon de sa conversation, par l’entrée fracassante d’Eglantine. A peine la porte ouverte elle lança un « Salut la cabine de pilotage ! » Avec une voix tonitruante, ce qui provoqua un nouveau soupir chez l’être tentaculaire qui voyait tout espoir de tranquillité s’enfuir loin de lui, sans retour possible. Elle s’arrêta net en voyant les deux garçons et les fixa d’un oeil rond pendant quelques secondes de flottement. « Mais qu’est ce que vous faites là ? Vous n’avez pas dormi ?
– Oh si ! Répondit Kit avec entrain. Et je suis super en forme pour apprendre plein de choses sur l’art du pilotage. Parce que Ed dit que c’est tout un art !
– Et il a raison, confirma la capitaine avec ferveur. Ca ne m’étonne pas d’Edward Hammerson, ça ! C’est un homme bien.
– Ca c’est sûr, confirma le garçon. Il m’a donné une soeur et, pour ça, je lui en serai toujours reconnaissant.
– Comme c’est mignon, s’attendrit Eglantine avec un petit sourire.
– Tu as un plan pour sauver Rielle, maintenant ? s’enquit curieusement l’adolescent.
– Comme ça, de bon matin ? Vraiment ? Soupira la femme au cache oeil. Tu es vraiment têtu, comme garçon.
– C’est ce que tout le monde dit, en tous cas, commenta Kit tandis que Bran hochait la tête en soupirant.
– Ce n’est pas peu dire. » Confirma le jeune homme.

Eglantine prit le temps de s’installer sur son siège de pilote, à côté de celui de Thid, et de vérifier qu’il ne se passait effectivement rien de risqué dans l’espace intersidéral qui les entourait. « Et bien, il s’avère que j’ai une idée, en fin de compte, lui révéla-t elle sur un air mystérieux qui enthousiasma Kit.
– Raconte raconte raconte ! s’impatienta-t il tout en arborant un air suppliant.
– Tu as une tête de chaton quand tu fais ça, remarqua la capitaine de l’Otter Space.
– Ah bon ?
– Oui, en tous cas, je trouve, confirma-t elle tandis que son co pilote levait les yeux au ciel.
– Mais on s’en fiche, de ça, balaya Kit. Raconte moi ton plan.
– Haha ! S’esclaffa Eglantine. Bien. Je peux au moins te donner les grandes lignes. Nous allons nous faire passer pour le vaisseau de livraison de provisions de bouche pour l’une des cantines.
– L’Otter Space ressemble suffisamment à un vaisseau de livraison ? s’étonna Bran en intervenant dans la conversation.
– Absolument pas, répondit la femme au cache oeil. En tous cas, pas à un vaisseau de livraison standardisé d’une cantine d’un complexe aussi important.
– Comment faire alors ? S’inquiéta Kit. Vous allez déguiser l’Otter Space ?
– Ca pourrait être une idée, nota Eglantine. Mais ce serait trop fastidieux et je n’ai pas très envie de camoufler ma loutre. Non, pour cette fois, je comptais m’emparer d’un vaisseau de livraison, tout simplement.
– Tout simplement, répéta Thid en marmonnant sur le ton de celui qui trouve cette idée plutôt trop compliquée.
– Mais où tu vas trouver ça ? s’enquit un Kit pendu aux lèvres de son interlocutrice.
– Sur le chemin, bien sûr, expliqua-t elle. Pour que ça soit crédible, il faut que nous arrivions à peu près à l’heure prévue. Et comme le sauvetage de votre amie est pressé – car qui sait ce qui pourrait lui arriver sinon – nous n’avons pas le temps de passer plusieurs jours à faire du repérage pour noter les heures d’arrivée et tout le tintouin.
– Ah non, confirma le garçon, il n’y a pas de temps à perdre.

