Le mystère du Plateau

Depuis des cycles se tenait le grand chantier archéologique du Plateau. Bac se sentait fier de participer à cette épopée. « Nous vivons une époque formidable ! » s’exclamait-il à qui voulait l’entendre, ravi que les avancées technologiques puissent être mises au service de l’archéologie. Rien que le fait de gravir les pentes à-pic, que personne n’avait encore réussi à escalader, était en soi un exploit, rendu possible par le progrès.

D’innombrables légendes couraient sur le Plateau ; la plupart des gens en avaient fait le lieu de résidence des divinités qui régissaient leurs vies. D’autres insistaient sur le fait qu’il était maudit : au cours des âges, de nombreux aventuriers avaient tenté l’escalade, mais aucun n’était revenu pour la relater. Les archéologues s’apprêtaient maintenant à lever tous ces mystères.

S’efforçant de rester professionnel, Bac vérifia une nouvelle fois qu’il n’avait rien oublié. Il savait que, tout trépignant d’excitation qu’il était, il ne se rendrait pas compte de ce qui pourrait manquer, mais il s’obligea à contrôler quand même. Il s’assura également qu’il disposait de quoi écrire dans ses poches : il comptait tout noter de manière scrupuleuse.

« Bac, es-tu prêt ? Il est temps de partir. » Madame Vir était la responsable du groupe de recherches duquel dépendait Bac. Il attrapa aussitôt son sac à dos et lui emboîta le pas, enchanté d’avoir été choisi pour faire partie du premier groupe d’expédition. Sous les vivats — envieux, il en était certain — de leurs confrères et consœurs, il monta dans la nacelle du ballon, en compagnie de madame Vir. En plus d’eux venaient Icro le géologue, Paras, exploratrice de son état, et le pilote.

La météo, favorable au vol, ajoutait à la liesse générale. Le ballonniste contemplait la foule d’un air désabusé. « Tout va bien ? lui demanda madame Vir.
— Il faudra bien, mais je vous préviens, vous ferez bien de vous accrocher. La météo restera bonne ici, mais il n’en sera pas de même là-haut. Le voyage risque de secouer. »

Bac et ses deux collègues acquiescèrent, leur enthousiasme nullement entaché par la mise en garde du pilote. Ils arrimèrent leurs bagages et les caisses de matériel avec soin, tandis que le ballonniste lançait ses machines. Lorsque la nacelle s’ébranla, un regain de vivats parcourut les spectateurs, qui hurlèrent de joie lorsqu’elle décolla du sol. Ils étaient enchantés d’assister à un tel évènement, encore très rare. Bac se sentait transporté et il gratifiait la foule de grands gestes euphoriques.

Il allait entrer dans l’Histoire, il en était sûr. Il s’efforçait de graver ces instants dans sa mémoire, pour pouvoir les relater plus tard lorsque l’on s’arracherait ses interviews et que l’on s’intéresserait à sa biographie. Se souvenant qu’il avait emporté des carnets à cet effet, il se saisit de celui qu’il conservait dans sa poche, dégaina un crayon et commença à griffonner à toute allure.

Au fur et à mesure que le ballon prenait son essor, les cris des spectateurs s’amenuisaient. En jetant un coup d’œil par-dessus le bord de la nacelle, Bac crut qu’il allait défaillir : l’engin s’était déjà tellement élevé en altitude ! En proie au vertige, il se cramponna au rebord, manquant de lâcher carnet et crayon. Fermement agrippé, il continua à contempler avec fascination la vue imprenable qui s’offrait à lui. Il ne parvenait plus à détacher son regard de l’immense vide sous la nacelle.

« Attention, accrochez-vous, ça va secouer maintenant. » les informa platement le ballonniste.

Ses quatre passagers obéirent. Bac s’assit au fond de la nacelle, rangea son matériel d’écriture et se cramponna aux caisses arrimées à côté de lui. Comme le pilote l’avait prédit, le temps se dégrada rapidement et le ballon se retrouva bientôt en proie à de puissantes rafales. Madame Vir s’était solidement accrochée et endurait la tempête avec un flegme remarquable que Bac admirait et enviait tour à tour.

Les embardées de la nacelle s’accentuaient. Les passagers s’agrippèrent plus fort. Bac se blottit contre sa caisse, les articulations engourdies à force de se crisper. Il s’efforçait de se faire le plus petit possible pour ne pas déranger le pilote qui s’affairait lestement d’un coin à l’autre. Quelques instants plus tard, l’archéologue avait l’impression que la tempête avait duré des heures. En regardant le ballonniste qui n’avait cessé de s’activer, les traits tirés par la fatigue, Bac sentit l’inquiétude le submerger.

« Quand arriverons-nous en haut ? ne put-il s’empêcher de gémir.
— Nous avons déjà dépassé le haut, répondit le pilote qui l’avait entendu malgré les cris du vent. J’essaie de retrouver le sol pour nous poser. Ça va secouer.
— Encore ? » se plaignit l’archéologue. Il ne sut pas si le ballonniste l’avait entendu, car il était déjà reparti s’affairer de l’autre côté de l’engin.

Un choc brutal lui fit soudain lâcher prise et Bac roula au fond de la nacelle qui avait arrêté de bouger. Madame Vir se redressa et demanda : « Que s’est-il passé ?
— Nous avons atterri. Le vent nous a emportés loin du bord, mais nous nous trouvons bel et bien sur le Plateau. Je ne pense pas que je pouvais procéder à un atterrissage plus en douceur. Ceci dit, vous avez tous l’air vivants et entiers, non ?
— Je suppose que c’est déjà pas mal étant donné les conditions, en effet, finit par acquiescer madame Vir. Allons les enfants, occupez-vous de décharger le matériel. »

Un juron l’interrompit. « Qu’y a-t-il maintenant ? s’enquit-elle avec irritation auprès du pilote énervé.
— La tempête a endommagé le ballon et l’atterrissage a tordu la direction. Je vais devoir réparer tout ça pour descendre chercher le reste.
— Disposez-vous de quoi procéder aux réparations ?
— Oui, ça va juste prendre du temps, grommela le ballonniste.
— Peu importe dans ce cas. Les causes de contretemps sont légion lors d’un chantier archéologique. Faites au mieux. »

Sur ces mots, elle entreprit d’aider les membres de son équipe à vider la nacelle des caisses qui l’encombraient. Chargé, Bac descendit précautionneusement du ballon. En posant le pied par terre, il constata que le sol en haut du plateau s’avérait plus chaotique que celui dont il avait l’habitude en bas. Il s’abîma un instant dans la contemplation des arêtes qui l’entouraient, avant d’être rappelé à la réalité par le poids encombrant de la caisse qu’il transportait.

« On dirait presque que ce plateau n’est pas naturel, commenta l’exploratrice Paras.
— Cela corrobore les observations faites à la base du Plateau. » renchérit Icro.

L’équipe de recherche se dépêcha de vider le reste, impatients qu’ils étaient de commencer à étudier et explorer cette nouvelle région. De même, le campement fut monté en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. « Les terrains sont très clairs ici, comme les parois du Plateau, nota madame Vir. Mais, là-bas, nous pouvons apercevoir une zone plus sombre. Lorsque nous aurons fini notre installation, nous irons voir ce qu’il en est. »

Les autres chercheurs se mirent en route, pendant que le ballonniste continuait à pester sur le rafistolage de son appareil. Sur les conseils de Paras, ils s’étaient équipés de quoi se sustenter en chemin, ne sachant pas à quel point les distances pouvaient paraître trompeuses sur cette immense plaine. Ils voyagèrent longtemps, mais atteignirent le terrain noir en fin d’après-midi. Intrigués, ils ne prirent même pas le temps de poser leurs chargements avant de commencer à étudier cette spécificité.

La séparation entre le sol blanc et le sol noir s’étendait de manière plutôt nette, traçant une démarcation qui barrait le chemin face à l’équipe de madame Vir. Icro, le géologue, osa quelques pas sur le terrain sombre et se pencha ensuite dessus pour l’examiner de plus près. Pendant ce temps, Bac s’avança plus loin et s’exclama : « Regardez ! Le sol redevient clair ensuite ! »

Madame Vir s’empara de jumelles. Bac se morigéna de ne pas avoir emporté les siennes et attendit silencieusement qu’elle termine ses observations. Il tint son carnet et son crayon prêts, afin de rapporter tout ce qu’elle dirait à l’issue de son inspection. « Hum, dit-elle en abaissant ses jumelles. La répartition entre les zones blanches et les zones noires semble aléatoire, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’une logique se cache derrière tout cela.
— Serait-ce l’œuvre d’une main intelligente ? s’enquit Bac.
— Si tel est le cas, où sont ces gens ? demanda Paras en regardant tout autour d’elle. Nous n’avons vu aucune trace d’habitation jusqu’ici.
— Peut-être ont-ils disparu, supposa Icro. Il faut que j’étudie des morceaux de chaque terrain pour déterminer si l’une, ou l’autre — ou les deux — des colorations est artificielle.
— Bonne idée, approuva madame Vir. Nous pourrons aussi cartographier les zones sombres et claires ; avec un peu de chance, cela nous permettra d’obtenir une meilleure vue d’ensemble. Bac, vous serez responsable de la cartographie avec Paras, pendant qu’Icro s’occupera de l’étude géologique. »

Ils se sentaient tous les quatre positivement stimulés par cette découverte. Tous espéraient qu’il ne s’agissait pas là d’un simple caprice géologique. Après avoir effectué des prélèvements, l’équipe emprunta le chemin du retour au campement. Pendant le trajet, madame Vir leur fit part du fait qu’elle escomptait que le pilote aurait terminé les réparations du ballon lorsqu’ils arriveraient. Elle tenait à rassembler la totalité de ses chercheurs et du matériel le plus rapidement possible, maintenant qu’ils avaient trouvé quelque chose qui l’intriguait.

Lorsqu’ils parvinrent au campement, la nuit était tombée. Le ballon gisait toujours là et son pilote était assis devant, la mine sombre, s’adonnant visiblement à une pause. « Alors, lui lança madame Vir, ce ballon est-il prêt à voler ?
— Plus ou moins, ronchonna le ballonniste. Je dois encore passer du temps à réparer la direction. Sans ça, je ne peux que le faire monter et descendre, mais pas le diriger. »

Bac savait que madame Vir était déçue de la nouvelle, mais elle n’en montra rien, se contentant d’acquiescer. Elle lui souhaita bon courage et s’en fut s’isoler dans sa tente. Paras se pencha vers Bac et lui chuchota : « Si cela avait été l’un de nous qui n’avait pas terminé son objectif dans le temps qu’elle avait estimé, il aurait été vertement réprimandé.
— Certes, répondit-il. Mais nous sommes son équipe et elle sait mieux estimer le temps que nous prendra une tâche. En plus, je pense que le ballonniste est encore plus déçu qu’elle de son retard.
— Tu dois avoir raison.
— En parlant du ballon, reprit l’archéologue, il a dit qu’il pouvait monter et descendre. Que penses-tu de l’utiliser demain pour avoir une vision d’ensemble des sols blanc et noir grâce à l’altitude ? Cela nous simplifierait la tâche pour la cartographie, ne crois-tu pas ?
— Bac, mon ami, tu es un génie. »

Le génie peina à trouver le sommeil, tout émoustillé qu’il était par les découvertes historiques qu’il s’apprêtait à révéler. Lorsque la fatigue eut enfin raison de lui, il eut l’impression qu’à peine endormi, il lui fallait déjà se réveiller. Pendant qu’il mangeait son petit-déjeuner en compagnie de Paras, il regardait tout autour de lui. Madame Vir ne se trouvait nulle part en vue, Icro installait son espace pour étudier les roches et le pilote s’échinait déjà sur la direction du ballon.

Il marmonnait encore en jouant de la clef à molette, lorsque Bac et l’exploratrice vinrent lui demander d’emprunter l’appareil pour des relevés cartographiques depuis les airs. Le ballonniste se redressa en s’essuyant d’un revers de manche et, après quelques secondes de réflexion, il accepta. « Je pense avoir terminé mes réparations, mais je vais avoir besoin de tester leur fiabilité. Du coup, vous pouvez monter pendant que je procède à mes vérifications. »

Les deux collègues embarquèrent joyeusement dans la nacelle et le pilote lança la machine, avant de diriger le ballon dans la direction indiquée par ses passagers. Pour mettre à l’épreuve la solidité de ses réparations, il emmena l’engin très haut en altitude, à la grande inquiétude de Bac qui peinait toujours à rationaliser le vide qui se trouvait entre le sol et lui.

