Il n’avait pas envie de parler de ses affaires à ses parents. Plus justement, il ne savait pas comment leur expliquer son histoire sans qu’ils fassent tout un foin sur le fait qu’il aurait dû leur en parler depuis le début. Et encore, ce serait le cas s’ils acceptaient de le croire. Il ne savait pas quelle réaction l’embêterait le moins. Dans le doute, il s’efforça à faire bonne figure pendant le repas du soir, et téléphona à Valentine dès qu’il put pour lui raconter ce qu’il venait de se passer.
La fillette blonde était très inquiète. « Je m’en veux de ne pas réussir à catalyser mieux la magie chez nous, se morigéna-t-elle.
– Tu n’as pas à t’en vouloir, la rassura Cédric. Moi j’étais là et je n’ai rien pu faire.
– Oui, mais je vous ai attribué des cartes pour vous protéger. Sauf qu’ici, elles ne fonctionnent pas bien… Si ça avait été le cas, elles vous auraient aidés et j’aurais été prévenue.
– Rien que le fait d’avoir pensé à ça est très fort, tu sais. » Lui assura le garçon.
Les deux restèrent silencieux un moment. Puis Valentine reprit : « La carte de Stéphanie est toujours sur elle.
– Mmmh ?
– Ce qui veut dire que si elle est emmenée dans le monde magique, expliqua la fillette blonde, je peux la retrouver une fois que nous serons là-bas aussi.
– Oh, ça veut dire qu’on ne serait pas obligés d’attendre de leurs nouvelles pour la retrouver, continua Cédric. Il faudrait que j’en parle à Hildegarde aussi.
– Ah oui, ce serait une bonne idée ça, approuva Valentine. Il nous faudra aussi du temps pour nous préparer une fois qu’on saura où elle est. Il faudra être très prudents.
– Je suppose que ce serait mieux qu’on se prépare dans le monde magique.
– Oui… »
Ils réfléchirent un bref instant, avant de s’exclamer en chœur : « Jérémy ! » Les deux sourirent, un peu requinqués. Le fait que leur ami leur ait proposé de venir chez lui tombait à pic. Lorsque Cédric s’inquiéta que les parents de Valentine acceptent aussi rapidement une invitation. Même une fausse invitation chez Stéphanie. La fillette blonde resta quelques instants sans répondre, puis assura son ami de ne pas s’inquiéter à ce propos. Elle avait un plan pour une situation d’urgence. Avec le peu de magie dont elle disposait de ce côté, cela allait lui demander de l’énergie, mais elle assura Cédric que ses parents ne remarqueraient même pas son absence.
« Et les parents de Stéphanie ? S’exclama soudainement l’apprenti maître du brouillard.
– Je vais les appeler pour qu’ils pensent qu’elle est chez moi ce soir et j’en profiterait pour leur dire que nous allons chez Jérémy ce week end.
– Tu penses que ça va marcher ?
– Je réussirai à les convaincre, lui assura Valentine. Je te dirai demain comment ça se sera passé. »
Lorsqu’ils raccrochèrent, le garçon alla demander à ses parents l’autorisation d’aller chez Jérémy le lendemain soir. Cédric et Valentine comptaient lui demander le jour même s’ils pouvaient venir. Ils avaient tablé sur le fait que la situation était trop grave pour qu’il refuse et qu’il trouverait une solution pour que ses parents acceptent de les recevoir. Toute cette situation était angoissante et l’apprenti magicien du brouillard mit beaucoup de temps à s’endormir cette nuit là.
Le vendredi matin, Cédric rassembla ses affaires en toute hâte et courut jusqu’au collège. Il espérait pouvoir parler à Jérémy avant que les cours ne commencent. Il l’attrapa une seconde à peine avant que Valentine ne traverse le miroir. Cette dernière avait des cernes sous les yeux : elle avait dû avoir autant de mal à trouver le sommeil que l’apprenti maître du brouillard. Bien sûr, le garçon brun fut estomaqué par ce que lui raconta Cédric. Et, évidemment, il fut partant pour inviter ses deux amis chez lui le soir même. Il ne put cependant pas cacher son inquiétude :
« Ohlàlà mais c’est terrible ! Ca a du être effrayant en plus… Il ne faudrait pas en parler à madame Verone ?
– Je compte surtout en parler à Hildegarde, expliqua Cédric.
– Ah oui, c’est une bonne idée, elle saura quoi faire. Mais c’est quand même très dangereux ce que tu… nous nous apprêtons à faire ! Ce sont des magiciens d’exception, et ils ont mis en échec tout un tas de mages super forts.
– Oui, mais ils ont capturé Stéphanie. » Valentine avait parlé de sa voix douce, mais les deux garçons perçurent toute sa détermination.
Jérémy acquiesça. S’ils prenaient la Confrérie des Cinq Eléments par surprise et ce, avec l’aide d’Hildegarde, ils avaient peut-être une chance. Pour contacter la maîtresse du brouillard, ils décidèrent de profiter de la récréation du matin. Les heures de cours pour arriver jusque là leur parurent interminables. Jérémy se fit reprendre plusieurs fois pour cause de bavardage avec les deux autres qui affichaient une mine morose.
La sonnerie qui signalait la récréation finit tout de même par retentir et les trois compagnons se précipitèrent dans le parc pour trouver un endroit au calme. Une fois installés, Jérémy et Valentine firent écran pendant que Cédric cherchait à entrer en contact avec la vieille maîtresse du brouillard. Il y parvint rapidement. Cette fois-ci, Hildegarde se trouvait dans une bibliothèque. « C’est rare que tu viennes me chercher de toi-même, commenta-t-elle en posant son livre.