178 d’hier + 1700 d’aujourd’hui

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 21

– C’est parce qu’elle tient très bien l’alcool, alors, il en faut vraiment beaucoup pour que ça se voit, expliqua la jeune femme.
– Mmmh, émit l’adolescent d’un air peu convaincu.
– Ouste, Listelle ! Je n’ai pas besoin que tu bourres le crâne de ces… mmmh… clients, d’inepties ! Comme si j’étais portée sur la boisson, pfeuh ! » Elle se resservit. »Alors, reprit curieusement Bran. De quoi dispose la mère de Rielle qui soit si précieux pour un équipage comme celui là ?
– La mère de Rielle, je ne sais pas. Je ne sais pas qui elle est, en fait. Jack avait des hypothèses, sauf qu’elles n’étaient pas assez fiables pour que je les prenne vraiment en compte. Mais, ce que je sais en revanche, c’est que les hommes en uniformes gris protègent toute une clique de scientifiques versés dans la génétique. Ils font tout un tas d’expériences plus ou moins sales, parfois même sur des gens.
– Sur des gens ? s’effara Kit. Mais qui serait assez bête pour aller se faire expérimenter ?
– Pour subir des expérimentations, tu veux dire ? Corrigea Eglantine avec un sourire. Bah, il y a tout un tas de personnes que ça intéresse. Elles sont rémunérées, ces expérimentations, pour les cobayes volontaires. Et des gens ont besoin d’argent.
– Oui, mais si ça rate ? s’enquit le garçon qui n’était pas sûr qu’il serait prêt à subir des choses pareilles même pour beaucoup d’argent.
– Et bien, c’est le risque à courir. Ils le savent, tu sais. Après, le bruit court qu’ils font aussi certaines expérimentations sur des gens qui ne sont pas volontaires.
– Ah bon ?
– Personne ne sait vraiment ce qu’il en est, tempéra la capitaine. Quoiqu’il en soit, il doit y avoir plein de choses intéressantes à dérober dans ces labos, pour les revendre à d’autres à prix d’or. » L’idée semblait particulièrement la satisfaire. « Je n’aime pas ces gens là, reprit elle. Alors je vais me faire une joie de les dépouiller ! »

Kit prit une gorgée du liquide que Listelle leur avait servi. Il crut que sa gorge prenait feu. « Aaah ! » Le garçon manqua de s’étouffer pendant que la femme au cache oeil éclatait de rire. « Haha ! C’est toujours brûlant la première fois, lui dit elle. Mais tu apprendras à l’apprécier.
– Je ne crois pas, haleta l’adolescent. Qu’est ce que c’était ?
– Une boisson d’adulte, ironisa Eglantine. Tu t’habitueras, tu verras.
– Ce que vous faites, pour nous, intervint Bran. C’est très risqué, n’est ce pas ?
– Oui, confirma platement la capitaine. Comme tout ce que nous faisons d’habitude. Sinon, nous n’aurions pas besoin d’avoir une planque comme Ocher Cove sur une petite planète perdue.
– Et le plan est déjà prêt pour l’assaut du laboratoire ? s’enquit ensuite le jeune homme.
– Il est en cours de préparation, plutôt, rectifia Eglantine. Pour le moment, je n’ai pas beaucoup d’informations. Ce que je sais, c’est qu’une communication d’un vaisseau en partance du spatioport de Bourgétoile a été interceptée par un de mes contacts. Que les gens de ce vaisseau avaient récupéré un colis et qu’ils étaient en partance pour le complexe de recherche principal des hommes en gris. Du coup, nous nous dirigeons par là.
– Et si elle n’est pas là bas ? s’inquiéta Kit.
– Si votre amie ne se trouve pas dans ce complexe, nous trouverons certainement des informations utiles sur place. Nous avons quelques spécialistes dans la recherche d’informations, sur l’Otter Space.
– Mais, si il s’agit de leur complexe de recherche principal, il doit être bien protégé, non ? S’informa Bran.
– Certainement, oui.
– Dans ce cas, comment allons nous pouvoir sauver Rielle ? s’inquiéta à son tour le jeune homme. »