« Ah ben si je m’attendais à ça ! » s’exclama soudain le ballonniste. Les chercheurs, intrigués, jetèrent un coup d’œil par-dessus bord. Ils pouvaient apercevoir les sols blanc et noir se découper parfaitement, les zones sombres ébauchant des formes alignées, et ce, sur plusieurs rangées à perte de vue. Le pilote approcha le ballon de la première ligne et entreprit de la suivre.

« On dirait d’énormes lettres, commenta Paras.
— La première ressemble à une majuscule. » appuya Bac qui prenait furieusement des notes, comme si sa vie en dépendait. Il esquissa de son mieux les symboles formés par les zones noires, dessinant ainsi : « Depuis des cycles se tenait le grand chantier archéologique du Plateau. » Il avait encore beaucoup de signes à recopier.

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 27

La rouquine fila vers sa robe pour l’enfiler. Sans aide, elle eut un peu de mal avec certaines fixations, mais elle finit par y arriver seule, ce qui lui procura une certaine satisfaction. Elle vérifia que le résultat était correcte grâce au grand miroir de la chambre. Elle était satisfaite du résultat mais remarqua qu’après le sommeil, ses cheveux étaient en bataille. Ethelle entreprit de se coiffer et de les arranger de manière raisonnable. S’inspectant de nouveau dans le miroir, elle constata qu’elle avait repris des couleurs, ce qui la rassura. Elle tomba ensuite sur les médicaments que madame Cartridge avait laissés sur sa table de chevet, leur tira la langue et les ignora. Ceci fait, elle sortit en trombe de la pièce, manquant de percuter la servante qui venait, certainement, la réveiller. « Pardonnez-moi madame ! S’exclama la domestique. Je ne vous avais pas vue.
– Je ne vous avais pas vue non plus, balaya Ethelle. Me cherchiez-vous ?
– Tout à fait, je venais vous aider à vous apprêter pour le dîner avec le jeune maître.
– Fort bien, déclara la rouquine en lissant machinalement sa robe. Je suis prête, vous n’avez plus qu’à m’emmener. »

La servante opina et mena la jeune femme dans la grande salle à manger de réception où le couvert était déjà disposé et où Nicolas se tenait devant l’une des grandes cheminée, admirant les flammes. En entendant les deux femmes entrer, il se retourna et accueillit son invitée avec un joyeux sourire. « Vous paraissez reposée, lui dit-il avec une pointe de soulagement. Je craignais que votre commotion ne s’avère très grave.
– Je vous remercie de votre attention, mais ne vous inquiétez pas, le rassura Ethelle. Je me sens déjà beaucoup mieux.
– J’en suis ravi. » Ils passèrent à table, où ils commencèrent à badiner à propos de folklore campagnard, du temps qui fraîchissait et des dégâts que pourraient infliger quelques bêtes mythologiques si elles venaient à se réveiller.

Puis, le sujet dériva de nouveau sur le père de la rouquine. Merryweather l’interrogea sur Charles Morton et Ethelle fit de son mieux pour raconter ce qu’elle savait des affaires de son père. Ce qui n’était pas grand chose, en réalité, puisqu’elle ne s’était jamais intéressée à ce qu’il faisait et qu’il ne s’étendait jamais dessus non plus. Nicolas la rassura : même le plus infime détail pouvait se révéler important. « De plus, ajouta-t-il, vous n’êtes pas seule dans cette affaire.
– Je vous ai vous, déclara la jeune femme, et je vous remercie encore pour cela.
– Et pas seulement, lui révéla son hôte d’un air espiègle. Vous avez d’autres alliés, bien qu’ils ne se soient pas encore manifestés.
– Vraiment ? S’enquit Ethelle avec incrédulité.
– Mais oui, je vous assure !
– Et qui donc ? »

La jeune femme voulait des noms. Si elle avait des alliés, comment se faisait-il qu’ils n’étaient pas venus l’aider lorsqu’elle en avait eu besoin ? Pourquoi aucun d’entre eux ne s’était manifesté ? Nicolas parlait-il du comte Clayton ? Car celui-ci avait, il est vrai, quelque peu tenté de l’aider. Sauf qu’il n’avait pas tenu à trop se mouiller non plus. La rouquine ne cacha pas sa curiosité auprès de Merryweather, mais celui-ci ne voulut rien lui révéler et fit planer le mystère. Vu l’air taquin qu’il arborait, Ethelle supposa qu’il faisait cela juste pour le plaisir de l’entendre ronchonner. Elle sourit. Nicolas lui assura qu’elle n’aurait pas trop longtemps à patienter avant de savoir. Il avait envoyé des télégrammes le jour même, pendant que son invitée dormait, pour convier certaines de ces personnes deux jours plus tard, dans le manoir. Cette nouvelle donna un peu le trac à Ethelle. Même si elle pensait que sa convalescence serait terminée d’ici là, elle doutait d’avoir suffisamment de temps pour se préparer à ces rencontres.

« Vous savez, je ne possède plus rien pour ainsi dire, expliqua-t-elle d’un air gêné à son hôte.
– Je le sais bien, répondit-il. Pourquoi me dites-vous cela ?
– Car la robe que je porte, par exemple, est ma dernière robe pour les… moyennes occasions, dirons-nous.
– Vous craignez de mal présenter ? S’enquit Merryweather.
– C’est tout à fait cela, oui, avoua-t-elle.
– Vous n’avez rien à craindre de ce côté là, la rassura son hôte.
– Ils vont remarquer et ils ne vont pas trouver cela sérieux, continua Ethelle qui avait l’impression que Nicolas ne voyait pas où elle voulait en venir.
– Ils ne remarqueront rien, lui affirma Merryweather. Je vais vous faire faire quelques tenues, cela devrait suffire.
– Vous feriez ça ? Mais je vous dois déjà tellement… »

La jeune femme était vraiment gênée de dépendre de tant de générosité. Après tout, depuis qu’elle s’était retrouvée livrée à elle-même, elle avait vécu principalement au crochet de Simon Derrington. Mais cela ne lui donnait pas le même sentiment. En effet, en restant avec l’archéologue, elle avait contribué à ses recherches dans la bibliothèque antique. Là, elle n’était qu’invitée. Elle s’ouvrit de sa gêne auprès de son bienfaiteur. Mais celui-ci balaya une fois de plus ses inquiétudes. « Vous trouverez bien de quoi me récompenser plus tard, lui assura-t-il. Je ne me fais pas de souci pour cela. Nous aurons tout le temps de nous en occuper. » Ethelle opina. Elle s’efforça d’enfouir sa gêne. Après tout, elle n’avait pas le choix d’en passer par là, encore une fois, semblerait-il. La jeune femme prit le parti de sourire à Merryweather, se demandant bien de quelle manière elle pourrait le remercier plus tard.

Ses préoccupations furent soufflées par l’arrivée du dessert. Nicolas, la voyant agitée et soucieuse, orienta la conversation de nouveau sur des sujets triviaux. Elle se détendit visiblement, mais était toujours un peu fatiguée suite à sa rencontre avec les korrigans agressifs. Son hôte prévenant ne fit pas durer la conversation, une fois le repas terminé. Il l’emmena pour une petite promenade digestive à l’extérieur qui consista, dans les faits, à faire simplement le tour du manoir. En rentrant, Ethelle avec les joues rosies par le froid. Merryweather l’emmena se réchauffer un instant sur un fauteuil devant une cheminée. Il s’installa sur le fauteuil d’en face et ils devisèrent un moment avant que les bâillements de la rouquine ne la contraignent à prendre congé. Encore une fois, elle s’effondra sur le lit au doux édredon et sombra instantanément dans le sommeil.

Sur le siège passager de la voiture de location chargée, Clay regardait défiler le paysage, songeur et déprimé. Simon continuait de babiller comme à son habitude, mais cela ne parvenait pas à dérider le jeune homme. Celui-ci trouvait le voyage plus fade sans le troisième membre de leur expédition, même si Ethelle ne s’était jamais montrée particulièrement bavarde. Avec qui allait-il pouvoir partager ses craintes et fascinations face aux merveilles de la bibliothèque ? Avec l’archéologue, ce n’était pas pareil. Ce dernier était moins réceptif et noyait rapidement tout sous son enthousiasme et ses connaissances. Et il était tellement passionné par les détails des scènes fantomatiques qu’il avait du mal à comprendre les craintes viscérales du jeune homme envers elles. Malgré les cahots de la route, Clay tenait en main l’un des nouveaux carnets à dessin que la rouquine avait amené comme contribution aux provisions pour les fouilles et essayait d’esquisser quelques traits.

Il abandonna rapidement ; la route était trop inégale. Soupirant, il tenta d’écouter un peu ce que disait Simon. « … Et donc, c’est pour cela que je pense que les korrigans que vous avez rencontrés étaient salement en colère. Ils ont toujours été malicieux, au point d’en arriver à de cruelles taquineries, mais rarement aussi ouvertement agressifs. Qui sait combien de temps ils ont passé enfermés sous terre ? N’importe qui serait furieux à leur place, je pense. Ce qui m’intrigue aussi, c’est cette histoire de poneys… » Clay l’avait déjà entendu dire toutes ces choses et cessa de nouveau d’écouter ce que racontait l’archéologue. Il aurait préféré qu’ils parlent d’Ethelle par exemple. Le jeune homme était toujours inquiet de sa santé, même si Merryweather leur avait assuré qu’un médecin viendrait continuer de l’examiner régulièrement. Il pouffa un profond soupir, qui passa totalement inaperçu. Simon était beaucoup trop concentré sur la route et sur ce qu’il disait.

Lorsqu’ils parvinrent à la clairière qui bordait le site de la bibliothèque, le jeune homme ressentit un grand soulagement. Mais ce soulagement fut de courte durée. Fusant au dessus de leur tête et passant à ras de la colline sous laquelle dormait la bibliothèque multimillénaire, un planeur à moteur (trouver un nom autre que ULM à cette bête là ?) en perdition apparut. Il était très petit et il n’était certainement occupé que par une seule personne, mais son réacteur était en feu et il était clairement en train d’essayer de se poser en catastrophe. Comme il disparut à leurs yeux derrière la colline, Simon et Clay bondirent de nouveau dans leur véhicule et entreprirent de faire le tour pour voir si le pilote avait besoin d’être secouru. Ils purent apercevoir le planeur se diriger à grande vitesse vers le sol. Mais, trop rapide il rebondit plusieurs fois avant de briser son essieu et de déraper dans la prairie en labourant la terre sur son passage et éteignant le feu du réacteur dans la terre.

Simon stoppa la voiture et les deux en sautèrent pour se précipiter sur l’engin volant, qui avait laissé des morceaux un peu partout pendant le dérapage et volerait beaucoup moins bien désormais. Clay fut le premier à arriver. Le pilote lui parut inconscient, mais pas gravement blessé. Aidé de l’archéologue qui stabilisait la structure, le jeune homme traîna le corps hors de l’appareil et le posa délicatement sur l’herbe de la prairie. Le pilote lui parut extrêmement petit. Un flot de cheveux blonds jaillissaient du casque en cuir qui lui recouvrait le crâne. Pris d’un pressentiment, il souleva les lunettes d’aviateur qui lui mangeaient le visage. « Tina ! » S’exclama-t-il, d’un ton où la surprise se mêla aussitôt à l’inquiétude. « Tina ! » L’appela-t-il de nouveau. Il écopa d’un vague grognement en réponse. Simon, qui s’était assuré que le risque d’incendie était définitivement écarté, les rejoignit. « Tina, réveille-toi, répéta Clay.
– La connais-tu ? S’enquit l’archéologue qui commença à enlever le casque de la jeune fille pour vérifier si elle ne s’était pas cogné trop fort quelque part.
– Oui, nous faisions partie d’un groupe, tous les deux, répondit le jeune homme. Nous étions des Faucheux.
– Comme les araignées ? Demanda Simon qui continuait d’inspecter la jeune fille.
– Tout à fait. »

L’archéologue poussa un soudain cri de douleur. Tina lui avait mordu la main et y restait agrippée en grognant comme un chien. « Lâche-le Tina, lui ordonna Clay d’un ton sec.
– Clay ! S’exclama la jeune fille éberluée après avoir lâché la main de Simon. Je suis morte et je rêve pour l’éternité, c’est ça ? Ou alors tu es mort aussi ?
– Non, tu n’es pas morte et moi non plus, l’informa son aîné avec un sourire. J’ai même l’impression que tu vas plutôt bien.
– Tu en es certain ? Vérifia-t-elle en arborant un air sceptique. J’ai vraiment l’impression de flotter.
– C’est juste le choc sur la tête. Peux-tu te lever ?
– Je ne vois pas l’intérêt de me lever si je suis morte, laisse-moi profiter un moment ! Je viens de m’écraser au sol, c’est éprouvant moralement, tu ne te rends pas compte… » Pour toute réponse, Clay lui donna une bourrade et l’aida à se mettre debout. « Ouh ! Ca tangue ! » S’exclama-t-elle, avant de préciser : « Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j’ai toujours rêvé de dire ça.
– Ca a clairement eu un effet sur ta tête. » Commenta l’ancien Faucheux qui ne l’avait jamais entendue dire autant de bêtises. Il commençait à s’inquiéter pour la santé mentale de sa jeune amie, mais celle-ci parut se reprendre.

