NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 19

(changement de chapitre)

Lors du dîner, l’inconnu afficha une mine abattue. Jusqu’à la fin du plat principal, il ne réagit ni aux tentatives de communication de Nicolas ni à ceux d’Ethelle. La tête dans son assiette, il n’en picora qu’un peu et passa le plus clair de son temps à se morfondre. Plusieurs fois, les deux jeunes gens échangèrent des regards impuissants : comment réconforter quelqu’un à qui l’on ne pouvait pas parler ?

Soudain, l’atmosphère autour de l’homme se fit plus sombre et froide. Ethelle et Nicolas eurent l’impression qu’une fine brume émanait de lui et recouvrait le sol de la grande salle à manger. Son regard s’était fait très dur, comme s’il était en pleine concentration. Un souffle se fit entendre et une forme apparut à côté de l’inconnu. Le domestique qui s’apprêtait à débarrasser les assiettes poussa un bref cri d’effroi avant de s’évanouir. Effrayés, les deux jeunes gens se figèrent en voyant que la forme était une vieille femme aux cheveux immaculés enserrés dans une coiffure compliquée, d’une pâleur mortelle et vêtue d’une robe qui avait dû être à la mode une trentaine d’années auparavant.

« Nicolas, mon petit, tu as bien grandi ! se réjouit la dame âgée.
– B… bonne maman Jocelyn ? s’ébahit le jeune Merryweather les yeux se remplissant de larmes.
– Je crains de n’être plus qu’un souvenir, déclara Jocelyn Merryweather en jetant un coup d’œil à l’inconnu concentré qui murmurait rapidement entre ses dents. J’ai été appelée par ce monsieur.
– Pourquoi ? demanda son petit fils qui faisait beaucoup d’efforts pour s’empêcher de pleurer.
– Il n’arrivait pas à vous parler, il m’a donc réveillée afin que je lui serve de porte-parole. Il s’appelle [Truc], dieu des morts et du temps et… Bah, il est bien pompeux cet homme là je trouve ! Peu importe ce qu’il dit qu’il est. Il a un message pour vous : il voudrait retrouver une certaine Belisama. Je ne sais pas si c’est pour s’excuser ou si c’est pour l’achever, ce n’est pas très clair. Il semblerait qu’ils aient une relation complexe ces deux là ! Et, aussi, il exige que vous passiez le message au monde qu’il fera tomber la foudre sur quiconque s’approchera de la montagne… la montagne mangeuse de magie ? Je n’ai jamais entendu parler d’une telle montagne. Mais il a l’air très sûr de lui. Et en colère, aussi. Prend garde mon petit. »

Sur ces mots, elle disparut et, en même temps que la brume se dispersait, Ethelle et Nicolas réalisèrent que [Truc] avait perdu connaissance, la tête posée sur son bras à côté de son assiette. Il se réveilla, papillonnant des paupières, alors qu’Henry et deux autres domestiques faisaient irruption pour voir ce qui était à l’origine du cri qu’ils avaient entendu. Les deux domestiques relevèrent leur camarade qui s’était évanoui et Henry s’enquit auprès de son maître si tout allait bien, avec son flegme habituel. Nicolas ne répondit pas tout de suite. Ethelle supposa qu’il ne devait pas être certain de la réponse à donner.

« Je pense que tout va bien, oui, finit par dire le jeune Merryweather encore sous le choc de la discussion avec sa défunte grand-mère. En revanche, je n’ai plus faim. Je vais me retirer.

 

542 glorieux mots pour aujourd’hui.

NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 18

J’espère que ma lettre vous trouvera en bonne santé après avoir fait un bon voyage. Les créatures magiques pullulent tellement à présent que je crains qu’elle ne perturbent le bon fonctionnement des trains en créant des accidents. Nous concernant, nous n’avons pas vécu d’autres épisodes aussi effrayants que celui des créatures sorties du lac. J’espère que nous continuerons à être tranquilles de ce côté là et que vous aussi.

J’ai beaucoup songé à ce que vous m’avez raconté concernant les secrets de mon père, mais j’aimerais en savoir plus encore. Vous m’avez certainement rapporté tout ce qui vous semblait utile. Si vous le pouvez, j’apprécierais que vous me racontiez tout ce qui vous passe par la tête concernant ce secret. Je suis convaincue que le moindre détail peut s’avérer important dans cette affaire. Si je veux pouvoir retrouver et utiliser ce secret, j’ai besoin d’en connaître le plus possible à ce sujet.

Je vous remercie par avance de tout ce que vous pourrez me dire à ce sujet et vous assure de l’expression de mes sentiments les plus amicaux,

Ethelle Morton. »

 

La jeune femme sécha l’encre en tamponnant délicatement sa lettre avec du papier buvard, puis la relut. Elle la trouva courte, mais estima que cette amorce de conversation suffirait ; elle aurait tout le temps de s’épancher plus avant lors des prochains échanges épistoliers. Ethelle s’empara d’une enveloppe dans laquelle elle glissa sa lettre et la cacheta, écrivant ensuite soigneusement l’adresse de la famille [Machintruc], puis sortit de sa chambre et pria le premier domestique croisé de poster son courrier.

En essayant de retourner dans le petit salon où se tenait précédemment Nicolas, Ethelle manqua de percuter madame Cartridge au détour d’un couloir. « Pardonnez-moi ! s’excusa prestement la jeune femme rousse.
– Vous n’auriez pas à vous excuser si vous n’étiez pas en train de courir de manière inconvenante dans les couloirs, lui reprocha madame Cartridge toujours très collet monté. Vous n’êtes plus une enfant il me semble. »

Ethelle rougit de colère. Comment cette vieille pie osait-elle l’insulter de la sorte ? Elle réitéra ses excuses, sur un ton plus froid et emboîta le pas à madame Cartridge qui avait décidé qu’elle était trop pressée et de passer outre. Les deux femmes se dirigèrent de concert jusqu’à la chambre de l’inconnu. Nicolas, qui attendait madame Cartridge, adressa un sourire à Ethelle et fit signe à Henry d’ouvrir la porte. En pénétrant dans la pièce, madame Cartridge se retourna vers mademoiselle Morton et les deux hommes pour leur intimer de rester dehors, afin de la laisser seule avec son patient.

Les trois obtempérèrent. Ethelle et Nicolas patientèrent à l’extérieur, tandis qu’Henry retournait à ses tâches de majordome. « J’espère que ce n’est pas trop grave, déclara la jeune femme rousse.
– Je pense qu’il a surtout des soucis dans sa tête, soupira Nicolas. Je doute que madame Cartridge puisse y faire grand chose.
– Nous verrons bien. »

De longues minutes plus tard, madame Cartridge sortit de la pièce en rajustant ses lunettes. « Votre invité est particulièrement épuisé, expliqua-t-elle. Je ne sais pas quelle prouesse il a bien pu accomplir, mais il est à bout de forces. Néanmoins il a l’air de se remettre de minute en minute. Je n’ai donc que du repos à lui prescrire.
– Et… c’est tout ? s’étonna Nicolas.
– C’est tout. A présent, si vous voulez bien m’excuser, j’ai encore d’autres patients à voir. »

Nicolas la remercia et la régla avant qu’elle ne s’en aille. Comme elle avait prescrit du repos, ils quittèrent l’endroit et allèrent vaquer à d’autres occupations. Le jeune Merryweather assura Ethelle qu’il s’arrangerait pour que leur invité dîne avec eux, sous réserve qu’il soit assez en forme. La jeune femme espéra que ce serait le cas. Elle passa le reste de sa journée à parcourir ses notes et à ajouter ce dont elle se souvenait de la langue antique dans son petit carnet. Elle comptait l’utiliser pour essayer de communiquer avec l’inconnu.

 

(changement de chapitre)

 

Après quelques temps à chercher des indices concernant une possible apparition d’Amaterasu, Valentin soupira. Il ne savait pas vraiment comment amorcer efficacement ces recherches. Pourtant, il était plutôt doué dans le domaine. Il lâcha : « Ce qui est beau avec Internet, c’est qu’on trouve de tout. Après, l’inconvénient avec Internet, c’est qu’on trouve de tout aussi.
– Je te fais confiance, lui assura Asklepios. Ton amie et toi êtes des personnes généreuses et curieuses. Nous avons beaucoup de chance de vous avoir rencontrés.
– Oh, merci. »

Valentin ne s’attendait pas à recevoir un compliment ; il sourit à son interlocuteur d’un air gêné. Asklepios lui rendit un sourire apaisant. Il avait une physionomie qui mettait le jeune homme en confiance. « Qu’est ce que c’est ? S’enquit le médecin en voyant une fenêtre d’information apparaître sur un coin de l’écran.
– Oh, ça, ce sont les infos. Je suppose qu’une des personnes qui utilise ce poste aime bien rester au courant de ce qu’il se passe dans le monde. Ah mais c’est l’éruption d’un volcan ! »

Curieux, le jeune homme ouvrit la fenêtre en grand, pour lire rapidement l’article. « Waw… Émit-il. Un nouveau volcan vient d’apparaître dans le Pacifique… C’est impressionnant !
– Vraiment ?
– Euh… Oui, les volcans m’impressionnent, avoua Valentin.
– Je te comprends, les éruptions sont un spectacle cataclysmique, c’est très beau. Où se trouve le Pacifique ? »

Pour lui répondre, le jeune homme chercha une carte du monde à montrer. Malheureusement, la classique carte n’évoquait pas grand chose à Asklepios. Il n’arrivait pas à reconnaître le tracé et avait eu peu d’occasions de voir des cartes auparavant. « Tant pis, ce n’est pas important, balaya Valentin.
– J’aimerais beaucoup savoir, insista plaisamment le médecin.
– Hum, bon… » Après un moment de réflexion, le jeune homme lui montra un globe holographique et lui expliqua où ils se trouvaient eux et où se trouvait la zone volcanique. Asklepios se gratta pensivement la tête en étudiant le globe.

« Ceci, est-ce bien la route de la soie ? s’enquit-il finalement.
– Oui, c’est bien ça, acquiesça Valentin.
– Je vois mieux maintenant ! se réjouit le médecin. D’après la description des lieux, Belisama m’informe qu’il est possible que ce soit une région où s’étaient rendus deux d’entre nous.
– Et tu as déduit ça grâce au volcan… Parce que ?
– Parce que les deux qui sont partis là-bas sont de sacrés lurons. Et que l’un maîtrise la terre et l’autre le feu.
– Non… C’est pas possible ! s’exclama Valentin. Tu penses que l’éruption vient d’eux ?
– Ça leur ressemblerait bien, ce sont de vrais plaisantins.
– Mais les volcans ne sont pas des plaisanteries, s’offusqua le jeune homme effaré. C’est très dangereux !
– Ne t’inquiète pas, le rassura Asklepios. Notre but n’est pas de blesser les populations. Ils ont toujours été très porté sur les blagues mais ils ne feraient de mal à personne. »

Valentin n’était pas très sûr d’apprécier l’humour de la création d’un volcan. Il tenta de relativiser en se disant qu’il n’était pas à même de réfléchir comme des personnes aussi puissantes. Il se disait qu’il fallait disposer de très grands pouvoirs pour créer un volcan sur un coup de tête. Une question se mit à lui tarauder l’esprit : « Comment s’appellent-ils ?
– Chaahk et [Bidule]. »

Le jeune homme n’était pas calé dans toutes les mythologies du monde, mais il se promit de faire des recherches sur ces deux-là. Il était sûr d’avoir entendu parler d’au moins l’un des deux. En attendant que l’ordinateur termine la recherche demandée, ils épluchèrent les premières suggestions. Malheureusement, rien de sérieux dans les évènements mondiaux ne rapportait la découverte de personnes hors du commun qui parleraient des langues inconnues. « J’espère qu’ils n’ont pas eu le problème de mémoire comme Déa, s’inquiéta Asklepios. Sinon nous mettrons beaucoup plus de temps à les retrouver. » Il s’interrompit un instant, penchant la tête sur le côté. « Déa nous appelle. »

Au moins, elle ne paraissait plus envahir ses pensées à lui, songeait Valentin alors qu’ils se levaient pour se rendre dans l’annexe. Les deux femmes, qui avaient réceptionné le dragon un peu avant, l’avaient laissé sortir de sa cage. Béatrice en avait profité pour mettre en route une partie du matériel et avait convaincu Déa d’installer quelques capteurs sur l’animal. Elles le contemplaient à présent voler dans l’annexe aux hauts plafonds et Béatrice prenait des mesures tandis que la femme aux yeux dorés fixait le dragon d’un air attendri. Valentin était certain que son amie comptait étudier le dragon le plus possible.

« C’est prudent de le laisser faire ce qu’il veut ?
– Oh, ne t’en fais pas pour ça, répondit Béatrice tout en restant concentrée sur son ordinateur. Déa a dit qu’elle pouvait le convaincre de ne pas faire de bêtises, alors je me suis dit que c’était une occasion idéale ! En plus, comme elle peut discuter avec lui, j’ai déjà tout un tas d’informations sur les jeunes dragons à peine sortis du nid : je sais ce qu’ils mangent, je sais combien de temps ils ont besoin de dormir, et plein d’autres choses. » Elle quitta l’écran qu’elle couvait des yeux pour tourner la tête vers son ami et reprit, toute excitée :

« Tu savais que les dragons avaient une mémoire génétique ? De ce que je sais, je suis actuellement la seule spécialiste sur les dragons au monde : c’est trop bien !
– Tu sais que ça ne va pas durer ? temporisa Valentin avec un sourire. Je suppose que s’il y a un dragon, il y en aura plein d’autres d’ici peu.
– Ha-HA ! Triompha Béatrice avec un sourire jusqu’aux oreilles. Et à qui crois-tu qu’ils vont les amener, tous ces dragons ? Heureusement que l’annexe est terminée, je ne sais pas ce que j’en aurais fait sinon… En tous cas, Massamba et Pommier vont être surpris en revenant. Je veux rassembler le plus d’informations possible sur ces animaux-là avant leur retour. Oh, et ne t’inquiète pas, je te filerai mes notes et on en discutera looonguement tous les deux. »

Vaincu par tant d’enthousiasme, Valentin acquiesça avec un franc sourire. Il remarqua alors qu’Asklepios et Belisama avaient entamé un dialogue, dans ce qu’il supposait être leur langue d’origine. « Pourquoi vous ne parlez pas par télépathie ? leur demanda-t-il.
– Parfois nous préférons parler à haute-voix, lui répondit simplement Déa. Je ne me l’explique pas, d’autant que la conversation est plus rapide et claire dans nos têtes, mais c’est ainsi. » Elle se tut un instant. « J’ai commencé à apprendre quelques mots de votre langue à Ouranos.
– Ouranos ?
– Le dragonnet, expliqua-t-elle. Je trouvais que ça lui allait bien. »

Ils contemplèrent l’animal évoluer dans les airs. Il était un peu gauche, comme tous les jeunes, et il lui arrivait de mal négocier certains virages. « Pourquoi tu lui apprends notre langue ? s’enquit ensuite Valentin qui avait l’impression de ne poser que des questions depuis la veille.
– Pour qu’il puisse vous comprendre ton amie et toi, si jamais nous sommes séparés. Quelque chose me dit que ça sera plus simple pour votre travail s’il comprend ce que vous dites.
– Je pensais que tu voudrais le garder avec toi.
– Peut-être, nous verrons bien. » Conclut Déa.

Le dragonnet atterrit en glissant sur le sol près de la femme aux yeux dorés et lui réclama des caresses. Celle-ci s’exécuta avec plaisir et reprit : « Tant que nous n’avons pas de nouvelles d’Amaterasu notre voyageuse rapide, j’aimerais savoir s’il y aurait un moyen de nous rendre vers ce volcan dans le Pacifique.
– Oulà non, s’exclama Valentin. Enfin, il y a des moyens, mais pas à notre portée. Et même si on pouvait, ça resterait long d’aller là-bas.
– Oh, commenta Belisama avec une moue déçue. J’espérais que votre technologie pouvait tout faire. Même de nos jours, il y a toujours des limitations, n’est ce pas ?
– De moins en moins, répartit Valentin. Mais toujours, oui.
– Tu vois, Askel, lança-t-elle à son compagnon avec un fin sourire. Après tout, nous ne sommes peut-être pas si obsolètes que cela. »

Son sourire s’effaça au profit d’une mine concentrée. Elle cracha un mot que Valentin ne comprit pas mais que, d’après le ton frustré, il estima être un juron. « Un problème ? s’enquit-il.
– Ils sont trop loin pour que j’arrive à les atteindre, déplora la femme aux yeux dorés. J’espère qu’ils ne feront pas trop de bêtises en attendant. Si ce sont bien eux à l’origine de ce volcan, bien entendu.
– Je suis confiant à ce propos. » Intervint calmement Asklepios.

Valentin ne savait pas quoi répondre à ça et il retourna vers Béatrice, qui était totalement transportée par tout ce qu’elle apprenait sur le dragon. La conversation entre les quatre tourna ensuite surtout autour de ces animaux. Les deux mages fournirent quelques informations supplémentaires sur ce qu’ils savaient des dragons adultes. « Tu es seule à travailler dans ce grand bâtiment ? S’enquit Déa auprès de Béatrice.
– Oh non, nous sommes plusieurs, expliqua celle-ci. Mais nous sommes samedi. Et, le samedi, personne ne travaille.
– Sauf toi, pointa la femme aux yeux dorés d’un ton malicieux.
– Oui, mais c’est une situation exceptionnelle !
– J’en ai l’impression, commenta Belisama. Où en sont les recherches ? » Continua-t-elle en se tournant vers Valentin.