La capitaine le considéra pensivement de son yeux étincelant. Elle ne répondit pas tout de suite, mais arbora un fin sourire. « Ca se voit que vous n’êtes pas beaucoup sortis de chez vous, nota-t elle. Ce n’est pas parce qu’un endroit est bien protégé qu’il n’a pas de failles. Nous n’avons pas une grosse puissance de feu avec juste notre Otter Space. En revanche, nous sommes malins et nous pouvons nous infiltrer à peu près n’importe où. Bien sûr, de temps à autre nous n’échappons quand même pas à quelques échauffourées. » Elle effleura machinalement son cache oeil. « Mais dans l’ensemble, nous sommes quand même très doués dans ce domaine.
– Vous êtes déjà allés là bas ? demanda Kit.
– Non. Mais nous allons obtenir des plans de l’endroit sous peu. Nous avons déjà eu les coordonnées exactes depuis quelques heures.
– Quand on est partis, tu ne savais pas dans quelle direction il fallait aller ? s’étonna le garçon.
– Je ne savais pas exactement, non, confirma Eglantine. Mais j’avais une idée de la direction générale à cause de la balise qui a relayé le signal du vaisseau qui partait de Bourgétoile.
– Mmhmm. » Fit l’adolescent, comme si c’était évident alors qu’il n’avait rien compris. Mais il ne voulait pas passer pour un idiot et la capitaine paraissait connaître son affaire, alors cela devait être bon.

Il remarqua que Bran buvait l’alcool qui l’avait fait s’étouffer sans broncher. Une vague envieuse l’envahit et il goûta de nouveau le contenu de son verre. Cela lui brûla encore la gorge et c’était tellement fort qu’il avait du mal à discerner le goût du breuvage. Il ne s’avoua pas vaincu. Après tout, Eglantine avait dit qu’il s’y habituerait, n’est ce pas ? « Combien de temps allons nous mettre pour arriver ? s’enquit le jeune homme ce qui suscita de nouveau une vague d’admiration envieuse de la part de Kit.
– Deux jours, je pense, estima la femme au cache oeil. Si nous n’avons pas à faire de détours à cause d’un champ d’astéroïdes ou d’un autre désagrément quelconque.
– C’est long, deux jours, soupira le garçon.
– C’est le mieux que je puisse faire, s’excusa Eglantine d’un ton compatissant.
– De toutes façons, les gens qui ont enlevés Rielle doivent aussi mettre ces deux jours pour arriver là bas, relativisa Bran.
– C’est vrai, se rassura Kit.
– Comme ils sont partis un peu moins d’un jour avant nous, elle n’aura qu’une journée à nous attendre dans le centre de recherche, continua le jeune homme. D’ici là, ils n’auront pas le temps de lui faire du mal.
– Tu as raison. » Approuva le garçon que ces propos rassuraient grandement. Il avait été terriblement inquiet en apprenant que Rielle était emmenée dans un laboratoire où on faisait des expériences de génétique sur les gens. « Et puis, si sa mère travaille avec les hommes en gris, ils ne lui feront pas de mal de toutes façons, continua-t il.
– Oui… » Confirma Bran d’un ton incertain.

De ce qu’il savait pour en avoir discuté un peu avec Rielle, elle avait déjà subi des traitements suspects. Elle lui avait aussi indiqué que sa mère – qui était une scientifique de renom semblerait il – n’était pas humaine, alors que son père, Hammerson, l’était incontestablement. Et le jeune homme avait trouvé cela très étrange, car les races issues de planètes différentes n’étaient pas compatibles entre elles. Son vieux maître l’ermite lui avait dit qu’après plusieurs milliers d’années à se côtoyer sur une même planète, certaines races avaient fini par réussir à produire des hybrides. Mais cela s’était avéré extrêmement rares. Et tout le monde avait oublié cela aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, la question de comment Rielle avait réussi à voir le jour se posait. Il avait compris que la génitrice de la jeune fille était d’une race amphibienne. Ce qui expliquait en partie que Rielle puisse se métamorphoser en animal aquatique. Mais le fait qu’elle pouvait se métamorphoser était très étrange en soi. Elle lui avait assuré que sa mère n’était pas d’une race métamorphe et, qui plus est, à peu près humanoïde. Pas grand chose à voir avec sa forme d’hippocampe à pattes bleu et doré. En bref, il y avait beaucoup de mystères entourant la naissance de la jeune fille, et Bran subodorait que tout n’était pas très clair là dessous. Il sourit néanmoins, d’un air qu’il espérait rassurant, à son cadet. Il n’estimait pas utile de l’inquiéter sur ces choses hypothétiques. Et puis, qui sait, ce n’était pas parce qu’il avait un mauvais pressentiment sur la question que cela devait forcément s’avérer vrai.

