« Les Héros de Hurlevent » Geste I : Les Prémices (2/2)

Devant le trône se tenait, debout, le mystérieux mage qui prenait un malin plaisir à les tourmenter. Vikingar poussa soudainement un cri de colère. Le mystique tenait dans ses bras une jeune fille inconsciente qu’il reconnut comme étant sa jeune cousine qu’il avait sauvée, il y a bien longtemps, d’un ours qui menaçait de la dévorer. La délicatesse du visage de l’endormie ne laissa aucun des cœurs indifférents.

« Hinhinhin, se moqua leur ennemi. Je vois que je détiens là quelqu’un de cher au cœur d’au moins l’un d’entre vous !
– Lâche-la, félon ! ordonna le jeune Vikingar en dégainant ses dagues effilées. Tes mains impures ne méritent pas de se poser sur mon innocente et sage cousine !
– Crois-tu vraiment que je vais obéir à ton ordre, jeune impudent ? lâcha le magicien avec colère. Pourquoi penses-tu que je me suis encombré de ce fardeau ? Voilà quelques temps que vous me mettez les bâtons dans les roues. Et cela me déplait.
– Haha ! tonitrua le grand Herbert. Tu n’es pas prêt de nous voir nous arrêter de t’offenser, j’en ai bien peur ! » Brandissant ses lourdes épées, il fit un pas en direction du maléficien. Mais Yamo aux yeux de serpent le retint. En effet, leur pernicieux adversaire avait fait apparaître une cordelette de magie violette serrée autour du cou de la jeune fille, reliée à son doigt crochu de sorcier.

« Certains d’entre vous sont vifs, ronronna celui-ci. Si vous vous approchez, je lui coupe la tête.
– Sommes nous donc si effrayants à vos yeux que vous ayez besoin de nous soumettre au chantage ? s’enquit hautement Julianus qui ne demandait qu’à se laisser dominer par son tempérament de feu.
– Point mon ami, point du tout, répondit son vil confrère. J’ai d’autres projets concernant cette damoiselle. Mais si elle peut m’aider à vous faire cesser le sabotage de mes plans, créatures et installations, je ne vais pas m’en priver. » Un éclair de malice malsaine traversa son regard. « Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai du pain sur la planche, je dois donc prendre congé de vous. Si vous voulez bien vous laisser trucider sans faire d’histoires… »

Sur un rire sadique, porteur de promesses de malemort, le mauvais homme disparut par magie, emportant la cousine de Vikingar et laissant place à une ultime vague monstrueuse. Un assortiment de tout ce qu’ils avaient pu rencontrer jusque là assaillit les quatre fiers champions et ils eurent fort à faire, alors même qu’ils étaient déjà épuisés de leurs précédents combats. Sauf qu’aucun héros ne se laisse abattre aussi facilement. L’idée d’affronter l’ire de leur maître terrifiait ces monstres plus encore que de mourir sous les coups d’aventuriers. Si ils tenaient à mettre bas les quatre qui se tenaient fièrement devant eux, ils devraient payer le prix fort.

Ils le payèrent, le prix fort, de leur vie. Et ce, sans pour autant parvenir à tuer un seul de ces hommes à la destinée trop héroïque pour succomber à de si piètres adversaires. La fin du combat les découvrit debout au milieu d’un champ de cadavres, éclaboussés de sang, souffrant de moult morsures et griffures, pantelants, mais toujours droits et fiers, défiant l’adversité. Sensible à l’ambiance du moment, Furetzilla poussa un rugissement de victoire, bientôt repris par ses compagnons humains. Mais la victoire avait un goût amer ; grande était l’affliction de Vikingar. « Nous retrouverons ta cousine et la tirerons des griffes de ce malandrin. » lui assurèrent ses compagnons avec chaleur. « Et, à ce moment là, nous lui ferons payer très cher son infamie.
– Merci mes amis, déclara alors le jeune homme éploré. Vos sages paroles me réchauffent le cœur et me font voir l’avenir sous un jour meilleur. »

Sur ces propos emplis d’espoir, après une dernière considération au champ de bataille à présent silencieux, ils quittèrent cet endroit maudit. Joyeuses furent les réjouissances des habitants qui les acclamèrent à plein poumon en les voyant sortir vivants du terrible Manoir Hanté, qui était la cause de tant de malheurs. Ils organisèrent sur le champ un festin d’honneur et les quatre héros furent dûment récompensés d’or, d’argent et de pierreries. Les libations durèrent trois jours et trois nuits et, durant tout ce temps, les quatre libérateurs furent le centre de toutes les attentions.