« Je pense qu’elles sont terminées, estima celui-ci. Allons voir ; il va falloir trier. » Curieux, ils se rendirent tous dans le bâtiment principal, suivis par le jeune dragon qui ne voulait pas quitter la femme aux yeux dorés. Béatrice accepta que le jeune animal les accompagne à la condition que Déa s’assure qu’il ne fasse pas de bêtises. Valentin leur attribua des postes à tous et répartit les résultats de recherche. Ils s’installèrent tous et le jeune homme leur conseilla de garder le moindre article qui leur laisserait le moindre doute.

« Comment ils vont réussir à lire tout ça ? interrogea Béatrice.
– Je peux lire n’importe quelle langue, en plus de la parler, leur assura Déa. Cela ne me prend que quelques secondes à intégrer. Un peu plus si je ne connais pas l’alphabet.
– Oh tant mieux, se réjouit Valentin. J’avais prévu le mode aveugle pour eux, avec des écouteurs.
– Je n’en aurai pas besoin, mais Askel si j’en ai peur, reprit la femme aux yeux dorés. Je suis désolée, mais dans mon état ce sera plus simple de traduire ce qu’il entend que ce qu’il voit. J’essaie de chercher les autres en même temps et cela me demande beaucoup d’énergie.
– Tu n’as pas besoin de te justifier, la rassura Béatrice. Valentin avait tout prévu de toutes façons. Si tu préfères les écouteurs, n’hésite pas à lui dire.
– Ça ira, chantonna Belisama avec un grand sourire. Je suis impatiente de voir les styles d’écriture de toutes façons. »

Ils se mirent au travail sans tarder. Cela leur prit beaucoup de temps et, lorsque midi fut passé, Béatrice proposa de commander à manger. Après le repas, ils pourraient faire un point sur ce qu’ils avaient trouvé. « Je peux nous fournir de quoi nous nourrir, suggéra Déa. Comme les autres fois.
– À vrai dire, si ça ne dérange personne, j’aimerais beaucoup goûter à la nourriture de ce temps. » Comme toujours, Asklepios était intervenu de sa voix profonde et de son ton poli. La femme aux yeux dorés le considéra avec surprise. Puis, avec un sourire, elle acquiesça. « C’est une bonne idée, approuva-t-elle. Après tout, nous allons devoir vivre… maintenant, n’est ce pas ? »

Concernant leurs recherches, tous étaient tombés sur beaucoup d’histoires insolites, mais aucune ne pouvait être considérée comme une piste certaine sur l’un des membres manquant de leur petit groupe de mages. Le tri avaient été fortement ralenti pour Belisama et Asklepios, car ils avaient étudié les articles beaucoup plus en profondeur, émerveillés par toutes les nouveautés du monde d’aujourd’hui. La femme aux yeux dorés avaient même trouvé le moyen de naviguer elle-même sur Internet et en avait profité pour naviguer, faisant partager ses découvertes par télépathie à son compagnon.

Béatrice s’était mise à pianoter à toute vitesse sur son téléphone, pour assurer Massamba que tout allait bien se passer. Elle espérait ainsi arrêter le flot ininterrompu de son tuteur bavard et généreux en recommandations. « Qui c’est qui te harcèle comme ça ? s’enquit Valentin.
– C’est Massamba. Enfin, j’ai eu un message de Pommier et bientôt quinze de Massamba.
– On dirait qu’il est aussi enthousiaste que toi, plaisanta le jeune homme.
– Voire même encore plus ! renchérit Béatrice. Et encore, je ne lui ai pas dit que j’ai déjà commencé à étudier un dragon. »

 

(Ces passage là, je sais pas si je les laisse ou pas :

Pendant ce temps, dans une jungle en plein cœur de l’Afrique, une jeune femme reposait entièrement nue sur un lit de pétales de cerisiers. Elle se réveilla en sursaut, repoussa ses mèches noires et lisses qui encombraient son visage et grimaça au souvenir de l’intense douleur qu’elle avait subie en guérissant. Qu’est ce qui avait bien pu la blesser à ce point ? Était-ce ce voile noir qui avait eu l’air de recouvrir l’horizon tout entier ? Combien de temps avait-elle dormi ? Et combien de temps son esprit allait-il rester brumeux ? Elle prit sa tête entre ses deux mains, plissant ses yeux en amande. Que de questions ; elle se sentait aussi confuse que ses souvenirs.

La jeune femme se leva. Une autre question lui traversa l’esprit : d’où venaient ces pétales roses sur lesquels elle était couchée à l’instant ? Elle scruta les alentours du regard. Cet environnement lui paraissait presque étranger, comme si elle n’avait pas l’habitude de se trouver dans un tel endroit, et percevait sa présence comme saugrenue en ce lieu. Elle toucha pensivement les grandes feuilles alentours. Celles-ci, comme répondant à son appel silencieux, se penchèrent vers elle, la caressant doucement, presque avec tendresse.

La jeune femme demanda aux plantes alentours si elle pouvait leur prendre quelques feuilles pour se vêtir. Sa requête fut acceptée et des morceaux entiers de végétation tombèrent d’eux-mêmes autour d’elle. Pour remercier la généreuse flore de ces lieux, elle posa ses mains sur les plantes. Une lumière rouge nimba son corps et les végétaux s’étant montrés généreux virent leurs feuilles manquantes repousser. Grâce aux abondantes feuilles immenses qu’elle avait à sa disposition, la jeune femme se confectionna un kimono végétal.

Sa confusion se dissipait peu à peu, elle le sentait. Une certitude s’imposa : elle devait retrouver les autres. C’était important. La jeune femme s’auréola de lumière et sourit. Elle se souvenait enfin qu’elle était Amaterasu.

 

Au même moment, deux énergumènes profitaient du soleil sur le sable fin d’un îlot dangereusement proche d’un volcan. « Hé, Chaahk, tu crois que ça suffira à les alerter ? S’enquit l’un des deux d’une langue que plus personne n’avait entendu parler depuis longtemps.
– Je ne sais pas trop [Bidule], répondit l’autre d’un air dubitatif. C’est bruyant, c’est sûr, mais est ce que ça les atteindra ? Rien n’est moins sûr.
– Normalement Askel devrait entendre, supposa le premier avec entrain.
– Sauf s’il ne s’est pas encore éveillé, temporisa le second. C’est un paramètre à prendre en compte.
– Rha tu es trop sérieux ! »

[Bidule] se leva et commença un véritable échauffement, faisant rouler ses muscles fins sous sa peau. Très vite, il se lança dans des acrobaties de plus en plus impressionnantes. Il n’était pas très grand, mais disposait d’une excellente détente. « Et toi, tu ne tiens pas en place. » rétorqua Chaahk. Celui-ci était beaucoup plus grand et costaud que son agile compagnon.

Il se nimba de vert et fit un petit geste vers le haut. Un poisson sortit de l’eau, frétillant furieusement, et se dirigea vers la main de l’homme, visiblement contre son gré. Le grand Chaahk répéta l’opération, avec plusieurs poissons cette fois. « Tiens, j’ai pêché le repas, tu t’en occupes ? lança-t-il à [Bidule] qui continuait de s’activer tout seul sur la plage.
– D’accord. Tu pourrais pas nous apporter du fromage aussi ?
– Je crains que non. Je n’en vois pas à portée.
– C’est nul, se plaignit [Bidule]. Vivement que nous retrouvions le chef.
– Pour pouvoir avoir du fromage ?
– Oui. »

Ce disant, le petit homme commença à s’occuper des poissons grâce à un bout de bois qu’il avait effilé. Pendant qu’il œuvrait, le plus grand commença à son tour une série d’exercices. Ils demandaient moins d’agilité mais plus de puissance. « Tu es sûr que tu ne veux pas m’envoyer valser sur le continent ? S’enquit [Bidule]. Il est dans cette direction. » Précisa-t-il en montrant l’est d’un petit signe négligeant. Chaahk secoua la tête en souriant par devers lui. Son ami était aussi petit que déterminé. Quand il avait quelque chose en tête, c’était très difficile de l’en détacher.

« Je n’ai pas encore récupéré toute ma force, expliqua une nouvelle fois le plus grand. Tu ne ferais pas trop ton malin de rester au milieu de l’océan.
– Je nagerai la fin du voyage, argumenta [Bidule]. Comme je vais vite, ça devrait suffire.
– J’en doute. Et puis, qu’irais-tu faire sur ce continent ? De ce que nous savons, il n’y a personne d’entre nous et ce ne sont pas les populations locales qui pourront nous être d’une grande aide.
– Peut-être que c’est nous qui pourrons les aider, suggéra innocemment le plus petit qui plantait les poissons évidés et écaillés sur des pics en vue de les faire cuire.
– Mmmh… » Grommela Chaahk en arrêtant de s’exercer. Il vint s’asseoir à côté de son ami qui préparait un petit foyer et reprit :

« Je ne voulais pas t’inquiéter, mais je suppose que tu n’as pas regardé les étoiles cette nuit ?
– J’ai vu qu’il y en avait, mais je n’y ai pas prêté attention plus que ça, j’étais trop faible et je me suis endormi tout de suite.
– Les étoiles ne sont pas là où elles étaient avant l’épisode du voile noir, expliqua sombrement Chaahk. C’est perturbant. Je préfère ne pas t’envoyer n’importe où avant que nous soyons certains de la situation.
– Je vois… Commença [Bidule] en allumant un petit feu d’un claquement de doigts et en disposant les poissons pour la cuisson. Ou alors, tu pourrais m’envoyer là-bas quand même et comme ça nous pourrions peut-être être fixés. »

Le plus grand hocha négativement la tête. Il ne voulait pas tenter quoique ce soit d’inconsidéré. Il savait que si la situation s’éternisaient, ils devraient agir. La question étant : quand devaient-ils considérer que la situation s’éternisait ? C’était une question difficile. « Les autres ne doivent pas avoir récupéré la totalité de leur puissance non plus, déclara-t-il finalement. Il n’y a pas assez de magie ; ça me chiffonne ça aussi.
– Je pense que c’est ce voile noir qui a volé toute la magie, déclara [Bidule] en s’emparant de deux bouts de bois ressemblant à des baguettes afin de tourner les poissons. Quand il est passé sur nous, c’est ce que j’ai senti.
– Étant donné qu’il couvrait tout l’horizon et que nous n’avons pas de nouvelles des autres, je suppose que le monde entier a été touché et eux aussi.
– Tu es pessimiste. Mange du poisson, ça ira mieux après. »

Chaahk obtempéra ; il avait faim. Il mordit dans la chair et soupira d’aise. Le poisson n’était pas totalement cuit, mais il n’en avait cure. L’homme appréciait tout autant le poisson cru. « Je pense plutôt que je suis réaliste, en fait, reprit Chaahk. Maintenant, la question à se poser, c’est : si le voile noir a absorbé toute la magie du monde, combien de temps a-t-il fallu au monde pour la régénérer ?
– Hum, marmonna [Bidule], très longtemps à mon avis. Surtout qu’elle n’est pas toujours pas au niveau où nous l’avons connue. »

Sur la plage de sable fin, dévorant leurs poissons, les deux amis méditaient à propos de leur situation. Ils s’ennuyèrent assez rapidement sur leur île après leur repas. Heureusement, ils étaient créatifs et improvisèrent rapidement des occupations, qui consistèrent principalement en des duels, tant intellectuels que physiques. Ils alternèrent entre des jeux de stratégie improvisés comme les échecs et des affrontements armés de bâtons. Les morceaux de bois ne tinrent pas longtemps et ils passèrent rapidement à l’entraînement à mains nues.

Ils s’interrompirent dans leurs exercices en entendant un bruit lointain. Aucun des deux n’avait jamais entendu un bruit pareil, ni jamais vu d’hélicoptère comme celui qui s’approchait de leur île, provenant d’un endroit soigneusement éloigné du volcan en éruption, qui s’était entre temps calmé. Les deux amis regardèrent l’engin voler dans leur direction avec perplexité. « Chaahk, as-tu déjà vu un animal pareil ?
– Je dois bien admettre que non, [Bidule]. Regarde, il y a des gens à l’intérieur.
– Des gens ? Ah oui, tiens. Ce serait un peu comme une charrette volante, alors ? »

Le plus grand acquiesça sans mot dire. À présent silencieux, ils se contentèrent de contempler le spectacle inédit de cette machine volante en acier les survoler et descendre petit à petit sur la plage.

Fin du passage que je sais pas si je laisse ou pas.)

 

4197 mots pour aujourd’hui, dont beaucoup de triche et de questionnements.

NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 17

Ethelle rejoignit Nicolas au moment où un gendarme expliquait à ce dernier que mademoiselle Finley ne pourrait être retenue très longtemps. En effet, personne n’avait été tué ou blessé et, en l’absence de témoins, il s’agissait de la parole d’Arabella contre celle d’Ethelle. Les gendarmes acceptaient donc de faire sortir cette mademoiselle Finley qui les importunaient, mais ils ne pourraient rien lui faire de plus.

Rien de ce que put leur dire Nicolas ne les fit changer d’avis. « Bon, et bien peu importe dans ce cas, capitula le jeune Merryweather. Emmenez la déjà hors de ma vue, ce sera une bonne chose. » Les gendarmes prirent congé et escortèrent Arabella, ainsi que la jeune fille qui l’accompagnait, jusqu’aux limites du domaine. « Ma chère, je suis désolé de n’avoir pu les convaincre de vous faire justice.
– Ce n’est rien, le rassura mademoiselle Morton. Je pense que ce sera suffisant. Cela m’étonnerait fort qu’elle revienne après cela !
– Peut-être, mais elle semble vous vouloir beaucoup de mal, nota Nicolas. Je doute qu’elle en reste là. »

Ethelle lui offrit un sourire rassurant, mais elle savait qu’il parlait juste. La Veuve-Noire était à la tête de beaucoup de Faucheux. Leur apparence anodine les rendait dangereux car ils pouvaient facilement s’infiltrer de partout. La jeune femme rousse espéra qu’Arabella n’avait pas emmené trop de ses araignées avec elle, car elle n’avait pas envie de devoir s’inquiéter du moindre garçon de courses ou de la moindre fille de cuisine. Elle mentionna tout de même à Nicolas de se montrer particulièrement vigilant concernant les nouveaux employés, ce à quoi il acquiesça ; il paraissait particulièrement soucieux.

Pour se changer les idées, ils sortirent tous les deux se promener dans le parc, bien emmitouflés à cause du froid. « Je suis heureux que nous ayons retrouvé un peu d’intimité, déclara Nicolas alors que son souffle créait de la fumée dans l’atmosphère presque glaciale.
– Il est vrai que vos invités se sont montrés tellement enthousiastes qu’ils ont dévoré toute mon énergie.
– C’est bien vrai. En parlant d’invités, vos amis ont réussi à partir pendant que vous… vous disputiez avec mademoiselle Finley.
– Tant mieux, au moins tous ces éclats n’auront pas été vains s’ils ont pu partir discrètement et en toute sécurité. »

Ethelle affichait un doux sourire, mais elle se sentait très triste du départ de ses amis. Elle avait été ravie de les voir et déplorait que leurs retrouvailles aient été si courtes. La jeune femme aurait voulu discuter plus longuements des découvertes dans la bibliothèque et passer plus de temps avec Clay. La complicité qu’ils avaient développé pendant leur séjour en antiquité lui manquait. Elle n’était pas parvenue à tisser le même genre de lien avec Nicolas. Ils s’entendaient pourtant plutôt bien en général, mais elle avait l’impression que, malgré toute sa gentillesse, il ne la comprenait pas vraiment. Il paraissait être à l’écoute pourtant, mais ses réactions tombaient toujours à côté de ce à quoi Ethelle s’attendait.

Néanmoins il était gentil et prévenant et la jeune femme rousse en avait bien besoin. Elle lui était reconnaissante de tout ce qu’il avait fait pour elle. Même si une grosse partie de ce qu’il avait fait avait été initié par sa mère. Ethelle n’appréciait que moyennement Heather Merryweather en revanche. Cette femme était beaucoup trop envahissante à son goût. Selon la jeune femme, cela empêchait même son fils de s’épanouir. Elle espérait que Nicolas le réaliserait un jour et qu’il finirait par s’envoler du nid familial, devenant ainsi son propre maître.

Elle frissonna. Le vent était vraiment froid. Un vol coloré fila d’un arbre, au-dessus de leurs têtes. « Qu’est ce que cela ? s’étonna Nicolas.
– Des lucioles ou quelque chose de ressemblant ? suggéra Ethelle.
– Si ce sont des lucioles, elles sont sacrément grosses.
– C’est vrai, en plus j’ai l’impression que certaines ont des ailes de papillon.
– J’ai bien peur que ce soient encore de nouvelles créatures magiques, soupira le jeune Merryweather.
– Elles sont tellement jolies ! Bien plus que ces créatures difformes qui sont sorties du lac l’autre jour.
– Je pense que ce n’est pas très difficile. »

La jeune femme rousse acquiesça en pouffant de rire. Elle se demanda ce qu’avaient voulu faire ces créatures aquatiques lorsu’elles étaient sorties à leur rencontre. Elle aurait bien aimé parler de cela aussi à Simon Derrington : Ethelle était certaine qu’il aurait eu une explication. Ou, du moins, un début d’explication. Cet homme savait tellement de choses et était tellement intéressant !

