Cédric, du haut de ses dix ans, se sentait grand. L’année prochaine il allait passer au collège et, comme il l’avait souvent entendu dire, c’était une étape importante dans la vie. Il ne lui restait que quelques semaines à vivre en tant que CM2 et il sentait bien qu’une fois qu’il aurait quitté l’école primaire, ce serait définitif et qu’il serait désormais considéré comme un « grand ».
Ce dernier point le rendait fier, mais l’inquiétait aussi un peu. Il craignait de prendre des décisions infantiles, ce qui ne manquerait pas de faire qu’on se moque de lui. Lorsqu’il en avait parlé à ses parents, ils l’avaient rassuré en lui disant que, justement, le passage au collège allait l’aider à savoir comment prendre des décisions de « grand ». Cédric avait accepté l’explication. Il était impatient de savoir comment les professeurs du collège allaient lui apprendre des choses si importantes.
Il savait déjà dans quel collège il allait se rendre : le collège des Alouettes [nom à confirmer] qui se trouvait à cinq minutes à pied de chez lui. Cet établissement se trouvant en face de son école primaire, il avait souvent vu des collégiens y entrer et sortir. Ils lui paraissaient impressionnants, ces collégiens, et il espérait produire la même sensation sur les petits primaires lorsqu’il se trouverait à leur place.
Cédric était pressé, mais il savait qu’il avait d’autres étapes avant de mériter le titre de collégien. Il y avait les vacances d’été, bien sûr, mais aussi une réunion à la mairie dès le début des vacances. Cette nouvelle avait eu l’air de surprendre les parents du garçon, qui n’avaient pas eu de convocation à la mairie pour Céline, la sœur aînée de Cédric. La mère avait conclu que les choses avaient dû changer. Après tout, Céline avait trois ans de plus que son frère et tout le monde savait qu’il y avait souvent des réformes dans l’Education Nationale.
Il y avait en revanche quelque chose à propos de laquelle le garçon ne s’inquiétait pas : il savait que la plus grande partie de ses camarades de CM2 allait se retrouver au collège des Alouettes. Il y avait donc de grandes chances d’être dans la même classe que certains d’entre eux. Il espérait y retrouver Lucas et Stéphanie, ses deux meilleurs copains, mais de savoir qu’il verrait des têtes familières dans tous les cas le rassurait.
Tout s’annonçait donc plutôt bien, jusqu’à la fameuse réunion des futurs collégiens à la mairie.
Il faisait chaud en ce début juillet, jour de la réunion à la mairie. Ses deux parents accompagnaient Cédric, après l’avoir vêtu comme pour un mariage et soigneusement coiffé ses cheveux blonds, pendant que Céline gardait Carine, la benjamine. Le garçon aimait bien la mairie de son quartier. Il avait toujours l’impression d’entrer dans un château lorsqu’il y mettait les pieds. Cette fois ne fut pas différente des autres et il se sentit particulièrement important lorsque ses parents le firent entrer dans la salle de réunion qui leur était dévolue.
La pièce lui paraissait immense, avec ses grandes fenêtres, son estrade, le vieux parquet poli et grinçant et les chaises en partie occupées d’adultes et d’enfants. « Oh, tiens, regarde Cédric : il y a Stéphanie là-bas, s’exclama sa mère en désignant une fillette aux cheveux châtains.
– Allons les rejoindre ! » Renchérit son père qui s’entendait bien avec Marc Couture, le père de Stéphanie.
Cédric se retrouva entre sa mère, qui s’était assise près de madame Couture, et son amie, tandis que les pères s’assirent de l’autre côté de la petite fille. « Tu ne trouves pas que c’est bizarre ? Chuchota Stéphanie au garçon une fois assurée que les parents ne les écoutaient pas.
– De quoi ? S’enquit le garçon toujours enchanté d’assister à une réunion à laquelle même Céline n’avait pas participé.
– Il n’y a pas les autres de la classe, lui expliqua son amie en roulant des yeux. Normalement il devrait y en avoir d’autres. »
Cédric parcourut l’assemblée du regard. Presque toutes les chaises étaient occupées, ce qui signifiait qu’il ne manquait plus grand monde. Et, effectivement, il n’y avait pas d’autres personne de leur classe, à part Henry. Cédric laissa échapper une grimace ; il ne l’aimait pas. Il ne le disait pas trop, parce qu’Henry avait le malheur d’être orphelin et cela paraissait assez mal vu de ne pas apprécier un orphelin. Il fallait au contraire se montrer compréhensif envers lui.
