La classe de Cédric devait élaborer des guirlandes en forme de serpents, d’araignées et de ce qu’ils voudraient qui serait dans le thème d’halloween. Cela leur permettait d’affiner leur dextérité magique, puisque madame Verone leur avait donné comme défi de se sortir de leur tâche en utilisant la magie. Selon elle, il n’y avait pas de sotte raison de s’entraîner à la magie et que c’était ainsi que l’on devenait un grand magicien.
Tous les élèves étaient enchantés par l’idée d’une journée festive au sein du collège. La conversation à propos d’halloween était dans toutes les bouches. Cette ambiance électrique avait fait oublier à Cédric et à ses amis tous les problèmes à propos de la Confrérie des Cinq Eléments. Le garçon blond ne pensait même plus au fait qu’il avait du mal à gérer son catalyseur ; il pensait qu’il s’était habitué à ses difficultés et il faisait avec.
Le matin d’halloween, tous les élèves du collège se réveillèrent plus tôt que d’habitude sous l’excitation. La quantité de collégiens qui arriva en avance était aussi bien plus élevée que d’habitude. Jérémy était tellement emballé qu’il n’arrêtait pas de prendre ses amis dans ses bras pour n’importe quelle raison. Les professeurs principaux, qui avaient rassemblé leur classe pour leur donner les dernières recommandations pour que le collège n’ait pas l’air d’un véritable chantier à la fin des réjouissances, n’arrivaient pas à juguler l’enthousiasme de leurs élèves.
Seule madame Verone parvenait à faire garder un semblant de calme à ses élèves. Elle leur fit même répéter les consignes qu’elle leur donnait pour être certaine qu’ils l’avaient entendue. Bien entendu, elle était consciente que la plus grande partie de ce qu’elle leur faisait répéter serait oubliée aussitôt qu’ils auraient quitté le petit amphithéâtre pour aller participer aux festivités.
Dès qu’elle les autorisa à partir faire la fête, ce fut un véritable raz de marée d’élèves qui roula vers la sortie. « Par quoi on commence ? Demanda vivement Jérémy qui avait un immense sourire plaqué sur la figure depuis le début de la matinée.
– Le château hanté ? » Suggéra Cédric. Il était très curieux de voir ce que les lycéens avaient fait pour faire de tout un bâtiment un musée de l’horreur.
Ses amis approuvèrent la proposition. Sauf que lorsqu’ils arrivèrent devant l’édifice, celui qui ressemblait à un donjon de château fort, il leur parut que tous les autres collégiens avaient eu la même idée. Ils grouillaient tout autour du bâtiment en produisant un impressionnant brouhaha. Il paraissait impossible de traverser cette intense marée pour entrer sur le moment.
Les quatre amis – car Matéo avait suivi un autre groupe de personnes en sortant de la salle – décidèrent de profiter des dizaines de stands en plein air. Ils étaient éparpillés de partout dans le parc de l’établissement, au grand dam des gros champignons colorés qui ne savaient plus où s’enfuir. Les loutres qui habitaient la rivière serpentant dans le parc s’étaient cachées dans leurs terriers pour l’occasion, dérangées par le monde ambiant et festivement bruyant. La seule loutre en vue était celle de Stéphanie.
Les stands étaient de petites maisons colorées et la plupart étaient tenus par des parents d’élèves. Certains avaient eux-mêmes participé à approvisionner les stands : pour samhain, tout le monde mettait la main à la pâte. Cédric se disait que ce serait vraiment chouette que cette fête soit aussi mise en valeur dans le monde sans magie. Il avait appris en histoire que c’était le cas dans l’antiquité, puis que tout s’était perdu lorsque les portails entre les deux mondes avaient été fermés. Dans le monde sans magie, les esprits ne pouvaient pas prendre corps. Ou très peu, en de très rares occasions.
Les quatre amis inspectèrent avec minutie tout ce que les petites maisons colorées avaient à offrir. Il y avait beaucoup de petits-fours et de pâtisseries maison aux formes et aux couleurs effrayantes. Jérémy se faisait un plaisir d’expliquer à ses trois compagnons ce que contenaient les gâteaux et sablés qu’il reconnaissait. Dans le doute, ils goûtèrent le plus de choses possibles. Ils appliquèrent le même sort aux boissons et autres nourritures à disposition.