Elle fit quelques pas puis, avisant l’archéologue, lui lança un regard soupçonneux. « Qui c’est, lui ? Demanda-t-elle crûment.
– Je te présente Simon Derrington, lui expliqua Clay. Il est un éminent archéologue et mon ami, aussi.
– Ton ami ? Répéta Tina d’un ton incrédule. Et tu as perdu ta rousse ?
– Dis-donc, s’emporta Clay. Nous ne nous sommes pas vus depuis une éternité, je viens t’aider et tout ce que tu trouves à faire c’est de mordre mon ami et te montrer désagréable avec moi ?
– Hmpf. » Le jeune fille croisa les bras et détourna le regard, la mine boudeuse. Ils se tournèrent de nouveau vers l’archéologue, qui avait poussé un nouveau petit cri. Il était en train de désinfecter la plaie là où les marques de dents avaient imprimé sa main jusqu’au sang et cela semblait plutôt douloureux. L’ancien Faucheux grimaça avec empathie, puis jeta un nouveau regard furieux à la blondinette.

Celle-ci lui rendit un regard coupable et marmonna des excuses. Clay s’adoucit. Il savait qu’il n’obtiendrait pas mieux et qu’elle se sentait véritablement gênée de son attitude. Le jeune homme soupira et lui ouvrit les bras. « Je suis content de te voir, lui dit-il. Tu m’as manqué. » La jeune fille écarquilla les yeux puis, après un hochement de tête encourageant de son ami, elle se jeta dans ses bras. « Il va falloir que tu m’expliques ce que tu fais là, d’ailleurs, ajouta-t-il.
– J’ai eu peur de mourir, marmonna-t-elle le visage enfoui dans sa poitrine.
– A l’atterrissage ?
– Oui… Avoua-t-elle la voix tremblante.
– C’est fini maintenant, la consola Clay. Tout va bien et tu es même en un seul morceau.
– Ah, vous avez enfin apprivoisé la petite bête sauvage à ce que je vois, intervint Simon qui avait fini par bander sa main mordue. Tant mieux !
– Votre main ? S’enquit le jeune homme.
– Oh, ce n’est rien, le rassura l’archéologue. J’ai connu des chiens plus dangereux. »

La jeune fille se dégagea doucement de l’étreinte de son ancien compagnon et jeta un coup d’oeil à l’appareil qui l’avait menée jusqu’ici. Elle fit rapidement les quelques pas qui la séparaient de l’engin et commença à l’inspecter. « Pfou ! Il est quasiment en miettes, constata-t-elle. Ca va me prendre des jours pour réparer tout ça…
– Tu t’es remise à bricoler des trucs ? S’enquit Clay avec intérêt.
– Oui, confirma la jeune fille en commençant à rassembler quelques débris çà et là. Il m’est apparu que notre bonne vieille veuve noire devenait un peu trop siphonnée à mon goût, tu vois.
– Une veuve noire ? S’enquit l’archéologue en se mettant à aider la blondinette à ramasser les débris de son appareil.
– C’est le nom que se donne notre ancienne cheftaine, précisa Clay. Et, c’est vrai qu’elle est un peu folle.
– Un peu ? Ironisa Tina. C’est peu de le dire. Elle a complètement craqué depuis que tu t’es enfui. Elle a pris ta défection comme une attaque personnelle. »

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite, digérant la nouvelle. « Bah, elle ne sait pas où je suis ; elle ne peut rien contre moi, ici.
– J’espère bien, affirma vivement la jeune fille. Je suis partie le plus loin possible pour lui échapper aussi. Et puis comme cet engin appartenait à sa famille et que je le lui ai volé, je pense qu’elle me déteste à vie.
– Elle n’a pas l’air commode, votre veuve noire, commenta Simon. Cela m’étonnerait qu’elle vous trouve ici. Personne ne connait cette endroit, d’une part. Et personne n’aura l’idée de penser que vous vous trouvez ici, au beau milieu de nulle part.
– C’est parfait, on dirait le paradis ! Se réjouit Tina. Il est vraiment en sale état, tout de même.
– J’espère que tu ne comptes pas le réparer sur place, s’inquiéta Clay.
– Bah, je ne vois pas où je pourrais le réparer ailleurs, nota la blondinette.
– Je pense que nous pouvons le remorquer jusqu’à la clairière avec la voiture mécanique, proposa aimablement l’archéologue.
– Oui, je pense qu’elle y sera plus à l’aise, approuva le jeune homme.
– Peu m’importe, moi, tant que je peux le réparer tranquillement. »

Ils étudièrent la question pendant un moment. Tina remit son casque en cuir surmonté de ses lunettes d’aviatrice. Puis, elle suggéra que si ils effectuaient une petite réparation de fortune sur l’essieu, ils auraient plus de facilité pour le traîner car, comme il roulerait, cela reviendrait à une bête remorque. Les deux hommes acquiescèrent et tous se mirent à l’ouvrage. Après plusieurs essais infructueux, ils parvinrent enfin à fixer efficacement le planeur roulant à la voiture. Tina avait ramassé tous les débris et les avait entassés dans le cockpit. Simon conduisit très doucement, pour éviter de nouveaux accidents. Lorsque, enfin, ils parvinrent à la clairière avec l’appareil volant, ce fut un véritable soulagement. Pour fêter cela, l’archéologue sortit de quoi trinquer. En voyant la blondinette boire son verre cul-sec, il partit dans un grand rire. « Ce n’est pas un simple tord-boyau, vous savez, lui expliqua Simon. Il faut prendre le temps de le déguster ! » Ils s’assirent à l’ombre des arbres afin de souffler un peu. Clay en profita pour résumer ce qu’il faisait sur place avec l’archéologue et où se trouvait Ethelle actuellement.

« Et bah, commenta Tina. Tu en as fait du chemin ! Par contre l’idée d’aller dormir là-dessous ne m’intéresse pas.
– Ah ? Comment comptes-tu faire ? S’enquit le jeune homme.
– Je vais dormir ici, à côté de ma machine volante, ou dans la voiture si j’ai le droit.
– Oh oui, faites-vous plaisir, l’autorisa Simon avec un aimable sourire. J’espère que vous parviendrez à réparer votre planeur.
– Le planeur, ça devrait aller, estima la blondinette. C’est surtout le moteur qui m’inquiète. J’aurai peut-être besoin de pièces.
– Nous retournerons à la civilisation dans quelques jours, l’informa Clay. Tu pourras venir avec nous et voir si tu trouves ton bonheur.
– Parfait ! S’exclama la jeune fille qui paraissait de bonne humeur.
– Par contre, nous n’allons pas remonter très souvent, la prévint son ami. Ca ira, là, toute seule ?
– Oh oui, lui assura-t-elle. Tant que j’ai à m’occuper, ça ira.
– Evite de descendre nous rejoindre toute seule, continua-t-il. C’est très dangereux et tu pourrais te blesser.
– Aucun risque, affirma la blondinette. Il n’y a aucun risque que je descende là-dessous. Mais alors, aucun ! »

Après une petite pause, ils se levèrent de nouveau. Les deux hommes déchargèrent la voiture de leur affaires et matériel qu’ils avaient emmenés pour travailler dans la bibliothèque. Ils laissèrent à Tina la part des rations qui aurait du être dévolue à Ethelle, puisque cette dernière n’en aurait pas besoin. Ils lui proposèrent des outils, mais elle était déjà très bien équipée à ce niveau là. Simon se montra d’ailleurs épaté par la collection d’outils qu’elle avait réussi à dérober et à emmener. Ils souhaitèrent ensuite à la jeune fille du courage pour son entreprise. Elle leur répondit de même et les fixa jusqu’à ce qu’ils disparaissent à ses yeux, dans la faille. Tina espéra qu’ils ne risquaient rien dans ce trou noir. Son ami lui avait dit qu’il y avait une bibliothèque antique sous la colline. au delà du fait qu’elle n’avait jamais été très intéressée par ces soi-disant lieux du savoir, les ruines de bibliothèques l’intéressaient encore moins. Au sein des Faucheux, elle avait toujours réussi à ce que personne ne découvre son petit secret, qui aurait sans doute terni sa réputation de dure à cuire. La jeune fille avait peur du noir. Surtout, ce qu’elle craignait, c’étaient les choses tapis dans les recoins sombres. Et un lieu antique devait certainement être hanté de tout un tas de choses effrayantes.

La blondinette frissonna et se détourna rapidement, se mettant immédiatement au travail sur sa machine. Elle se demanda si Clay n’avait pas un peu exagéré lorsqu’il parlait du fait qu’ils recherchaient un moyen de sauver le monde de la magie qui s’avérait dangereuse. Si tel était le cas, elle ne s’en plaindrait pas, bien au contraire. Elle ne le lui avait pas dit, mais si son appareil avait pris feu, c’était le résultat d’une étrange attaque de la part d’un petit lézard volant qui avait craché du feu. Un peu comme la salamandre qui avait causé le grand incendie du parc des Deux Ormes. Evidemment, elle avait cru voir d’autres choses étranges, mais s’était toujours dit qu’elle avait du mal voir ou que son imagination lui jouait des tours. Elle haussa les épaules et se concentra sur sa tâche. Sa fidèle machine nécessitait ses soins attentionnés.

 

 

3430 mots aujourd’hui ! Et je ne sais pas si ceci est la fin du tome. La situation semble placée pour celui d’après, mais bon. De toutes façons il me reste 300 mots pour atteindre les 50 000, donc je me laisse demain pour réfléchir à cette question épineuse !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 25

« Qu’est ce que c’était que ça ? S’enquit nerveusement Clay.
– Je ne sais pas, répondit la jeune femme sur le même ton inquiet. J’ai déjà entendu parler d’un peuple sous les menhirs lorsque j’étais petite, mais je n’en sais pas plus. Je pense que Simon pourrait nous éclairer à ce propos…
– Oui, il sait certainement de quoi il retourne. Allons lui demander. » Les deux apprentis se trouvèrent soulagés d’avoir une tâche à accomplir. Ils abandonnèrent le petit parc pour retrouver Simon. Les habitants, dans les rues, affichaient une mine incertaine. Venaient-ils bien de voir ce qu’ils avaient vu ? Semblaient-ils tous se demander. Certains blessés, au sol, confirmaient que l’irruption de la chevauchée naine avait été bien réelle. Des médecins commençaient déjà à affluer, avec les voitures hospitalières qui emmenaient les blessés graves à l’hôpital.

Au détour d’une rue, alors qu’ils pensaient s’être éloignés de la catastrophe, les deux jeunes gens tombèrent de nouveau sur la horde sauvage. Ils firent instantanément demi-tour pour s’enfuir, mais les nains sur leurs poneys les avaient repérés et les prirent en chasse, en les invectivant dans une langue que ni Clay, ni Ethelle ne connaissait. Le nain de tête, passant à côté d’elle, s’agrippa à la rouquine, qui hurla. L’ancien Faucheux attrapa son amie à son tour, bien décidé à ne pas la laisser se faire emmener et attrapa la bride du poney de son ravisseur pour le déséquilibrer. Le nain se confondit en imprécations à l’encontre du jeune homme, qui entraîna Ethelle dans une autre rue. Mais quelques assaillants les suivirent. L’un d’entre eux, ne maîtrisant pas très bien sa monture, percuta la rouquine. Elle trébucha et tomba, se heurtant la tête contre les pavés. Elle lutta quelques instants mais perdit conscience sous le choc.