Eglantine fit dévier le sujet pendant le repas, où la plupart des personnes présentes sur l’Otter Space se retrouvèrent. Kit s’illumina, l’ambiance de ce repas lui faisaient penser aux joyeux drilles qui suivaient Edward Hammerson. Pendant quelques instants, il eut presque l’impression de se retrouver dans le restaurant de l’hôtel de sa mère en compagnie de l’équipage du géant blond. « Ma mère ! s’exclama-t il soudain. J’ai totalement oublié ! Elle doit s’inquiéter de ne pas me voir rentrer, il faut que je lui envoie un message.
– Oh que non, refusa la capitaine tout net. Pendant une mission d’infiltration, aucun message privé ne sort de l’Otter Space.
– Il faut que je la prévienne pour ne pas qu’elle s’inquiète ! persista-t il.
– Ne t’en fait pas pour ça, le rassura la femme au cache oeil. Jack s’est certainement occupé de ça à l’heure qu’il est.
– Tu penses ?
– J’en suis certaine.
– Vrai de vrai ?
– Mais oui ! » Assura Eglantine en levant l’oeil au ciel. Comme Bran appuyait ses propos d’un hochement de tête convaincu, Kit se calma. « Bon, maintenant qu’il va être temps pour vous de dormir, Khouaf va vous indiquer vos quartiers. Je pense qu’après tant d’émotions, une bonne nuit de sommeil vous fera du bien ! »

L’adolescent se sentait, il était vrai, plutôt éreinté, surtout après s’être occupé de nettoyer tout le vaisseau et d’avoir fait un peu de maintenance en plus. Il n’avait pas l’habitude d’en faire autant d’habitude. Bran, quant à lui, n’avait pas l’air particulièrement fatigué. Kit l’avait remarqué pendant la journée, mais son aîné s’était acquitté de toutes les corvées comme si il en avait l’habitude. Ce qui était le cas, puisque c’était le genre de journée épuisante qu’il vivait tous les jours au ranch de Jack Peddler. Il se leva néanmoins et suivit le reptilien en bleu de travail sans broncher. Cela réjouit l’adolescent qui n’avait pas envie de se retrouver tout seul. Il se sentait déjà suffisamment esseulé sans la présence permanente de sa soeur. Khouaf les mena jusqu’aux quartiers de l’équipage. Il s’agissait d’un couloir bordé de portes automatiques. Il leur désigna la salle de bain, au fond du couloir, puis la chambre qu’ils devraient partager pendant leur séjour sur l’Otter Space. Elle était minuscule et dotée de lits superposés. Il y avait aussi deux casiers en guise d’ameublement. Rien d’autre. C’était assez spartiate en somme, et il n’y avait pas de place pour l’intimité. Cela ne dérangea pas les garçons, qui n’étaient là que pour quelques jours ; ils sauraient s’en accommoder. Kit se demanda si le reste de l’équipage se partageait aussi de telles petites chambres. Il aurait bien posé la question à leur guide, mais il supposait que celui ci resterait silencieux. Dans tous les cas, le garçon prit à peine le temps de se débarbouiller de la crasse accumulée pendant sa journée de nettoyage, avant d’aller s’effondrer sur le lit du bas, qui était le plus proche. Bran lui ébouriffa les cheveux, avant de monter sur le lit du haut et de s’endormir à son tour.

« Parce que, tu vois, disait une des voix, je ne sais pas si j’aurais pu procéder des expérimentations sur ma propre fille.
– Le fait qu’elle ait une fille était déjà, en soi, une expérimentation, précisa une deuxième voix.
– Ah bon ? S’étonna la première voix. Elle voulait décider du sexe de son petit ? Mais je croyais que c’était un jeu d’enfant pour des gens comme elle, ça. » Rielle parvint enfin suffisamment près de la grille pour pouvoir distinguer les deux personnes qui discutaient. L’un était un homme en uniforme et correspondait à la première voix. Le second était un être insectoïde, revêtu d’une blouse blanche.