Comme elle frissonnait de nouveau à cause du froid, Nicolas proposa qu’ils retournent au manoir pour s’installer dans de confortables fauteuils devant une cheminée où flamberait un bon feu. Enchantée par l’idée de se retrouver devant la chaleur de flammes crépitantes, la jeune femme accepta et ils obliquèrent sur leur trajectoire pour rejoindre la maison de campagne des Merryweather.

C’est alors qu’Ethelle aperçut quelque chose qui bougeait dans les feuilles, à côté du sentier. « Qu’est ce ? s’enquit-elle auprès de Nicolas.
– Quoi donc ?
– Ce qui est là, cela bouge. Serait-ce… quelqu’un recouvert de feuilles ?
– Je vais voir, ne bougez-pas. » lui intima le jeune Merryweather.

Il s’approcha et sursauta lorsque les feuilles donnèrent l’impression d’exploser, volant brusquement de toutes parts. Un homme en émergea, entièrement nu et l’air en colère. Ethelle n’avait jamais vu une peau si noire et n’avait jamais vu non plus de parties intimes masculines ailleurs que sur les statues antiques. L’inconnu cria quelque choes à l’intention de Nicolas qui s’était approché, mais ni lui ni mademoiselle Morton ne comprirent ses mots.

Apeuré et choqué, le jeune Merryweather lui intima en retour, d’une voix qu’il espérait ferme : « Que faites-vous là ? Vous êtes sur une propriété privée ! Je vais devoir vous demander de partir, mais… mais si vous êtes dans le besoin, exprimez-vous clairement et je verrai ce que je peux faire pour vous. » Ethelle était certaine qu’il avait ajouté la dernière partie pour l’impressionner par sa clémence et sa bonté. Tant mieux pour elle, car elle avait remarqué que l’inconnu avait les yeux aussi éclatants que ceux Chaahk. Ils brillaient d’un violet vif quant à eux.

En entendant Nicolas lui parler, l’homme l’invectiva de nouveau dans une langue inconnue. « Je ne comprends pas ce que vous dites. » crut bon de mentionner le jeune Merryweather. Le vent s’accentua tandis que l’inconnu aux yeux violets fixait le jeune homme blond. Il se prit ensuite la tête dans les mains en débitant des mots à toute vitesse. Ils parurent prononcés sur un ton de profond désespoir à Ethelle. Elle allait s’approcher lorsque l’homme laissa retomber ses bras, poings fermés, et leva la tête vers le ciel. Alors que les nuages noircissaient, il hurla quelque chose qui ressemblait à : « Belisamaaaaa ! » Des éclairs zébrèrent le ciel en réponse et le tonnerre gronda.

Quand son hurlement mourut dans sa gorge, il tomba au sol au milieu des feuilles, inanimé. L’orage s’était tu et les nuages étaient redevenus gris clair. « Je pense qu’il est perdu, supposa Ethelle sans se préoccuper du temps capricieux. Nous ne pouvons pas le laisser là.
– Vous avez raison, concéda Nicolas. Allez donc chercher de l’aide, pendant que je le surveille. »

La jeune femme rousse acquiesça et s’en fut chercher Henry. Avec l’aide de plusieurs autres domestiques, ils transportèrent l’inconnu dans le manoir. Avant qu’Ethelle ne revienne avec les renforts, Nicolas avait placé son manteau comme couverture sur le corps de l’homme aux yeux violets. Il ne voulut pas le récupérer et c’est en grelottant qu’il parvint au manoir. Ils laissèrent Henry s’occuper d’installer leur étrange invité évanoui dans un lit et d’appeler un médecin de toute urgence, en espérant qu’il en trouverait un de disponible.

Ethelle et Nicolas firent ce qu’ils avaient décidé : ils s’installèrent sur des fauteuils devant les flammes d’une cheminée. Ils se trouvaient dans le salon décoré par Heather Merryweather. La jeune femme rousse s’était assise dos au portrait pour ne pas subir le jugement permanent de son regard. Au début, elle regretta car elle sentait le regard peser sur ses épaules, mais petit à petit elle parvint à l’ignorer, puis à l’oublier. Les deux jeunes gens profitèrent longuement de ce moment de calme à contempler les flammes claires qui crépitaient dans l’âtre. Nicolas s’était emparé d’un tisonnier et jouait avec les braises d’un air absent.

« Je me demande qui est cet homme que nous avons secouru, déclara Ethelle.
– C’est sûr que c’est un homme en tous cas, appuya le jeune Merryweather. Mais je me demande aussi qui il peut être ; j’ai presque eu l’impression que c’était lui qui avait commandé le tonnerre.
– Ce serait phénoménal. Un peu trop même, je pense que ce n’est qu’une coïncidence.
– Peut-être. Il est certainement juste un pauvre hère sans abri. »

Sur un grincement, la porte s’ouvrit, faisant se retourner Ethelle et Nicolas. Ils écarquillèrent les yeux en reconnaissant l’inconnu qui s’accrochait au chambranle de la porte pour s’empêcher de tomber. Il avait une étrange allure vêtu d’habits de nuits qui devaient avoir appartenu à monsieur Merryweather. L’homme luttait aussi visiblement contre la perte de connaissance, s’efforçant de garder les yeux ouverts. Il respirait profondément, comme s’il était essoufflé. Faisant un effort pour rassembler ses forces, il prononça un mot, qu’il répéta plusieurs fois, avant de tomber à genoux, visiblement épuisé. Il répéta encore le mot, puis resta silencieux, prostré contre le chambranle.

« Comment est-ce possible ? souffla Ethelle.
– Avez-vous compris ce qu’il vient de dire ? s’étonna Nicolas.
– Oui, il… Il vient d’utiliser la langue de la civilisation qu’étudie le professeur Derrington, j’en suis sûre !
– Et que dit-il ?
– Il répète le mot montagne, révéla la jeune femme rousse.
– Mais pourquoi parle-t-il donc d’une montagne ?
– Cela, je ne sais pas. »

L’inconnu aux yeux violet répéta le mot encore plusieurs fois, avant d’enfouir son visage dans ses mains et de sangloter. Ethelle se leva et s’approcha de l’homme. « Pouvez-vous communiquer avec lui ? s’enquit Nicolas.
– Je ne pense pas, déplora la jeune femme en posant une main compatissante sur l’épaule de l’inconnu. Je ne sais pas comment se prononcent la plupart des mots de cette langue. C’est un hasard que j’ai pu saisir celui-là. »

L’homme à genoux s’agrippa à la taille d’Ethelle, enfouissant son visage dans sa robe, et continua à laisser libre cours à ses larmes. « Vous importune-t-il mademoiselle ? s’enquit calmement Henry qui venait d’arriver dans le dos de l’inconnu.
– Oh, non non, ça ira, balaya la jeune femme qui se sentait gênée par la proximité physique de cet homme mais qui ne voulait pas lui attirer d’ennuis. Le pauvre a l’air désemparé et exténué.
– Assurément, approuva platement Henry. Je venais informer monsieur Merryweather que madame Cartridge compte bientôt trouver le temps de venir examiner notre nouvel invité.
– Fort bien, fort bien, commenta Nicolas. Veuillez donc ramener monsieur notre invité jusqu’à son lit. Il semblerait qu’il ait encore besoin de repos. »

Lorsqu’Henry l’approcha pour l’aider à se relever, l’homme se laissa faire. Il ne sanglotait plus mais les larmes coulaient toujours à flot le long de ses joues. Après avoir brièvement incliné la tête à l’intention d’Ethelle, l’inconnu se laissa guider jusqu’à la chambre où il avait été installé. « Ses yeux brillent aussi fort que ceux de l’homme que votre ami, Simon Derrington, a amené ici, constata pensivement Nicolas.
– C’est ce que j’ai remarqué aussi, acquiesça la jeune femme rousse. Mais je ne sais pas ce que cela signifie, ni même si cela signifie quelque chose. Je vais aller m’étendre un moment, je me sens terriblement lasse. »

Le jeune homme lui souhaita un repos réparateur et Ethelle se rendit rapidement à sa chambre. Au lieu de se coucher sur le lit, elle sortit la mallette de son père de sa cachette et s’assit à son secrétaire. Elle s’empara ensuite de papier à lettres et de quoi écrire. Mademoiselle Morton contempla un instant le papier en caressant machinalement le cuir de l’attaché-case, avant de se lancer dans la rédaction.

« Chère famille [Machintruc], vous êtes à peine partis que vous me manquez déjà beaucoup.

 

 

2022 mots pour aujourd’hui, mais sans tricher cette fois hahaha ! Par contre, c’est pas pratique d’écrire quand on s’endort sur son ordi toutes les 5 minutes.

NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 11

Avec l’agitation, personne d’autre ne l’avait vue non plus. L’esprit du pendentif fit un clin d’œil à Ethelle avant de retourner se cacher dans le camée.

Izel se retrouva près d’elle et lui enjoignit à s’écarter du lac. Ils remontèrent au manoir et croisèrent Nicolas Merryweather qui en descendait. Il était pâle et armé de son pistolet. « Ethelle, ma chère, je suis soulagé de vous voir saine et sauve.
– Je suis resté à ses côtés pour la protéger, mentionna Izel avec hauteur.
– Oh, euh et bien je vous en suis reconnaissant, le remercia Nicolas tandis que le rouge lui montait aux joues. Cela m’a permis de récupérer mon arme pour les faire fuir. »

Les gendarmes détachés à la protection du domaine Merryweather au cas où Gregory se montrerait avaient, eux aussi, tiré en direction des êtres lacustres pour les faire fuir. Ils étaient à présent regroupés sur la petite plage du lac, tenant une conversation animée. Ethelle supposa qu’avec des apparitions surnaturelles de plus en plus nombreuses, les gens d’armes ne devaient plus savoir où donner de la tête. L’un d’entre eux, quitta le petit groupe et, arrivant à la hauteur de Nicolas, l’informa qu’il devait quitter la surveillance du domaine pour aller informer son supérieur des évènements. Sans attendre de réponse, il inclina brièvement la tête et s’en fut.

« Vous devriez conserver votre arme avec vous, conseilla Izel à l’héritier Merryweather avec un demi-sourire.
– J’y songe, répondit Nicolas avec agacement. Venez, Ethelle, rentrons. » La jeune femme acquiesça et saisit le bras qu’il lui tendait. Ils rentrèrent paisiblement, accompagné par le nahua qui irritait le maître des lieux.

 

Le jour suivant, de nombreux convives avaient déjà quitté le manoir pour regagner leur maisonnée. Les gendarmes s’étaient retirés du domaine, leur supérieur ayant décidé que des affaires plus pressantes les appelaient. Il regnait une ambiance qu’Ethelle trouvait morne. Les membres de la famille [Machintruc], qui préparaient à leur tour leur départ, lui demandèrent de les retrouver dans leurs appartements.

Lorsque la jeune femme pénétra dans le petit salon des [Machintruc], Miztli se précipita vers elle avec joie. « Viens, papa et maman veulent te parler ! » Elle s’empara ensuite de la main d’Ethelle pour l’entraîner vers le fauteuil près de la cheminée où se tenait Xochitl. Entendant sa fille parler à Ethelle, Cuauhtli les rejoignit. Madame [Machintruc] adressa un aimable sourire à mademoiselle Morton et l’invita à s’assoir sur le fauteuil en face d’elle.

« Nous avons été très heureux de faire votre connaissance, commença Xochitl.
– Moi de même, lui assura Ethelle avec chaleur.
– J’en suis ravie. Nous vous avons demandé de venir car nous avons quelque chose à vous proposer.
– Vraiment ?
– Oui, intervint Cuauhtli. Nous en avons beaucoup discuté et nous pensons que c’est une très bonne idée.
– Nous voulions vous proposer de partir avec nous, précisa Xochitl.
– Avec vous ? s’étonna Ethelle prise de court.
– Oui, confirma Xochitl. Cuauhtli connaissait bien votre père, qu’il tenait en haute estime, et vous nous avez fait une excellente impression. C’est pourquoi nous comptions vous proposer de vous accueillir chez nous à Nueva Tenochtitlan (ou Yancuic Tenochtitlan ? Quelle quantité d’espagnol a été finalement conservée et est utilisée ? Quid du portugais ? Et puis d’abord où ça se trouve ?) où vous pourriez repartir du bon pied dans une ville riche et foisonnante. De là, vous pourrez tout de même retourner à Eastlond si vous en ressentez l’envie.
– C’est vraiment généreux de votre part comme proposition. » déclara Ethelle qui ne savait pas si elle avait envie d’aller vivre si loin dans le sud.

De fait, elle ne savait pas non plus si elle avait envie de faire partie de cette famille. Ils s’étaient certes montrés toujours agréables et attentionnés à son égard, mais elle ne les connaissait que très peu. Aurait-elle de mauvaises surprises plus tard ? D’un autre côté, l’autre solution qu’elle avait était de continuer de vivre au crochet de la famille Merryweather. Heather était pénible et envahissante, mais au moins la jeune femme savait à quoi s’attendre. Et puis, en restant à Lancy, elle restait à la portée de la bibliothèque antique de Simon Derrington. Ethelle ne savait pas si elle aurait l’occasion d’y retourner, mais elle préférait ne pas trop s’en éloigner.

« Les enfants nous ont assuré qu’ils apprécieraient beaucoup vous avoir comme compagne, précisa Cuauhtli. De plus, dans quelques mois (réfléchir à combien de temps exactement), Izel sera en âge de prendre une épouse. Nous pourrions vous marier et vous bénéficierez ainsi du prestige de la famille [Machintruc], cela vous aidera certainement dans vos affaires.
– Oh, mais je ne comptais pas profiter d’autant de générosité ! » s’exclama Ethelle.

Décidément, pourquoi y avait-il tant de monde qui considérait que le mariage était la solution à tout ? La jeune femme repensa à ce que lui avait dit Cuauhtli au sujet de son père, qui avait un soi-disant secret autout de sa réussite en affaires. La famille [Machintruc] lui faisait-elle miroiter un avenir radieux avec elle juste pour pouvoir mettre la main sur ce fameux secret ? Elle s’en voulut de penser cela de personnes qui s’étaient montrées avenantes et aimables avec elle depuis le début. Izel s’était même porté à son secours à plusieurs reprises.

« Nous aurions dû vous en parler avant, déplora Xochitl. Vous n’avez que peu de temps pour vous décider.
– Il est vrai que c’est difficile pour moi de prendre une décision si importante dans un laps de temps si court, confirma Ethelle.
– Écoutez, temporisa Cuauhtli, si cela vous convient mieux, vous pouvez partir avec nous en considérant que vous prenez des vacances et, si la vie avec nous ne vous convient pas, vous pourrez certainement revenir ici auprès de la famille Merryweather. »

Présentée ainsi, l’offre était plutôt tentante. Ethelle n’avait jamais eu l’occasion de se rendre dans l’Empire de Nueva Azteca et elle était curieuse de visiter Nueva Tenochtitlan. Alors qu’Ethelle s’apprêtait à dire qu’elle s’en voudrait de les mettre en retard, quelqu’un frappa à la porte. Henry, le majordome des Merryweather, entra dans la pièce, s’inclina et déclara : « Mademoiselle Morton est requise dans le salon de réception de madame Merryweather. Si vous voulez bien me suivre.
– Pour quelle raison est-elle convoquée ? s’enquit Xochitl sur un timbre un peu irrité.
– Monsieur Merryweather la mande car ses amis sont revenus d’un périple archéologique.
– Un périple archéologique ? s’étonna Cuauhtli. Cela ne peut-il pas attendre ? Nous sommes au milieu d’une conversation importante.
– Prenez votre temps, déclara calmement Henry. Je patienterai de l’autre côté de la porte. »

Ce qu’il fit. Le coeur d’Ethelle battait la chamade ; elle était impatiente de retrouver Simon et Clay et très heureuse de savoir qu’ils n’avaient pas eu à faire à Gregory. Elle nota de leur en parler au cas où. La jeune femme repoussa ses pensées dans sa tête pour s’occuper de ne pas froisser la famille [Machintruc]. « Je suis navrée, leur dit-elle, et aussi profondément flattée par votre proposition, mais je ne vais pas pouvoir vous accompagner dès aujourd’hui. Le devoir m’appelle, mais peut-être pourrai-je me mettre en route d’ici quelques jours, si votre invitation tient toujours bien entendu.
– Bien sûr, lui assura Xochitl. Nous sommes un peu déçus de ne pas pouvoir profiter de votre présence dès maintenant, mais nous vous accueillerons avec joie lorsque vous serez prête à venir chez nous. »

Ethelle sourit. Elle avait réussi à garder la porte ouverte tout en déclinant l’invitation, ce dont elle était soulagée ; elle aurait ainsi le temps d’y réfléchir à tête reposée. En les remerciant une nouvelle fois, elle prit poliment congé, pour suivre Henry qui l’attendait, stoïque, dans le couloir. Tandis qu’elle lui emboîtait le pas, une inquiétude survint : Arabella Finley avait-elle déjà quitté le manoir ? Il serait très fâcheux qu’elle croise Clay dans un couloir. Qui sait comment elle réagirait en le voyant ?

Lorsqu’Henry lui ouvrit la porte du salon, Ethelle fut soulagée de ne pas y trouver la Veuve-Noire, mais aussi de constater que Clay et Simon étaient indemnes de toute blessure qui aurait pu signifier une rencontre avec Gregory. En plus de Nicolas qui devisait avec le professeur Derrington, la jeune femme rousse fut surprise de voir Tina, mais aussi un grand homme aux yeux verts étincelants et à la longue chevelure noire qu’elle ne connaissait pas.