 

Ethelle émergea en même temps que des maux de tête se réveillaient. Elle ouvrit les paupières mais sa conscience avait du mal à se focaliser. Lorsque sa vue se fit plus nette, elle regarda autour d’elle tout en essayant de se souvenir de ce qu’il s’était passé et de savoir où elle se trouvait. Le plafond ne lui rappelait rien, de même que la chambre dans laquelle était confortablement installée. Comme elle se trouvait seule, la rouquine ne pouvait pas non plus s’enquérir à propos des événements récents. Bien décidée à tirer ces mystères au clair, elle tenta de se redresser. Mal lui en prit : son crâne la lança, lui arrachant un léger gémissement.

La porte s’ouvrit alors timidement et Clay passa la tête par l’entrebâillement. Voyant que la jeune femme était réveillée, il entra. « Tu ouvres enfin les yeux ! Se réjouit-il en venant s’asseoir sur un fauteuil près du lit.
– Que s’est-il passé ? Lui demanda la rouquine en ignorant le tutoiement. Où suis-je ?
– Nous sommes chez Merryweather, lui révéla Clay. Lorsque tu es tombée, j’ai cru ma dernière heure arrivée. Je ne sais pas si tu avais pu voir, mais ils étaient armés !
– Je me souviens… » Murmura Ethelle à qui la mémoire revenait peu à peu. Elle se remémorait la horde de petits chevaux qui avaient jailli du menhir, chevauchés par des créatures qui avaient l’air en colère. Portant sa main à la tête, elle réalisa qu’un bandage lui ceignait le front. Il n’était pas très serré, expliquant pourquoi elle ne s’était pas rendu compte de sa présence en ouvrant les yeux.

« Ca va ? S’inquiéta le jeune homme.
– Oui, enfin, non, mais ça ira, le rassura la rouquine en tentant d’esquisser un sourire rassurant.
– Tu m’as fait peur, tu sais, lui avoua-t-il. Il y avait du sang partout et je t’ai crue morte. Heureusement que Merryweather est arrivé pour nous sauver la mise, sinon tu te serais vidée de ton sang et j’aurais certainement été tué.
– Merryweather ? S’enquit Ethelle qui n’avait pas la force de formuler de longues phrases tant elle se sentait lasse.
– Oui, Merryweather, confirma Clay. Il est arrivé juste au bon moment, accompagnant un escadron de gendarmes. Ils ont mis les petits cavaliers en déroute. Et, pendant que je compressais ta blessure, il est allé chercher de l’aide. Ensuite, il a proposé de t’emmener te reposer au manoir, parce que ça serait plus confortable que sur le lit d’appoint de Simon et plus agréable que l’hôpital. Allonge-toi. »

Ce disant, il la repoussa gentiment sur le tas d’oreillers. La rouquine avait encore un peu l’air hagard et son teint pâle l’inquiétait. « Simon ? S’enquit-elle ensuite.
– Il est ici aussi. Il est sorti se promener tout à l’heure, du coup j’ai été chassé de la chambre. Les domestiques d’ici sont bien collets montés !
– Oh. » Emit la jeune femme. Elle en avait presque oublié la bienséance. Evidemment, un jeune homme ne pouvait pas rester seul dans la chambre d’une jeune femme. D’ailleurs, même si elle était réveillée, il n’était toujours pas sensé être là. Elle supposa qu’il avait du attendre de l’autre côté de la porte, puisqu’il était entré dès qu’elle avait fait du bruit. Après réflexion, elle décida de ne pas le renvoyer. Ethelle aimait bien sa présence et qu’il lui raconte ce qu’elle avait manqué.

« Normalement deux jeunes gens ne doivent pas rester seuls sans chaperon, lui expliqua-t-elle tout de même ignorant l’effort que lui demandait de faire une phrase aussi longue.
– Pfff ! Lança Clay. C’est idiot. Nous avons passé plein de temps rien que tous les deux dans la bibliothèque.
– Oui, acquiesça la rouquine qui se sentait un peu mieux. Mais il n’y avait personne pour s’en offusquer.
– C’est vrai que Simon n’est pas du genre à s’offusquer de quoi que ce soit.
– Attendons de voir si quelqu’un abîme un de ses précieux objets antiques, affirma Ethelle. Je suis certaine qu’il pourrait en perdre son sang-froid.
– Je pense aussi. » Pouffa l’ancien Faucheux.

Quelqu’un frappa et la porte s’ouvrit de nouveau. « Que faites-vous là ? Demanda à Clay et d’un air horrifié la servante qui entra.
– J’ai entendu un bruit, alors je suis entré pour voir si tout allait bien, expliqua le jeune homme sur le ton bravache de celui qui se butait.
– Vous devriez sortir, vous savez, le prévint la domestique en posant un plateau sur une tablette de l’autre côté du lit d’Ethelle. Vous allez ruiner la réputation de cette jeune fille sinon.
– Ne vous en faites pas pour cela, répondit la rouquine avec un doux sourire. Ma réputation est déjà ruinée de toutes façons. » La femme qui venait d’entrer ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, visiblement désarçonnée par la douce franchise de cette jeune fille de bonne famille. La servante jeta un coup d’œil furieux à Clay qui riait sous cape. Puis, reprenant rapidement contenance, elle reprit :

« Mais le jeune maître…
– N’a absolument pas son mot à dire dans cette histoire, compléta fermement Ethelle qui n’aimait pas que qui que ce soit lui dicte sa conduite.
– Je… fort bien madame, balbutia la domestique.
– Bonjour bonjour ! Les interrompit joyeusement Derrington en entrant sans frapper. Mais c’est que notre charmante demoiselle est enfin réveillée ! C’est merveilleux !
– Bonjour Simon, le salua aimablement Ethelle. Je suis fort aise de vous voir.
– Et moi donc, appuya l’archéologue avec un grand sourire. Comment se porte votre tête ?
– Elle me fait mal, confessa la jeune femme. Mais je pense que je survivrai.
– J’y compte bien, affirma Simon. J’ai besoin de vous pour mes recherches. Voulez-vous quelque chose ? » Demanda-t-il ensuite, un sourcil levé, à la servante qui se trouvait toujours plantée là.

« Oh, euh, non, pardonnez-moi, je m’en vais… Répondit la domestique qui fila.
– Je me disais, aussi, reprit l’archéologue. Alors, jeune fille, il semblerait que vous ayez fait une rencontre malheureuse, n’est ce pas ?
– Oui, acquiesça Ethelle. Qu’étaient-ils ? Le savez-vous ?
– Ils ont plusieurs noms selon les régions, lui révéla Simon. Lutins, nains… Moi je préfère les appeler des korrigans. J’adore ce nom ! Cependant, je n’avais jamais entendu dire qu’ils étaient des cavaliers guerriers.
– Et pourtant, ils étaient bien armés, insista Clay.
– Oui oui, je vous crois, lui dit l’archéologue. Je suppose que leur longue captivité a du les énerver quelque peu.
– C’est le moins que l’on puisse dire, commenta la rouquine. Que leur est-il arrivé ?
– Aux korrigans ?
– Oui, confirma la jeune femme.
– Ils ont été repoussés, intervint de nouveau Clay. Personne n’a réussi à en capturer et ils ont tous disparus.
– Je suppose qu’en nous voyant loin d’être sans défense, ils sont retournés se réfugier sous leurs menhirs. » Supposa Simon.

Ils se turent tous les trois et Ethelle entreprit de digérer toutes ces nouvelles. Après un instant de silence, Clay déclara : « Il semblerait que les fées deviennent plus présentes et plus fortes.
– Tout à fait, approuva l’archéologue. Je pense que nous allons devoir retourner rapidement à la bibliothèque pour élucider tout cela, voir même, trouver un moyen de contrer leur influence.
– Cela me parait incontournable, nota la rouquine. Quand partons-nous ?
– Et bien… » Commença Simon. Il échangea un regard grave avec Clay et reprit : « Nous deux partirons dès demain. Mais vous, vous devez passer encore quelques jours en convalescence pour vous remettre. Un coup à la tête n’est jamais à négliger, vous savez.
– Oh… » La jeune femme se sentait déçue.

Elle jeta un coup d’œil désespéré à l’ancien Faucheux. Ce dernier détourna le regard. La décision paraissait l’embêter autant qu’elle. Evidemment, au fond d’elle, Ethelle reconnaissait le bien-fondé de la convalescence : elle ne se sentait pas de descendre dans la faille abrupte qui menait jusqu’à l’entrée de la bibliothèque. Mais elle savait aussi très bien qu’elle allait rapidement s’impatienter. La rouquine aussi mourrait d’envie de retourner faire des recherches dans l’antique bâtiment. Elle soupira. « Il ne faut pas s’inquiéter, tenta de la rassurer Simon avec un clin d’œil. Nous reviendrons nous assurer de votre état d’ici quelques jours à peine. Je pense que d’ici là vous irez bien mieux et nous vous emmènerons avec nous !
– Ne partez pas trop longtemps, lui demanda la rouquine. Je meurs d’envie de me pencher de nouveau sur l’étude de cette civilisation.
– Je me doutais bien que vous aviez acquis la fièvre du savoir, vous deux, pouffa l’archéologue guilleret. Soyez assurée que nous ne vous laisserons pas trop longtemps dans cette terrible prison insalubre. » Taquin, il lui adressa un sourire moqueur. Ethelle sourit. Elle relativisa en se disant que Nicolas lui tiendrait certainement compagnie. Cette perspective paraissait plutôt agréable.

 

 

1763 mots aujourd’hui ! Oui, je poste plus tôt que d’habitude, vu que je n’aurai pas l’occasion d’écrire tout à l’heure.

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 24

Ce dernier afficha une mine déçue. Il poussa un profond soupir.

« Je comprends, déclara-t-il finalement. Même si je dois dire que je trouve tout cela tellement passionnant qu’il est presque douloureux d’y renoncer.
– Allons Nicolas, le gourmanda Ethelle. Ne vous montrez donc pas si dramatique ; ces envolées lyriques ne fonctionnent que pour le théâtre.
– Vous avez raison, concéda aimablement Merryweather. Je devrais me montrer plus raisonnable. Après tout, vous êtes les professionnels ici et je m’en voudrais d’interférer dans votre travail.
– Je vous remercie pour votre considération, lui dit plaisamment Simon.
– Oh, c’est tout à fait normal, balaya Nicolas. Seulement, j’aimerais que vous me promettiez une chose, vous trois.
– Quoi donc ? S’enquit curieusement Clay.
– Que vous me laisserez être le premier visiteur de votre grandiose découverte.
– Vendu ! S’exclama joyeusement l’archéologue. Vous serez le premier touriste à avoir la chance de visiter ces ruines antiques ! »

Ils trinquèrent à cette promesse. Puis ils trinquèrent de nouveau et profitèrent du dessert. Clay se montra particulièrement joyeux après tout cet alcool ingéré. De plus, il n’avait jamais mangé autant de toute sa vie. Il avait l’impression qu’il allait en être malade, mais il en était heureux néanmoins. Pour lui, avoir décidé de quitter les Faucheux en compagnie d’Ethelle était la meilleure idée qu’il avait pu avoir. Ses conditions d’existences s’étaient grandement améliorées depuis et il s’en trouvait tout à fait satisfait. Il s’était aussi mis d’accord avec Simon, pendant leur exploration de la bibliothèque, que celui-ci lui enseignerait les bases de l’histoire antique, pendant qu’Ethelle lui apprendrait à lire et à écrire. Il comptait devenir un spécialiste de cette civilisation qui avait inventé tellement de choses. Le jeune homme avait fini par tomber amoureux de ces mystérieux ancêtres et sa curiosité pour eux était devenue dévorante.

Il avait été soulagé que Simon décline la venue de Merryweather dans la bibliothèque. Pas qu’il n’appréciait pas leur hôte, au contraire. Il trouvait Nicolas très sympathique, là n’était pas le problème. Clay se sentait juste mal à l’aise à l’idée que quelqu’un d’autre vienne s’immiscer dans la bibliothèque, leur bibliothèque. L’ancien Faucheux se sentait très protecteur vis à vis de la découverte de Derrington. Et il réalisa qu’il n’aimait pas l’idée que des intrus pourraient y entrer à leur tour. Cela ne le dérangeait pas que Simon et Ethelle viennent y vaquer à leurs occupations, au contraire. Concernant l’archéologue, c’était surtout son territoire à lui. Quant à la rouquine, ils avaient découvert cet édifice de savoir ensemble. Pour lui, elle y avait tout à fait sa place. Et puis, sa présence le rassurait lors des apparitions de scènes fantomatiques, même si ces souvenirs vivaces du passé l’inquiétaient également.