« Mais non, reprit ce dernier. C’était le fait d’avoir un enfant avec un humain qui était une expérimentation.
– Ah ! Je ne savais pas que son père était humain, confessa l’homme en uniforme.
– Et si, du coup Ayla a expérimenté sur elle même un procédé de son invention pour passer au dessus de l’incompatibilité génétique concernant la reproduction.
– C’est impressionnant !
– Oui, confirma l’insectoïde. C’était un véritable tour de force qu’elle a réussi. Malheureusement, elle n’a pas réussi à le reproduire sur d’autres sujets d’expérimentation.
– Elle est vraiment dédiée à son travail pour tester des trucs sur elle même, commenta l’homme en gris.
– C’est une femme de science, déclara l’insecte en blouse blanche comme si cela expliquait tout.
– Oui, et la science est vitale et la recherche de sa connaissance infinie, acquiesça l’uniforme gris. Mais tout de même, c’est faire preuve d’une grande dévotion que d’essayer ses substances tests sur soi même. Et sur sa progéniture, même si elle même était un test. » Celui là essayait d’exprimer quelque chose sur laquelle il n’arrivait pas à poser de mots. Rielle n’était pas surprise de la révélation. Sa mère, Ayla Kree Lai, ne lui avait jamais caché ses origines expérimentales. Ayla ne s’était jamais préoccupée de la répercussion que cela pouvait avoir sur sa fille. Elle ne s’était jamais intéressée à la psychologie. Seule, la génétique l’obsédait.

Bon. Les deux hommes continuaient de discuter de choses qui ne l’intéressaient pas et les capsules de sauvetage ne se trouvaient pas dans cette pièce. Rielle se remit discrètement en route à la recherche de sa porte de sortie. Tout en tricotant de ses petites pattes, toujours le couteau entre les dents, elle se prit à penser à sa mère. Ayla ne s’était pas montrée des plus chaleureuses. Elle aurait pu, pourtant, ne serait ce que pour convaincre sa fille de se prêter à ses expérimentations sans rechigner. Car la petite Rielle n’aimait pas les piqûres, ni n’appréciait le goût bizarre des mixtures qu’on voulait lui faire avaler, ni n’était intéressée de se prêter au moindre test, quel qu’il soit. Mais même ce genre de cajoleries manipulatrices lui passaient au dessus de la tête. Elle n’avait jamais laissé de choix à sa fille et ne lui avait jamais montré le moindre intérêt personnel. Autant dire que la jeune fille n’avait pas trop lutté lorsque Ed Hammerson avait mis la main sur elle. Lui, au moins, avait eu l’air de lui porter une certaine affection. Et, même si il l’avait laissée sur une planète isolée en partant, il avait eu la prévenance de la laisser en bonne compagnie. Décidément, plus elle y pensait, moins elle avait envie de retourner dans ce grand complexe de recherche, qu’elle avait toujours trouvé froid et inhospitalier.

Elle allait se diriger vers une nouvelle grille, lorsque la voix de l’officier Doug se fit entendre dans tout le vaisseau, la faisant s’arrêter net. « Ceci est un message d’alerte. Rielle s’est échappée de sa chambre. Elle n’est pas armée, mais sait tout de même se défendre. Soyez vigilants et veuillez indiquer tout élément suspect aux autorités dès que possible. » Elle se détendit lorsqu’elle comprit qu’il ne s’adressait pas directement à elle. Sa voix paraissait pourtant si proche ! Rielle en déduisit qu’elle se trouvait non loin d’un haut parleur. Pfff, une chambre, songea ensuite la jeune fille. Il avait le toupet d’appeler cette cellule une chambre ! Décidément, il était tout aussi insouciant de son confort physique autant que psychique que sa mère, celui là. Ils faisaient une sacrée paire. Rielle se demandait parfois pourquoi Ayla n’avait pas utilisé Doug plutôt que Ed pour la concevoir. Nulle doute qu’avec deux parents pareils, Rielle se serait montrée une fille obéissante et dépourvue d’émotions. Le rêve idéal de sa mère, donc. Bon. Quoiqu’il en soit, sa fuite avait déjà été éventée. Elle devrait se montrer encore plus prudente qu’elle ne l’était déjà.