Les stands qui ne proposaient pas de nourriture ou boisson affichaient une quantité de faux reptiles, insectes ou arachnides effrayants, des masques divers à porter pour faire peur à ses amis, des livres de conseils à propos des esprits, et toute une quantité d’autres choses dans le thème de samhain. [à continuer] Et, bien sûr, il y avait les petites maisons qui proposaient des jeux. Des pêches à la ligne où il fallait attraper des araignées, des jeux d’adresse, des courses de champignons et beaucoup d’autres choses.
Toutes ces distractions promettaient de bien remplir leur journée festive. En plus de cela, de la musique jouait de partout. Qu’elle soit juste une reproduction magique ou produite par de véritables musiciens, les notes emplissaient l’atmosphère du parc et de tous les édifices du collège. Il y avait même une piste de danse dans le réfectoire, où les quatre amis s’essayèrent à quelques pas, avant d’arrêter, embarrassés de se donner en spectacle. Là, la musique était entraînante. En revanche, elle était particulièrement lugubre dans le château hanté, où ils purent entrer tranquillement en milieu d’après-midi.
Le quatuor frissonna plus d’une fois dans l’édifice rendu le plus effrayant possible par les lycéens. Le parquet était grinçant à souhait et leurs facétieux aînés avaient parsemé des surprises dans le moindre recoin. Les quatre amis firent de leur mieux pour se montrer courageux et dissimuler leurs sursauts. Ils poussèrent tout de même plusieurs cris de surprise chacun, avant de rire à chaque fois d’un air gêné de s’être laissé prendre.
Valentine et Stéphanie profitèrent de l’occasion pour ne pas se lâcher de la visite, bras dessus, bras dessous. La loutre restait tapie entre les jambes de sa magicienne, qu’elle suivait comme son ombre. Elles furent parfois rejointes par l’un ou l’autre des garçons, et parfois même par les deux.
Ils firent une pause, où Cédric se retrouva tout seul pendant que les autres étaient aux toilettes. Il ne s’éloigna pas trop ; il ne voulait pas avoir peur sans compagnie. Une ombre se dressa face à lui, sans faire grincer le parquet. Il s’agissait d’une personne plutôt grande – certainement un lycéen – et portant un des masques grotesques que l’on pouvait trouver dans les stands du parc. Le lycéen masqué lui fit signe de le suivre. Curieux de savoir ce que lui voulait un plus grand que lui, Cédric le suivit.
Il se doutait que c’était une mauvaise idée et qu’il allait certainement se retrouver dans un piège où il allait hurler de terreur, pour la plus grande joie de ses aînés. Mais quelque chose le fascinait dans la présence qu’il suivait. Le lycéen ouvrit une porte et fit signe à Cédric d’entrer dans la pièce. Il obéit, plissant les yeux en prévision de la surprise effrayante qui allait arriver.
Rien ne se produisit. La salle n’était même pas décorée ; elle servait certainement aux organisateurs qui veillaient au bon déroulement des farces et attrapes, ou à ceux qui devaient se changer pour arborer des costumes tous plus grotesques les uns que les autres. Cédric se retourna vers la personne, laquelle venait de refermer la porte derrière eux. « Qu’est ce qu’il y a ? » S’enquit le garçon, intrigué par une telle attitude.
Le lycéen ôta lentement son masque. Il s’agissait d’une jeune fille fine aux longs cheveux blonds, très pâles. « Bonjour, lui souhaita-t-elle d’une voix harmonieuse. Tu es Cédric Berger, n’est ce pas ?
– Oui, c’est bien moi, confirma le garçon. Pourquoi… ?
– Et bien, tu es une vraie célébrité, nota la jeune femme en s’appuyant contre un mur. Et il est difficile de te parler en tête à tête. »
Cédric lui jeta un regard perplexe. « Ah bon ? Lâcha-t-il.
– Ah bon pour la célébrité ou pour le tête à tête ?
– Les deux.
– Oh, émit la lycéenne avec un sourire moqueur. Pour la célébrité, tout le monde connaît l’existence du nouveau maître du brouillard. Un catalyseur de brume n’était pas apparu depuis la vieille Hildegarde, alors tu penses bien que la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre. »
Le garçon se sentit terriblement embarrassé. Apparemment, il était devenu célèbre au yeux du monde magique, alors qu’il ne savait même pas maîtriser son catalyseur du brouillard. Il se demanda dans combien de temps tout le monde allait être au courant qu’il n’était qu’un mage de bas étage. Il se renfrogna, mais la jeune fille ne fit pas mine de l’avoir remarqué. Elle continua :
« Quant au tête à tête, il faut avouer que tu es toujours bien entouré. Tu as peur de te faire attaquer ?