En fait, il était impatient de retourner là-bas. Surtout maintenant qu’Ethelle l’avait bien réapprovisionné en carnets et crayons et qu’il avait de quoi s’éclairer à profusion. Même avec les apparitions ; elles le surprenaient à chaque fois, mais il était certain qu’elles contenaient plein d’informations à exploiter. Il se souvenait encore de la scène de la première nuit qu’ils avaient passé dans la bibliothèque, lorsque les jeunes gens paraissaient discuter et rire tout en utilisant la mystérieuse boîte métallique. Après en avoir discuté avec Simon le lendemain, ils avaient pris sur eux de l’ouvrir. Ce qui les avait décidé était qu’ils en avaient trouvé d’autres un peu de partout dans le bâtiment. Armé d’un pied de biche, c’était Clay qui avait eu l’honneur de forcer la porte. Certains des restes présumés de nourriture s’effritèrent sous le choc de la vibration. Une fois ouverte, la boîte recelait toujours bien des trésors. Par exemple, ils firent l’inventaire complet et stockèrent du mieux qu’ils purent les emballages qu’ils supposaient de nourriture et de boisson. Et, surtout, ils avaient eu l’occasion d’étudier le mécanisme intérieur du placard à provisions. Ils ne parvinrent pas à le faire fonctionner – l’appareil devait avoir besoin d’énergie – mais firent l’hypothèse qu’il se contentait de distribuer de la nourriture ou de la boisson en échange d’argent.

Au delà du fait que Simon lui avait permis de garder quelques pièces antiques en guise de récompense, Clay avait été enchanté de cette découverte. Le fait de savoir à quoi servaient ces buffets de métal, l’aidait à lui donner une idée de comment vivaient les gens à cette époque. Il pouvait les imaginer déambuler dans cette enceinte de connaissances, lisant et étudiant aux étages supérieurs, assistant à il ne savait quel genre de représentation au sous-sol, faisant une pause pour acheter des en-cas aux machines… Il avait même commencé à dessiner des scènes de vie qu’il pensait être probables au sein de la bibliothèque, en plus d’essayer d’immortaliser les scènes fantomatiques auxquelles ils avaient la chance – et la terreur parfois – d’assister. Découvrir ce genre de choses avait été une véritable révélation pour l’ancien gamin des rues qu’il était. Il n’avait jamais participé à une activité aussi passionnante. Peut-être était-ce pour cette raison qu’il rechignait à partager une chose aussi importante avec d’autres.

Réalisant qu’il s’était laissé absorber par ses pensées, il secoua la tête et se concentra de nouveau sur la conversation. Celle-ci n’était plus que badinage sur divers sujets qui ne parlaient absolument pas à Clay, comme l’entretien que nécessitait une propriété telle que celle des Merryweather par exemple. Ethelle parut remarquer son manque d’intérêt pour le sujet et lui adressa un sourire complice, auquel il répondit instantanément. Depuis qu’ils s’étaient rencontrés la première fois au parc des Deux Ormes, l’attitude de la jeune femme avait beaucoup changé à son égard. Elle était devenue moins hautaine et distante. A force de discuter de la bibliothèque et de faire des découvertes ensemble, ils s’étaient beaucoup rapprochés. Eux et Simon avaient désormais un lien unique et très fort, forgé par l’élucidation des mystères de cette civilisation et le partage d’un secret connus que d’eux-mêmes. Clay corrigea mentalement cette dernière assertion : en réalité Derrington voulait que d’autres soient au courant. Il pressentait que la ré-émergence du surnaturel pouvait être un danger pour leur propre civilisation. Malheureusement, personne ne l’avait cru jusque là, ce qui était aussi une des raisons pour lesquelles il réunissait des preuves.

La soirée, fort agréable au demeurant, finit tout de même par arriver à sa fin. Nicolas leur proposa de passer une confortable nuit sur place, dans les douillettes chambres de son manoir. L’idée tenta grandement Ethelle. Comme ses deux compagnons et elle dormaient tout le temps dans la même pièce, elle n’aurait pas refusé de passer du temps à dormir toute seule pour une fois. Mais, comme elle s’y attendait, Simon refusa poliment. Il invoqua le fait qu’ils allaient devoir repartir à la bibliothèque d’ici peu de temps et que, si ils restaient ici, le lieu était tellement agréable qu’ils n’en repartiraient jamais. « Cela ne me dérangerait pas de vous garder à vie, déclara Merryweather. Ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion d’avoir des hôtes aussi agréables !
– Vous nous flattez, le gourmanda la rouquine en remuant un doigt accusateur.
– Si peu, contra Nicolas avec un fin sourire. Quoiqu’il en soit, même si j’aurais bien aimé vous garder plus longtemps, je vous souhaite une bonne nuit mes chers hôtes, ainsi qu’un bon voyage de retour à vos fouilles ! »

Les trois explorateurs le remercièrent chaudement et s’en furent, dans la voiture de location que le majordome leur amena. Clay et Ethelle somnolèrent durant tout le trajet qui les mena au wagon maison de Simon. Ce dernier, qu’il était fatigué lui-même ou qu’il était conscient de leur fatigue à eux, les laissa tranquilles. Sur le bord de la route, une forme blanche lui fit signe de s’arrêter. Bien sûr, l’archéologue connaissait bien son folklore et savait qu’ils ne valait mieux pas faire confiance aux Dames Blanches. Il ne s’arrêta pas pour elle et ne prit même pas la peine de déranger ses deux jeunes compagnons pour qu’ils puissent l’admirer. Après tout, si il avait raison – et il avait certainement raison, estimait-il – ils auraient bientôt l’occasion d’admirer beaucoup d’autres specimens de spectres et de faire connaissance avec leurs spécificités. En revanche, beaucoup de personnes allaient se faire avoir. Qui avait encore l’habitude de côtoyer les fées de nos jours ?

Les trois vaillants explorateurs se levèrent tard le lendemain. Leur soirée avait été plus arrosée que ce dont ils avaient l’habitude. Mais ils avaient décidé qu’ils étaient en congés ; aucun ne se formalisa de leur manque de sérieux. Malgré cela, Simon se plongea tout de même dans ses carnets et certains des livres de sa bibliothèque intramurale personnelle. Il expliqua à ses deux apprentis qu’il avait certaines choses à vérifier, mais qu’eux pouvaient faire ce dont ils avaient envie. Ethelle et Clay échangèrent un regard, puis décidèrent d’un commun accord d’aller se promener ensemble dans la ville. Lors de leurs pérégrinations, ils apprirent qu’un cercle de menhirs se dressait dans un des pars de la petite cité. Curieux de savoir si eux, archéologues en herbe, pouvaient en tirer des informations, ils s’y rendirent avec enthousiasme. Ils étaient conscients qu’ils étaient désormais plus connaisseurs dans une autre forme d’antiquité, mais ils étaient tout autant intéressés de savoir ce qu’ils pouvaient tirer des menhirs.
Le parc n’était pas très étendu. Il consistait surtout à une petite étendue d’herbe plantée de quelques bancs et qui entourait un tertre tout aussi herbeux, sur lequel étaient plantés des pierres en cercle. Les deux jeunes gens s’approchèrent des menhirs pour les inspecter. « Clay ! Appela Ethelle qui s’était accroupie au pied de l’un d’eux. J’ai trouvé des inscriptions gravées… Penses-tu pouvoir les dessiner pour les montrer à Simon ?
– Mmmh, c’est difficile de les voir, commenta l’ancien Faucheux qui était venu voir par dessus son épaule. Mais je peux peut-être en faire une empreinte.
– Oui, la pierre a été bien érodée. » Acquiesça la rouquine en caressant les gravures comme pour mieux distinguer leurs contours.

Soudain le sol, sous leurs pieds, émit des vibrations grondantes. Comme si il y avait une mine sous terre et que des chariots roulaient à tombeau ouvert. Ethelle se redressa vivement, aidée par Clay qui la tira en arrière. Bien lui en prit : le sol sous le menhir parut s’ouvrir et en jaillirent, lancés au grand galop, de petits chevaux, pas plus hauts que des poneys, chevauchés par de petits cavaliers. Ils disparurent bientôt dans les rues citadines, créant une grande confusion sur leur passage. L’ouverture au pied du menhir, quant à elle, paraissait avoir disparu. Les deux apprentis de Derrington restèrent un instant interdits à rassembler leurs esprits. Maintenant que la clameur s’était calmée, ils en étaient à se demander si ils n’avaient pas rêvé. Mais les figures pâles qu’ils affichaient certifiaient le contraire.

 

 

1788 mots pour aujourd’hui, ce qui est plutôt nul pour un jeudi, mais bon.

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 23

Le domaine se trouvait à l’extérieur de la ville. Evidemment, avec leur véhicule ils ne mirent qu’une dizaine de minutes à arriver à l’immense portail d’entrée en fer forgé. Comme il était ouvert, attendant certainement leur arrivée, Simon fit entrer la voiture sur le chemin bien entretenu et bordé des arbres d’une petite forêt qui entourait toute la propriété. Les arbres laissèrent place à un grand espace, plein de tertres fleuris, d’un étang et d’un coquet manoir. La petite route menait jusqu’à l’entrée du manoir. Un homme les attendait et leur souhaita la bienvenue au domaine Merryweather. Lorsque les trois invités furent descendus du véhicule, l’archéologue laissa les clefs au majordome qui les avait accueillis et ce dernier emmena la voiture pour la garer ailleurs sur la propriété. A ce moment là, Nicolas descendit les marches qui menaient à la porte d’entrée, afin de leur souhaiter, à son tour, la bienvenue.

Il les fit entrer et s’installer dans un confortable petit salon, doté d’une cheminée dans laquelle un feu crépitait. Ethelle approuva la décoration de la pièce, qui était de bon goût et pas trop chargée. Nicolas Merryweather se montra un hôte délicieux avec ses trois invités. Il ne se moqua pas de Clay qui ne connaissait rien aux alcools prisés. L’ancien Faucheux qui était mal à son aise au début, se trouva rapidement détendu par la frimousse sympathique de leur chaleureux hôte. En compagnie de Simon – qui, lui, paraissait en connaître un rayon – Merryweather commença à faire son éducation en la matière. Ethelle se contenta d’émettre quelques commentaires par ci par là. A la vérité, elle ne connaissait pas grand chose dans ce domaine et se contentait, la plupart du temps, de boire tout ce qu’on lui proposait.

Les discussions apéritives portèrent non seulement sur l’alcool, mais aussi sur l’archéologie. Ou, pour être plus précis, sur la partie exploration. Nicolas paraissait passionné par tous ce que ses invités lui racontaient. Il interrogea longuement Simon sur le matériel qu’il utilisait et à quelles fins. Ils continuaient encore leur discussion à propos d’équipements lorsqu’ils passèrent à table, dans la salle à manger. Celle-ci, qui servait à l’occasion de salle de réception, était assez fastueuse et Clay en fut impressionné. La table était tellement gigantesque qu’elle avait été dressée sur une partie seulement, afin que les convives ne se retrouvent pas séparés par des mètres de table vide, ce qui aurait gêné les conversations.

