Ils se rendirent dans le petit bois voisin. D’après ce que Colin avait saisis, la bande d’Arnulf avait comme tâche de récupérer un coffret qui contenait une précieuse antiquité. En tous cas, c’était ainsi que le commanditaire avait présenté la chose. Les mercenaires savaient que le contenu avait une chance sur deux de s’avérer effectivement être une précieuse antiquité. Peu leur importait la véritable nature de l’objet, ils devaient le récupérer, voilà tout. La somme à la clef était rondelette, ce qui avait convaincu Arnulf de réunir de nouveau ses anciens compagnons.
Concernant leur plan d’action, le chef avait tout prévu en termes assez simples. Cygnus, qui avait été le premier à le rejoindre, avait effectué tout un travail d’espionnage en amont. Il savait donc que le coffret allait être transporté jusqu’à la ville voisine en passant par ce bois, avec d’autres bien dont ils pourraient s’emparer s’ils en avaient l’occasion. Il ne faudrait d’ailleurs pas hésiter à prendre d’autres objets de valeur, histoire de dissimuler le véritable objectif de leur larcin. Arnulf tenait au travail bien fait. Cygnus avait estimé que le petit convoi passerait le lendemain. Ils avaient donc la journée pour organiser une embuscade.
Colin était impatient de voir comment les choses allaient se dérouler. Bran avait essayé de le dissuader de venir. Il lui avait dit qu’il y allait sûrement avoir des blessés, probablement des morts et qu’il n’était pas certain que l’adolescent soit prêt à assister à ce genre de spectacle. Mais Colin n’était pas aussi naïf que l’homme se plaisait à le croire. Il avait assisté à des évènements terribles. C’était d’ailleurs comme cela qu’il avait découvert qu’il possédait cette étrange capacité… Bran avait soupiré lorsque son protégé avait insisté pour venir malgré tout et lui avait lancé un regard douloureux. Colin avait répondu avec son sourire candide, qui désarmait la plupart des gens, agrémenté d’un « Ne t’inquiète pas pour moi ! »
Assis sur une souche sur le bord du chemin qui traversait le petit bois, l’adolescent contemplait la mise en place. Cygnus et Bran inspectaient les meilleurs endroits pour se dissimuler pendant que Sigurd entamait un tronc avec une petite hache de bûcheron et qu’Arnulf donnait les dernières instructions. Talia s’occupait d’aiguiser les pointes de son trident tandis qu’Olga, assise non loin de Colin, s’éventait paresseusement. Il s’agissait de professionnels rompus à ce genre de tâches ; les préparatifs ne prirent pas beaucoup de temps. Ils s’installèrent ensuite pour la nuit dans une petite clairière non loin.
Le jour de l’embuscade était arrivé. Bran avait tenté une ultime fois d’écarter son protégé de la probable violence des évènements à venir. Colin avait accepté de rester caché dans les fourrés, mais il tenait absolument à assister à l’opération. Arnulf les rappela à l’ordre : il n’était plus temps de tergiverser, mais d’agir. Ils se mirent tous rapidement en place et l’attente commença. Blotti dans son buisson, le garçon s’assit en tailleur. Il posa ses mains sur ses genoux et baissa un peu les paupières, laissant ses yeux mi-clôts. Ainsi installé, il se projeta dans l’esprit de Bran.
Il s’y fit tout petit, pour ne pas gêner son protecteur. L’adolescent put tout de même constater que Bran avait un excellent point de vue sur la scène. Les mercenaires avaient fait tomber le tronc au milieu du chemin sans le rouler, pour mimer un incident forestier sans gravité. Afin d’agrémenter le sentiment de sécurité, Olga s’était assise sur le tronc. Toute seule au milieu du bois et jouant la vieille femme fatiguée, elle paraissait encore plus voûtée et inoffensive que d’ordinaire.
Une trille se fit entendre. Colin l’entendit à la fois des oreilles de Bran et des siennes. Il savait qu’il s’agissait de Cygnus qui informait la troupe que leur cible venait d’entrer dans le petit bois. L’adolescent sentit son hôte se tendre et toute sa concentration s’intensifier. Quelques minutes plus tard, un petit convoi se montra dans le champ de vision de Bran.