Elle continua son chemin vers la grille et jeta un coup d’oeil à travers les ventaux. Il s’agissait d’une petite pièce sombre qui, si elle en croyait l’amoncellement de produits ménager et de choses de diverses utilités, ressemblait fort à un cagibi. Elle soupira. Si même le moindre placard à balais disposait de sa propre aération, elle n’avait pas fini d’explorer. Mais elle ne se démonta pas et continua d’inspecter sans relâche les pièces sur lesquelles donnaient les différentes grilles. Rielle faillit crier de joie lorsqu’elle trouva l’un des halls qui comprenait des capsules de sauvetage. Elle étouffa bien vite ses ardeurs en constatant qu’en plus des capsules, plusieurs hommes en uniforme gris se tenaient là. Ils paraissaient vigilants et disposaient tous d’armes à fléchettes. Certainement en vue de l’endormir, comme la première fois. La jeune fille sous forme d’hippocampe bleu et doré grimaça. Elle avait, certes, souvent une forme d’animal, mais ce n’était pas pour autant qu’elle appréciait d’être traité comme tel. Cela lui donnait encore plus l’impression d’être un cobaye quelconque, ce qui l’énervait au plus haut point. Toujours son couteau entre les dents, elle s’assit sur son arrière train pour prendre le temps de réfléchir.

Il était dommage qu’elle n’ait pas trouvé les capsules avant que l’alerte ne soit donnée. Elle était persuadée qu’elles n’étaient pas gardées avant que Doug ne soit informé de son absence. Le problème était qu’elle ne voyait pas comment s’enfuir d’ici autrement qu’en capsule de sauvetage. Voilà qui s’avérait particulièrement fâcheux, songeait elle. Peut être qu’elle pourrait profiter de la relève des hommes en gris qui gardaient le hall pour pouvoir s’enfuir ? Cela lui paraissait peu probable, surtout que cela ne se passait bien que dans les films que Kit et elle étaient allés voir. Mais, tant qu’elle ne voyait pas d’autre solution, il ne lui restait qu’à se planter là, à surveiller les hommes en contrebas et à réfléchir à une autre alternative. Et ce, tout en se tenant prête à saisir sa chance, si chance il y avait.

3006 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 20

Kit se rendit rapidement compte qu’il allait avoir un problème avec Khouaf. Pas qu’il était un être tortionnaire ou méchant, ni même très sévère. Non. Cette créature ne parlait tout simplement pas. Bran et lui devaient comprendre les instructions sans paroles. Le garçon trouvait assez fabuleuse cette façon qu’avait Khouaf de se faire comprendre sans prononcer un seul mot. Par exemple, il leur avait tendu des balais à franges et leur avait indiqué le sol dans son ensemble. « Ca va aller vite si il n’y a que cette pièce à nettoyer ! » S’était réjoui l’adolescent. Mais la créature reptilienne avait fait un signe de dénégation et avait ouvert grands ses bras à mains griffues. L’entrain de Kit était un peu retombé en comprenant que Bran et lui devaient nettoyer tout le vaisseau. Pendant le temps que les garçons s’attelaient à leur tâche, Khouaf resta près d’eux, à manipuler des petits composants. Lorsque le plus jeune s’était enquis de ce qu’il faisait, le reptilien s’était contenté de le fixer intensément, puis de pencher la tête sur le côté, avant de désigner le sol. Kit avait vite compris qu’il lui était ordonné de se remettre au travail.

Khouaf leur « expliqua » ensuite les autres corvées qu’ils auraient à effectuer pendant le trajet. Ils se rendirent compte que la plupart des tâches qu’on leur demandait consistaient à faire le ménage. Et, aussi, à aider en cuisine. Où ils auraient également l’occasion de faire du nettoyage. A chaque fois que Kit remarquait que cette corvée, là aussi, consistait à nettoyer, le reptilien le considérait avec un sourire carnassier, en penchant innocemment la tête sur le côté. « Je vais en faire des cauchemars, j’en suis sûr, confia Kit à Bran à ce propos.
– Des cauchemars ? s’étonna le jeune homme. Pourtant il n’a pas l’air méchant.
– Avec ses dents pointues et sa manière de me les montrer dès que j’ouvre la bouche ? Précisa l’adolescent. Je ne sais pas ce qu’il te faut ! A chaque fois, j’ai l’impression qu’il se réjouit à l’idée de me dévorer.
– Tu es trop émotif, commenta platement Bran.
– Trop émotif ? s’étrangla le plus jeune. Pourquoi tu dis ça ?
– Pour te taquiner, répartit son aîné avec un clin d’oeil. Ne t’inquiète pas de Khouaf. Il n’a pas l’air d’un mauvais bougre. Je pense qu’il cherche à te taquiner, lui aussi. »

