(changement de chapitre)
Lors du dîner, l’inconnu afficha une mine abattue. Jusqu’à la fin du plat principal, il ne réagit ni aux tentatives de communication de Nicolas ni à ceux d’Ethelle. La tête dans son assiette, il n’en picora qu’un peu et passa le plus clair de son temps à se morfondre. Plusieurs fois, les deux jeunes gens échangèrent des regards impuissants : comment réconforter quelqu’un à qui l’on ne pouvait pas parler ?
Soudain, l’atmosphère autour de l’homme se fit plus sombre et froide. Ethelle et Nicolas eurent l’impression qu’une fine brume émanait de lui et recouvrait le sol de la grande salle à manger. Son regard s’était fait très dur, comme s’il était en pleine concentration. Un souffle se fit entendre et une forme apparut à côté de l’inconnu. Le domestique qui s’apprêtait à débarrasser les assiettes poussa un bref cri d’effroi avant de s’évanouir. Effrayés, les deux jeunes gens se figèrent en voyant que la forme était une vieille femme aux cheveux immaculés enserrés dans une coiffure compliquée, d’une pâleur mortelle et vêtue d’une robe qui avait dû être à la mode une trentaine d’années auparavant.
« Nicolas, mon petit, tu as bien grandi ! se réjouit la dame âgée.
– B… bonne maman Jocelyn ? s’ébahit le jeune Merryweather les yeux se remplissant de larmes.
– Je crains de n’être plus qu’un souvenir, déclara Jocelyn Merryweather en jetant un coup d’œil à l’inconnu concentré qui murmurait rapidement entre ses dents. J’ai été appelée par ce monsieur.
– Pourquoi ? demanda son petit fils qui faisait beaucoup d’efforts pour s’empêcher de pleurer.
– Il n’arrivait pas à vous parler, il m’a donc réveillée afin que je lui serve de porte-parole. Il s’appelle [Truc], dieu des morts et du temps et… Bah, il est bien pompeux cet homme là je trouve ! Peu importe ce qu’il dit qu’il est. Il a un message pour vous : il voudrait retrouver une certaine Belisama. Je ne sais pas si c’est pour s’excuser ou si c’est pour l’achever, ce n’est pas très clair. Il semblerait qu’ils aient une relation complexe ces deux là ! Et, aussi, il exige que vous passiez le message au monde qu’il fera tomber la foudre sur quiconque s’approchera de la montagne… la montagne mangeuse de magie ? Je n’ai jamais entendu parler d’une telle montagne. Mais il a l’air très sûr de lui. Et en colère, aussi. Prend garde mon petit. »
Sur ces mots, elle disparut et, en même temps que la brume se dispersait, Ethelle et Nicolas réalisèrent que [Truc] avait perdu connaissance, la tête posée sur son bras à côté de son assiette. Il se réveilla, papillonnant des paupières, alors qu’Henry et deux autres domestiques faisaient irruption pour voir ce qui était à l’origine du cri qu’ils avaient entendu. Les deux domestiques relevèrent leur camarade qui s’était évanoui et Henry s’enquit auprès de son maître si tout allait bien, avec son flegme habituel. Nicolas ne répondit pas tout de suite. Ethelle supposa qu’il ne devait pas être certain de la réponse à donner.
« Je pense que tout va bien, oui, finit par dire le jeune Merryweather encore sous le choc de la discussion avec sa défunte grand-mère. En revanche, je n’ai plus faim. Je vais me retirer.
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