– Oh euh… Non ! Pourquoi est ce que je craindrais une chose pareille ?
– Je ne sais pas, l’aura des maîtres du brouillard est si mystérieuse et puissante que je suppose que ça amène des jalousies.
– Ah, oui, pour le moment j’ai surtout eu des regards et des moqueries. » Expliqua Cédric avec amertume.
Il se demandait à présent si la lycéenne blonde avait quelque chose en particulier à lui dire et pourquoi elle préférait discuter avec lui seulement. Peut-être était-elle timide ? Pourtant, il avait du mal à considérer qu’elle puisse être timide face à un collégien fraîchement arrivé comme lui. D’autant qu’elle ne paraissait pas intimidée le moins du monde pendant qu’elle devisait ainsi avec lui.
Un cri retentit. Cédric crut qu’il s’agissait de quelqu’un qui s’était fait surprendre, mais il reconnut ensuite la voix de Jérémy. Il l’appelait. « Bon, je crois que notre conversation s’arrête ici, déclara la jeune fille en remettant son masque. Si jamais tu veux discuter de nouveau, n’hésite pas ! » Elle sortit brusquement pour surprendre les trois amis de Cédric et, son méfait commis, elle s’en fut d’un pas aérien.
« Wouah, on peut dire que j’ai failli avoir une crise cardiaque sur ce coup là ! S’exclama Jérémy.
– Je pense que c’était l’effet recherché, pointa Valentine d’un ton moqueur.
– Tu es là ! Se réjouit Stéphanie en voyant Cédric sortir de la pièce. Qu’est ce que tu faisais là-dedans ?
– Je discutais avec le monstre là, expliqua l’interpellé. Elle est plutôt sympa !
– Moi je l’ai trouvée plutôt effrayante, persista Jérémy. Elle a jailli juste devant moi !
– Certainement pour te faire peur, d’ailleurs, le taquina Stéphanie.
– Et elle voulait quoi ? S’enquit le garçon brun en faisant semblant d’ignorer la remarque.
– Apparemment je suis célèbre.
– Ah, et elle voulait un autographe ? Demanda Stéphanie.
– Euh, même pas. »
Cédric aussi se demandait ce que la lycéenne, dont il ne savait même pas le prénom, avait recherché en discutant ainsi avec lui. Il avait trouvé l’échange plutôt étrange et pas vraiment édifiant. Le garçon était plutôt content qu’une fille plus grande que sa soeur aînée ait daigné lui accorder de l’attention cependant. Il en concevait même une certaine fierté et il espérait qu’elle n’apprendrait jamais qu’il avait des difficultés avec son catalyseur de brume.
Comme ils avaient visité entièrement le château hanté, les quatre collégiens décidèrent de retourner voir les petites maisons colorées où ils comptaient se servir un goûter bien mérité après tant d’émotions. Sur le chemin, ils s’amusèrent à poursuivre les gros champignons colorés qui n’avaient pas trouvé d’endroit à l’écart pour se préserver de la foule festive.
Après avoir couru et mangé, ils s’installèrent un peu à l’écart pour se reposer un peu. Ils passèrent la suite de l’après-midi à discuter entre eux, tout en regardant les festivités de loin. Leur quiétude fut interrompue par un bruit de course qui se rapprochait. Un garçon des Belles Gens jaillit d’un buisson et trébucha sur une racine, s’étalant devant eux de tout son long. Il leur jeta à peine un regard. Visiblement inquiet, il se releva rapidement et poursuivit sa fuite.
Sous les regards perplexes des quatre amis, Henry jaillit à son tour. Voyant le fuyard dans son champ de vision, il tendit le bras dans sa direction, ordonnant à son feu de se jeter sur lui. « Mais qu’est ce que tu fais ?! S’horrifia Stéphanie. Tu vas le blesser !
– T’occupes, lui répondit Henry dont le feu se reflétait dans ses lunettes. Il est dangereux, il complote avec la Confrérie des Cinq Eléments.
– A son âge ! S’exclama Jérémy. Mais tu dis n’importe quoi !