Le reptilien en bleu de travail tâché revint, pour leur indiquer que leur pause était terminée. Il s’amusa à suivre Kit du regard avec son sourire carnassier, tandis que ce dernier passait auprès de lui. L’adolescent se demanda si Bran avait raison ou si Khouaf avait vraiment derrière la tête l’idée de le dévorer. En plus, son aîné avait l’air plus préoccupé que d’ordinaire. Kit compatissait ; lui même se faisait un sang d’encre pour sa soeur. Mais, pendant tout le temps où ils se trouvaient dans la cuisine, il avait eu l’air vraiment ailleurs. Et, même, irrité. Il avait considéré le chef cuisinier avec méfiance, ce qui ne lui ressemblait pas. Toutes ces tergiversations mentales étaient trop compliquées, décida l’adolescent qui, dès lors, préféra considérer que Bran s’inquiétait pour leur petite Rielle. La pauvre, elle devait se sentir tellement seule. C’était la phrase qui revenait à chaque fois à l’esprit de Kit quand il pensait à elle. Lui, au moins, était avec Bran. Et puis Eglantine et son équipage avaient l’air sympathiques, même si il avait vexé Renacleriblob d’entrée et que Khouaf l’effrayait un peu. Alors qu’elle, elle n’avait même pas une présence amicale à laquelle se raccrocher. L’être reptilien le pinça soudain. « Aïe ! » S’écria le garçon en sursautant. Khouaf lui désigna alors sa tâche incomplète et Kit réalisa qu’il s’était laissé aller à la rêverie. « D’accord, d’accord… » Ronchonna-t il en se mettant de nouveau au travail.

Lorsque leur journée se termina, ils rejoignirent Eglantine dans la salle à manger du vaisseau. « Alors, les lascars ! Les salua-t elle gaiment en levant son verre dans leur direction. Qu’avez vous pensé de votre première journée à bord de l’Otter Space ?
– Un peu ennuyeuse, répondit Bran en s’asseyant à la table.
– Et fatigante, renchérit Kit en faisant de même.
– Haha ! S’esclaffa la capitaine. Parce que vous croyiez que vous allier vous la couler douce comme sur un vaisseau de croisière ? » Elle rit de nouveau. « Oh que non ! Ici, tout le monde met la main à la pâte. Et, comme vous êtes des bleus en la matière, vous commencez par les tâches les plus ingrates. » Elle s’interrompit pour avaler une grande lampée du contenu de son verre. « D’ailleurs, mon équipage se réjouit de votre présence avec nous. Sinon ce sont eux qui se partageraient ces tâches, et ça les amuse aussi peu que vous.
– Hmpf, commenta l’adolescent. Bon. Quand est ce que nous allons retrouver Rielle ?
– Le plus tôt possible, lui assura Eglantine. Je n’ai pas que ça à faire, moi, de retrouver des jeunes filles en détresse.
– Elle n’aimerait pas entendre ça, précisa Kit.
– Bah ! Balaya la femme au cache oeil. Elle n’est pas là pour l’entendre, n’est ce pas ? Tu comptes le lui répéter ? » Le garçon secoua négativement la tête. « Alors peu importe, reprit elle. Bref. Je compte bien la retrouver vite. Parce que ça ne va certainement pas me rapporter suffisamment par rapport au risque pris, cette histoire !
– Je suis certain que si, intervint Bran. Sinon, vous n’auriez jamais accepté de nous aider.
– Huhu, pouffa-t elle. C’est qu’il est futé, celui là ! Ce n’est pas entièrement faux, ce que tu dis. Listelle ! Amène à boire à mes compagnons de tablée ! Ils ont l’esprit trop clair, c’est inadmissible. »

La dénommée Listelle obéit. Pour autant que Kit pouvait en juger, cette jeune femme là était bel et bien humaine. Elle leur servit une étrange boisson ambrée dans de minuscules verres. « C’est tout ? se désola Kit.
– Oui, le gourmanda-t elle. Sinon vous allez finir aussi ivre qu’elle.
– Elle n’a pas l’air si ivre que ça, estima le garçon.
– C’est parce qu’elle tient très bien l’alcool.

