« Qu’est ce qu’il s’est passé ? s’enquit curieusement Kit.
– Je préfère te laisser dans l’innocence, éluda Eglantine. Venez avec moi, nous allons rendre visite aux pilotes de l’endroit. » Elle les mena jusqu’à la cabine de pilotage où se trouvaient deux hommes, humains, vêtus d’uniformes gris. Ils étaient gardés par Khouaf. Ce dernier arborait toujours un air indéchiffrable, mais ses deux captifs ne paraissaient pas très rassurés. L’un des deux était même très pâle et menaçait de tourner de l’oeil. Cela étonna Kit. Le reptilien paraissait certes descendre d’une race de prédateurs, avec ses griffes, ses dents pointues et sa démarche taillée pour la course. Mais il ne l’aurait jamais qualifié de dangereux, avec son apparente placidité et sa capacité à obéir immédiatement à n’importe quel ordre lancé par son capitaine. Il se demanda comment il avait pu ainsi traumatiser les deux hommes.
« Bonjour messieurs, les salua joyeusement Eglantine.
– Bonjour, madame, répondirent les captifs sur un signe péremptoire de Khouaf.
– Je suis ravie de voir que mon compagnon vous a indiqué que nous ne sommes pas des sauvages et que nous avons des manières. » Les pilotes échangèrent un regard perplexe, en se demandant si elle plaisantait ou si elle était sérieuse. « Je constate aussi que vous continuez votre course en direction du complexe de recherche que vous devez approvisionner, c’est parfait.
– Vous allez nous laisser effectuer la livraison ? ne put s’empêcher de demander le moins pâle des deux hommes en gris.
– Bien évidemment ! Les rassura Eglantine. J’y compte bien, même. Voyez vous, mes amis et moi même avons une grande envie de visiter ce complexe avec tous ses laboratoires. C’est pourquoi nous profitons du fait que votre vaisseau s’y rende pour nous incruster dans le voyage. N’est ce pas merveilleux ? Vous avez écopé de merveilleux compagnons de route. »
Les pilotes ne semblaient pas aussi enthousiastes. Mais ils n’avaient pas le choix et ils étaient pleinement conscients de ce fait. Ils se retrouvèrent obligés de suivre les ordre de la femme au cache oeil, menacés par un grondement sourd de la part de Khouaf dès qu’ils esquissaient le moindre mouvement qui pouvait éventuellement paraitre suspect. Le reptilien avait l’oeil vif et ne laissait rien au hasard. Kit brûlait de poser des questions. Un millier d’interrogations se bousculaient sur ses lèvres. Mais l’ambiance générale était assez tendue, alors il s’efforçait de garder la bouche close. C’était d’autant plus difficile pour lui qu’il n’avait pas l’habitude de rester silencieux. Bran, conscient de cet effort presque surhumain de son cadet, lui tapota gentiment l’épaule en signe de compassion. Ils savaient tous les deux qu’ils se rapprochaient de Rielle et cela renforçait leur détermination.
Elle ouvrit péniblement ses immenses yeux noirs de jais. La petite créature bleue et dorée du se concentrer et faire un véritable effort de volonté pour les garder ouvert. Sans même parler d’analyser ce qui l’entourait. Elle percevait des gens qui parlaient autour d’elle, mais son cerveau n’était pas encore suffisamment opérationnel pour analyser leurs propos. Rielle eut encore plusieurs petites absences avant de vraiment réaliser où elle se trouvait. Une main froide lui tapota la joue. « Réveillée à ce que je vois ? Bien. Il était temps. Ta petite escapade de huit ans nous a fait perdre beaucoup de temps ! Alors dépêche toi, j’ai quelques questions de routine à te poser. Et puis nous procèderons à certains tests.
– Moi aussi… » émit la jeune fille d’une voix enrouée. Elle se tut, prit sa forme humanoïde, puis toussota pour s’éclaircir la gorge, avant de reprendre : « Moi aussi je suis contente de te revoir après tout ce temps, maman.
– Tu essaies de te montrer sarcastique ? s’enquit Ayla Kree Lai avec presque une pointe d’étonnement.
– Je n’essaie pas, j’y arrive parfaitement bien, rétorqua sa fille dont l’esprit s’éclaircissait.
– Mmmh, tu es devenue arrogante, déplora la scientifique. Mais c’était à prévoir après avoir côtoyé une engeance comme ton père. Ce n’est pas grave, peu importe ton caractère au final.
– Oui, mon caractère t’a toujours été égal, se remémora Rielle. Alors je ne vois pas pourquoi tu as remué cieux et terres pour me retrouver. »
Sa mère la considéra un instant silencieusement, au dessus de ses verres de lunettes en demi lune. Elle avait les mêmes yeux immenses et aussi denses qu’un trou noir. Ayla était une créature élancée au teint bleu pâle, avec une tête un peu allongée au bout d’un long cou. Ses mains palmées trahissaient les origines aquatiques de sa race, qu’elle avait transmises à sa fille. Mais elle ne ressemblait pas autant qu’elle à un hippocampe. Ses vêtements étaient très classiques, gris et, surtout, recouverts par une blouse blanche. Rielle essayait de se souvenir d’un moment où elle n’aurait pas vu sa mère revêtue de cette blouse, mais n’y parvint pas. « Comment peux tu dire une chose pareille ? s’offusqua Ayla Kree Lai. Bien sûr que j’aurais fouillé le moindre recoin de l’espace pour te retrouver !