– Pfff, vous ne pouvez pas comprendre. »
Sur ces propos dédaigneux, Henry reprit sa poursuite, tandis que Cédric se disait qu’il avait décidément bien raison à propos de l’orphelin. « Ah ben ça alors… Commenta Jérémy. Je sais que les Belles Gens sont pédants et tout, mais pas de là à les accuser comme ça et à les poursuivre à coup de boules de feu… C’est super violent quand même !
– Vous croyez qu’on devrait prévenir quelqu’un ? Suggéra Valentine d’un ton inquiet. Il ne cherche quand même pas à le tuer, si ?
– Dans tous les cas, je pense qu’on devrait essayer de l’arrêter. » Déclara Cédric en se levant.
Les trois autres approuvèrent et s’élancèrent à la poursuite des deux garçons, même s’ils avaient un retard conséquent et que Valentine et Cédric avaient du mal à respirer correctement l’air chargé d’énergie du monde magique. Ils n’eurent pas à courir longtemps. Henry et le garçon blond issu des Belles Gens avaient été interceptés par monsieur Haut Castel, qui était le professeur principal de la classe du feu, classe dans laquelle se trouvait Henry. Monsieur Haut Castel ne paraissait pas en colère. Il se tenait droit dans ses bottes dépareillées et avait séparé les deux collégiens.
Le professeur principal de la classe du feu accueillit les quatre amis de son sourire avenant et déclara : « Allons allons, voilà que toute cette agitation attire du monde. Vous pouvez circuler, les enfants, je m’occupe de ces deux-là.
– Mais vous ne comprenez pas, persista Henry à l’intention de monsieur Haut Castel. Il fallait absolument que je l’arrête, il est en relation avec des mages dangereux…
– Les élèves ne doivent pas agresser leurs camarades, ni faire la justice eux-mêmes, le gourmanda gentiment le professeur. Surtout sur de simples présomptions. Allez, venez, je vous emmène voir madame Dumoulin. »
Cédric estimait que monsieur Haut Castel prenait cette altercation un peu trop à la légère. Peut-être n’avait-il pas vu qu’Henry avait essayer de brûler vif son camarade, ou alors il était sensible à sa condition d’orphelin. L’histoire que Cédric avait si souvent vue se déroulait de nouveau. Stéphanie lui prit le bras pour lui faire signe qu’ils devaient s’en aller. Le garçon haussa les épaules et s’éloigna avec ses amis.
« N’y pense plus, lui conseilla Stéphanie qui connaissait aussi Henry de l’année d’avant. Tu sais bien qu’il aime se rendre intéressant.
– Moui mais je trouve qu’il pousse le bouchon de plus en plus loin, grommela Cédric.
– Ne t’embête pas avec lui, intervint Valentine. Après tout, il ne nous concerne pas.
– Je suis d’accord avec Cédric ! S’écria Jérémy. Il est gonflé ce…
– Henry, lui souffla Stéphanie.
– Il est gonflé ce Henry ! Reprit le garçon brun. Il se permet beaucoup de choses je trouve. Et en plus, je trouve que ça nous concerne un peu quelque part, parce qu’il a parlé de la Confrérie des Cinq Eléments. Et cette confrérie concerne Cédric de près quand même ! »
Nul ne pouvait nier que les propos de Jérémy faisaient sens. Cédric approuvait aussi, mais il craignait que cela n’implique d’aller demander à Henry ce qu’il savait. Déjà, parce qu’il n’avait pas envie de lui parler, mais aussi parce qu’il ne voulait pas que Henry pense qu’il avait lui-même une histoire en rapport avec la Confrérie des Cinq Eléments. « Il faudrait peut-être parler avec ce Henry finalement, suggéra Valentine. Il a peut-être des choses intéressantes à nous raconter sur ces mages qui recherchent Cédric. »
Celui-ci soupira ; voilà exactement le type de proposition qu’il redoutait. « Il faudrait que ça soit quelqu’un d’autre que Cédric qui aille lui en parler par contre, proposa ensuite Stéphanie. Je pense que c’est mieux de le garder à l’écart pour qu’Henry n’ait pas envie de fouiner de son côté.
– Qui alors ? S’enquit Jérémy.