– Quelque chose est arrivé. » Expliqua Cédric.
Il raconta ensuite, encore une fois, les évènements qui s’étaient produits la veille, puis son plan pour aller sauver son amie. La vieille femme le considéra d’un air grave. « Ainsi donc ils ont fini par venir te chercher, commenta-t-elle.
– Pourquoi me veulent-ils moi spécifiquement alors que je leur ai dit que ça ne m’intéressait pas ?
– Comme je te l’ai déjà dit, la magie catalysée par un maître du brouillard est très puissante, surtout additionnés des autres éléments. De plus, ils n’ont pas besoin de ton accord pour te soutirer ta magie.
– Et bah c’est nul, ronchonna le garçon inquiet.
– Ca, c’est le moins qu’on puisse dire. »
Hildegarde considéra pensivement le collégien désemparé. « Et donc, tu comptes aller libérer ton amie tout seul, sans en parler à qui que ce soit ?
– Pas tout seul, je comptais y aller avec Jérémy et Valentine. Et puis je vous en parle à vous !
– Oui, enfin, je ne suis qu’une vieille femme, je ne sais pas si je pourrai être d’un grand secours.
– J’ai peur que si j’en parle à d’autres adultes, ils voudront passer du temps à considérer plein d’options et qu’ensuite ce soit trop tard.
– Ca, je peux comprendre. » Acquiesça Hildegarde.
Elle réfléchit quelques instants, pendant que Cédric attendait sa décision en se mordillant la lèvre inférieure. Il espérait beaucoup qu’elle les aiderait. Au début, il avait dû rassembler tout son courage pour lui exposer ses plans : il avait craint qu’elle ne se moque de lui. La vieille femme n’était pas de celles qui se moquaient des plus jeunes qu’elle – sinon elle n’en finirait pas – mais considérait que les idées d’une génération qui ne réfléchissait pas à sa manière étaient toujours intéressantes à étudier. Et ce, même si les plus jeunes en question manquaient d’expérience.
« Ton amie, est-elle sûre de pouvoir localiser l’endroit où se trouve ta camarade qui a été enlevée ? S’enquit Hildegarde qui trouvait ces enfants malins.
– Oui, elle sait déjà la direction grâce à sa carte qui est sur Stéphanie. Et elle a dit qu’avec un sortilège adéquat, elle peut indiquer l’endroit sur une carte. On pensait faire ça ce soir, dans la chambre de Jérémy, pour ne pas attirer l’attention.
– Très bien, approuva la maîtresse du brouillard. Voici comment nous allons procéder : vous allez continuer de suivre vos cours comme si de rien n’était. Après l’agression d’hier, je crains que quelqu’un te surveille au collège. Continuez de ne parler de cette histoire à personne. Moi, je vais rassembler des mages de ma connaissance et nous attendrons que tu me communiques l’emplacement où se trouve ton amie capturée. Une fois que nous connaîtrons l’endroit où se cache la Confrérie des Cinq Eléments, nous interviendrons. En revanche, vous trois resterez bien sagement en sécurité chez ton ami qui vous héberge. Il est inutile de courir le risque que Maleflamme te capture à ton tour. Ca serait une très mauvaise chose pour le monde magique. »
Elle plongea son regard droit dans les yeux de Cédric et reprit fermement : « C’est bien compris mon garçon ? Tu as déjà fait beaucoup, inutile que tu ailles jouer au héros.
– Mais je veux aller sauver Stéphanie ! S’écria-t-il. On se connaît depuis tous petits !
– Elle sera sauvée, le rassura Hildegarde. Je m’en chargerai moi-même. Et tes amis et toi avez déjà fait beaucoup pour la secourir. A ce propos, tu penseras à féliciter la demoiselle avec ses cartes. Elle est très futée. »
Après encore un peu d’argumentation, Cédric finit par dire à la maîtresse du brouillard qu’il acceptait le changement de plan. Il ouvrit les yeux dans le parc. « Alors ? S’enquirent Jérémy et Valentine en chœur.
– Elle est d’accord pour nous aider à sauver Stéphanie… » Commença le garçon blond. Il ne put continuer tout de suite, car ses deux amis se réjouirent bruyamment. Ils se rembrunirent lorsqu’il leur expliqua qu’Hildegarde n’avait pas accepté qu’ils viennent à la rescousse et qu’elle préférait que des adultes s’en chargent.
« Ca paraît logique, finit par déclarer Jérémy. Les adultes ne veulent jamais que les enfants fassent des trucs dangereux.
– C’est vrai, acquiesça Valentine en faisant la moue. Mais j’aurais préféré qu’on y aille nous-mêmes.
– Moi aussi, appuya Cédric. Enfin bon, déjà les choses avancent. Si ça se trouve, on retrouvera Stéphanie dès ce soir !
– Ca serait génial ! » Se réjouit la fillette blonde.
Les trois amis s’employèrent ensuite à suivre leur journée de cours comme si tout était normal. Bien sûr, depuis le matin les professeurs leur demandaient s’ils savaient pourquoi Stéphanie n’était pas en cours. Ils répondirent qu’elle était malade, en se disant qu’il faudrait qu’ils disent à leur amie qu’elle devrait justifier son absence. Pour le moment, ces considérations étaient le cadet de leurs soucis.
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