La panique la gagna instantanément. Qui avait donc bien pu l’enterrer vivante ? Des dizaines de questions se bousculaient dans sa tête. La principale, qui submergeait toutes les autres, étant : comment allait-elle sortir de là ? En criant, elle se mit à frapper contre la couvercle, arrachant le tissu au passage. La jeune femme savait qu’elle allait manquer d’air dans un futur proche et ses coups se firent frénétiques.
Un craquement retentit. De la terre se déversa sur elle. L’espoir qui naquit en elle à ce moment lui donna un regain d’énergie et, finissant d’arracher les lattes de son cercueil bon marché, elle creusa la terre. Sachant que l’amas de terre risquait de l’étouffer, elle avait l’intention de se frayer un chemin vers la surface d’une seule traite. Ses efforts se virent récompensés plus vite que ce qu’elle pensait ; elle ne devait pas avoir été enterrée très profondément. A son grand soulagement, elle s’extirpa bientôt entièrement du sol. La reconnaissance envers quiconque avait décidé de ne pas poser de dalle en pierre sur sa tombe lui effleura brièvement l’esprit.
La jeune femme jeta un coup d’oeil circulaire. Il faisait nuit, rendant le petit cimetière où elle se trouvait particulièrement lugubre. Elle épousseta machinalement la terre de ses vêtements. Ce faisant, elle remarqua qu’elle portait la plus jolie robe qu’elle possédait, robe qu’elle n’avait mise qu’une seule fois à l’occasion d’un mariage. Cette constatation lui arracha un sourire. Puis elle secoua la tête et, se dirigeant vers la sortie du cimetière, elle se demanda ce qui avait pu la conduire à se retrouver enterrée.
Elle était considérée comme malchanceuse en général, mais à ce point, cela dépassait l’entendement. Ses derniers souvenirs remontaient à son agression. La jeune femme avait l’impression que c’était la veille, mais comment le savoir ? Elle n’avait certainement pas été enterrée en un jour. Et puis elle se souvenait avoir été prise en charge par une ambulance à l’issue de l’agression. Les médecins avaient certainement du pouvoir faire quelque chose pour elle ; ses blessures n’étaient pas si graves que cela, si ? Elle avait entendu parler de ces gens dans le coma qui avaient été déclarés morts et avaient été enterrés par erreur et se demanda si cela avait été son cas. Peut-être que son agresseur l’avait bel et bien battue à mort.
A ce souvenir, la jeune femme frissonna. Et, lorsqu’elle se remémora sa terrible rencontre, ses jambes se dérobèrent et elle se retrouva, sanglotante, par terre sous un cyprès. Elle s’efforça de sécher ses larmes au plus vite. Il ne fallait pas rester là. La jeune femme se leva, tentant de renforcer sa détermination. Elle devait absolument retrouver sa famille. Ils étaient certainement tous effondrés à l’heure qu’il était.
En sortant du petit cimetière qui ne lui évoquait rien, elle pénétra dans un petit village, où elle ne se souvenait pas avoir déjà mis les pieds non plus. La jeune femme ne savait pas si sa mémoire était défaillante, ou si il s’agissait d’une lubie familiale de l’avoir enterrée ici. Laissant ses questionnements de côté, elle avisa la première maison qu’elle rencontra. Son éducation l’informa qu’elle allait déranger ses occupants au milieu de leur sommeil. Mais sa raison la rassura en lui faisant réaliser qu’elle était choquée, pleine de terre, morte de faim et qu’elle avait besoin d’assistance.
Comme personne ne répondit à son coup de sonnette, elle se laissa aller à appuyer frénétiquement sur le bouton et si elle dérangeait des voisins, tant mieux. Cela ne produisit aucun effet. « Ouvrez-moi ! S’il vous plait ! » Se mit-elle à hurler de sa voix cassée tout en continuant de torturer le bouton de la sonnette, avant de se mettre à frapper comme une forcenée.
La jeune femme se tut soudainement, surprise de voir la porte s’ouvrir sous l’action de son poing, en grinçant. Intriguée, elle entra. La maison avait l’air d’avoir subi une vraie tornade. La jeune femme se demanda si elle avait été cambriolée et si elle devait appeler la police. Une cuisine s’ouvrait directement à sa gauche. En pénétrant dans la pièce, elle se précipita sur le réfrigérateur pour manger quelque chose. Mais celui ci était vide, de même que les placards. Un papier arraché se trouvait aimanté sur la porte du frigo à l’aide d’un magnet représentant un lama dédaigneux.
Elle s’approcha pour déchiffrer le mot écrit à la va-vite. « Daniel, nous sommes partis nous réfugier à l’abri 07 avec les enfants. Si tu lis ce mot, rejoins-nous. A bientôt, j’espère. » La jeune femme n’avait jamais entendu parler de l’abri 07. Y avait-il eu une catastrophe durant son coma ? Elle se laissa tomber sur une chaise, épuisée, démoralisée et affamée. Elle souhaita brièvement ne s’être jamais réveillée. Assaillie par de noires pensées, elle se leva bientôt pour errer dans la maison abandonnée, telle une âme en peine.
Avisant la télévision du salon, elle l’alluma. Aucune image ne s’afficha, mais une voix prodiguait des conseils : « … Ne sortez de chez vous que de jour et seulement si nécessaire. Si vous décidez de vous rendre dans un abri, faites le voyage d’une traite et en journée. Ne vous approchez d’aucun individu que vous ne connaissez pas et… » La jeune femme éteignit le poste aussitôt, ne pouvant se résoudre à digérer plus d’informations effrayantes dans l’immédiat.
Puisque les consignes étaient de sortir seulement en journée, elle décida d’attendre le matin pour s’en aller. Pour plus de précautions, elle alla même fermer la porte d’entrée, inquiète des dangers qui pouvaient la menacer dehors, dans la nuit. Heureusement, elle n’eût pas à attendre très longtemps. L’aube pointa rapidement le bout de son nez. Ne pouvant plus attendre, elle sortit impatiemment de la maison, espérant trouver rapidement quelqu’un qui pourrait l’aider, avant qu’elle ne tombe d’inanition.
Sortant du village désert, elle emprunta la route qui passait à travers champ. Après avoir fait quelques dizaines de mètres, le soleil la baigna de ses rayons matinaux. Elle hurla de douleur. Les rayons la brûlaient et elle se sentit flamber. Sa dernière pensée fut pour l’homme qui l’avait violemment agressée dans une ruelle et à ses canines proéminentes qui l’avaient mordue dans le cou.