– Pourquoi pas toi ? Suggéra Stéphanie avec un grand sourire. Après tout, tu es le plus bavard d’entre nous ! »
Le garçon brun parut livrer une lutte intérieure pour déterminer si c’était une moquerie ou un compliment. Il afficha finalement un grand sourire : « J’accepte la mission de confiance, décréta-t-il sur un ton réjoui. Mais pas aujourd’hui ! Parce qu’aujourd’hui, on fait la fête !
– Et aussi parce qu’aujourd’hui, Henry a été emmené chez Dumoulin, précisa Stéphanie.
– Mais arrête de te moquer de moi ! » Ronchonna Jérémy, comme s’il était vexé. En réalité, il arborait un grand sourire.
Une fois leur plan d’action mis au point, ils décidèrent d’un commun accord de recommencer à profiter des réjouissances. La nuit tombait vite en fin d’après-midi et un feu d’artifice devait avoir lieu à cette occasion. Les enfants avaient eu le droit de rester un peu plus longtemps que l’heure de la fermeture habituelle du collège pour cette occasion. Ils ne furent pas déçus : le feu d’artifice s’avéra grandiose. Pendant une heure, des scènes colorées sur le thème de samhain se succédèrent dans le ciel nocturne.
En rentrant chez lui ce soir là, Cédric se sentait un magicien heureux et il avait de joyeux souvenirs plein la tête. Ces souvenirs lui donnèrent du baume au cœur pour la suite. En effet, les semaines qui suivirent furent parsemées de moult contrôles et autres interrogations. Et, autant il s’en sortait à peu près sur le plan théorique, autant il avait toujours du mal à briller sur le plan pratique.
Pourtant il s’entraînait souvent pendant les heures d’étude et il était devenu très motivé pour les cours de défense magique depuis que ses amis l’avaient rejoint. Ce fut d’ailleurs à ces occasions que Jérémy tenta un rapprochement avec Henry pour le questionner sur ce qu’il savait à propos de la Confrérie des Cinq Eléments. C’est ainsi qu’ils apprirent que ce regroupement de mages était à l’origine de la mort de ses parents. Henry ne savait pas lequel des cinq l’avait rendu orphelin, en raison de quoi il leur vouait à tous une haine tenace. Et, Cédric devait bien l’avouer, c’était compréhensible.
En dehors de cela et de ce que le groupe d’amis savait déjà, Henry n’avait pas beaucoup de nouvelles informations à propos de cette confrérie. Il continuait d’accuser Guilhelm des Bouleaux, le garçon très blond qu’il avait poursuivi le jour de la fête de samhain, d’avoir des accointances avec la confrérie. En réalité, il s’agissait plutôt de la famille des Bouleaux dans son ensemble, mais Guilhelm défendait les points de vue de sa famille, comme cela arrive souvent.
Stéphanie et Jérémy avaient tenté d’argumenter qu’ils n’estimaient pas que c’était une raison suffisante pour agresser ce pauvre Guilhelm, tout antipathique soit-il. En son for intérieur, Cédric les approuvait. Henry n’était pas de cet avis et préférait considérer qu’il était de son devoir de trouver toutes les preuves incriminantes possibles à l’encontre de Guilhelm et de ses parents. Et ce, même s’il devait enfreindre des règlements scolaires pour ça et même si ce qu’il faisait pouvait passer pour du harcèlement. Pour Henry, la clef vers la Confrérie des Cinq Eléments passait par les des Bouleaux et la fin justifiait les moyens.
Alors que les esprits s’échauffaient, Cédric calma ses deux amis outrés avec le soutien de Valentine. Pour eux, il ne servait à rien d’essayer de raisonner Henry et, surtout, cela ne valait pas la peine de se disputer. Surtout que monsieur Apowain s’apprêtait à intervenir. Son regard désapprobateur était une mise en garde suffisante et suffit à calmer les élèves sur le point d’en venir aux poings. Après cela, Henry se montra moins chaleureux à leur égard. Surtout à l’égard de Jérémy et Stéphanie qui le trouvaient trop violent.
L’automne avançait inexorablement et les premiers froids glaciaux firent leur arrivée peu de temps après samhain. C’est dans cette ambiance froide, accroupi et concentré dans le gymnase peu chauffé, que Cédric bascula au sein même de son esprit. En fermant les yeux, il se retrouva dans une pièce où tout semblait constitué de volutes. La vieille femme qui lui avait parlé la première fois était assise sur un fauteuil, devant un feu de cheminée crépitant. Elle fit apparaître un deuxième fauteuil identique au sien et invita le garçon à s’y asseoir.