Avant qu’elle n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit, Clay avait franchi les quelques pas qui les séparaient pour l’étreindre brièvement. Il la lâcha avant qu’elle puisse s’offusquer et lui adressa un franc sourire en lui disant : « Je suis content de voir que tu… vous allez bien !
– Je… moi aussi, avoua Ethelle. Je suis heureuse de vous voir et surprise, aussi.
– Nous n’avons pas eu l’occasion d’envoyer un message. » s’excusa Simon en venant l’étreindre à son tour.

Tina ne vint pas l’étreindre – l’inverse aurait profondément surpris mademoiselle Morton – et se contenta de la fixer d’un air insolent en croisant les bras. L’homme aux étranges yeux verts la fixait également, l’air impassible. Il était vêtu d’un costume neuf, qu’Ethelle soupçonnait l’archéologue d’avoir fait tailler à ses frais peu de temps auparavant. L’inconnu ne semblait pas encore tout à fait à l’aise avec ces vêtements typiquement angelnish.

« Que faites-vous là ? s’enquit la jeune femme rousse. Je pensais que vous ne reviendriez pas avant encore plusieurs jours.
– Il s’est passé des choses dans la bibliothèque, expliqua vivement Clay tandis que l’archéologue les poussait à s’installer sur le canapé ou les fauteuils.
– Quelles choses ? demanda Ethelle en s’asseyant à côté de l’ancien Faucheux sur le canapé.
– Gregory nous a attaqués, tu sais, le majordome de la Veuve-Noire. »

Dans son impatience, le jeune homme en oubliait de la vouvoyer. « Je me souviens bien de lui, renchérit Ethelle. Il a voulu me tuer lors d’un dîner…
– Il a… ? Ohlàlà… J’avais raison de m’inquiéter. » Clay se passa nerveusement la main dans les cheveux, avant de reprendre : « Je suis content que tu sois saine et sauve.
– J’ai arrêté cet homme grâce à mon pistolet, précisa Nicolas dont les joues étaient une fois de plus colorées de rouge. Puis il a été emmené par les gendarmes.
– Et puis il s’est enfui, continua Ethelle. C’est à ce moment là qu’il a dû se lancer à votre poursuite.
– Comment a-t-il fait pour nous retrouver ? demanda Tina. C’est toi qui lui a balancé Clay ? »

Le ton de la jeune fille blonde, dirigé à l’intention de mademoiselle Morton, était accusateur. « Je n’ai rien dit, démentit Ethelle.
– Chaahk et moi pensons que cet homme, Grégory, étant un loup-garou, avait des capacités de pistage surhumaines, intervint le professeur Derrington avec une pointe de fierté. Nous avons émit l’hypothèse qu’il a suivi Clay à la trace depuis Lancy.
– Un loup-garou ? balbutia Nicolas.
– En y repensant, c’est vrai qu’il avait une tête bizarre lorsqu’il m’a attaquée, réfléchit Ethelle. Comme s’il était déformé… et avec plus de poils aussi.
– Un loup-garou, répéta Simon, ou lycanthrope. J’en suis sûr et certain ! D’ailleurs, sa force était impressionnante. Nous avons eu beaucoup de chance de nous en sortir ; nous n’en serions pas là si Tina n’avait eu la présence d’esprit d’utiliser l’argent dévolu à mes photographeurs pour vaincre la bête. »

La blondinette jeta un regard triomphant à Ethelle. Cette dernière, bien qu’impressionnée par l’exploit de Tina, n’en laissa rien paraître. Elle se sentait soulagée de savoir que Gregory avait été vaincu. En revanche, même sans son majordome, la Veuve-Noire devait avoir des moyens de leur porter préjudice. Sans compter que la disparition de son homme de main la mettrait certainement dans une colère noire. Et ce n’était pas quelque chose à laquelle Ethelle avait envie d’assister.

« Il faut que je vous dise, déclara-t-elle à ses compagnons, qu’Arabella Finley se trouve ici. (est-ce que Simon est au courant pour Arabella/Veuve-Noire ? Si non, à préciser avant et vérifier aussi à propos de Nicolas) Il ne faut pas qu’elle aperçoive Clay ou Tina.
– Arabella Finley ? répéta Nicolas. Mais pourquoi cela ? Que ne m’avez-vous pas dit ? »

2033 mots pour aujourd’hui. Je continue de rogner sur mon retard, pas aussi vite que je le voudrais, mais je rogne !

NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 10

Elle jeta un nouveau coup d’œil à l’assemblée. Tout en hochant la tête à l’intention de l’adolescent, elle se prépara à affronter de nouvelles discussions à propos de son père et se composa un nouveau sourire. Ceci fait, elle se tourna vers Izel pour vérifier si elle faisait suffisamment bonne figure. Il donna son approbation. Ethelle lui sourit et se lança dans un nouveau bain de foule.

Elle redoubla d’attentions envers ses interlocuteurs et s’efforça de leur donner une image positive d’elle-même, espérant en donner une meilleure que celle d’Arabella. Elle avait l’avantage de paraître moins sèche et excentrique que l’héritière de Jeremiah Finley, mais cela ne suffirait pas à ranger les convives de son côté si jamais un conflit d’intérêt venait à se déclarer entre elles. Ethelle fit de son mieux pour faire miroiter le mystérieux secret de son père qui avait fait la richesse de MecanInc, AerosTech et RotorCorp.

A ce propos, la jeune femme rousse était déçue de constater qu’elle n’apprenait pas grand chose concernant le décès de Charles Morton. Toutes les personnes présentes paraissaient certaines qu’il n’y était pour rien dans la chute des trois entreprises florissantes, mais personne ne sut lui expliquer pourquoi ni n’avait d’idée précise sur le mobile du crime. Certains appuyaient même la thèse du suicide. En discutant avec les convives, Ethelle était tout de même parvenue à la certitude que son père avait dû être assassiné pour son secret. Cela lui semblait évident.

(rajouter des trucs peut-être ? Et présenter quelques personnes présentes ? Pas beaucoup de Eastlondiens je suppose. Est ce qu’on dit Eastlondiens déjà ? Je ne sais plus)

Ethelle avait décidé qu’elle ne quitterait pas la salle la première. Arabella devait avoir pris la même décision, car elle ne montrait aucun signe de vouloir prendre congé. Mademoiselle Morton devait admettre qu’elle était impressionnée par l’endurance de la Veuve-Noire qui sortait tout juste d’un long voyage. Tout en devisant avec d’anciens amis de son père qui avaient quitté Eastlond quand elle était encore petite, Ethelle surveillait mademoiselle Finley du coin de l’œil. Cette dernière faisait mine d’ignorer la jeune femme rousse, mais Ethelle pensait que ce n’était qu’une impression et qu’elle la surveillait tout autant.

Les invités de madame Merryweather, fatigués, finirent par quitter la salle de réception d’eux-mêmes. Lorsqu’il ne resta plus suffisamment de personnes à charmer, la Veuve-Noire se retira à son tour. Ethelle n’attendit que quelques minutes pour suivre son exemple. Elle avait la tête pleine d’informations sur les convives de la soirée et d’alcool dont elle avait un peu abusé.

Elle gravissait l’escalier principal, pressée de retrouver sa chambre, lorsqu’elle s’aperçut qu’Arabella Finley l’attendait au balcon intérieur, qui faisait office de palier. « Nous nous retrouvons enfin. » susurra la Veuve-Noire et la jeune femme perçut son camée palpiter de nouveau sur sa gorge. Ethelle regarda tout autour d’elle, paniquée, à la recherche de quelqu’un qui pourrait lui servir de prétexte pour ne pas se retrouver seule en présence de cette femme qui l’effrayait. Mais elles étaient seules. Mademoiselle Morton n’avait d’autre choix que de lui faire face.

« En effet, déclara Ethelle. Je dois avouer que je suis surprise de vous voir ici.
– J’ai reçu un message de mon majordome, qui m’expliquait qu’une réunion vous impliquant allait se tenir ici. J’ai donc contacté madame Merryweather, qui m’a aimablement conviée en tant qu’héritière de Jeremiah Finley. En revanche, je n’ai pas eu de nouvelles de Gregory depuis. Auriez-vous eu de ses nouvelles ?
– Si l’on veut, répondit la jeune femme en tentant de garder son calme. Il a essayé de m’assassiner, avant d’être arrêté et emprisonné.
– Voilà qui est fâcheux. » commenta la Veuve-Noire en fronçant ses fins sourcils.

Certaine que son interlocutrice ne trouvait pas fâcheux le fait que son majordome ait tenté de la tuer, Ethelle ne releva pas. Elle se demandait si Arabella l’avait attendue parce qu’elle tenait à lui dire – ou peut-être à lui faire subir – quelque chose en particulier, ou cela avait juste été une coïncidence de la croiser. Dans le doute, et parce que mademoiselle Finley semblait plongée dans ses pensées, la jeune femme amorça un mouvement pour s’en aller.

« Vous avez disparu en même temps qu’une de mes petites araignées, l’interrompit finalement Arabella. Où est Clay ? Et Tina ? Elle a déserté plus tard, mais je me suis laissée dire qu’elle vous avait peut-être rejoints.
– Tina ? s’étonna sincèrement Ethelle avant d’avoir la présence d’esprit de rajouter : Clay ? Qui sont-ils ? Je ne fraie pas avec les araignées.
– Je ne vous crois pas. Mais peu importe ; Gregory ne restera pas emprisonné bien longtemps. Si c’est trop dangereux pour lui de revenir ici, il se lancera à la poursuite de Tina et Clay.
– Grand bien lui fasse. Maintenant, si vous me le permettez, je vais aller me coucher. »

Arabella ne prit pas la peine de lui répondre, à son grand soulagement. Ethelle s’en alla dignement jusqu’à sa chambre. Après avoir fermé la porte, elle toucha légèrement son pendentif. Il produisit de la chaleur et [Bidulette] apparut. (vérifier où on en est du tutoiement/vouvoiement)
« J’ai cru que j’allais devoir sortir plusieurs fois aujourd’hui, déclara la jeune fille du camée. Tu avais l’air souvent inquiète et le collier me poussait à sortir ! Mais comme tu m’as ordonné de ne pas bouger tant qu’il y avait du monde, j’ai fait de mon mieux pour résister.
– Merci, je préférais t’avoir avec moi, mais j’avoue que j’aurais été bien en peine d’expliquer ton apparition soudaine.
– Oh, bientôt ça ne posera plus de problème, balaya [Bidulette] en faisant des étirements au milieu de la pièce. Tout le monde va finir par s’habituer, ils ne s’étonneront pas de voir quelqu’un jaillir de ton collier.
– Je ne sais pas. Simon et Clay sont retournés à la bibliothèque pour trouver des moyens de pallier à la résurgence du surnaturel. Peut-être qu’ils trouveront une solution avant que tout le monde s’habitue et que notre système en place ne s’effondre avant l’arrivée d’un dragon ou de je ne sais quoi.
– Moi, ça m’arrangerait qu’ils ne trouvent pas : j’aime bien sortir du pendentif pour marcher dans le monde et interagir avec d’autres personnes que moi-même. »

Ethelle ne répondit pas. Elle avait rapidement considéré [Bidulette] comme faisant partie de son entourage et n’avait même pas pensé qu’une solution pour pallier à la magie pourrait avoir une influence sur sa petite protectrice, alors que c’était l’évidence même. « Pourquoi m’as-tu demandé de sortir ? s’enquit [Bidulette].
– J’avais besoin de parler un peu.
– Parlons dans ce cas ! »

L’esprit du pendentif bondit sur le lit où elle atterrit déjà en tailleur. Ethelle s’assit à côté d’elle. « Je suis inquiète pour Clay et Simon, avoua la jeune femme rousse.
– À cause de ce majordome-loup qui a essayé de te tuer ?
– Oui, je crains qu’il se soit lancé à leur poursuite, ne pouvant pas m’atteindre ici.
– Ce que je comprends, acquiesça [Bidulette]. Il est très fort, alors même qu’il n’a pas encore la force d’un vrai loup-garou. Il aurait mangé le garçon qui s’est dressé face à lui, mais il avait à faire à une trop forte partie avec moi. Je ne peux pas encore rester dehors longtemps, mais je maîtrise parfaitement les arts martiaux qui m’ont été enseignés.
– Mais mes amis n’ont personne pour les protéger.
– Je te proposerai bien d’aller les aider, malheureusement je suis beaucoup trop liée au collier. Et puis je préfère rester avec toi ! Mais ne t’inquiète pas trop : le majordome-loup est peut-être juste parti chasser parce qu’il avait faim.
– Cela fait tout de même plusieurs jours qu’il a disparu, précisa Ethelle peu convaincue.
– Quand une bête comme ça a faim, elle a très très faim. En plus, une fois qu’elle a bien mangé, elle peut se priver de nourriture pendant plusieurs jours ensuite, donc c’est tout à fait possible. »

L’explication ne suffit pas à rassurer complètement la jeune femme rousse. Elle en venait à espérer que le majordome se cachait quelque part dans le parc du domaine Merryweather. Il y avait en effet un point sur lequel elle était d’accord avec [Bidulette] : c’était que la jeune fille pouvait tenir tête à l’effrayant Gregory. La présence de l’esprit de son camée la rassurait. Elle s’en voulait à présent de s’être laissée aller à la panique ; tant que [Bidulette] était là, elle ne risquait rien. Elle bâilla.

« Je vais me coucher maintenant. » déclara Ethelle en se levant pour commencer à défaire sa robe. Il s’agissait cette fois d’une robe qu’elle avait commandé elle-même et elle l’avait demandée facile à mettre et à enlever seule. La couturière avait paru étonnée par une telle demande, mais s’était exécutée sans commentaire. [Bidulette] ne bougea pas, la fixant toujours tandis qu’elle revêtait sa robe de nuit. « Pourquoi es-tu toujours là ? s’enquit Ethelle.
– Ces habits que tu as me fascinent, j’aime bien te regarder les changer.
– Ah, et bien je n’en changerai plus avant demain, tu peux t’en aller. »

La jeune fille rousse se coucha dans son lit, sous l’édredon moelleux. Complètement épuisée, elle ignora [Bidulette] et s’endormit aussitôt la tête posée sur l’oreiller. L’esprit du pendentif s’allongea face à elle et la regarda dormir un moment. « Oh non… » souffla-t-elle avant de se transformer en fumée et de rejoindre le camée délicatement posé sur la table de nuit.

 

Le lendemain, Ethelle eut la désagréable surprise de constater qu’Arabella s’installait face à elle pour le petit déjeuner. La jeune femme se dit qu’elle aurait mieux fait de prendre son repas au lit. Elle espéra que la Veuve-Noire ne comptait pas la suivre à la trace toute la journée, car cela allait rapidement lui mettre les nerfs en pelote. Ethelle plissa les yeux ; peut-être était-ce là ce que cherchait à faire Arabella. Souriant de nouveau, elle s’occupa de ses voisins de table – Nicolas et Xochitl – et ignora totalement mademoiselle Finley.

Ethelle passa ensuite le reste de sa journée à récupérer les adresses des convives qui avaient promis de la soutenir dans la réhabilitation du nom des Morton et à récolter les promesses d’aide. Elle savait que tous ne répondraient pas à l’appel si elle leur demandait, mais une partie d’entre eux suffirait à l’épauler. La jeune femme devait à présent se constituer un dossier de défense, ce qui s’annonçait difficile vu le peu de témoignages fiables qu’elle avait pu réunir au sujet de Charles Morton. Elle se disait qu’elle aurait peut-être dû essayer de rassembler les éléments avant d’essayer de rallier les gens à elle, mais il était à présent un peu tard pour recommencer ; les choses étaient lancées.

Pendant tout ce temps, elle faisait de son mieux pour rester hors de portée d’Arabella Finley. Ce faisant, elle réalisa qu’elle ne voyait pas beaucoup Nicolas ces derniers temps. Lui aussi avait beaucoup à faire en tant qu’hôte. En revanche, où qu’elle se trouve, elle remarquait qu’Izel n’était jamais loin. Pourtant, à chaque fois qu’elle tournait le regard vers lui, il faisait mine de ne pas faire attention à elle.

C’est alors qu’un grand bruit retentit, suivi de hurlements de terreur. Cette fois, ce n’était pas un saladier brisé. Des créatures sorties du lac de Lancy avaient brisé une barque amarrée et se dirigeaient à présent vers le bout de jardins où se trouvaient les invités. Tout le monde se mit à courir dans l’autre sens. Ils n’avaient pas besoin de se presser, constata Ethelle, car les êtres sortis de l’eau n’avaient pas de pattes arrières. L’avant ressemblait à celui d’un humain déformé et l’arrière presque à une queue de poisson. Ils poussaient des borborygmes et ne cessèrent leur avancée que lorsque des coups de feu retentirent.

L’un d’entre eux s’effondra en criant de douleur, touché par une balle. Les autres paniquèrent et fuirent en l’emmenant le plus rapidement qu’ils pouvaient dans la sécurité des eaux lacustres. « Tout va bien. » commenta [Bidulette]. Ethelle ne l’avait même pas vue apparaître tant elle avait été hypnotisée par le spectacle des habitants du lac.

 

2016 mots pour aujourd’hui. J’espère rogner encore plus de retard demain !

NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 9

(changement de chapitre je crois)

« Comment ça « il a disparu » ? s’emporta Nicolas. Un simple majordome emprisonné ne peut pas disparaître aussi facilement !
– Et bien, il n’a pas exactement disparu, précisa un gendarme gêné après avoir échangé un regard avec son collègue qui l’avait accompagné. Il… Et bien il s’est enfui.
– Enfui ?
– Oui, confirma le deuxième. Il a fait un énorme trou dans le mur de la prison.
– Comment est-ce possible ? s’étonna le jeune Merryweather.
– Il semblerait qu’il ait juste défoncé la pierre à mains nues, reprit le premier gendarme.
– Comment peut-il avoir eu assez de force pour ça ? »

Nicolas ne revenait pas de sa surprise et Ethelle, qui pourtant avait subi la force de Gregory, était toute aussi impressionnée. Et inquiète, aussi. Un nouvel éclat de voix de la part de son hôte la fit sursauter. « Plusieurs jours ? Mais pourquoi ne me prévenez-vous que maintenant ? Avez-vous la moindre idée de ce qui aurait pu arriver pendant ces quelques jours ? Quand je pense que nous étions confiants, alors qu’un monstre rôde peut-être sur mon domaine. »

Ethelle n’avait jamais vu Nicolas aussi en colère. En ce moment il n’avait plus rien du jeune homme mesuré qu’elle avait rencontré. Il congédia les deux gendarmes, après qu’ils lui eurent expliqué qu’ils avaient mis en place une surveillance du manoir, au cas où Gregory revienne terminer ses noirs desseins. Merryweather se tourna vers la jeune femme rousse, le visage reflétant son inquiétude. « Je ne laisserai pas cet homme vous faire du mal. Désormais, vous ne resterez plus seule, c’est trop dangereux.
– Je ne suis déjà pratiquement jamais seule, protesta Ethelle. Et puis, j’ai déjà une protection personnelle.
– La jeune fille du pendentif ?
– Tout à fait. Elle s’est montrée efficace aux deux occasions qu’elle a eues de rencontrer cet homme.
– Mais elle est toute menue et vous ne l’avez pas revue depuis : comment savoir si elle se manifestera au prochain danger ?
– J’ai confiance, lui assura Ethelle. Maintenant, nous devrions retourner nous occuper des invités : ils doivent se demander où nous sommes passés. Cela risque de jaser. »

Nicolas Merryweather ne paraissait pas convaincu par l’argument du pendentif, mais il se rangea à la suggestion de retourner divertir les invités. Présentant son bras à la jeune femme, qu’elle saisit avec légèreté, ils retournèrent dans la salle de réception du manoir. Ils furent accueillis par une ambiance colorée et de la musique qui les enveloppa aussitôt avec des rires et des discussions. La salle foisonnait de monde qui avait revêtu leurs toilettes les plus tapageuses et qui avaient décidé de profiter de leur soirée.

Tous parurent enchantés de retrouver Ethelle et elle fut très rapidement accaparée par ces personnes qui voulaient lui parler de son père. Elle les gratifiait tous de son plus gracieux sourire, qu’elle parvenait de nouveau à afficher après la pause bienvenue octroyée par les gendarmes. Ils avaient certes été annonciateurs de mauvaises nouvelles, mais s’aérer la tête de tous ces gens qui venaient lui remémorer son père disparu s’était avéré une véritable aubaine et lui avait rendu un peu d’énergie.

Mademoiselle Morton se laissa emporter dans le tourbillon des mondanités. Elle trouvait l’ambiance trop festive pour engager des conversations utiles. De toutes façons, elle ne se sentait pas le courage de ne faire que parler de Charles Morton toute la soirée. Les moments de discussions légères étaient les bienvenues entre deux discussions sérieuses sur les affaires de son père.

Bien que parfois ennuyeuses et déprimantes pour la jeune femme, ces conversations n’en recelaient pas moins de nombreuses informations. Ethelle découvrait une facette de Charles Morton qu’elle ne connaissait pas du tout, ce qu’elle regrettait à présent. Cuauhtli n’était pas le seul à lui assurer que son père était doué en affaires. L’impression semblait générale et pas seulement parce que les convives se montraient polis.

Elle apprit qu’il n’était pas qu’un simple collaborateur des entreprises MecanInc, AérosTech et RotorCorp. Il était chargé d’affaires dans chacune d’elles en plus de son poste de conseiller municipal et au Parlement (vérifier tout ça). Au vu de toutes ces activité, il n’était pas étonnant que la jeune femme n’ait eu que peu de temps à passer avec lui. Tout le monde lui parlait d’un secret que détenait Charles Morton et la plupart des invités paraissaient convaincu qu’elle en avait hérité. Ne sachant trop comment réagir à cette confiance qu’ils plaçaient en elle, Ethelle ne les détrompa pas. Elle temporisa seulement en précisant qu’elle n’avait pas encore bien compris toutes les ficelles du secret.

Les parents de la famille [Machintruc] la présentaient à tout le monde, la mine fière comme si elle était leur fille. Leur véritable fille, Miztli, ne faisait pas grand cas du foisonnement d’intérêt autour d’Ethelle. Elle préférait courir et jouer avec les autres enfants qui avaient à peu près son âge. En plus de temps, elle se retrouva avec la robe déchirée en plusieurs endroits, riante et essoufflée. Izel non plus ne s’intéressait pas aux histoires de Charles Morton. Négligeamment adossé à une colonne, il contemplait la foule d’un air blasé. Ethelle ne parvenait pas à savoir ce qu’il pensait d’elle. Miztli l’aimait bien, elle en était certaine, leurs parents la couvaient comme si elle faisait partie de la famille, mais Izel maîtrisait trop bien l’attitude nonchalente des adolescents.

Un fracas interrompit les musiciens. Ethelle, tendue, était prête à s’enfuir lorsqu’elle réalisa qu’il s’agissait juste d’un saladier qui s’était écrasé au sol après avoir été maladroitement poussé par quelqu’un. La jeune femme expira. Elle croyait qu’elle avait enfoui ses inquiétudes au fond de son esprit, mais le premier bruit venu les avait libérées. Ethelle s’efforça de calmer les battements de son coeur ; elle avait eu l’impression de voir son camée briller et la dernière chose dont elle avait besoin était une apparition impromptue de [Bidulette].

Avant que les conversations reprennent après cette bruyante interruption, la porte de la salle de bal s’ouvrit. Ethelle sentit son coeur battre la chamade de plus belle. L’invitée en retard n’était autre qu’Arabella Finley. Toujours filiforme et vêtue d’une robe noire près du corps, elle affichait une mine contrariée, qui s’éclaira d’un sourire mauvais lorsqu’elle repéra la jeune femme rousse au milieu d’un attroupement.

Ethelle se raccrocha à cette idée : au milieu de tant de monde, la Veuve-Noire ne pouvait lui faire de mal. Mademoiselle Morton devrait aviser pour les jours suivants. Elle se méfiait d’Arabella. Sans compter que si elle se trouvait ici, Gregory ne devait pas se trouver bien loin. Elle chercha Nicolas du regard pour le prier de se méfier de mademoiselle Finley, mais le jeune homme était déjà en train de l’accueillir avec empressement et sourires. Il lui apportait un verre pour contrer les effets du voyage qu’elle venait d’effectuer et qui avait été, confirma-t-elle, particulièrement éprouvant. Les trains n’avaient eu que des retards et leur confort s’était avéré moins que relatif.

Ethelle remarqua bien vite que l’héritière de Jeremiah Finley recevait presque autant d’attentions qu’elle. Cela blessa son ego, mais surtout, cela l’inquiéta. Ces gens étaient destinés à être ses alliés, pas ceux de la Veuve-Noire. Mademoiselle Morton savait bien qu’elles étaient censées être du même côté et elle se demanda comment Arabella comptait agir envers elle. Cependant elle ne pouvait pas s’empêcher d’avoir l’impression que la Veuve-Noire était en train de tisser une toile mortelle autour d’elle.

« Comment se fait-il que mademoiselle Finley se trouve ici ? s’enquit Ethelle auprès de Nicolas qui s’était éloignée de la dernière arrivée.
– Oh, et bien je suppose que tout le monde la croyait folle quand elle disait que la ruine de l’entreprise de son oncle était liée à des dragons. Mais maintenant que tout le monde commence à avoir été témoin d’évènements surnaturels au point que même les journaux en parlent… et bien elle est devenue une sorte de génie incompris.
– C’est sûr que cela a dû lui demander beaucoup de courage de défendre ses théories surnaturelles. » nota Ethelle en buvant nerveusement une gorgée de son verre, plein d’un alcool pétillant. Le jeune Merryweather lui adressa un sourire lumineux, heureux de constater qu’ils se comprenaient. Mademoiselle Morton ne le détrompa pas non plus. Elle estimait que cela lui demanderait trop d’énergie pour un probable piètre résultat.

La jeune femme s’éloigna un peu, se postant près du buffet. Son estomac n’avait pas envie de nourriture, mais elle avait envie de boire. Elle percevait son camée pulser contre sa gorge et décida de l’ignorer. « Vous buvez trop, commenta une voix jeune alors qu’elle venait d’avaler un deuxième verre et commençait à en ressentir les effets.
– Pardon ? s’offusqua-t-elle en se tournant vers son interlocuteur.
– Vous allez vous endormir sous la table si vous continuez ainsi, la prévint Izel qui s’était approché d’elle.
– Non non, s’exclama-t-elle. Je ne dois pas m’endormir ici, c’est beaucoup trop dangereux. »

Joignant le geste à la parole, elle délaissa son verre sur la table où il fut prestement débarrassé par une servante zélée. « Pourquoi est-ce dangereux ? s’enquit Izel faisant ainsi preuve d’un semblant d’intéret.
– Parce qu’Arabella ne m’aime pas.
– Boah, plein de gens n’en aiment pas d’autres, je ne vois pas en quoi ce serait dangereux.
– Vous ne comprenez pas, se plaignit Ethelle.
– J’ai bien peur que non.
– Ce n’est rien, balaya la jeune femme. Je pense que je devrais me retirer.
– Déjà ? s’étonna Izel de façon un peu moqueuse. Ne craignez-vous pas que les invités se sentent blessés par votre absence ? »

Il avait raison. Ethelle ne pouvait pas abandonner tous ces gens que madame Merryweather avait conviés spécialement pour la rencontrer. Elle se tourna pour contempler l’assemblée, se tordant les mains. Le ballet tourbillonnant des gens qui venaient lui parler de son père faisaient à présent de même autour d’Arabella. Au milieu de toutes ces attentions, elle affichait une mine triomphante, s’efforçant de se montrer sympathique. Mademoiselle Morton se sentit dégoûtée par la situation. « Tant pis, lâcha-t-elle à son jeune interlocuteur. Je vais quand même me coucher.
– Non ! s’exclama-t-il. Ne faites pas cela, elle va gagner sinon.
– Gagner ?
– Mais oui, elle n’aura rien besoin de faire pour s’attirer les faveurs de tous ces gens si vous vous en allez. »

Elle devait reconnaître qu’une fois de plus, Izel faisait preuve d’une sagesse assez incroyable pour un adolescent de – quoi – seize ans ?

 

1741 mots pour aujourd’hui, j’ai du mal à atteindre le quota minimum, mais j’y arrive ! J’espère que je réussirai à récupérer mon retard ce week end 🙂

NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 4

Alors qu’elle réfléchissait, elle se posta machinalement devant sa fenêtre. Le vent agitait les plantations du parc des Merryweather et quelques gouttes venaient frapper la fenêtre. C’est alors qu’elle aperçut quelqu’un s’aventurer dans le jardin en proie à la grisaille et aux éléments. Seulement vêtu de sortes de braies parées de plumes colorées et la tête surmontée d’une coiffe elle aussi piquée de plumes, il était pied nus sur les graviers et portait un long bâton de bois. Lorsqu’il se posta sur un carré d’herbe, il se tourna en direction du bâtiment et Ethelle reconnut avec surprise Izel, l’aîné des [Machintruc]. De le voir ainsi, il lui parut un peu plus âgé que de prime abord ; elle estimait qu’il devait avoir seize ou dix-sept ans.

Le garçon joignit les mains sur son bâton, levant les yeux vers le ciel et poussa un cri puissant. Ethelle n’eut pas le temps de sursauter qu’il avait déjà entamé une série de mouvements rapides, accompagné du long bâton qu’il maniait comme une lance. Izel se montrait un bon acrobate. Ses pas lui faisaient tracer un cercle dans l’herbe mouillée et le bâton tournoyait de plus en plus rapidement autour de lui. Sous les yeux ébahis de la jeune femme rousse, Miztli rejoignit son frère, se plaçant au centre du cercle qu’il était en train de tracer. Elle à peine plus vêtue, portait une coiffe emplumée encore plus imposante et ne portait pas de bâton. À la place, elle portait une flûte qu’elle porta à sa bouche pour en jouer. Pour l’écouter, Ethelle ouvrit sa fenêtre, ignorant les quelques gouttes qui l’éclaboussaient.

La jeune femme avait déjà rencontré des ressortissants nahuas de l’Empire Nueva Azteca, mais n’avait jamais assisté à une démonstration de danse traditionnelle. Elle en était subjuguée : les notes de la flûte étaient entêtantes et la danse hypnotisante. Ethelle se demanda combien de temps allait durer leur performance ; Izel allait bien se fatiguer à ce rythme, n’est ce pas ? Mais ni le frère, ni la sœur ne paraissaient pas vouloir s’arrêter. Ils continuèrent jusqu’à ce que les gouttes cessent de tomber et qu’un timide rayon de soleil traverse la masse nuageuse. Même là, ils persistèrent encore un peu, jusqu’à ce que l’aîné s’arrête de danser et plante son bâton en terre, essoufflé.

Miztli se précipita vers le manoir en sautillant et lançant joyeusement quelques mots de nahuatl à quelqu’un qu’Ethelle ne pouvait pas voir. Les parents de la fillette sortirent à leur tour dans le jardin humide. Eux n’avaient pas quitté leurs riches vêtements et parurent féliciter leurs enfants. Mademoiselle Morton approuva intérieurement : elle avait été impressionnée par leur prestation. C’est alors qu’elle remarqua qu’Izel la fixait de ses yeux noirs. Gênée, elle lui adressa un bref signe de main avant de refermer sa fenêtre.

Au dîner, elle félicita à son tour les deux enfants [Machintruc] du merveilleux spectacle auquel elle avait assisté. Xochitl lui expliqua qu’il s’agissait de la danse du soleil, astre cher au cœur nahua, et qu’Izel et Miztli avaient été tellement performants qu’ils avaient réussi à chasser la pluie pendant quelques minutes. Nicolas rit, pensant à une plaisanterie, mais Ethelle avait l’impression que Xochitl était sérieuse. Après tout, à la fin de la danse, la pluie s’était effectivement arrêtée de tomber et un rayon de soleil était même apparu. Était-ce juste une coïncidence ? La famille [Machintruc] paraissait certaine du pouvoir de la danse du soleil. Ethelle, quant à elle, avait été témoin de tellement de choses étranges qu’elle n’était pas loin de les croire.

Lorsque le valet de service se pencha à côté d’elle pour remplir son verre de vin, elle sursauta et étouffa un cri. Elle ne l’avait pas remarqué jusqu’ici – n’ayant pas l’habitude de prêter attention au personnel – mais celui qui venait de compléter de son verre était Gregory, le majordome qui l’avait attaquée la veille (à vérifier). Constatant qu’elle l’avait reconnu, l’homme de main d’Arabella s’empara d’un couteau et en porta un coup à Ethelle, qui repoussa précipitamment sa chaise pour l’éviter avant de se lever pour reculer encore.

Poussant un grognement inhumain, Gregory se jeta sur la jeune femme, mais le deuxième coup de couteau fut stoppé par Xochitl qui se trouvait à côté. Cuauhtli arriva en renfort de sa femme pour ceinturer le majordome d’Arabella. Celui-ci se débattit comme une furie. D’un coup de coude dirigé vers la figure, il se débarrassa de Xochitl. Comme elle poussa un petit cri de douleur en portant les mains à son nez, il se dégagea facilement de son mari qui l’avait lâché pour soutenir sa compagne. Gregory se précipita de nouveau vers sa cible rousse, qui avait prudemment placé la table entre son agresseur et elle. Il sauta sur la nappe, au milieu des plats et des assiettes, comme s’il s’agissait d’une simple marche.

Ethelle pensait sa dernière heure arrivée lorsque deux formes s’élevèrent face au majordome enragé. La première provenait de son pendentif et la deuxième n’était autre qu’Izel. Face à l’homme grand et costaud qu’était Gregory, [Bidulette] et le fils [Machintruc] paraissaient faibles et sans défense. Avec eux, il ne fallait pourtant pas se fier à l’apparence. [Bidulette] balaya les jambes du majordome tandis qu’Izel finissait de le déstabiliser par un coup de pied aérien. Grégory tomba, roula et se retrouva aussitôt sur ses pieds. À présent il avait quitté Ethelle des yeux et décida de se concentrer sur ses deux petits opposants.

La jeune femme rousse avait l’impression de se retrouver au milieu d’un cauchemar : le visage du majordome s’était allongé, sa pilosité s’était accentuée et ses canines paraissaient avoir poussé. Ce qui attaqua [Bidulette] et Izel tenait désormais plus de la bête que de l’être humain. Les deux poids plumes se tinrent prêts à contrer l’assaut de Gregory, mais il n’arriva pas jusqu’à eux. Un coup de feu avait retenti, qui avait fait sursauter tout le monde. Interrompu dans son élan, le majordome roula des yeux furieux avant de s’effondrer sur la table, puis de rouler sur le sol.