« Et comment vous êtes-vous tous rencontrés ? S’enquit à un moment du repas Nicolas.
– C’est une excellente question ! S’exclama l’archéologue en se tournant vers Clay et Ethelle. Vous êtes arrivés dans mon wagon tous les deux, mais je ne sais pas comment vous avez eu l’occasion d’être en contact l’un avec l’autre !
– Ils sont entrés chez vous ? S’étonna Merryweather. Comment cela ?
– Oh, un peu par hasard, supposa Simon sans attendre de réponse de la part de ses deux apprentis-explorateurs. Ils ne paraissaient pas avoir de plan très définis quand ils ont fait irruption chez moi.
– Nous cherchions juste un endroit où dormir, expliqua Clay.
– Oui, et pas trop exposé aux intempéries, ajouta Ethelle.
– Et monsieur Derrington vous aurait accueillis sans vous poser de question ? Continua Nicolas.
– Tout à fait, confirma la jeune femme. Monsieur Derrington semble être une personne très généreuse et dépourvue d’inquiétude face aux étrangers. »

Simon se mit à rire joyeusement. « Voyons, mademoiselle Morton, n’exagérons rien ! Je vous avais rencontrée un peu plus tôt au Parlement ; vous ne m’étiez pas totalement inconnue.
– C’est vrai, concéda Ethelle avec un sourire.
– Au Parlement ? Reprit Merryweather sur le ton de celui qui voulait en savoir plus.
– Oui oui, confirma l’archéologue. J’avais rendez-vous avec madame (Avait-elle un nom ?) pour l’entretenir de sujets d’importances qui me tenaient à cœur. Malheureusement, elle m’a pris pour un olibrius et m’a jeté dehors comme un malpropre. C’est là que j’ai vu la jeune Ethelle, qui patientait dans le salon d’attente. Nous avons un peu discuté – je dois dire qu’elle m’inspirait confiance – et puis elle m’a faussé compagnie pour se rendre dans le bureau du Comte Clayton.
– Une rencontre fortuite, en somme, résuma Nicolas. Et vous deux ? Comment vous êtes-vous rencontrés ?
– Nous avons fait connaissance au parc des Deux Ormes, raconta brièvement la rouquine.
– Allons allons, mademoiselle Morton, la gourmanda son hôte en riant. Je suis certain qu’il y a bien plus que cela à dire sur votre rencontre !
– On ne peut rien vous cacher, minauda Ethelle. En effet, nous nous sommes rencontrés de manière banale au parc des Deux Ormes, mais nous en avons fui l’incendie ensemble. Ce qui est, il faut bien l’avouer, un peu moins banal.
– Oh oui, renchérit Nicolas. J’ai entendu parler de cette affaire. Un pâté de maisons a été touché par le feu ; les pompiers ont eu fort à faire ! Et vous vous êtes retrouvée au milieu de tout cela ? C’est vraiment terrible. »

Il paraissait vraiment compatissant et le cœur de la jeune femme se remplit de gratitude. « Il serait tout de même plus juste de dire que je lui ai sauvé la vie, pérora Clay.
– Je n’en doute pas une seconde, s’exclama Merryweather avec enthousiasme. Vous paraissez être une personne courageuse et je vous vois tout à fait comme un héros.
– N’exagérons rien, pouffa l’ancien Faucheux d’un petit rire gêné.
– Et vous, reprit Simon qui préférait prendre la parole assez régulièrement ? Comment avez-vous rencontré la jeune mademoiselle Morton ?
– Oh, s’illumina Nicolas. Nous n’avons pas fait connaissance de manière très originale. En réalité, nous n’avions pas vraiment fait connaissance avant que je la croise à la papeterie tout à l’heure.
– Ah bon ? Mais comment la connaissiez-vous dans ce cas ? S’étonna Clay.
– Lorsque nous étions enfants, nous avons tous les deux participé aux réceptions du Comte Clayton. Et à l’époque, tout le monde connaissait mademoiselle Morton : elle a toujours été facilement repérable avec sa chevelure de feu. Mais qu’elle était intimidante ! Je n’ai pas honte de le dire : j’ai instantanément été subjugué dès que je l’ai vue.
– Et vous, avez-vous aussi été subjuguée par ce jeune gentilhomme ? S’enquit Clay auprès d’Ethelle avec une pointe de taquinerie.
– Pas vraiment lors des soirées du Comte Clayton, je l’avoue. Je ne savais même pas qu’il existait, à l’époque, déclara la jeune femme avec humilité. Mais lors de notre rencontre de tout à l’heure, j’ai été subjuguée par son amabilité. »

La rouquine passa sous silence le passage où le Comte lui avait organisé une rencontre avec Merryweather en vue d’un mariage potentiel. Elle ne savait plus trop quoi penser de tout cela, en réalité. Après avoir passé des moments délicieux avec le jeune homme, elle se disait qu’elle aurait pu tomber plus mal. De plus, comme il ne semblait pas s’offusquer du scandale de son père, elle se demandait si ce serait une bonne idée de songer à l’éventualité d’une union avec lui. Elle fut tirée de ses pensées par la suite de la conversation. « Je fais de mon mieux pour me montrer le plus agréable possible, assura Nicolas à l’assemblée. Je pense que c’est important.
– Je suis on ne peut plus d’accord avec vous, approuva Simon à grand renfort de hochements de tête. C’est important de se montrer aimable. Malheureusement, tout le monde n’est pas de notre avis ! Notamment, il faut bien le dire, dès que je commence à parler de l’invasion du surnaturel, rares sont les personnes qui restent agréables à mon égard. Et je le déplore ! »

La conversation continua quelque peu sur ce mode, avant de dériver de nouveau doucement vers le sujet de l’archéologie. Nicolas s’enquit du lien entre le surnaturel et les recherches de Simon. Ce dernier lui expliqua ce qu’il avait découvert à propos de la disparition de cette merveilleuse civilisation, plus avancée que la leur, qui avait entièrement disparu et ce, certainement à cause de l’invasion de fées, banshees, dragons, licornes, fantômes et autres créatures ou causes surnaturelles à effets plus ou moins cataclysmiques. Le jeune Merryweather lui confessa son soulagement de voir une personne oser parler de ces choses là. Lui-même avait été témoin de certaines choses qu’il n’avait pu expliquer et qu’il n’avait osé aborder avec qui que ce soit, de peur d’être pris pour un fou. Déjà qu’en règle générale, il passait pour un excentrique, leur avoua-t-il. Si il commençait à parler de magie, nul doute qu’il se retrouverait enfermé dans une maison de fous.

« Vous ? Un excentrique ? S’exclama ingénument Clay.
– Cela semble vous étonner, nota Nicolas.
– Oh oui, je vous prenais pour un exemple de gentilhommerie.
– C’est fort aimable à vous de me dire quelque chose d’aussi gentil. Malheureusement, dans la bonne société dans laquelle j’évolue, les carcans sont très étroits et ne laissent guère place à l’imagination ou le sentiment. Par exemple, le fait que je repousse perpétuellement toutes mes prétendantes est assez mal vu. Il m’a même été reproché d’avoir refusé certains de mes partis.
– Je comprends votre problème, compatit Simon. J’ai vécu la même chose. Ma famille ne m’a jamais pardonné d’être devenu un vulgaire archéologue ! J’ai même failli être renié.
– Je comprends également… » Intervint amèrement Ethelle, sans pour autant s’étendre sur tout ce qu’elle avait subi depuis le scandale autour de son père. Elle n’avait pas envie d’aborder le sujet, ni qu’on lui pose des questions qui lui feraient revivre des évènements qu’elle préférait oublier.

« Et bah… Lança Clay. Moi qui pensait que vous autres, gens aisés, aviez des vies toutes roses. Mais vous avez plein de problèmes que vous vous créez vous-mêmes entre gens de la haute société, en fait, n’est ce pas ?
– Je pense que c’est une bonne vision des choses, pouffa Nicolas. Mais je ne suis pas à plaindre, pour ma part. Cela ne m’empêche pas de faire quoique ce soit que j’ai envie de faire. Qu’avez-vous donc eu comme problèmes de votre côté ?
– Oh, ne pas mourir de faim, ne pas dormir dehors, ne pas se faire attraper lorsque l’on mange ce que l’on ne devrait pas et que l’on dort là où il ne faut pas…
– Je vois, les considérations sont plus terres à terres, bien évidemment, acquiesça Merryweather. Quelque part, ce doit être plus sain.
– Si l’on veut, temporisa Clay. Cela ne nous donne quand même pas beaucoup l’occasion de nous élever l’esprit. J’ai appris une foule de choses intéressantes depuis que je voyage avec Simon et Ethelle. Je n’en aurais jamais eu l’occasion sinon. Dessiner par exemple. Je ne savais pas que j’en étais capable. Bien sûr, au début mes esquisses étaient très moyennes, mais plus je dessine, plus j’arrive à faire les choses correctement. »

Ils méditèrent silencieusement sur la question tandis que des domestiques débarrassaient leurs assiettes et préparaient la table pour le dessert. « Vous paraissez vivre des choses tellement passionnantes, tous les trois, soupira Nicolas avec envie. J’aimerais vraiment venir visiter cette merveilleuse bibliothèque antique et hantée avec vous !
– Malheureusement, elle n’est pas encore visitable, refusa discrètement Simon. De telles ruines sont extrêmement dangereuses et il faut être un archéologue aguerri pour pouvoir évoluer à l’intérieur en toute sécurité.
– Ces deux là seraient donc des archéologues aguerris ? Pointa suspicieusement Merryweather sans se départir de son aimable sourire.
– Tout à fait, acquiesça Derrington avec aplomb. Avant de les emmener, je leur ai fait subir un entraînement intensif ! » Bien sûr, l’archéologue prit bien garde de ne pas mentionner en quoi avait consisté l’entraînement. Percevant la réticence qu’avait Simon à propos d’autres visiteurs dans la bibliothèque, Clay et Ethelle n’intervinrent pas. L’un comme l’autre estimait qu’il s’agissait de l’attitude la plus prudente. Ils n’avaient aucune envie de vexer ni l’archéologue, ni leur aimable hôte.

 

 

1984 mots pour aujourd’hui ! C’est plutôt fantastique pour un mercredi !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 22

Ils profitèrent d’ailleurs d’une de leurs sorties, au bout de nombreux jours (penser à faire un calendrier) pour faire un aller-retour en ville. Ils avaient besoin de ravitaillement en terme de nourriture, principalement. Et d’eau, aussi, car Ethelle insistait pour que tout le monde fasse un minimum de toilette, pour éviter trop d’odeurs corporelles.

Comme ils avaient bien travaillé durant ces derniers jours, ils décidèrent même de s’octroyer tout un petit séjour vacancier pour se reposer. Ils commencèrent par faire un petit saut au wagon-habitation qui était toujours sagement garé sur sa voie. La rouquine en profita pour user de la petite baignoire. Pendant ce temps, Simon fit découvrir les joies du bon whisky à Clay. Une fois qu’ils eurent terminé de se reposer, bain et sieste à l’appui, ils prirent le parti de se rendre en ville afin de faire quelques emplettes de ce qu’ils estimaient leur manquer pour leur séjour en antiquité. Les trois explorateurs se séparèrent pour faire tranquillement leurs achats chacun de leur côté. Simon avait attribué à tout le monde une petite somme afin qu’ils en fassent ce qu’il leur chantait. Toute guillerette, Ethelle se rendit joyeusement dans les rues citadines, bien décidée à trouver entre autre chose de quoi s’attacher correctement les cheveux qu’elle avait du mal à discipliner tandis qu’elle travaillait sur des documents de la bibliothèque. L’archéologue s’était montré généreux envers eux – la rouquine se demandait d’ailleurs d’où lui venait autant d’argent – et la jeune femme comptait bien en profiter. Notamment, comme Clay et elle avaient bien entamé la provision de carnets de Simon, l’un en dessinant et l’autre en écrivant, Ethelle commença par se rendre dans une papeterie.

La vendeuse l’accueillit aimablement et la laissa visiter le contenu de la boutique. Absorbée par l’étude des cahiers et des plumes, la jeune femme ignorait les allées et venues des autres visiteurs. Lorsque l’un d’entre eux l’interpella, elle sursauta. « Mademoiselle Morton ! Quelle surprise de vous trouver ici ! » La jeune femme se tourna dans la direction de son interlocuteur. Il s’agissait clairement d’un jeune homme de la bonne société ; le genre de personne qu’elle fréquentait auparavant. Environ aussi grand que Clay, il avait une chevelure blonde soignée et des yeux pétillants. Mais elle ne parvenait pas à se souvenir de celui-là. Elle lui offrit néanmoins un sourire poli, surprise qu’il s’abaisse à aborder la fille d’un homme à la réputation déchue. Après tout, tous ses soi-disant amis lui avaient tourné le dos, alors qu’un inconnu lui adresse ainsi la parole était inattendu. « Je comprends que vous soyez surprise de me voir ici, reprit le jeune homme. Ma famille possède une maison de campagne dans les environs. Cela fait un peu loin, je vous l’accorde, mais c’est tout de même agréable et le terrain est charmant. Vous devriez venir un de ces jours ! »

Ethelle resta interdite, un sourire automatique plaqué sur sa figure. Elle avait beau réfléchir, elle ne se souvenait pas où elle avait bien pu rencontrer ce jeune homme. Comme ce dernier restait planté là, ravi de la rencontre, en attendant visiblement une réaction de sa part, elle capitula face à son manque de souvenirs. « Je suis vraiment désolée, s’excusa-t-elle. Mais je ne me souviens pas où nous nous sommes rencontrés, cher monsieur.
– Oh, oui, suis-je bête, vous ne devez même pas vous souvenir de moi, réalisa l’étrange jeune homme qui lui adressa une gracieuse révérence. Je suis Nicolas Merryweather, mademoiselle Morton. Nous avons eu le bonheur de nous rencontrer à trois occasions, lors des réceptions du Comte Thomas Clayton.
– Vraiment ? » S’étonna la rouquine. Au vu des nouveaux éléments, elle réfléchissait à toute allure pour se remémorer, toute en étant surprise que le Nicolas Merryweather, celui-là même dont elle avait évité le rendez-vous qui aurait potentiellement mené à un mariage, la connaissait. Et il paraissait plus sympathique que ce à quoi elle s’attendait. Elle était presque déçue de ne pas s’être rendue à l’entrevue avec lui que lui avait concocté Clayton.