Mais Cédric n’arrivait pas à le trouver sympathique. Il se contentait donc de l’éviter, ne sachant trop comment il devait se comporter avec lui. Henry était un enfant brun à lunettes et plutôt discret. Il était accompagné d’une vieille tante acariâtre qui regardait tout le monde avec un air pincé. Malgré sa discrétion, le jeune Henry se retrouvait souvent au milieu des bêtises provoquées à l’école mais en était rarement puni, certainement parce qu’il n’avait plus de parents. Cela avait le don d’irriter Cédric, qui ne trouvait pas cette situation entièrement juste.
Comme s’il avait deviné que Cédric pensait à lui, Henry tourna la tête dans sa direction, provoquant un éclair avec le verre de ses lunettes, et lui adressa un sourire. Le garçon blond répondit machinalement, avant de reporter son attention sur Stéphanie qui attendait son verdict. « Peut-être que Lucas est en retard ? Suggéra Cédric.
– Peut-être, oui, mais il en manque beaucoup d’autres… »
Les deux amis n’eurent pas le temps de faire plus de suppositions. Un homme et une femme qui arboraient des airs importants venaient de faire irruption dans la salle. Pendant que l’homme fermait la porte, sa collègue était déjà sur l’estrade en train d’adresser un regard inquisiteur à l’assemblée devant elle.
« Bienvenue mesdames et messieurs, leur lança-t-elle sans préambule. Vous êtes ici parce que vos enfants vont entrer au collège. » Il y eut un murmure d’assentiment dans la salle, pendant que l’homme qui avait fermé la porte rejoignait l’estrade. « Je suis madame Dumoulin, la directrice du collège des Alouettes, de l’autre côté du miroir, et voici monsieur Morin, le directeur de l’établissement complet qui regroupe le collège et le lycée. »
« Mais ce n’était pas madame Lapierre la directrice du collège ? S’étonna en murmurant pour elle-même la mère de Cédric. Céline ne m’a pas dit qu’elle avait changé.
– En tous cas, les papiers du collège ont gardé le nom de madame Lapierre, précisa la mère de Stéphanie toute aussi interloquée.
– Certains d’entre vous sont peut-être surpris de nous voir en tant que directeur et directrice, lança madame Dumoulin comme si elle savait ce qu’il se passait dans les têtes de tout le monde. C’est parce que nous ne sommes pas directeurs du collège des Alouettes, mais du collège des Alouettes de l’autre côté du miroir. »
Un silence perplexe régna quelques secondes, pendant lesquelles les parents et enfants essayaient de comprendre ce qu’elle voulait dire par là. « Qu’est ce que cela veut dire de l’autre côté du miroir ? S’enquit sèchement la tante d’Henry.
– Cela signifie que notre établissement est le miroir du collège des Alouettes, intervint le directeur Morin d’une voix douce mais ferme. Il accueille des élèves dotés de capacités… particulières. »
Un brouhaha d’inquiétude s’éleva dans la salle. « En quoi nos enfants sont-ils particuliers ? Lança le père de Stéphanie d’une voix forte.
– Ils ont la possibilité de devenir des pratiquants de la magie, expliqua monsieur Morin. Cela a été détecté lors de leur test d’entrée au collège, c’est pourquoi nous avons organisé cette petite réunion : pour vous informer de l’entrée de vos enfants dans un collège dévolus aux magiciennes et magiciens. »
Un silence lourd se fit, pendant lequel les parents essayaient de déterminer s’il s’agissait d’une plaisanterie. Comme personne ne surgissait en criant « Caméra cachée ! » et que madame Dumoulin et monsieur Morin paraissaient particulièrement officiels, ils commencèrent à échanger des regards interrogateurs les uns avec les autres et à peser les propos qu’ils venaient d’entendre.
« Du coup, nos enfants ont des pouvoirs magiques ? Vérifia une maman.
– C’est tout à fait cela, confirma madame Dumoulin.
– Mais, c’est une blague ? Osa un papa.
– Pas le moins du monde, assura monsieur Morin.
– Hmpf et si, dans l’hypothèse où vous ne nous racontez pas de fariboles, commença la mère d’une fillette blonde au visage doux, nos enfants sont-ils obligés d’aller dans votre établissement ? »
Le directeur et la directrice échangèrent un regard entendu. « Ce n’est pas vraiment que vous êtes obligés, précisa madame Dumoulin. Mais vos enfants risquent gros si personne ne leur apprend à canaliser leurs pouvoirs magiques.
– Gros comment ? S’inquiéta le père de Cédric.