[Bidulette] fit la grimace en constatant qu’une fois de plus, elle se changeait en fumée contre son gré pour réintégrer le pendentif. Mais personne ne lui prêtait attention : tous avaient tourné la tête en direction de Nicolas, qui avait tiré le coup de feu. Il replaça le pistolet dans l’écrin qu’Henry maintenait ouvert à sa disposition et où se trouvait nichée une arme jumelle. Ceci fait, il s’empressa de rejoindre Ethelle pour s’assurer qu’elle n’avait pas été blessée. Izel se tenait déjà auprès de sa mère, qui maintenait contre son nez une serviette de table que lui avait apportée Miztli.

Quelques instants plus tard, madame Cartridge arriva pour ausculter Xochitl et des gendarmes arrivèrent pour examiner la scène et poser des questions. Ils remarquèrent que Gregory n’était pas mort des suites de sa blessure par balle. Après qu’il eut été examiné à son tour par madame Cartridge, les gendarmes emmenèrent le majordome qui avait repris conscience. Il ressemblait de nouveau à un être humain normal, mais le regard qu’il jeta à Ethelle en quittant la pièce la fit frissonner.

(changement de chapitre)

Pfiou ! Ces fées me fatiguent. Elles produisent un tel brouhaha que je ne peux pas rester dans leur pièce plus d’un quart d’heure. Et les différentes races sont trop… Ben différentes, en fait. Malgré les nouvelles nomenclatures mises en place par Massamba et Pommier, je trouve toutes ces créatures surnaturelles vraiment perturbantes. Par exemple, concernant les pillys (les petites fées Clochette), rien ne les rapproche des mammifères, ou des reptiles, ou des batraciens, ou des oiseaux, ou même des poissons. J’ai essayé de démontrer qu’ils étaient plus proches des insectes en se basant sur leurs ailes et leurs antennes, notamment, mais force avait été de constater qu’ils ne font pas partie de cette famille là non plus. Certains fabriquent même des pigments bleus… Il n’existe qu’une ou deux espèces connues au monde qui sont capables de ça !

Je sais que je me répète, mais on dirait que quelqu’un a à moitié modelé ces créatures et à moitié collé des morceaux de créatures existantes. Ils ressemblent à de petits humains à qui on aurait attaché des caractéristiques d’insectes. En plus, leurs mamelles ne sont pas fonctionnelles et celles qui ressemblent à des femmes pondent des œufs mous ; c’est n’importe quoi. Ils n’ont pas l’air totalement… naturels, pour ainsi dire, mais je n’ai entendu parler de personne qui ait la connaissance ou la technologie pour créer des bestioles pareilles. Et puis je n’ai pas très envie d’entamer une nouvelle théorie du complot. Même avec toutes les connaissances qu’il a accumulées au sujets des créatures surnaturelles, Valentin n’a pas su me proposer une hypothèse sur leur origine. Apparemment il n’existe aucune indication dans aucune légende.

Je lui ai quand même donné une petite pilly. Après tout, c’est lui qui m’a dit qu’un des noms pour ces petites créatures était “pillywiggin”. Je sais qu’il s’en occupera bien et puis ici il y en a déjà tellement. J’en relâche tous les jours. Les gens nous les amènent par seaux entiers tellement ces petites bêtes foisonnent de partout. Ils n’ont toujours pas compris que ce serait la même chose que de nous amener des pigeons par seaux entiers… Valentin dit qu’ils vont finir par comprendre, mais il est toujours très optimiste concernant l’humanité. Moi un peu moins, surtout que certains des chasseurs de fées (comme ils se surnomment) sont déjà venus plusieurs fois et, à chaque fois, je leur explique que nous avons trop de fées et je leur fais la comparaison avec les pigeons.

C’est même encore pire que les pigeons, parce qu’au moins les pigeons ne nous empêchent pas de nous rendre sur les sites archéologiques ! Ils les abîment, au pire. Le moindre menhir ou dolmen est devenu un endroit dangereux d’où sortent des elfes ou des korrigans à des moments complètement incongrus. L’armée a mis des barrières et surveille les endroits les plus dangereux… Ça aurait pu faire un bon sujet de roman. J’ai encore du mal à réaliser tout ça à certains moments.

Le pire, c’est quand les gens me demandent si les dragons aussi vont faire leur apparition. Comment le saurais-je ? La seule chose que l’on peut affirmer avec certitude, c’est que plus le temps passe, plus on observe de créatures et plus on en observe des grosses. Après, nous n’avons pas de véritables preuves de l’existence des dragons, alors personne ne peut affirmer si nous allons en voir à un moment ou à un autre. Je ne sais absolument pas comment on pourrait gérer l’existence de dragons ; je préfère ne pas y penser !

Bon, je vais proposer à Valentin de venir manger une pizza. Rien de tel qu’une pizza entre amis pour se remonter le moral…

Pizzas commandées : quattro formaggi et prosciutto, livrées dans vingt minutes.

« Cet enregistrement a été effectué le même jour que le premier enregistrement de Valentin que nous avons écouté, nota le professeur Derrington.
– Béatrice, ajouta Chaahk.
– Béatrice ? Serait-ce le prénom de cette jeune scientifique ? Vous la connaissiez aussi alors ? C’est merveilleux ! se réjouit Simon. Il faut dire qu’ils paraissaient se connaître eux aussi. Pouvoir suivre deux points de vue va être tellement intéressant, je suis impatient de pouvoir écouter la suite. Clay, es-tu prêt à continuer ? »

L’interpellé était affalé sur le guidon du cyclopède, épuisé d’avoir pédalé si longtemps. Tina avait rendu le système plus efficace pour qu’il ait moins d’efforts à fournir, mais l’archéologue en avait profité pour écouter les enregistrements plus longtemps. Après tout, il lui fallait de nombreuses écoutes avant de pouvoir prendre suffisamment de notes sur un seul enregistrement, ses notions de langue antique étant loin d’être parfaites. Sans compter les sessions où il se contentait de profiter des sonorités de cette langue qu’il aimait tellement. Cela faisait déjà une demi-douzaine d’écoutes qu’il effectuait d’affilée et son apprenti n’en pouvait plus.

« Bon, ce n’est pas grave, concéda Simon. Prend le temps de te reposer, je vais relire mes notes.
– Merci. » souffla Clay en enfouissant son visage entre ses bras. Après quelques respirations, il tourna la tête sur le côté. Tina, qui le regardait d’un air inquiet, détourna les yeux, faisant mine de réparer une des lanternes qui était défectueuse. Le professeur Derrington s’était assis au bureau antique, mais sur son propre tabouret portatif. Il avait essayé de s’asseoir sur la chaise à roulettes originelle quelques jours auparavant, mais celle-ci s’était brisée sous son poids. Chaahk, lui, était adossé au mur et avait ses yeux verts dans le vague, la tête légèrement penchée sur le côté, comme s’il essayait d’entendre quelque chose.

Le nahua réalisa soudain que Clay le fixait, ce à quoi il expliqua : « Belisama. » avant de soupirer et de quitter la pièce. Tina délaissa ce qu’elle était en train de bricoler pour lui emboîter le pas. Le jeune homme soupçonnait sa cadette de vouloir embaucher Chaahk pour l’aider à réparer son planeur qui ne fonctionnait toujours pas très bien. Comme il l’intimidait, elle s’arrangeait pour se trouver toujours en sa présence afin de saisir au vol le moment opportun où elle pourrait essayer de lui demander son aide.

 

2222 mots pour aujourd’hui, ce qui n’est pas exceptionnel pour un dimanche, mais Siegfried me manque beaucoup au niveau de l’efficacité ! Enfin bon, j’ai pris de l’avance, c’est déjà pas mal.

NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 3

Nicolas les convia tous dans le petit salon surveillé par la peinture de sa mère. En l’honneur de ses invités, il fit servir du chocolat en lieu et place du thé. Tandis qu’Henry, le majordome, servait et distribuait les tasses de breuvage fumant, Cuauhtli entama la conversation : « Je suis enchanté de vous rencontrer enfin, mademoiselle Morton. Je connaissais – pour ainsi dire – bien votre père : nous échangions beaucoup de lettres. J’ai été profondément affligé d’apprendre sa disparition et vous prie d’accepter nos sincères condoléances. » Les trois autres membres de la famille [Machintruc] acquiescèrent de concert.

Ethelle les remercia chaleureusement, tout en fouillant sa mémoire pour se rappeler si Charles Morton lui avait déjà parlé de Cuauhtli [Machintruc]. Elle n’en avait pas le moindre souvenir et elle était certaine de ne jamais l’avoir vu invité chez eux à Eastlond. « Vous échangiez des lettres, mais je ne me souviens pas avoir eu l’honneur de vous recevoir chez nous, osa-t-elle.
– En effet, confirma le lointain ami de son père. Je n’ai pas eu l’occasion de prévoir un voyage jusqu’à Eastlond durant le temps qu’à duré notre échange épistolier et je le déplore. Votre père était un homme intéressant qui avait le sens des affaires. Il m’a aussi beaucoup parlé de vous et je vous ai tout de suite reconnue en vous apercevant ! »

Henry, après avoir servi les tasses de chocolat, avait été sollicité par une servante qui lui avait communiqué un message. Il se permit d’interrompre la conversation en s’adressant à Nicolas : « Monsieur, [trouver une excuse qui appelle Nicolas]
– Je pensais que mère s’était occupée de ces formalités, soupira le jeune maître de maison.
– Apparemment, il manque quelques informations, précisa le majordome. Je suis certain que vos invités sauront se passer de vous quelques instants.
– Très bien, je viens. »

Joignant le geste à la parole, le jeune homme se leva et quitta la pièce en compagnie d’Henry. « C’est le moment, glissa Xochitl à son mari lorsque la porte se fut refermée sur eux. Parle-lui des notes de Charles.
– Je suis désolé de vous affliger avec mes questions, reprit Cuauhtli à l’intention d’Ethelle. Mais je vais profiter de l’absence de notre hôte pour vous entretenir en toute discrétion des papiers secrets de votre père. Depuis que j’ai appris cette tragique nouvelle, je me demande si vous avez eu l’occasion de les récupérer.
– Les papiers… secrets de mon père ? »

Ethelle n’avait aucune idée de ce à quoi monsieur [Machintruc] faisait référence et elle était étonner qu’il parle de discrétion à propos d’un sujet qu’il se permettait d’aborder en présence de ses enfants. Izel et Miztli sirotaient leurs tasses respectives, l’air de rien. La perplexité de la jeune femme était telle qu’elle ne parvint pas à la masquer complètement. Cuauhtli hocha la tête avec compassion. « C’est ce que je craignais, déplora-t-il. Charles n’a pas eu le temps de vous transmettre ce qu’il appelait le secret de sa réussite. Mais tout espoir n’est pas perdu !
– Comment donc ? demanda Ethelle.
– Votre père m’a assuré que vous trouveriez ses secrets par vous-même car vous connaissez la cachette. »

La jeune femme rousse réfléchit à toute allure, visualisant l’une après l’autre toutes les pièces de la maison qu’elle avait habité avec Charles Morton. Elle réprima une montée de larmes : elle craignait que son père ne se soit montré trop confiant envers elle, car Ethelle n’avait aucune idée d’où il pouvait avoir dissimulé des informations secrètes. Elle-même n’avait jamais pris la peine de cacher quoi que ce soit ; elle n’en avait jamais ressenti le besoin. « La maison a été saisie, informa-t-elle Cuauhtli qui paraissait attendre une réponse. Retrouver une cachette dans ces conditions risque d’être très difficile.
– Je me doute, acquiesça monsieur [Machintruc] avec tout de même une pointe de déception dans la voix. Mais il m’a assuré que vous finiriez par trouver. »

C’est ce moment que choisirent Nicolas et Henry pour revenir dans le petit salon. Le jeune Merryweather se posta devant la cheminée en se frottant les mains ; toutes les salles du manoir n’étaient pas aussi bien chauffées. « J’espère ne pas avoir été trop long. » déclara-t-il à ses hôtes, qui lui assurèrent qu’ils n’avaient pas eu le temps de s’ennuyer. Xochitl, la main sur le ventre, prit congé, emmenant sa famille avec elle dans les appartements qui leur avaient été dédiés.

Comme les invités étaient parti, Ethelle prit congé à son tour malgré l’empressement de Nicolas à lui tenir compagnie ; elle ressentait le besoin de réfléchir aux propos de Cuauhtli [Machintruc] à tête reposée. Elle s’enferma dans sa chambre et s’assit sur le lit, jouant pensivement avec son camée en pendentif. Réalisant ce qu’elle était en train de faire, elle écarta brusquement sa main du collier, mais la précaution était inutile : [Bidulette] n’apparut pas.

Ses pensées se dirigèrent aussitôt vers son père. Elle et lui n’avaient jamais abordés de sujets importants ou concernant les activités professionnelles de Charles Morton. Si son père avait voulu lui transmettre de précieux secrets, il n’en avait probablement pas eu le temps. Et, s’il les avait dissimulé dans leur ancienne maison, ce serait une tâche impossible de les retrouver. Peut-être même avaient-ils été découverts par les nouveaux propriétaires.

Une larme ruissela le long de sa joue pour finir sur sa main. Le temps passait mais la douleur était toujours là. Ethelle avait l’impression d’être passée à côté de la personne qu’était son père. Elle ne s’était jamais particulièrement intéressée à lui et elle pensait désormais qu’elle avait raté quelque chose d’important. Et, surtout, que c’était irrattrapable. Laver le nom des Morton de l’opprobre suffirait-il à la réconforter ?

Elle essuya ses joues et se redressa. Ce n’était pas en se laissant aller qu’elle arrangerait quoi que ce soit. Ethelle vérifia devant le miroir que ses yeux n’étaient pas rouges. Ils l’étaient à peine, quelques minutes suffiraient à leur rendre leur couleur habituelle. Elle lissa sa robe et fit quelques pas dans la pièce, se demandant comment elle allait pouvoir occuper son temps avant le dîner qu’elle devrait passer en compagnie de Nicolas et ses invités. La jeune femme avait envie de passer du temps seule. Elle resta donc dans sa chambre, assise à son secrétaire, notant dans son carnet neuf ce dont elle se souvenait de la langue antique que lui avait apprise l’excentrique professeur Derrington. Ce faisant, ses pensées se dirigèrent vers Clay. Ils s’étaient beaucoup rapprochés pendant leur séjour dans la bibliothèque et cette proximité lui manquait.

Même si Nicolas Merryweather lui correspondait mieux au niveau du statut social, elle réalisait que cela ne suffisait pas à la faire se sentir aussi à l’aise qu’avec l’ancien Faucheux. Nicolas était pourtant charmant et prévenant, mais cette admiration sans borne qu’il éprouvait pour sa mère l’agaçait un peu. Bien sûr, Clay aussi savait l’irriter. Il ne lui avait que très peu témoigné le respect dû à son rang. Parfois il s’y pliait, mais de manière moqueuse. Néanmoins leurs discussions nocturnes destinées à les rassurer lors des apparitions fantomatiques avaient créé une véritable complicité entre eux. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire à ce souvenir.

Ethelle se rembrunit aussitôt. Elle venait de songer à Gregory et Arabella Finley. S’ils apprenaient où se trouvait Clay, il n’aurait peut-être pas autant de chance que la jeune femme de s’en sortir. Elle aurait voulu se rendre à la bibliothèque pour le prévenir, mais elle n’avait aucune idée de la route à prendre pour s’y rendre. Elle leva les yeux au ciel ; Nicolas était peut-être la meilleure solution pour régler ce problème. Peut-être pourrait-il faire arrêter le violent majordome qui avait bien failli l’étrangler ? La question était : comment allait-elle expliquer qu’elle avait réussi à fuir Gregory ? Il paraitrait peu probable qu’elle ait réussi à s’en tirer toute seule. Pour une raison qu’elle ne pouvait s’expliquer, elle n’avait pas envie de parler de l’esprit qui habitait son camée.

 

1304 mots pour aujourd’hui : c’est complètement nul pour un samedi, j’espère que je vais arrêter d’écrire de moins en moins. L’avantage, c’est que je n’ai pas de retard, l’inconvénient, c’est que j’ai mangé toute la petite avance que j’avais accumulée le premier jour.