« Oui oui, lui assura Merryweather. Bien sûr, nous n’avions que dix ou douze ans à l’époque, cela date un peu.
– Ah, c’est donc pour cela que j’ai du mal à me remémorer.
– Je pense oui, acquiesça Nicolas. Surtout que pendant ces réceptions, nous ne nous étions pas vraiment adressés la parole.
– Ah.
– Et puis, je ne suis même pas certain que vous m’ayez vu, en fait, continua le jeune homme.
– Oh, lâcha Ethelle qui ne savait pas quoi répondre à cela.
– Quoiqu’il en soit, reprit-il, je n’ai jamais oublié votre éclatante chevelure et votre gracieux maintien et j’attendais avec impatience que nous ayons une occasion de nous retrouver de nouveau.
– Ah bon ? » Il semblait à la jeune femme qu’elle n’arrivait plus à s’exprimer autrement qu’en onomatopées. Elle ne trouvait rien d’intelligent à dire et se contentait d’écouter son interlocuteur badiner.

« C’est vrai que c’est un peu étrange d’avouer ce genre de chose, confessa-t-il avec un petit rire nerveux. Il me semblait que le Comte Clayton nous avait arrangé une entrevue, mais vous n’y êtes jamais apparue.
– Oh, oui, se souvint la rouquine. Je suis sincèrement désolée pour ce manquement. J’ai eu quelques… Contretemps, dirons-nous.
– Ce n’est pas grave, ne vous inquiétez pas pour cela, lui assura vivement Nicolas. Je suis content de vous croiser maintenant, dans une ambiance plus informelle.
– J’en suis également enchantée, déclara Ethelle en réalisant qu’il s’agissait de la vérité. Je me suis toujours demandée comment se serait déroulé notre rendez-vous.
– Et moi donc ! » Le jeune Merryweather paraissait avoir des réactions bien plus naturelles que les autres jeunes hommes de bonne famille qu’elle avait eu l’occasion de côtoyer. La rouquine le trouvait agréable et, par certains côtés, attendrissant. Elle commençait à vraiment regretter d’avoir manqué cette entrevue.

« Oh ! S’exclama Nicolas. J’ai failli oublier de vous demander, mais que faites-vous par ici ?
– Euh… Hésita Ethelle. Comme j’ai perdu ma fortune, j’ai du me tourner vers d’autres activités. Je suis actuellement en train d’assister à des fouilles archéologiques.
– Ca semble terriblement intéressant, s’émerveilla le jeune homme. Je savais que vous étiez une personne fascinante ! Vu votre accoutrement, je me disais bien que vous étiez occupée à quelque chose de captivant.
– Merci, répondit-elle un peu au hasard.
– Et si je vous invitais dans la maison de campagne de mes parents ce soir ? Lui proposa Nicolas. Vous pourriez me raconter toutes ces choses fantastiques que vous avez l’air de faire !
– Oh, je, euh… Balbutia Ethelle surprise une fois de plus. C’est à dire que je suis avec deux compagnons archéologues.
– Peu importe, balaya Merryweather. Je les invite également : cela promet d’être passionnant ! »

Encore une fois, la jeune femme resta un instant interdite. Elle se reprit rapidement et accepta l’invitation, certaine que Simon et Clay ne rechigneraient pas sur l’offre. Ils convinrent d’un horaire et Nicolas donna l’adresse de la demeure de plaisance de ses parents à la rouquine. Enchantés de cette rencontre, le jeune homme accompagna Ethelle durant le restant de ses emplettes. Ils passèrent un excellent moment : Merryweather s’avéra être une personne vive et il avait beaucoup d’aisance en terme de conversation. La rouquine se surprit à lui confier plus de choses qu’elle n’en avait eu l’intention. A chaque fois, il se montra à l’écoute, acquiesça d’un air entendu aux mentions d’évènements surnaturels et jamais il ne lui adressa les airs de dégoût dont l’avaient gratifiée ses anciens amis.

Après avoir terminé ses achats, elle prit congé de Nicolas et retourna au wagon de Simon. Elle était la dernière à rentrer et les deux hommes la saluèrent chaleureusement. Ils firent tous les trois les inventaires de ce qu’ils avaient trouvé. Simon s’était équipé en corde et de quoi maintenir la stabilité des étages les plus hauts de la bibliothèque qui, plus exposés sous la cime de la colline qui la recouvrait, s’étaient avérés un peu plus fragiles. Clay avait fait des provisions tant de nourriture que de quoi les éclairer. Il trouvait l’obscurité totale de la bibliothèque pesante et tenait à l’éclairer mieux pour la rendre moins effrayante. Elle ne le dit pas tout haut, mais Ethelle supposait qu’à défaut d’éviter les apparitions fantomatiques, la lumière les rendrait moins terrorisantes pour le jeune homme. Quant à elle, elle leur montra sa provision de carnets, de crayons et ce qu’elle avait prévu pour leur assurer une meilleure hygiène durant leurs fouilles. Elle passa rapidement sur ce qu’elle avait acheté en terme d’outils pour maîtriser sa chevelure indisciplinée, se disant que cela ne devait pas les intéresser.

Ceci fait, elle les informa de l’invitation de Nicolas Merryweather. L’archéologue se montra positivement enchanté de cette perspective, en témoignèrent ses applaudissements enthousiastes. « Ah ! Voilà bien longtemps que je n’ai plus eu l’occasion d’avoir été invité où que ce soit, se réjouit-il. Votre ami m’a l’air d’être une personne qui a le cœur sur la main.
– Certainement, approuva Ethelle qui avait eu le temps d’en être convaincue pendant le temps qu’elle avait passé avec lui. Qu’en pensez-vous, Clay ?
– Je… Hésita-t-il d’un air gêné. Je ne suis pas vraiment fait pour les réceptions mondaines, n’est ce pas ?
– Ne vous en faites pas pour quelque chose d’aussi trivial, répartit vivement Simon en coupant la parole à la jeune femme. Tout le monde est aussi mal à l’aise les uns que les autres durant ce genre de soirées. Le jeu, c’est d’être celui qui parait le plus à l’aise ! »

Clay parut considérer les propos de l’archéologue et se détendre un peu. Il esquissa un sourire et lança : « Très bien, dans ce cas, allons à cette petite fête ! Je suis impatient de voir comment vous autres, de la haute, savez recevoir.
– Nous ne sommes pas du tout vêtus en conséquence, s’inquiéta soudainement Ethelle.
– Ne vous inquiétez pas pour cela non plus, balaya de nouveau l’archéologue. Ce Merryweather veut voir des explorateurs ! Nous allons lui montrer ce qu’est un explorateur et confirmer tous les mystérieux mythes qui tournent autour. Ce sera un excellent moyen de lui faire passer une bonne soirée et, par là même, de le remercier pour sa généreuse invitation. » La rouquine réfléchit un instant et, voyant que Clay paraissait enthousiaste à cette perspective, elle se rangea à l’idée de Simon. Après tout, Nicolas avait semblé émerveillé de la voir devenir archéologue et l’avait même complimentée sur sa tenue d’exploratrice.

Bien sûr, le soir arriva rapidement. Prenant la voiture mécanique qu’ils avaient loué pour se rendre jusqu’au site de la bibliothèque antique, ils conduisirent jusqu’à la maison de campagne des Merryweather.

 

 

1779 mots pour aujourd’hui, on y croit : on va continuer de prendre de l’avance ^^

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 21

En guise de souper, il s’était juste contenté de réchauffer l’un des plats qu’il avait emporté de la ville où était garée sa maison voyageuse. Mais cela leur parut, à tous, festif. Clay n’était pas difficile et Ethelle avait appris à ne plus faire la fine bouche. C’est ainsi qu’un pique nique peu goûteux, mais très nourrissant il fallait bien l’admettre, leur donna l’impression d’être un festin de fins gourmets. « Pensez-vous que nous pourrions essayer de goûter de la nourriture antique issue du placard à provisions ? Suggéra l’ancien Faucheux dans son élan.
– Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondit la rouquine.
– Malgré le fait que j’aimerais vraiment goûter la cuisine de cette civilisation, qui doit être merveilleusement divine, je pense que notre demoiselle parle sagement, déplora Simon. Même si nous trouvions des fragments de nourriture dans les emballages de cet étrange placard, elle serait impropre à la consommation, j’en ai bien peur.
– Quel dommage. » Soupira le jeune homme.

Ils discutèrent encore un peu de leurs découvertes. Puis, l’archéologue sortit de leurs bagages ce qu’il appelait des lits de poche, car ils ressemblaient à une poche dans laquelle se blottir. Puisqu’ils ne tenaient pas, à proprement parler, dans une poche, Ethelle avait suggéré de les nommer des lits de voyage, plutôt. Mais Simon préférait son nom, même si Clay s’était prononcé en faveur de l’avis de la jeune femme. D’humeur guillerette, les deux jeunes gens échangèrent un regard complice et, d’un accord tacite, convinrent de nommer définitivement leurs couches des lits de voyage. Ils réalisèrent, à leur grand amusement, que cela faisait ronchonner l’archéologue et en profitèrent comme des enfants facétieux. Le sommeil et les émotions de la journée les rappelèrent bientôt à leur fatigue et ils se coulèrent avec délectation dans les lits. Ceux-ci étaient même un peu renflés au niveau de la tête, en guise d’oreiller de fortune. Ce n’était pas, à proprement parler, un véritable lit confortable comme Ethelle en avait eu l’habitude dans son autre vie. Mais comme couche temporaire pendant un voyage éprouvant physiquement et moralement, cela faisait amplement l’affaire.

La rouquine fut réveillée dans son sommeil. Simon dormait comme un bébé, mais elle sentit que Clay venait d’approcher son lit de poche du sien à elle. « Que faites-vous ? » Lui chuchota-t-elle. Le jeune homme ne lui répondit pas, mais désigna le placard à provisions antique. Ethelle réalisa alors que l’obscurité n’était pas totale. Plusieurs lueurs fantomatiques se tenaient à côté de la grande boîte métallique. Sa vue s’accommodant, la jeune femme se rendit compte qu’il s’agissait d’images de trois personnes regroupées autour de l’armoire antique. Elles paraissaient discuter et rire ensemble et l’une d’entre elle inséra quelque chose sur le côté de la boîte, avant de se pencher vers le bas de celle-ci pour en sortir une bouteille. L’apparition fantomatique disparut aussitôt.

Ethelle, le cœur battant la chamade, se concentra sur les propos que Simon avait tenu un peu plus tôt, selon lesquels ces fantômes ne leur feraient pas de mal, qu’il ne s’agissait que de souvenirs de scènes passées. « Ils sont partis, souffla Clay dont le soulagement était perceptible. Ils m’ont collé une de ces frousses…
– A moi aussi, avoua la rouquine. J’aurais préféré ne pas me réveiller, je vais avoir un mal fou à me rendormir après une chose pareille !
– Je suis désolé, s’excusa le jeune homme. Ce n’était pas le but. C’est juste que je n’avais pas envie de rester tout seul face à cette apparition.
– Hum, je comprends, finit par dire Ethelle. Mais ce n’est pas très convenable.
– Alors ça, ça m’est complètement égal. » Clay se blottit de nouveau dans son lit de poche qu’il avait amené tout près de celui de la jeune femme. Cette dernière décida que, malgré la situation inconvenante aux yeux de la bonne société, la présence de l’ancien Faucheux la rassurait. Même en sachant que ces fantômes étaient inoffensifs, elle n’arrivait pas à s’empêcher de rester tétanisée en les voyant.

La rouquine se coucha de nouveau, à son tour, imitant son compagnon, qu’elle sentait tourné dans sa direction. Toujours un peu inquiets dans l’obscurité totale qu’ils craignaient de voir s’éclairer d’une soudaine apparition spectrale, les deux jeunes gens entamèrent une conversation. Ils chuchotèrent, afin de ne pas réveiller l’archéologue, pendant longtemps. Ils devisèrent de sujets très divers : de leur ancienne vie, de leurs découverte, de Simon, de ce qu’ils ressentaient sur tout ce qu’ils avaient vécu et de bien d’autres choses encore. Rassurés par la présence l’un de l’autre, ils finirent par s’endormir côte à côte, sans avoir aucunement l’impression qu’ils faisaient quelque chose d’inconvenant. Si d’autres spectres avaient fait leur silencieuse apparition, ils ne s’en trouvèrent pas dérangés, dormant paisiblement le reste de la nuit.