« Nous sommes dans un coin de ton esprit que j’ai aménagé pour l’occasion, lui expliqua-t-elle. J’avais l’impression que tu grelottais de froid, du coup je me suis dit que cela te ferait plaisir d’être dans un salon douillet et au chaud.
– Merci.
– Je suis désolée de ne pas être revenue plus tôt, mais j’avais quelques soucis, poursuivit la vieille femme.
– Je comprends, lui assura Cédric. Je suppose que vous êtes Hildegarde, c’est ça ?
– Oui c’est moi, quel petit perspicace !
– Et vous avez des problèmes avec la Confrérie des Cinq Eléments ?
– Exactement, acquiesça Hildegarde avec un regard admiratif. Je vois que tu as déjà démêlé pas mal de choses, mon garçon. »
Cédric sourit sous les compliments. Ce n’était pas toujours facile à dire avec les vieilles femmes, mais celle-là lui avait paru sincère. « Bon. Puisque tu sais déjà tout, reprit Hildegarde, as-tu des questions ?
– Oui, j’ai des questions à propos de mon catalyseur de brume, en profita le garçon.
– Ah ? Tiens donc.
– Oui, j’ai beaucoup de mal à le maîtriser pour catalyser des grands volumes de magie, expliqua Cédric. Et comme vous êtes une maîtresse du brouillard… accomplie, je voudrais savoir si vous aviez des conseils. »
La vieille femme pouffa de rire. « Accomplie, voilà un terme flatteur pour mon expérience ! Se réjouit-elle. Oui, j’ai des conseils pour toi.
– Oh ! Lesquels ?
– Tout d’abord, avant de pouvoir catalyser de gros volumes de magie, il faut que tu apprennes à catalyser parfaitement le peu que tu arrives à rassembler, expliqua Hildegarde sur un ton docte. Et quand je dis parfaitement, ce n’est pas un vain mot ! Il faudra que tu maîtrises la moindre étincelle magique pour la façonner selon ta volonté avant d’avoir accès au plein potentiel de ton pouvoir.
– Comment ça, au plein potentiel de mon pouvoir ? Je n’ai pas tout ?
– Oh non malheureux, pouffa la vieille femme. Les volumes de magie que peut catalyser un maître du brouillard qui possède un catalyseur de la brume sont titanesques ! Et c’est impossible à gérer pour un jeune magicien non-initié. C’est pourquoi j’ai bloqué en partie ta capacité à absorber la magie.
– Quoi ? S’étonna Cédric. Mais pourquoi ?
– Je viens de te le dire, s’amusa Hildegarde. Tu aurais subi un trop plein de magie et qui sait ce qui aurait pu t’arriver. »
Le garçon mit un moment à digérer l’information. Suite à quoi, il s’enquit : « Je ne suis pas nul alors ?
– Hahaha ! Bien sûr que non ! S’esclaffa la vieille femme. Tu n’es pas nul, juste bridé. Je lâcherai les vannes lorsque tu sauras parfaitement maîtriser le peu que tu arrives à catalyser. Et puis… » Elle s’arrêta un instant, pensive.
« Cela donnera aussi à la Confrérie des Cinq Eléments un peu plus de fil à retordre pour te retrouver. Je te conseille de mettre ce temps à profit pour devenir le meilleur.
– Mais pourquoi ils en ont après moi ? Demanda Cédric.
– Parce que tu es un maître du brouillard. Ils vont certainement essayer de te rallier à leur cause. Et, s’ils n’y parviennent pas, juste te capturer et se servir de toi comme catalyseur leur suffira. Ils ont besoin de grosses sommes d’énergie élémentaire pour certains sortilèges qu’ils ont envie d’utiliser. »
Le garçon resta un moment à digérer ces nouvelles informations. « Oh ! Je pense que nous devons mettre fin à notre discussion : ton professeur et tes camarades risquent de s’inquiéter pour toi sinon.
– Ah, d’accord, balbutia Cédric.
– En parlant de notre conversation, tu devrais éviter d’en parler. Mieux vaut que cela reste un secret entre nous. »
L’apprenti-magicien acquiesça et il ouvrit les yeux dans le gymnase.
4058 glorieux mots pour les deux jours !