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 27

La rouquine fila vers sa robe pour l’enfiler. Sans aide, elle eut un peu de mal avec certaines fixations, mais elle finit par y arriver seule, ce qui lui procura une certaine satisfaction. Elle vérifia que le résultat était correcte grâce au grand miroir de la chambre. Elle était satisfaite du résultat mais remarqua qu’après le sommeil, ses cheveux étaient en bataille. Ethelle entreprit de se coiffer et de les arranger de manière raisonnable. S’inspectant de nouveau dans le miroir, elle constata qu’elle avait repris des couleurs, ce qui la rassura. Elle tomba ensuite sur les médicaments que madame Cartridge avait laissés sur sa table de chevet, leur tira la langue et les ignora. Ceci fait, elle sortit en trombe de la pièce, manquant de percuter la servante qui venait, certainement, la réveiller. « Pardonnez-moi madame ! S’exclama la domestique. Je ne vous avais pas vue.
– Je ne vous avais pas vue non plus, balaya Ethelle. Me cherchiez-vous ?
– Tout à fait, je venais vous aider à vous apprêter pour le dîner avec le jeune maître.
– Fort bien, déclara la rouquine en lissant machinalement sa robe. Je suis prête, vous n’avez plus qu’à m’emmener. »

La servante opina et mena la jeune femme dans la grande salle à manger de réception où le couvert était déjà disposé et où Nicolas se tenait devant l’une des grandes cheminée, admirant les flammes. En entendant les deux femmes entrer, il se retourna et accueillit son invitée avec un joyeux sourire. « Vous paraissez reposée, lui dit-il avec une pointe de soulagement. Je craignais que votre commotion ne s’avère très grave.
– Je vous remercie de votre attention, mais ne vous inquiétez pas, le rassura Ethelle. Je me sens déjà beaucoup mieux.
– J’en suis ravi. » Ils passèrent à table, où ils commencèrent à badiner à propos de folklore campagnard, du temps qui fraîchissait et des dégâts que pourraient infliger quelques bêtes mythologiques si elles venaient à se réveiller.

Puis, le sujet dériva de nouveau sur le père de la rouquine. Merryweather l’interrogea sur Charles Morton et Ethelle fit de son mieux pour raconter ce qu’elle savait des affaires de son père. Ce qui n’était pas grand chose, en réalité, puisqu’elle ne s’était jamais intéressée à ce qu’il faisait et qu’il ne s’étendait jamais dessus non plus. Nicolas la rassura : même le plus infime détail pouvait se révéler important. « De plus, ajouta-t-il, vous n’êtes pas seule dans cette affaire.
– Je vous ai vous, déclara la jeune femme, et je vous remercie encore pour cela.
– Et pas seulement, lui révéla son hôte d’un air espiègle. Vous avez d’autres alliés, bien qu’ils ne se soient pas encore manifestés.
– Vraiment ? S’enquit Ethelle avec incrédulité.
– Mais oui, je vous assure !
– Et qui donc ? »

La jeune femme voulait des noms. Si elle avait des alliés, comment se faisait-il qu’ils n’étaient pas venus l’aider lorsqu’elle en avait eu besoin ? Pourquoi aucun d’entre eux ne s’était manifesté ? Nicolas parlait-il du comte Clayton ? Car celui-ci avait, il est vrai, quelque peu tenté de l’aider. Sauf qu’il n’avait pas tenu à trop se mouiller non plus. La rouquine ne cacha pas sa curiosité auprès de Merryweather, mais celui-ci ne voulut rien lui révéler et fit planer le mystère. Vu l’air taquin qu’il arborait, Ethelle supposa qu’il faisait cela juste pour le plaisir de l’entendre ronchonner. Elle sourit. Nicolas lui assura qu’elle n’aurait pas trop longtemps à patienter avant de savoir. Il avait envoyé des télégrammes le jour même, pendant que son invitée dormait, pour convier certaines de ces personnes deux jours plus tard, dans le manoir. Cette nouvelle donna un peu le trac à Ethelle. Même si elle pensait que sa convalescence serait terminée d’ici là, elle doutait d’avoir suffisamment de temps pour se préparer à ces rencontres.

« Vous savez, je ne possède plus rien pour ainsi dire, expliqua-t-elle d’un air gêné à son hôte.
– Je le sais bien, répondit-il. Pourquoi me dites-vous cela ?
– Car la robe que je porte, par exemple, est ma dernière robe pour les… moyennes occasions, dirons-nous.
– Vous craignez de mal présenter ? S’enquit Merryweather.
– C’est tout à fait cela, oui, avoua-t-elle.
– Vous n’avez rien à craindre de ce côté là, la rassura son hôte.
– Ils vont remarquer et ils ne vont pas trouver cela sérieux, continua Ethelle qui avait l’impression que Nicolas ne voyait pas où elle voulait en venir.
– Ils ne remarqueront rien, lui affirma Merryweather. Je vais vous faire faire quelques tenues, cela devrait suffire.
– Vous feriez ça ? Mais je vous dois déjà tellement… »

La jeune femme était vraiment gênée de dépendre de tant de générosité. Après tout, depuis qu’elle s’était retrouvée livrée à elle-même, elle avait vécu principalement au crochet de Simon Derrington. Mais cela ne lui donnait pas le même sentiment. En effet, en restant avec l’archéologue, elle avait contribué à ses recherches dans la bibliothèque antique. Là, elle n’était qu’invitée. Elle s’ouvrit de sa gêne auprès de son bienfaiteur. Mais celui-ci balaya une fois de plus ses inquiétudes. « Vous trouverez bien de quoi me récompenser plus tard, lui assura-t-il. Je ne me fais pas de souci pour cela. Nous aurons tout le temps de nous en occuper. » Ethelle opina. Elle s’efforça d’enfouir sa gêne. Après tout, elle n’avait pas le choix d’en passer par là, encore une fois, semblerait-il. La jeune femme prit le parti de sourire à Merryweather, se demandant bien de quelle manière elle pourrait le remercier plus tard.

Ses préoccupations furent soufflées par l’arrivée du dessert. Nicolas, la voyant agitée et soucieuse, orienta la conversation de nouveau sur des sujets triviaux. Elle se détendit visiblement, mais était toujours un peu fatiguée suite à sa rencontre avec les korrigans agressifs. Son hôte prévenant ne fit pas durer la conversation, une fois le repas terminé. Il l’emmena pour une petite promenade digestive à l’extérieur qui consista, dans les faits, à faire simplement le tour du manoir. En rentrant, Ethelle avec les joues rosies par le froid. Merryweather l’emmena se réchauffer un instant sur un fauteuil devant une cheminée. Il s’installa sur le fauteuil d’en face et ils devisèrent un moment avant que les bâillements de la rouquine ne la contraignent à prendre congé. Encore une fois, elle s’effondra sur le lit au doux édredon et sombra instantanément dans le sommeil.

Sur le siège passager de la voiture de location chargée, Clay regardait défiler le paysage, songeur et déprimé. Simon continuait de babiller comme à son habitude, mais cela ne parvenait pas à dérider le jeune homme. Celui-ci trouvait le voyage plus fade sans le troisième membre de leur expédition, même si Ethelle ne s’était jamais montrée particulièrement bavarde. Avec qui allait-il pouvoir partager ses craintes et fascinations face aux merveilles de la bibliothèque ? Avec l’archéologue, ce n’était pas pareil. Ce dernier était moins réceptif et noyait rapidement tout sous son enthousiasme et ses connaissances. Et il était tellement passionné par les détails des scènes fantomatiques qu’il avait du mal à comprendre les craintes viscérales du jeune homme envers elles. Malgré les cahots de la route, Clay tenait en main l’un des nouveaux carnets à dessin que la rouquine avait amené comme contribution aux provisions pour les fouilles et essayait d’esquisser quelques traits.

Il abandonna rapidement ; la route était trop inégale. Soupirant, il tenta d’écouter un peu ce que disait Simon. « … Et donc, c’est pour cela que je pense que les korrigans que vous avez rencontrés étaient salement en colère. Ils ont toujours été malicieux, au point d’en arriver à de cruelles taquineries, mais rarement aussi ouvertement agressifs. Qui sait combien de temps ils ont passé enfermés sous terre ? N’importe qui serait furieux à leur place, je pense. Ce qui m’intrigue aussi, c’est cette histoire de poneys… » Clay l’avait déjà entendu dire toutes ces choses et cessa de nouveau d’écouter ce que racontait l’archéologue. Il aurait préféré qu’ils parlent d’Ethelle par exemple. Le jeune homme était toujours inquiet de sa santé, même si Merryweather leur avait assuré qu’un médecin viendrait continuer de l’examiner régulièrement. Il pouffa un profond soupir, qui passa totalement inaperçu. Simon était beaucoup trop concentré sur la route et sur ce qu’il disait.

Lorsqu’ils parvinrent à la clairière qui bordait le site de la bibliothèque, le jeune homme ressentit un grand soulagement. Mais ce soulagement fut de courte durée. Fusant au dessus de leur tête et passant à ras de la colline sous laquelle dormait la bibliothèque multimillénaire, un planeur à moteur (trouver un nom autre que ULM à cette bête là ?) en perdition apparut. Il était très petit et il n’était certainement occupé que par une seule personne, mais son réacteur était en feu et il était clairement en train d’essayer de se poser en catastrophe. Comme il disparut à leurs yeux derrière la colline, Simon et Clay bondirent de nouveau dans leur véhicule et entreprirent de faire le tour pour voir si le pilote avait besoin d’être secouru. Ils purent apercevoir le planeur se diriger à grande vitesse vers le sol. Mais, trop rapide il rebondit plusieurs fois avant de briser son essieu et de déraper dans la prairie en labourant la terre sur son passage et éteignant le feu du réacteur dans la terre.

Simon stoppa la voiture et les deux en sautèrent pour se précipiter sur l’engin volant, qui avait laissé des morceaux un peu partout pendant le dérapage et volerait beaucoup moins bien désormais. Clay fut le premier à arriver. Le pilote lui parut inconscient, mais pas gravement blessé. Aidé de l’archéologue qui stabilisait la structure, le jeune homme traîna le corps hors de l’appareil et le posa délicatement sur l’herbe de la prairie. Le pilote lui parut extrêmement petit. Un flot de cheveux blonds jaillissaient du casque en cuir qui lui recouvrait le crâne. Pris d’un pressentiment, il souleva les lunettes d’aviateur qui lui mangeaient le visage. « Tina ! » S’exclama-t-il, d’un ton où la surprise se mêla aussitôt à l’inquiétude. « Tina ! » L’appela-t-il de nouveau. Il écopa d’un vague grognement en réponse. Simon, qui s’était assuré que le risque d’incendie était définitivement écarté, les rejoignit. « Tina, réveille-toi, répéta Clay.
– La connais-tu ? S’enquit l’archéologue qui commença à enlever le casque de la jeune fille pour vérifier si elle ne s’était pas cogné trop fort quelque part.
– Oui, nous faisions partie d’un groupe, tous les deux, répondit le jeune homme. Nous étions des Faucheux.
– Comme les araignées ? Demanda Simon qui continuait d’inspecter la jeune fille.
– Tout à fait. »

L’archéologue poussa un soudain cri de douleur. Tina lui avait mordu la main et y restait agrippée en grognant comme un chien. « Lâche-le Tina, lui ordonna Clay d’un ton sec.
– Clay ! S’exclama la jeune fille éberluée après avoir lâché la main de Simon. Je suis morte et je rêve pour l’éternité, c’est ça ? Ou alors tu es mort aussi ?
– Non, tu n’es pas morte et moi non plus, l’informa son aîné avec un sourire. J’ai même l’impression que tu vas plutôt bien.
– Tu en es certain ? Vérifia-t-elle en arborant un air sceptique. J’ai vraiment l’impression de flotter.
– C’est juste le choc sur la tête. Peux-tu te lever ?
– Je ne vois pas l’intérêt de me lever si je suis morte, laisse-moi profiter un moment ! Je viens de m’écraser au sol, c’est éprouvant moralement, tu ne te rends pas compte… » Pour toute réponse, Clay lui donna une bourrade et l’aida à se mettre debout. « Ouh ! Ca tangue ! » S’exclama-t-elle, avant de préciser : « Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j’ai toujours rêvé de dire ça.
– Ca a clairement eu un effet sur ta tête. » Commenta l’ancien Faucheux qui ne l’avait jamais entendue dire autant de bêtises. Il commençait à s’inquiéter pour la santé mentale de sa jeune amie, mais celle-ci parut se reprendre.

Elle fit quelques pas puis, avisant l’archéologue, lui lança un regard soupçonneux. « Qui c’est, lui ? Demanda-t-elle crûment.
– Je te présente Simon Derrington, lui expliqua Clay. Il est un éminent archéologue et mon ami, aussi.
– Ton ami ? Répéta Tina d’un ton incrédule. Et tu as perdu ta rousse ?
– Dis-donc, s’emporta Clay. Nous ne nous sommes pas vus depuis une éternité, je viens t’aider et tout ce que tu trouves à faire c’est de mordre mon ami et te montrer désagréable avec moi ?
– Hmpf. » Le jeune fille croisa les bras et détourna le regard, la mine boudeuse. Ils se tournèrent de nouveau vers l’archéologue, qui avait poussé un nouveau petit cri. Il était en train de désinfecter la plaie là où les marques de dents avaient imprimé sa main jusqu’au sang et cela semblait plutôt douloureux. L’ancien Faucheux grimaça avec empathie, puis jeta un nouveau regard furieux à la blondinette.

Celle-ci lui rendit un regard coupable et marmonna des excuses. Clay s’adoucit. Il savait qu’il n’obtiendrait pas mieux et qu’elle se sentait véritablement gênée de son attitude. Le jeune homme soupira et lui ouvrit les bras. « Je suis content de te voir, lui dit-il. Tu m’as manqué. » La jeune fille écarquilla les yeux puis, après un hochement de tête encourageant de son ami, elle se jeta dans ses bras. « Il va falloir que tu m’expliques ce que tu fais là, d’ailleurs, ajouta-t-il.
– J’ai eu peur de mourir, marmonna-t-elle le visage enfoui dans sa poitrine.
– A l’atterrissage ?
– Oui… Avoua-t-elle la voix tremblante.
– C’est fini maintenant, la consola Clay. Tout va bien et tu es même en un seul morceau.
– Ah, vous avez enfin apprivoisé la petite bête sauvage à ce que je vois, intervint Simon qui avait fini par bander sa main mordue. Tant mieux !
– Votre main ? S’enquit le jeune homme.
– Oh, ce n’est rien, le rassura l’archéologue. J’ai connu des chiens plus dangereux. »

La jeune fille se dégagea doucement de l’étreinte de son ancien compagnon et jeta un coup d’oeil à l’appareil qui l’avait menée jusqu’ici. Elle fit rapidement les quelques pas qui la séparaient de l’engin et commença à l’inspecter. « Pfou ! Il est quasiment en miettes, constata-t-elle. Ca va me prendre des jours pour réparer tout ça…
– Tu t’es remise à bricoler des trucs ? S’enquit Clay avec intérêt.
– Oui, confirma la jeune fille en commençant à rassembler quelques débris çà et là. Il m’est apparu que notre bonne vieille veuve noire devenait un peu trop siphonnée à mon goût, tu vois.
– Une veuve noire ? S’enquit l’archéologue en se mettant à aider la blondinette à ramasser les débris de son appareil.
– C’est le nom que se donne notre ancienne cheftaine, précisa Clay. Et, c’est vrai qu’elle est un peu folle.
– Un peu ? Ironisa Tina. C’est peu de le dire. Elle a complètement craqué depuis que tu t’es enfui. Elle a pris ta défection comme une attaque personnelle. »

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite, digérant la nouvelle. « Bah, elle ne sait pas où je suis ; elle ne peut rien contre moi, ici.
– J’espère bien, affirma vivement la jeune fille. Je suis partie le plus loin possible pour lui échapper aussi. Et puis comme cet engin appartenait à sa famille et que je le lui ai volé, je pense qu’elle me déteste à vie.
– Elle n’a pas l’air commode, votre veuve noire, commenta Simon. Cela m’étonnerait qu’elle vous trouve ici. Personne ne connait cette endroit, d’une part. Et personne n’aura l’idée de penser que vous vous trouvez ici, au beau milieu de nulle part.
– C’est parfait, on dirait le paradis ! Se réjouit Tina. Il est vraiment en sale état, tout de même.
– J’espère que tu ne comptes pas le réparer sur place, s’inquiéta Clay.
– Bah, je ne vois pas où je pourrais le réparer ailleurs, nota la blondinette.
– Je pense que nous pouvons le remorquer jusqu’à la clairière avec la voiture mécanique, proposa aimablement l’archéologue.
– Oui, je pense qu’elle y sera plus à l’aise, approuva le jeune homme.
– Peu m’importe, moi, tant que je peux le réparer tranquillement. »

Ils étudièrent la question pendant un moment. Tina remit son casque en cuir surmonté de ses lunettes d’aviatrice. Puis, elle suggéra que si ils effectuaient une petite réparation de fortune sur l’essieu, ils auraient plus de facilité pour le traîner car, comme il roulerait, cela reviendrait à une bête remorque. Les deux hommes acquiescèrent et tous se mirent à l’ouvrage. Après plusieurs essais infructueux, ils parvinrent enfin à fixer efficacement le planeur roulant à la voiture. Tina avait ramassé tous les débris et les avait entassés dans le cockpit. Simon conduisit très doucement, pour éviter de nouveaux accidents. Lorsque, enfin, ils parvinrent à la clairière avec l’appareil volant, ce fut un véritable soulagement. Pour fêter cela, l’archéologue sortit de quoi trinquer. En voyant la blondinette boire son verre cul-sec, il partit dans un grand rire. « Ce n’est pas un simple tord-boyau, vous savez, lui expliqua Simon. Il faut prendre le temps de le déguster ! » Ils s’assirent à l’ombre des arbres afin de souffler un peu. Clay en profita pour résumer ce qu’il faisait sur place avec l’archéologue et où se trouvait Ethelle actuellement.