– Ah bon ? lâcha la jeune fille surprise d’une telle marque d’attention. Je t’ai tant manqué que ça ?
– Evidemment, confirma la scientifique au grand étonnement de sa fille qui se demandait quand sa mère s’était mise à éprouver des émotions. Tu es le travail de ma vie. Toutes mes études sur la génétique inter espèces tournent autour de toi ! Je n’ai pas réussi à reproduire l’expérience une nouvelle fois après toi. C’est pourquoi je dois étudier tout ça. Et je ne pouvais pas le faire sans toi. J’avais des échantillons de ton sang, mais cela ne suffit pas ; il faut que j’étudie ton corps dans son ensemble. Alors cesse de faire l’enfant. Dès que tu seras remise de ton sommeil induit par le gaz, d’ici une petite heure je pense, on procédera à quelques tests. Je suis impatiente ! »
Rielle soupira. Elle avait, encore une fois, espéré. Et, encore une fois, ses espoirs se trouvèrent déçus. Sa mère ne voyait en elle que le sujet d’une expérience. Une fois que sa mère fut partie, elle avisa une infirmière qui l’inspectait, certainement pour vérifier que tout allait bien après le gaz soporifique. « Comment m’ont ils trouvée ?
– Pardon ?
– J’étais bien cachée dans le vaisseau, expliqua la jeune fille. Comment ont ils fait pour me capturer ?
– Ca n’a pas été très compliqué, répondit une voix masculine avant que l’infirmière ait eu le temps d’ouvrir la bouche. Nous savions que tu étais toujours dans le vaisseau lorsque nous avons atterri. » Il s’agissait de Doug. Rielle ne put s’empêcher de grimacer en le voyant entrer dans la pièce. Que faisait il là, d’abord ? N’en avait il pas assez de la tourmenter sans arrêt ? « Alors, nous avons évacué, puis lancé le gaz soporifique, continua l’officier sans s’émouvoir du déplaisir évident de son interlocutrice. Je suppose que tu te demandes comment nous t’avons retrouvée à l’intérieur du vaisseau ? » Rielle ne répondit pas, mais cela ne désarçonna pas Doug qui aimait s’écouter parler. « Tu étais bien cachée, je dois te reconnaitre ça. Si nous n’avions pas eu ces détecteurs de formes de vie, nous n’aurions certainement jamais pu te mettre la main dessus. » Il s’installa sur le rebord de son lit d’infirmerie. « D’ailleurs, même comme ça, cela n’a pas été aussi simple ! »
Sa jeune interlocutrice s’écarta de lui autant qu’il lui était possible. Elle ne l’avait jamais remarqué lorsqu’elle était petite, mais il se dégageait une aura dérangeante de cet homme. Complètement indifférent à son émoi, celui ci continuait de pérorer. « Tu es une petite futée ! Ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait qui est ta mère, en fait. Nous avons du démonter toute une partie de l’engin pour pouvoir te récupérer. Pour le moment, il est inutilisable d’ailleurs. Tu peux te vanter d’avoir causé tout un tas de dégâts. Mais peu importe ! Nous t’avons attrapée quand même. Je finis toujours, tu m’entends, toujours par retrouver ce qu’Ayla m’envoit chercher.
– Super, tu es un chien bien dressé, c’est vraiment intéressant, ironisa la jeune fille avec morgue.
– Ta mère a raison, tu es devenue bien arrogante, nota Doug. Pour me récompenser de t’avoir mis la main dessus, elle m’a autorisé à te donner cela. » Aussi vif que l’éclair, l’homme en gris plaça deux demis anneaux de métal autour du cou de Rielle et les clipsa ensemble, en un collier qui ne pouvait pas être enlevé ainsi qu’elle se rendit rapidement compte en s’échinant dessus. C’était d’autant plus désagréable qu’elle avait senti une petite pointe lui percer la nuque.
« Qu’est ce que c’est ? S’étrangla-t elle en sentant la panique l’envahir.
– Un joli collier de l’invention de ta chère mère, l’informa Doug en arborant un air triomphant. Cela fait des années qu’elle avait travaillé dessus. Il a pour but d’empêcher ta métamorphose, n’est ce pas merveilleux ? Comme ça, cela évite toutes les courses poursuites inutiles dans les conduites d’aération.
– Ca me fait mal, se plaignit Rielle avec les larmes aux yeux.
– Il fallait se montrer plus obéissante, la morigéna l’officier en la couvant d’un regard mauvais. Déjà que j’ai du éliminer ton petit camarade…
– Il n’est pas mort ! » S’écria la jeune fille avec un sanglot. Elle voulait se montrer inflexible, mais se sentait trop impuissante et prise au piège. De plus, elle était encore un peu groggy à cause des effets du gaz soporifique. En la voyant réagir ainsi, Doug afficha un immense sourire.
« Peu importe, balaya-t il d’un ton venimeux. C’est tout comme, puisque tu ne le reverras plus jamais.
– Tu mens, murmura-t elle.
– Oh non, je ne mens pas, rétorqua-t il d’un ton doucereux en approchant son visage à quelques centimètres du sien. Et j’ai autre chose pour toi : un joli bracelet. » Ce disant, il menotta l’un de ses poignets au lit d’infirmerie. « Voilà, comme ça, tu ne pourras plus t’enfuir. Tu vas rester sagement ici. »
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