« Hinhinhin, se moqua leur ennemi. Je vois que je détiens là quelqu’un de cher au cœur d’au moins l’un d’entre vous !
– Lâche-la, félon ! ordonna le jeune Vikingar en dégainant ses dagues effilées. Tes mains impures ne méritent pas de se poser sur mon innocente et sage cousine !
– Crois-tu vraiment que je vais obéir à ton ordre, jeune impudent ? lâcha le magicien avec colère. Pourquoi penses-tu que je me suis encombré de ce fardeau ? Voilà quelques temps que vous me mettez les bâtons dans les roues. Et cela me déplait.
– Haha ! tonitrua le grand Herbert. Tu n’es pas prêt de nous voir nous arrêter de t’offenser, j’en ai bien peur ! » Brandissant ses lourdes épées, il fit un pas en direction du maléficien. Mais Yamo aux yeux de serpent le retint. En effet, leur pernicieux adversaire avait fait apparaître une cordelette de magie violette serrée autour du cou de la jeune fille, reliée à son doigt crochu de sorcier.
« Certains d’entre vous sont vifs, ronronna celui-ci. Si vous vous approchez, je lui coupe la tête.
– Sommes nous donc si effrayants à vos yeux que vous ayez besoin de nous soumettre au chantage ? s’enquit hautement Julianus qui ne demandait qu’à se laisser dominer par son tempérament de feu.
– Point mon ami, point du tout, répondit son vil confrère. J’ai d’autres projets concernant cette damoiselle. Mais si elle peut m’aider à vous faire cesser le sabotage de mes plans, créatures et installations, je ne vais pas m’en priver. » Un éclair de malice malsaine traversa son regard. « Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai du pain sur la planche, je dois donc prendre congé de vous. Si vous voulez bien vous laisser trucider sans faire d’histoires… »
Sur un rire sadique, porteur de promesses de malemort, le mauvais homme disparut par magie, emportant la cousine de Vikingar et laissant place à une ultime vague monstrueuse. Un assortiment de tout ce qu’ils avaient pu rencontrer jusque là assaillit les quatre fiers champions et ils eurent fort à faire, alors même qu’ils étaient déjà épuisés de leurs précédents combats. Sauf qu’aucun héros ne se laisse abattre aussi facilement. L’idée d’affronter l’ire de leur maître terrifiait ces monstres plus encore que de mourir sous les coups d’aventuriers. Si ils tenaient à mettre bas les quatre qui se tenaient fièrement devant eux, ils devraient payer le prix fort.
Ils le payèrent, le prix fort, de leur vie. Et ce, sans pour autant parvenir à tuer un seul de ces hommes à la destinée trop héroïque pour succomber à de si piètres adversaires. La fin du combat les découvrit debout au milieu d’un champ de cadavres, éclaboussés de sang, souffrant de moult morsures et griffures, pantelants, mais toujours droits et fiers, défiant l’adversité. Sensible à l’ambiance du moment, Furetzilla poussa un rugissement de victoire, bientôt repris par ses compagnons humains. Mais la victoire avait un goût amer ; grande était l’affliction de Vikingar. « Nous retrouverons ta cousine et la tirerons des griffes de ce malandrin. » lui assurèrent ses compagnons avec chaleur. « Et, à ce moment là, nous lui ferons payer très cher son infamie.
– Merci mes amis, déclara alors le jeune homme éploré. Vos sages paroles me réchauffent le cœur et me font voir l’avenir sous un jour meilleur. »
Sur ces propos emplis d’espoir, après une dernière considération au champ de bataille à présent silencieux, ils quittèrent cet endroit maudit. Joyeuses furent les réjouissances des habitants qui les acclamèrent à plein poumon en les voyant sortir vivants du terrible Manoir Hanté, qui était la cause de tant de malheurs. Ils organisèrent sur le champ un festin d’honneur et les quatre héros furent dûment récompensés d’or, d’argent et de pierreries. Les libations durèrent trois jours et trois nuits et, durant tout ce temps, les quatre libérateurs furent le centre de toutes les attentions.
Au terme des réjouissances, les quatre héros savaient qu’ils avaient encore beaucoup de travail à accomplir. En effet, le magicien félon était encore vivant à comploter, et le Mal ne leur laisserait pas de répit. Ils avaient encore beaucoup à faire avant de faire du Monde un endroit sûr, où les familles n’auraient à déplorer que la perte de leurs ancêtres et où les enfants pourraient s’épanouir sans risquer de se faire enlever par des créatures maléfiques. Ils remercièrent galamment les riverains du Manoir Hanté, faisant chavirer les coeurs et tomber les demoiselles en pâmoison. Puis, ils s’en furent sur les chemins de l’aventure, parsemés des nids de poules de l’adversité qu’ils devaient combler.