« Et bah, commenta Tina. Tu en as fait du chemin ! Par contre l’idée d’aller dormir là-dessous ne m’intéresse pas.
– Ah ? Comment comptes-tu faire ? S’enquit le jeune homme.
– Je vais dormir ici, à côté de ma machine volante, ou dans la voiture si j’ai le droit.
– Oh oui, faites-vous plaisir, l’autorisa Simon avec un aimable sourire. J’espère que vous parviendrez à réparer votre planeur.
– Le planeur, ça devrait aller, estima la blondinette. C’est surtout le moteur qui m’inquiète. J’aurai peut-être besoin de pièces.
– Nous retournerons à la civilisation dans quelques jours, l’informa Clay. Tu pourras venir avec nous et voir si tu trouves ton bonheur.
– Parfait ! S’exclama la jeune fille qui paraissait de bonne humeur.
– Par contre, nous n’allons pas remonter très souvent, la prévint son ami. Ca ira, là, toute seule ?
– Oh oui, lui assura-t-elle. Tant que j’ai à m’occuper, ça ira.
– Evite de descendre nous rejoindre toute seule, continua-t-il. C’est très dangereux et tu pourrais te blesser.
– Aucun risque, affirma la blondinette. Il n’y a aucun risque que je descende là-dessous. Mais alors, aucun ! »

Après une petite pause, ils se levèrent de nouveau. Les deux hommes déchargèrent la voiture de leur affaires et matériel qu’ils avaient emmenés pour travailler dans la bibliothèque. Ils laissèrent à Tina la part des rations qui aurait du être dévolue à Ethelle, puisque cette dernière n’en aurait pas besoin. Ils lui proposèrent des outils, mais elle était déjà très bien équipée à ce niveau là. Simon se montra d’ailleurs épaté par la collection d’outils qu’elle avait réussi à dérober et à emmener. Ils souhaitèrent ensuite à la jeune fille du courage pour son entreprise. Elle leur répondit de même et les fixa jusqu’à ce qu’ils disparaissent à ses yeux, dans la faille. Tina espéra qu’ils ne risquaient rien dans ce trou noir. Son ami lui avait dit qu’il y avait une bibliothèque antique sous la colline. au delà du fait qu’elle n’avait jamais été très intéressée par ces soi-disant lieux du savoir, les ruines de bibliothèques l’intéressaient encore moins. Au sein des Faucheux, elle avait toujours réussi à ce que personne ne découvre son petit secret, qui aurait sans doute terni sa réputation de dure à cuire. La jeune fille avait peur du noir. Surtout, ce qu’elle craignait, c’étaient les choses tapis dans les recoins sombres. Et un lieu antique devait certainement être hanté de tout un tas de choses effrayantes.

La blondinette frissonna et se détourna rapidement, se mettant immédiatement au travail sur sa machine. Elle se demanda si Clay n’avait pas un peu exagéré lorsqu’il parlait du fait qu’ils recherchaient un moyen de sauver le monde de la magie qui s’avérait dangereuse. Si tel était le cas, elle ne s’en plaindrait pas, bien au contraire. Elle ne le lui avait pas dit, mais si son appareil avait pris feu, c’était le résultat d’une étrange attaque de la part d’un petit lézard volant qui avait craché du feu. Un peu comme la salamandre qui avait causé le grand incendie du parc des Deux Ormes. Evidemment, elle avait cru voir d’autres choses étranges, mais s’était toujours dit qu’elle avait du mal voir ou que son imagination lui jouait des tours. Elle haussa les épaules et se concentra sur sa tâche. Sa fidèle machine nécessitait ses soins attentionnés.

 

 

3430 mots aujourd’hui ! Et je ne sais pas si ceci est la fin du tome. La situation semble placée pour celui d’après, mais bon. De toutes façons il me reste 300 mots pour atteindre les 50 000, donc je me laisse demain pour réfléchir à cette question épineuse !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 26

Le regard d’Ethelle tomba sur le plateau que la servante avait posé à côté de son lit. Son ventre gargouilla. « Vous n’avez pas mangé depuis hier, l’informa Simon. Vous devriez vous remplir un peu l’estomac.
– Je meurs de faim. » Confirma la rouquine. Clay se leva vivement du fauteuil et fit le tour du lit pour approcher le plateau. Remarquant que l’objet possédait des pattes, il les déplia et le posa au-dessus des jambes de la jeune femme. Puis, singeant les domestiques pincés des Merryweather, il souleva délicatement la cloche qui maintenait le repas chaud et s’inclina avec exagération. Comme il continuait ses bêtises, Ethelle finit par pouffer de rire. Puis elle commença à manger, divertie par les conversations de Simon et Clay. Ils lui tinrent compagnie encore quelques temps, avant de prendre congé. Ils lui souhaitèrent un prompt rétablissement et l’ancien Faucheux lui promit de dessiner tout ce qu’il pourrait de leurs découvertes ou scènes fantomatiques qu’elle allait rater. Quant à elle, elle leur souhaita un bon voyage, leur fit quelques recommandations et leur fit promettre de se montrer prudents durant leurs explorations.

Une fois que la porte de sa chambre se fut refermée sur eux, elle ressentit un grand vide. Elle repoussa le plateau hors du lit et s’enfouit sous l’édredon, les larmes aux yeux. Au loin, elle entendit la voiture de location de Simon se mettre en route et s’éloigner sur le chemin de la propriété des Merryweather. Esseulée, elle réprima un sanglot, puis un autre et encore quelques autres avant de parvenir à se maîtriser. Ethelle était un peu surprise de sa réaction. Une telle chose ne lui était encore jamais arrivée. Elle avait déjà pleuré, bien entendu, mais se sentir aussi désemparée après le départ de quelqu’un était quelque chose qu’elle n’avait encore jamais ressenti. Elle décida qu’elle ne devait pas se laisser abattre. Après tout, plus vite elle serait de nouveau sur pied, plus vite elle pourrait rejoindre ses amis. La rouquine réalisa que, même si elle trouvait l’étude de la bibliothèque était intéressante, ce qu’elle avait réellement apprécié était d’avoir accompli tout cela en équipe. Et, plus précisément, en compagnie de deux personnes qui, elle en était certaine cette fois, elle pouvait qualifier d’amis.

Ethelle voulut trouver le sommeil – on lui avait dit de se reposer – mais elle ne parvint pas à fermer l’oeil. Elle roula sur le dos, écartant l’édredon moelleux de sa tête et fixant le plafond. Que pouvait-elle faire à présent ? Devait-elle appeler quelqu’un ? Et si il s’agissait encore de la servante prude ? Est ce que cette servante serait disposée à demander à Nicolas de venir lui tenir compagnie ? Etait-elle condamnée à mourir d’ennui dans ce lit confortable ? La rouquine soupira. Elle dérogea déjà à sa décision de se reposer pour se remettre plus facilement. S’efforçant d’ignorer de son mieux ses maux de crânes qui la lançaient dès qu’elle bougeait, elle se leva du lit. Elle fit quelques pas en grimaçant et se rendit à la fenêtre. Visiblement, sa chambre se trouvait à l’arrière du manoir. La fenêtre s’ouvrait sur un immense jardin fleuri et arboré. Sur la droite, elle aperçut même un petit labyrinthe de buis. Parmi les fleurs, il y avait des massifs entiers de rosiers de toutes les couleurs possibles. Bien sûr, vu l’avancement de la saison, il ne restait plus beaucoup de fleurs fraîches.

Quelqu’un frappa à la porte. « Entrez ! » Lança la jeune femme sans quitter l’extérieur des yeux. Elle entendit le battant s’ouvrir et elle se retourna, se retrouvant face à une femme rigide en robe bordeaux, au chignon gris serré et à la mine sévère, qui portait une petite mallette gonflée en cuir. « Oui ? S’enquit Ethelle.
– Je suis madame Cartridge, le médecin de famille des Merryweather, l’informa formellement la femme qui venait d’entrer. Que faites-vous hors du lit ?
– Je me dégourdissais les jambes.
– Ce n’est pas raisonnable, balaya le médecin un peu revêche. Retournez vous coucher. » La rouquine n’aimait pas le ton de madame Cartridge, mais lui obéit néanmoins, se glissant sous l’édredon encore chaud.

La femme dans la robe bordeaux s’approcha d’elle, lui enleva le bandage qui ceignait son front et commença à l’examiner. Heureusement pour Ethelle, la consultation ne dura pas longtemps. Le médecin lui fit quelques sévères recommandations de repos et lui laissa des médicaments avec de strictes consignes pour les prendre. La jeune femme, pressée de se débarrasser de cette présence envahissante, hocha la tête, faisant mine d’écouter sagement. Madame Cartridge avait du en voir d’autres, car elle insista pour lui faire répéter toutes les instructions. Quand, finalement, le médecin prit congé, elle fut tout de suite remplacée par la servante qui s’était offusquée de voir Clay dans la chambre de la rouquine. Ethelle réprima une soudaine envie de lever les yeux au ciel et s’efforça de lui sourire à la place.

La domestique, qui n’avait pas entendu les recommandations de madame Cartridge, obéit à la rouquine lorsque cette dernière lui demanda de l’aider à se lever et se vêtir. Quand la servante s’empara de son sac de voyage, Ethelle lutta de nouveau contre une vague d’émotion soudaine. Simon et Clay s’étaient montrés suffisamment attentionnés pour lui amener toutes ses affaires. La domestique en sortit la robe que la jeune femme avait mise pour se rendre à son entrevue avec le comte Clayton. Cela lui paraissait s’être déroulé il y a des dizaines d’années. Elle se sentit un peu plus en forme, ainsi vêtue. Soupirant d’aise, elle sortit de la chambre, comptant bien se rendre dans le jardin qu’elle avait vu un peu plus tôt, afin de prendre un peu l’air. La servante tenta bien de l’en dissuader, arguant le fait qu’Ethelle risquait de prendre froid. Mais la rouquine l’ignora et s’en fut dans le jardin, sans plus s’occuper d’elle.

Effectivement, le fond de l’air était frais et une brise jouait avec les pans de sa robe et de sa pèlerine. Tout cela lui donna un petit coup de fouet. Elle marcha un moment entre les dernières fleurs de la saison, ne pouvant s’empêcher de remarquer des pensées, ces petites fleurs des fées, çà et là. La jeune femme se demanda si ces petites fleurs émettaient aussi une lueur la nuit. Elle nota cette question dans un coin de son esprit et prévoyait de vérifier cela la nuit venue. Ses pas la menèrent ensuite devant le petit labyrinthe. Elle sourit par devers elle et y pénétra. Caressant les haies de la main droite sur son passage, Ethelle s’amusa à se perdre et essayer de retrouver la sortie. Le labyrinthe n’était pas très étendu, et cela ne lui prit pas très longtemps avant d’en trouver la fin. De l’autre côté du labyrinthe se tenait Nicolas Merryweather, un doux sourire aux lèvres. Il lui tendit le bras, dans une muette proposition de promenade. La rouquine sourit à son tour et accepta, prenant le bras offert.

« Je vois que vous vous sentez mieux, commenta le jeune homme.
– Oui, confirma Ethelle. J’avais besoin de marcher un peu à l’extérieur.
– Vos amis sont partis tout à l’heure, ils avaient l’air pressés, continua Nicolas dont le ton contenait une interrogation.
– Oh oui, ils devaient repartir le plus rapidement possible, confirma de nouveau la rouquine. Ils pensent pouvoir trouver des moyens de contrer des éruptions de créatures magiques agressives, mais ils doivent le faire avec diligence.
– Je comprends, et je suis heureux qu’au moins vous soyez restée.
– Il semblerait que je sois en convalescence et que je ne puisse voyager, déplora Ethelle avec un soupir.
– Ne vous en faites pas, la rassura Merryweather. Je ferai tout pour vous rendre ce séjour agréable.
– Je n’en doute pas, vous êtes un véritable gentilhomme, lui dit-elle avec un sourire.
– Voyons, vous me flattez, la gourmanda gentiment Nicolas. Je fais seulement tout cela parce que je crains les représailles de vos deux amis si je ne vous traite pas suffisamment bien ! »

La jeune femme se mit à rire. Elle avait du mal à imaginer Simon ou Clay intimidants, eux qui s’étaient toujours montrés prévenants avec elle. Intérieurement, elle avait beaucoup ronchonné à propos de la promiscuité qu’ils avaient eue. Mais elle subodorait que tout cela allait bientôt lui manquer. Elle chassa ces idées de son esprit pour se concentrer de nouveau sur la compagnie de Merryweather. « J’avais une question, osa la rouquine.
– Oui ? L’encouragea Nicolas.
– Jusqu’ici, toutes les personnes que je connaissais avant le décès de mon père m’ont tourné le dos depuis le scandale qui a entouré notre nom (est-ce que j’avais vraiment déterminé cette histoire de scandale au début ou pas ? A expliquer un peu plus.). Pourquoi agissez-vous comme si rien ne s’était passé ?
– Ah, ça. » Le jeune homme se tut un instant, comme si il cherchait la meilleure manière de répondre. Sa mine s’était faite un peu plus grave. Puis il sourit de nouveau.

« C’est très simple, en réalité, exposa-t-il. Je sais qu’il y a eu des problèmes depuis que plusieurs familles ont fait faillite. Je sais aussi que nous autres, qui nous qualifions nous-mêmes de la bonne société, sommes très prompts aux chamailleries. A partir de là, ce n’est pas très compliqué de déduire que le scandale autour de votre père n’est que la partie émergée de l’iceberg. Pour ma part, je préfère ne pas prendre parti sur toute cette histoire. Je pense que votre père a été un bouc émissaire très pratique pour certaines choses dont nous n’avons même pas conscience !
– J’aimerais bien savoir, remarqua pensivement Ethelle. Je m’étais promis de faire la lumière sur cette affaire. Mais, ne sachant pas comment m’y prendre, j’ai profité de tomber sur deux personnes adorables qui m’ont fait passer d’excellents moments pour m’évader de toutes ces choses…
– Vous avez bien fait, je pense ! » Merryweather émit un rire sibyllin.

Ethelle devait bien se rendre à l’évidence : son hôte avait raison. Au moment où elle avait rencontré Clay, elle avait besoin de se changer les idées et de changer d’air, de vie, au moins de manière temporaire. Tout le temps qu’elle avait passé en compagnie de Simon et de l’ancien Faucheux lui avait été salutaire. Elle sourit à son tour. « Je pense qu’à présent je suis prête à reprendre pied avec la réalité, déclara-t-elle finalement en relevant le menton.
– Je vois cela, nota Nicolas. Vous paraissez déterminée.
– Je le suis, confirma la rouquine. Evidemment, je ne sais toujours pas comment je vais m’y prendre pour laver mon nom de famille, mais je n’aurais pas du perdre cet objectif de vue. Je pensais que l’étude du surnaturel m’aiderait à faire cela par un moyen détourné, mais je pense maintenant que ce n’était qu’une échappatoire. »

Elle soupira à ses mots et se tut un moment. Elle lança un regard légèrement meurtri à son hôte. « De plus, ajouta-t-elle, je leur fais totalement confiance. Je sais qu’ils n’ont pas besoin de moi pour trouver les réponses et des solutions au niveau de l’émergence de magie.
– Si tel est votre avis, intervint Merryweather, je suis tout disposer à vous aider.
– A m’aider ?
– Tout à fait, affirma-t-il. En tant qu’ami et ancien admirateur enfantin, je suis prêt à vous concéder mes ressources pour vous prêter assistance dans votre quête. C’est à cela que servent les amis, n’est ce pas ? » La jeune femme resta un bref instant bouche bée et sans voix. Elle savait que Nicolas était une personne dotée d’un bon cœur, mais elle ne s’était pas attendue à tant de générosité. Ethelle adressa un sourire lumineux à son aimable hôte.

« Je serais ravie que nous travaillions ensemble à ce propos, lui dit-elle. Et je vous remercie du fond du cœur de votre générosité, je ne m’attendais pas à autant.
– Allons, mademoiselle Morton, je ne fais qu’écouter ce que me commande ma conscience. Mais avant de nous lancer dans cette croisade, je vous propose de retourner vous reposer un peu.
– Mais je m’ennuie en me reposant, ronchonna la jeune femme.
– Vous vous porterez mieux ensuite, lui assura Merryweather avec une mine encourageante. Et puis, si vous vous reposez suffisamment, je vous invite à dîner. Vous pourrez avoir ce que vous voulez !
– Vraiment ? Minauda Ethelle qui commençait à vraiment beaucoup apprécier son hôte.
– Je vous le promets.
– Je ferai peut-être bien de retourner me coucher, dans ce cas. »

Le jeune homme acquiesça en réprimant un petit rire et la raccompagna doucement jusqu’à sa chambre. Ce faisant, il la félicita sur le temps particulièrement court qu’elle avait mis à sortir du labyrinthe, ce à quoi elle répondit qu’en tant qu’exploratrice, elle ne pouvait se perdre dans aucun labyrinthe. Et ils devisèrent ainsi, de choses et d’autres, toutes très triviales. Une fois à la porte, il lui souhaita un bon repos et un prompt rétablissement et lui donna un tendre baisemain. Encore une fois, elle sourit : elle n’avait plus eu de baisemain gentilhommesque depuis une éternité. Ils se séparèrent. Ethelle se dévêtit rapidement et se glissa de nouveau sous le moelleux édredon, le cœur bien plus léger cette fois. Elle sombra rapidement, un sourire aux lèvres, dans un sommeil réparateur. En se réveillant ensuite, elle ne ressentait plus ses maux de tête. En revanche, elle se leva instantanément, craignant d’avoir trop dormi. En jetant un coup d’œil à la fenêtre, elle constata que le soleil était en train de se coucher.

 

 

2250 mots, ce qui est bien, mais j’aurais préféré faire un peu plus en ce glorieux samedi ^^