1025 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 19

Elle se secoua ; elle n’avait pas de temps à perdre en tergiversation. Elle posa les vis et le couteau dans la bouche d’aération, puis se hissa jusque là tout en se métamorphosant en petit animal bleu et doré. Elle failli laisser échapper la grille dans l’opération, mais la rattrapa de justesse. Maintenant qu’elle était toute petite et à quatre pattes dans un conduit d’aération pas très large, il lui fut un peu compliqué de refixer la grille correctement. En persévérant, elle finit par y arriver. Tout en maintenant l’objet par les ventaux d’une patte, elle entreprit ensuite de le revisser soigneusement.

Une fois qu’elle eût terminé, Rielle contempla le couteau dans sa patte. Que devait elle en faire ? Le laisser tomber dans le plateau repas en dessous ? Le garder avec elle ? Le laisser là pour ne pas se retrouver encombrée ? Elle avait bien envie de le conserver, tout de même, surtout si jamais elle voulait sortir du réseau de conduits d’aération et qu’elle devait dévisser les grilles pour pouvoir sortir. Ce serait idiot de se retrouver coincée dans le vaisseau même qu’elle voulait fuir. Néanmoins cela promettait d’être compliqué de se promener avec le couteau dans une patte. Dans ces conduits, elle avait besoin de ses quatre pattes. Elle attrapa alors l’ustensile entre ses dents et se lança dans l’inspection du nouveau territoire qui s’offrait à elle.

Tout en tricotant silencieusement dans les tuyaux de métal, Rielle se demandait ce qu’elle devait chercher. Dans l’absolu, elle savait qu’elle devait trouver des capsules de sauvetage ou quelque chose du même acabit. Ces appareils étaient programmés pour se diriger vers la planète vivable la plus proche répertoriée. Elle le savait, car c’était son père qui le lui avait dit pendant le peu de temps qu’elle avait voyagé avec lui. Sur le moment, elle ne s’était pas douté que ça pouvait lui être utile un jour. Il était plus exact de dire qu’il avait été le premier à le lui signaler. Parce que pendant les huit années qu’elle avait passées auprès d’un Kit toujours prompt à questionner les voyageurs sur les trajets dans l’espace, on le lui avait répété. Et expliqué moult autres choses qui ne l’intéressaient pas forcément, mais qui rendaient les yeux de son frère brillants.

La jeune fille supposait que tout le monde était au courant de ce genre d’équipement dans un vaisseau. Mais, pour sa part, elle n’avait pas vraiment été élevée comme tout le monde. En témoignait sa situation actuelle. Elle ressentait une certaine amertume vis à vis de tout cela. En vivant auprès de Kit, elle avait rapidement compris que son père avait raison sur certains points. Et, notamment, celui comme quoi les parents n’utilisent pas leurs enfants comme sujets d’expérimentation, d’ordinaire. Quelle était la formulation que Edward Hammerson avait employée, déjà, en parlant d’Ayla Kree Lai ? Rielle avait du mal à se souvenir de ce mot saugrenu. Une sociopathe. Si elle se souvenait bien, c’était bien ce terme là. Elle avait parfois du mal à intégrer des mots avec la manie de Kit de toujours les déformer. En plus, elle ne savait pas vraiment ce que ça voulait dire, sociopathe. Elle avait compris que c’était très péjoratif et que cela avait un rapport avec le peu d’émotions dont pouvait faire preuve sa mère – elle n’était pas bête tout de même – mais la jeune fille ne connaissait pas toute la portée de l’adjectif. Elle se souvenait tout de même avoir demandé à son père comment il en était venu à la concevoir avec sa mère, si il la trouvait aussi détestable. Il avait rit, de son grand rire de Ed Hammerson, et avait balbutié que tout le monde faisait des erreurs dans sa vie et qu’il s’était retrouvé à ne pas avoir trop le choix, là, et qu’elle comprendrait quand elle serait plus grande.

Un bruit attira son attention. Elle se dirigea discrètement dans cette direction. En s’approchant, elle perçut une discussion entre plusieurs personnes. Elle avança avec d’autant plus de précautions, pour ne pas se faire repérer, et s’approcha de la grille d’aération qui menait aux voix. Elle jeta un coup d’oeil rapide dans la pièce en contrebas.

700 mots