Au terme des réjouissances, les quatre héros savaient qu’ils avaient encore beaucoup de travail à accomplir. En effet, le magicien félon était encore vivant à comploter, et le Mal ne leur laisserait pas de répit. Ils avaient encore beaucoup à faire avant de faire du Monde un endroit sûr, où les familles n’auraient à déplorer que la perte de leurs ancêtres et où les enfants pourraient s’épanouir sans risquer de se faire enlever par des créatures maléfiques. Ils remercièrent galamment les riverains du Manoir Hanté, faisant chavirer les coeurs et tomber les demoiselles en pâmoison. Puis, ils s’en furent sur les chemins de l’aventure, parsemés des nids de poules de l’adversité qu’ils devaient combler.

« Les Héros de Hurlevent » Geste I : Les Prémices (1/2)

Or donc, nos quatre fiers héros se retrouvèrent face à l’entrée sombre et lugubre du manoir hanté. Après un long échange de regards, emplis de promesses d’entraide, de camaraderie et de bons combats contre le Mal, ils ouvrirent grandes les portes et pénétrèrent dans l’antre du Malin, clamant de terrifiants cris de guerre. Le spectacle qui s’offrit alors à eux dépassait tout entendement. Une armée de fantômes et de cadavres ambulants, puants de putréfaction, les attendait de pied ferme dans une immense pièce, qui servait probablement de salle de réception. Si l’on peut dire… Sans se laisser déconcentrer par cette vision d’horreur, Julianus réunit les énergies magiques afin d’enflammer les épées de ses trois compagnons, sans oublier les crocs et les griffes du furet sanguinaire. Ceux-ci, ne connaissant pas les affres de la peur qui noue l’estomac et empêche l’action, se ruèrent ensuite sur les morts afin de les renvoyer vers l’infini et au-delà.

Le combat fut acharné ; en effet, les morts ne ressentent ni la douleur, ni l’émotion. Ce sont donc des adversaires fort coriaces. Mais il n’existe rien de suffisamment tenace pour empêcher les quatre héros de vaincre. Nombre de têtes pourrissantes furent magistralement détachées de corps décharnés, plusieurs autres furent consciencieusement réduits à l’état de charpie inoffensive – bien qu’impropre à la consommation – et beaucoup se retrouvèrent calcinés par la magie brûlante qui jaillissait de l’esprit, tout aussi brûlant, du puissant sorcier. Une fois que tous les esprits et cadavres furent calmés, calottés, calcinés et calanchés, les quatre vaillants prirent enfin le temps d’observer la salle dans laquelle ils étaient arrivés. Cette demeure avait du être belle auparavant. Mais à présent, tout était défraîchi et les morts avaient tout sali de leur décrépitude dégénérescente.

Le jeune Vikingar, habile à déceler des histoires entières cachées derrière un simple indice, s’exclama soudain : « Hardis compagnons ! Ces morts ne sont qu’un leurre, destinés à abuser les gens qui chercheraient à enquêter par ici. J’ai repéré des traces fraîches qui m’ont l’air faites par des humains vivants. Suivez-moi ! » Ainsi firent-ils, ces fiers personnages, mais le courage a parfois un prix à payer et ils furent bientôt pris au piège félon d’un mystérieux mystique. Alors qu’ils empruntaient l’escalier menant aux caves, la porte claqua brusquement derrière eux et, faits comme des rats, ils entendirent un rire malfaisant jaillir tout autour d’eux, comme si les pierres de la cave elles-mêmes montraient leur hilarité de les voir ainsi capturés.

« Voilà bien longtemps que personne n’avait osé s’aventurer aussi loin dans cette maison, les félicita le mystérieux mystique, sans pour autant se montrer à eux. Néanmoins, votre témérité ne vous apportera que la Mort.
– Qu’elle vienne, nous n’avons point peur de tes maléfices, misérable impie ! » s’exclama Herbert. Furetzilla grogna son assentiment et ses amis rugirent si fort leur noble courage que les murs tremblèrent. Effrayé par la magnificence de leurs âmes immaculées, le magicien invoqua des monstres sortis des endroits les plus sombres de son imagination.