– Avez-vous déjà entendu parler de cas de combustion spontanées ? Demanda monsieur Morin. Parce que c’est le genre de chose qui peut arriver. »
Une vague d’inquiétude parcourut l’assemblée. Cédric surprit les regards de ses deux parents qui le fixaient d’un air pensif. Les parents de Stéphanie couvaient leur fille du même regard. Personne ne semblait vraiment savoir comment réagir. Le garçon et son amie s’entre regardèrent : ils avaient du mal à croire qu’ils étaient des magiciens. Cédric ne se souvenait pas d’avoir déjà fait de la magie.
« Hum, reprit la maman de la fillette douce et blonde, et au niveau des études, votre éducation offre quels débouchés ? Et est ce qu’il est possible d’avoir des équivalences avec des établissements normaux par la suite ? Ou alors, serait-il possible de faire un programme accéléré d’appropriation des pouvoirs magiques pendant l’été, pour reprendre un cycle normal dès la rentrée ?
– Non, balaya monsieur Morin. L’étude de la magie est un sujet vaste qui ne peut, en aucun cas, être maîtrisé pendant deux mois d’été.
– Mais ma fille est surdouée, vous savez, précisa la mère.
– Ce n’est quand même pas possible, insista le directeur. En revanche, nous sommes en lien direct avec l’Education Nationale et je peux vous assurer que des équivalences sont possibles pour des élèves qui voudraient par la suite faire des carrières non magiques. »
N’ayant plus rien à demander, la mère de la fillette blonde se tût. Cédric était prêt à parier qu’elle cherchait autre chose à dire. Pendant ce temps, dans la salle, le brouhaha enflait de nouveau. Les parents étaient tous en grande discussions entre eux au sujet de cette école de magie dont ils n’avaient jamais entendu parler et que c’était une honte que le gouvernement dissimule des informations pareilles.
Les directeurs rétablirent le silence et ils entreprirent d’expliquer comment se déroulait la scolarité des élèves magiciens. Cédric estima que cela ressemblait beaucoup à la vie de collégien telle que la lui avait décrite sa sœur Céline, sauf pour les matières. Celles-ci ne se nommaient pas histoire-géographie, français, mathématiques ou anglais, mais plutôt [équivalents à trouver en rapport avec la magie, et puis les langues vivantes et les langues mortes pour la magie etc, comme mathémagiques par exemple].
La mère de la fillette blonde se présenta finalement comme madame Legrand et elle posa des questions sur chacune des matières. Et ce, jusqu’à ce que madame Dumoulin lui dise qu’il n’était pas nécessaire des les interrompre sans cesse, puisqu’ils allaient distribuer un fascicule d’informations à l’issue de la réunion. Madame Legrand afficha la même tête que si elle avait croqué dans un citron, mais se tint silencieuse jusqu’à la fin de l’exposé.
Cédric tourna la tête vers Stéphanie qui se penchait vers lui. « Il y a trente quatre enfants en plus de nous, chuchota-t-elle. Nous allons être dans de toutes petites classes !
– Comment tu le sais ? S’étonna le garçon.
– Parce qu’ils ont dit que nous allons être répartis dans trois classes. Et nous sommes trente six, ce qui fait que nous serons des classes de douze. »
Son ami hocha la tête. Il ne savait pas pourquoi Stéphanie tenait autant à tout le temps savoir combien ils étaient et qui ils étaient. A chaque début d’année, elle était toujours la première à se souvenir des prénoms et noms de leurs camarades. Elle retenait même l’ordre de l’appel de début de classe. Lorsque Cédric lui avait demandé pourquoi elle faisait cela, elle avait haussé les épaules et lui avait répondu « On ne sait jamais ! » Il s’était alors demandé si elle le savait elle-même. Le garçon se posait encore la question alors qu’il la regardait scruter leurs futurs camarades avec attention.
Tandis que son amie s’absorbait dans une étude approfondie des autres enfants, Cédric se pencha vers sa mère pour lui chuchoter : « Maman ?
– Oui mon chéri ?
– C’est vrai que… Que je suis un magicien ?
– Et bien… Hésita madame Berger. Il s’avère que quelques petites choses étranges ont eu lieu quand tu étais petit.
– Ah bon ? S’étonna le garçon blond.
– Oui, disons que tu générais beaucoup d’électricité statique, surtout quand tu étais contrarié. »
2132 mots pour aujourd’hui ! Comme vous l’aurez remarqué, cette fois j’ai l’impression que je vais vraiment réussir à faire un roman jeunesse !