– Je garderai ceci à l’esprit, répondit Jynpo. A présent, assure-toi que les hommes se tiennent prêts à saluer l’ambassadeur et à honorer notre Clan. Renforce également la sécurité du palais, afin qu’il n’arrive rien de fâcheux à notre hôte. » Le conseiller militaire s’inclina et s’en fut obéir aux ordres. Kitsuki Hideaki arriva au même moment. « Tu ne trouves pas que la décoration de cette salle est magnifique ? lui demanda Jynpo.
– Certes mon Seigneur, répondit Hideaki. Il va être difficile de préparer les appartements de manière à ce que l’ambassadeur Doji pense que cela fait longtemps que nous l’attendons. Il en est de même pour tous les autres problèmes d’intendance liés à la venue de l’ambassade. Cependant tous vos serviteurs s’emploient à faire au mieux. Il ne vous reste plus qu’à préparer les paroles et la manière dont vous accueillerez personnellement l’ambassadeur.
– Très bien. » approuva Jynpo. Puis, n’ayant toujours pas résolu son dilemme quant à la place qu’il devait occuper dans sa propre salle du Conseil, il déclara : « Pour ceci je te propose d’aller dans mon cabinet de travail pour que nous réfléchissions à tout cela. »
Le lendemain, en fin de matinée, Jynpo coiffait soigneusement ses longs cheveux noirs en une queue de cheval haute, comme avaient coutume de le faire les guerriers de Yamato, avant de passer une armure de cérémonie qu’on avait préparé à son intention. Il s’agissait de celle qui avait appartenu à son père et il se souvenait encore de lui portant cette armure lors d’échanges diplomatiques. Cependant, bien qu’elle fusse parfaitement adaptée à la taille de son père, elle lui était encore un peu grande. Après tout, il n’avait pas encore tout à fait terminé sa croissance, ainsi que ses amis de Sylvanie se plaisaient à le lui rappeler sans arrêt. Alors qu’il s’échinait à ajuster l’armure, un serviteur arriva et lui tendit un message en s’inclinant. Jynpo prit le message et le lu. « J’espère que tout est prêt, soupira-t-il. L’ambassadeur et sa suite viennent de passer les portes de la cité. » Il termina rapidement d’ajuster son armure d’apparat, puis se rendit dans sa salle du trône pour y attendre l’ambassadeur, bientôt rejoint par l’ensemble de ses conseillers.
Quelques minutes plus tard, un messager arriva, prévenant Jynpo que l’ambassadeur se trouvait aux portes du palais et allait venir d’une minute à l’autre. « Il ne faut pas que j’oublie de bien me souvenir des règles de l’étiquette et des coutumes, comme me l’a conseillé Hideaki, car après plus d’un an loin des traditions de Yamato à côtoyer de rustres Sylvaniens, il est vrai que je n’en ai plus vraiment l’habitude. Il faudra que je fasse un effort et ce, même pour m’adresser à mes conseillers, leur montrant ainsi le respect qu’ils méritent. » pensait le jeune seigneur du Clan du Dragon.
Il fut sorti de sa rêverie par la voix d’Hideaki qui annonçait l’entrée du visiteur : « Voici Doji Kurou-san, grand diplomate de la non moins grande famille Doji, troisième ambassadeur du noble Clan de la Grue, accompagné de sa suite, vient rendre visite à Mirumoto Jynpo-sama, chef de la grande famille Mirumoto, Seigneur du Clan du Dragon, premier dans l’ordre de succession au trône impérial et Bushi Défenseur de l’Honneur de Yamato. » L’ambassadeur s’avança jusqu’au centre de la pièce, comme le voulait la tradition, et s’inclina. Jynpo fit un signe à Hideaki qui déclara : « Mon maître vous écoute. » Doji Kurou se redressa et prit la parole :
« Moi, l’ambassadeur du grand Clan de la Grue, espère que votre seigneurie Mirumoto Jynpo se porte bien. J’espère que notre arrivée ne vous prend pas au dépourvu, car nous avons retrouvé le messager que nous vous avions envoyé, mort, à quelques lieues de votre capitale.
– Je me porte très bien, répondit le chef du Clan du Dragon. Merci de vous en soucier noble Doji Kurou. J’espère qu’il en est de même pour votre maître. Permettez moi de vous rassurer : nous n’avons en aucun cas été surpris. En effet, informé de votre arrivée en vue de notre frontière, j’ai demandé à mes hommes de vous laisser passer sans fastidieuses contraintes administratives. Cependant, nous n’avons pu nous empêcher de remarquer votre désir de voyager en toute discrétion. Mais, vous savez, mes terres sont sûres, il était inutile de prendre autant de précautions en vous dissimulant de la sorte grâce à la magie. Néanmoins, si vous pensiez vos hommes trop peu armés pour vous protéger convenablement dans les montagnes sauvages de notre frontière, je vous aurais accordé avec joie une escorte de mes meilleurs samouraïs. »
Jynpo marqua une pause, durant laquelle il remarqua que l’ambassadeur dissimulait au mieux son étonnement. Celui-ci, d’ailleurs, inclina légèrement la tête et déclara : « Je remercie votre seigneurie de sa prévenance envers ses hôtes.
– Il était tout à fait normal pour moi d’agir de la sorte, il est dans les habitudes du Clan du Dragon de prendre soin de ses hôtes. » reprit la deuxième personne la plus puissante de Yamato, son cœur battant la chamade de peur de commettre une maladresse. « Cependant, l’honneur m’oblige à vous avouer, même si vous vous en êtes, à n’en pas douter, bien rendu compte, que, de peur qu’il vous arrive quelques malheurs dans les montagnes et que, ce faisant, mon hospitalité soit bafouée, j’ai demandé à quelques unes de mes troupes d’élite de vous suivre sans vous déranger. En ce qui concerne votre messager, l’enquête est déjà en cours pour appréhender son meurtrier. Ce regrettable incident m’a empêché de prendre connaissance du but de votre visite.
– Je vous remercie encore de tous les égards que vous avez eu à notre endroit. Je vous amène les salutations de mon Seigneur, le très respectable Doji Sunan-sama, chef de l’admirable Clan de la Grue et de la noble famille Doji, berceau des Impératrices du grand Empire de Yamato. Mon maître, dans son infinie sagesse, espère pouvoir entamer de saines relations diplomatiques entre nos deux clans, piliers de Yamato, liés depuis l’aube des temps et jusqu’à la fin de toutes choses par le biais de la famille impériale. En effet, en cette période troublée, de puissants clans comme les nôtres se doivent, plus que jamais, de veiller au bien-être de l’Empire. »