L’exotique Yamo trancha les anneaux de dizaines de serpents géants au venin mortel. Le puissant Herbert écrasa les têtes de chiens tricéphales aux crocs saillants tandis que son fidèle furet sanguinaire les dévorait encore vifs. Le subtil Vikingar piégea de vieilles ombres dans sa lumière juvénile pour les réduire à néant et le sublime Julianus noya et brûla tous les monstres qui l’assaillirent avec un brio incroyable. « Est ce tout ? asséna FlammeNoire après avoir fait rôtir la dernière créature vivante. Est ce là toute l’étendue de ton pouvoir ?
– Je dois admettre que vous n’êtes point de ces aventuriers de pacotille dont j’ai l’habitude, déclara mielleusement l’hérétique qui laissait toujours résonner sa voix sans se montrer. Je souhaite voir à quel point vous êtes remarquables. Jouons ensemble ! »

Le rire malveillant les enveloppa de nouveau et, par magie, ils se retrouvèrent dans un marais où ils se firent immédiatement assaillir de sangsues gigantesques. Ils les tronçonnèrent, faisant jaillir de grandes gerbes de sang en tous sens. Ensuite ils se retrouvèrent sur un mont enneigé où ils durent combattre des Bêtes des Neiges. Ils les écrasèrent comme de vulgaires insectes sous leur héroïques bottes. Après cela, ils se retrouvèrent dans des oubliettes bardées de pièges. Ils les déjouèrent tous avec intelligence. Puis ils se firent attaquer par des guêpes géantes dans la clairière d’une forêt malade. Ils les flambèrent comme des bananes mûres. Tous ces combats commençaient à les fatiguer.

C’est alors que, encore haletants, ils furent magiquement transportés une fois de plus, mais cela les mena dans la salle du trône d’un château magnifique. Ils contemplèrent avec admiration les hautes fenêtres à vitraux colorés, les murs drapés de tapisseries brodées d’or et d’argent, le sol recouvert de riches tapis pourpres et le mobilier façonné dans du bois précieux.

Les Héros de Hurlevent, Prologue

Il était une fois, dans un royaume fort, fort lointain, si lointain que jamais personne n’a entendu parler de lui, quatre graines de héros qui se retrouvèrent au milieu de la magie et du surnaturel ambiant qui régnaient en maîtres. En effet, il est bien connu que l’excellence appelle l’excellence, il faisait donc partie du destin de ces quatre là que d’accomplir des hauts faits ensemble. Déjà, à leurs débuts, les ennemis du Bien tombaient sous leurs coups experts d’aventuriers creusant impitoyablement dans leurs rangs maléfiques.

Le plus grand d’entre eux, Herbert PorteHaute un monumental maître d’arme, tellement grand qu’il ne se trouvait pas de porte suffisamment haute pour le laisser passer sans qu’il ne se baisse, avait étranglé de ses mains potelées deux serpents qui s’étaient introduits dans son berceau, lorsqu’il n’était alors qu’un enfançon.

Le second et le plus jeune, Vikingar Nordmann à la crinière rousse, avait vaincu un ours à mains nues, alors qu’il n’était même pas encore entré dans l’adolescence, afin de protéger sa jeune et jolie cousine que le fauve menaçait de dévorer. Malgré son nom barbare, il maîtrisait fort bien la finesse des façons et des mots.

Le troisième, Yamo Yamamoto, était originaire d’une contrée plus lointaine encore, en témoignaient ses yeux fins et étirés, plus proche du serpent que de l’humain, et sa peau aussi jaune que le citron exotique. Il maîtrisait déjà, à cinq ans, la concentration nécessaire lui permettant de faire voler sa lame plus vite que l’éclair et de marcher sur l’eau.

Le dernier, mais non le moindre malgré sa petite taille, répondant au sombre nom de Julianus FlammeNoire, jouait avec les énergies magiques avant même la naissance, grâce à sa mère sorcière, et apprit très vite à devenir le maître des éléments. Le prix qu’il eût à payer pour cette maîtrise, sans laquelle sa puissance ne serait rien, lui laissa une cicatrice en forme d’éclair sur le front, qu’il cachait de ses mèches rebelles.

Ces quatre futurs héros de légendes, aussi imbattables que gentilshommes, firent connaissance dans une petite ville où ils se sentirent irrémédiablement attirés les uns vers les autres. Le Destin, force universelle, les appelait à réaliser de grandes choses ensemble, pour le bien de l’humanité toute entière. Peu avant sa rencontre avec ses compagnons, Herbert PorteHaute, qui était le premier arrivé, avait commencé par capturer et dompter un furet géant et sanguinaire. Cet horrible monstre, tout en poils, en crocs et en griffes, avait fait pitance des chiens de chasse racés du Seigneur de ces lieux et blessé plusieurs fiers chevaliers, avant de dévorer voracement leurs palefrois de guerre. C’est accompagné de cette bête aussi sournoise que redoutable, qu’il avait nommée Furetzilla, qu’il fit la connaissance de Vikingar, Yamo et Julianus.

A peine se furent-ils rejoints qu’ils décidèrent, de conserve, de se rendre jusqu’à un manoir hanté, tout proche, qui terrifiait les riverains. Ces quatre héros aux âmes pures ne se doutaient pas une seconde de qui cela les amènerait à rencontrer, ni de ce qui les attendait…