Les jours suivants, les trois explorateurs entreprirent de visiter, d’inventorier, de dépoussiérer, de recopier certaines choses qui menaçaient de se perdre et moult autres tâches. Comme Simon avait emmené une immense réserve de carnets, il en céda volontiers un ou deux à Ethelle pour son usage personnel. Il accepta également de lui enseigner ce qu’il pouvait de la langue de cette civilisation disparue. Très motivée, la jeune femme acquis rapidement suffisamment de rudiments pour déchiffrer toute seule quelques écrits qu’elle trouvait dans la bibliothèque. Et, comme elle s’entraînait sans cesse, elle finit par en comprendre de plus en plus toute seule. Cela lui permettait de seconder l’archéologue dans la compréhension de ces personnes disparues et ils avançaient petit à petit à cerner ce qu’ils étudiaient dans cette bibliothèque, qui servait également de lieu d’étude et de travail.

Clay, quant à lui, n’essaya pas d’apprendre à lire cette langue morte. Il ne savait déjà pas lire du tout. Mais il avait une bonne mémoire photographique et il retint quelques mots qui surmontaient les portes. Cela lui permit d’évoluer au sein du bâtiment tout seul, tout en restant précis sur les endroits où il s’était rendu lorsqu’il rapportait ce qu’il avait vu à ses compagnons. Il avait également réalisé qu’il avait un bon coup de crayon et, depuis, faisait des croquis de tout ce qui l’intriguait. Bien sûr, ils ne pouvaient pas rester trop longtemps dans l’obscurité. Tous les deux jours environ, ils faisaient une petite expédition de sortie dans la clairière qui bordait l’entrée de la faille menant à la bibliothèque. Ils profitaient d’un bon bol d’air et vérifiaient que la voiture qu’ils avaient abandonnée là fonctionnait toujours et qu’elle ne souffrait pas trop des intempéries. Les deux jeunes gens avaient tendance à perdre un peu la notion du temps, mais Simon tenait un calendrier scrupuleux du temps qu’ils passaient à explorer l’imposant bâtiment. Il leur expliqua qu’il n’avait pas du tout aimé ne plus savoir où il en était la dernière fois. Il ne savait plus si il avait passé des jours, des mois ou des années à visiter la bibliothèque. C’est pour cela qu’il s’était équipé en conséquence cette fois-ci.

 

 

1155 petits mots aujourd’hui, mais j’avais pris de l’avance exprès ! Ca sera plus efficace demain ^^

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 20

Surtout avec quelqu’un d’aussi éparpillé que Simon. Pour le moment, celui-ci paraissait être plongé dans une intense réflexion. Comme cela ne changerait plus rien désormais, la rouquine rabaissa le levier. « Bon bon bon, émit l’archéologue. Il faut que je prenne quelques notes pour ne rien oublier. » Il s’assit sur les marches pour griffonner furieusement dans son carnet. Ethelle en profita pour redescendre vers la porte par laquelle ils étaient entrés. Clay la suivit avec sa lanterne. Une fois qu’ils se retrouvèrent dans le couloir avec toutes les portes, le jeune homme lança :

« Ne trouvez-vous pas cela étrange que nous n’ayons trouvé personne ?
– Non, ils sont morts, répondit la rouquine.
– Oui, non mais je sais cela, s’irrita un peu l’ancien Faucheux. Je ne suis pas totalement stupide. Je demandais pourquoi nous ne trouvons pas de corps ?
– Ils ont du se décomposer, proposa la jeune femme en haussant les épaules.
– Ah ? Je croyais que les conditions de conservation étaient exceptionnelles. Tout le mobilier est encore là, jusqu’à des objets insignifiants comme des balais. Sans compter que nous avons réussi à faire fonctionner une machine plusieurs milliers après ! Nous devrions au moins trouver des morceaux de squelettes, ne pensez-vous pas ?
– Je ne sais pas, s’irrita la jeune femme à son tour un peu vexée de ne pas avoir eu l’idée la première. C’est vrai que c’est étrange. Mais je n’ai pas d’explication. »

Même si elle était déçue de ne pas avoir songé aux cadavres plus tôt, Ethelle songea qu’elle préférait qu’il en soit ainsi. La bibliothèque fantôme, bien que très intéressante, aurait été complètement lugubre avec des corps éparpillés ça et là dans la poussière millénaire environnante. Elle frissonna et secoua la tête pour enlever les images morbides qu’elle avait dans la tête. « Et nous ouvrions d’autres portes ? Proposa-t-elle à son compagnon.
– Excellente idée ! » Se réjouit Clay. Grâce à l’appui offert par le jeune homme, elle prit sur elle d’abaisser la poignée de la porte située en face de celle de l’amphithéâtre. A sa grande déception, elle ne s’ouvrit pas.

« Tiens moi ça, lui enjoignit l’ancien Faucheux en lui tendant la lanterne. Je suis un expert en terme d’ouverture de portes.
– Même des portes d’une civilisation avancée disparue ? Se moqua Ethelle.
– Elles restent des portes, je devrais y arriver. » Décréta-t-il. Tout en s’emparant de petits crochets dans sa poche, il commença par essayer d’ouvrir la porte de manière conventionnelle. Comme sa compagne n’avait pas réussi, il poussa de toutes ses forces. Cela n’eut aucun effet. Il se pencha vers la serrure et se mit à fouailler l’intérieur avec ses outils de crochetage. « J’espère que leurs serrures fonctionnent comme les nôtres, souffla-t-il.
– Je l’espère également. » Approuva la jeune femme qui assistait à la scène dans l’expectative. Elle leva les yeux sur l’inscription au-dessus de la porte. Ne sachant la déchiffrer, la rouquine fut assaillie par une vague de frustration et elle se promit de demander à Simon de lui enseigner les rudiments de cette langue.

« Je ne sais pas trop ce que je suis en train de faire, l’informa Clay les traits tirés par la concentration. Mais je fais des choses, c’est certain. » Un cliquetis lui donna raison et la porte s’ouvrit enfin. Ethelle leva la lanterne tandis que son compagnon découvrait l’intérieur de la pièce. Les tables de la pièces étaient carrelées. Aucun des deux n’avait jamais vu de telles tables. Il y avait également des installations dont ils n’avaient aucune idée de l’utilité. Dans un angle de la salle trônait un grand tube d’un mètre de diamètre qui allait du sol au plafond. Il était rempli d’un liquide et d’une créature, visiblement morte, mais extrêmement bien conservée. « Vous vouliez voir des corps ? Ironisa la rouquine à l’intention de son compagnon. En voici un…
– Oui, acquiesça-t-il en s’approchant du tube. Mais cette chose n’est pas humaine.
– C’est le moins qu’on puisse dire, approuva la jeune femme en le suivant.
– Qu’est ce que c’est ? » La question de Clay resta en suspend.

Ils examinèrent créature avec un mélange de curiosité et de dégoût. Elle n’était pas humaine, mais avait tout de même deux bras et, si l’on exceptait la forme serpentine qui lui tenait lieu de jambes, elle pouvait passer pour un humain femelle. Elle était nue, bien sûr, et sa bouche était grande ouverte en un rictus d’effroi sur un cri silencieux. « Je ne sais pas ce que c’est, répondit finalement Ethelle. Mais… Elle semble effrayée.
– Penses-tu qu’ils lui ont fait du mal ici ?
– Peut-être, ou alors elle est morte comme ça.
– Je pense que nous sommes face à une créature surnaturelle, supposa Clay.
– C’est également mon avis, approuva la rouquine. Sinon, pourquoi aurait-elle une queue de serpent à la place des jambes ?
– Qu’avez-vous trouvé ? »

La soudaine irruption de Simon les fit sursauter et l’un comme l’autre durent se faire violence pour réprimer un cri de terreur. « Vous pourriez être un peu moins effrayant, lui reprocha Ethelle.
– Je suis désolé de vous avoir surpris, s’excusa l’archéologue avec un sourire rayonnant qui démentait quelque peu ses propos. Voyons voir ce que nous avons là… » Il examina à son tour la créature qui flottait dans le tube. « Elle est morte, conservée dans quelque chose qui doit ressembler à du formol, je suppose, déclara-t-il mécaniquement comme si il se trouvait tout seul. Regardez, sous sa chevelure, on ne peut pas voir de vraies oreilles comme les nôtres ; elles sont réduites à un petit trou… C’est tout bonnement fascinant. Une banshee.
– Une quoi ? Interrogea Ethelle qui n’avait pas compris le dernier mot.
– Une banshee, répéta Simon. Depuis que je suis venu ici et que j’ai découvert que cette merveilleuse civilisation avait eu des soucis avec des évènements surnaturels, je me suis beaucoup intéressé au folklore des régions. Encore plus qu’avant, veux-je dire, parce que je me suis toujours beaucoup intéressé à tous les folklores régionaux : je trouve cela passionnant. »

Ils restèrent tous silencieux un bref instant. « Et que font les banshees ? S’enquit Clay qui continuait de fixer la créature.
– Oh, elles informent de la mort prochaine d’un membre de la famille de la personne qui les voit hurler, expliqua brièvement l’archéologue. Elles sont annonciatrices de malheurs et celle-ci… Et bien il semblerait qu’elle ait été capturée ou tuée au beau milieu d’un cri. C’est vraiment fascinant, je n’aurais jamais cru voir une vrai banshee un jour.
– Mais comment avez-vous su qu’il s’agissait d’une banshee ? S’enquit Ethelle. Elles sont sensées avoir une queue de serpent et manquer d’oreilles ?
– Non, pas vraiment. En fait, la description physique change d’un conte à l’autre. Certains les décrivent comme de magnifiques jeunes femmes, d’autres comme des fantômes sans véritable forme et il existe beaucoup d’autres descriptions à leur sujet.
– Comment avez-vous su dans ce cas ? Demanda Clay en répétant la question de la jeune femme rousse.
– Et bien, en fait, c’est juste écrit en bas du tube, leur révéla Simon. Sur cette petite plaque de métal vissée. »

Les deux jeunes gens baissèrent la tête. Il y avait effectivement une inscription mais, comme aucun des deux ne pouvait la comprendre, ils ne s’étaient pas attardés dessus, rapidement hypnotisés par la chose inconnue flottante. « Mmmh, reprit Simon en inspectant la pièce autour d’eux. Cet endroit est étrange, je n’ai jamais rien vu de tel.
– Pensez-vous qu’ils étudiaient cette créature ici ? S’enquit l’ancien Faucheux.
– Je ne crois pas non, répondit l’archéologue. Je pense qu’elle est plutôt placée là comme un ornement.
– C’est étrange, comme ornement, commenta Ethelle qui n’aurait jamais mis une telle chose en guise de décoration chez elle. Je trouve cela un peu de mauvais goût.
– Il faut le voir plutôt comme un trophée, expliqua Simon. Et pense que cet endroit était un lieu de travail.
– Pourquoi y a-t-il de petits éviers à chacune de ces tables ? Demanda la jeune femme rousse. Et pourquoi ces tables sont-elles carrelées ?
– Ahlàlà, si seulement je savais tout cela ! Se désola l’archéologue. Il y a tellement de choses que j’ignore encore ! »

Ethelle et Clay compatissaient intérieurement avec l’homme. La compréhension de cette civilisation disparue allait demander beaucoup de travail, c’était évident. Et la vie seule de Simon risquait de ne pas suffire pour élucider tous les mystères de cette bibliothèque. « Pourquoi appelle-t-on cet endroit une bibliothèque ? S’enquit soudainement Clay. Ne sommes-nous pas sensés trouver des livres ici ?
– Oh oui, il y en a, lui assura Simon. Les étages supérieurs sont emplis de livres. Mais cette bibliothèque est un lieu de travail en général, pas seulement de lecture, loin de là. Il y a beaucoup de zones dédiées à diverses choses un peu partout.
– Ils avaient l’air tellement intelligents, s’émerveilla le jeune homme.
– Il devait y avoir des génies et des gens bêtes, comme toujours, temporisa l’archéologue avec un fin sourire. Ce qu’ils ont construit est particulièrement impressionnant et il est clair qu’ils cultivaient tout ce qui est intellectuel, mais ils n’étaient certainement pas des surhommes. Ils paraissaient en proie aux mêmes chamailleries que les humains de notre époque, de ce que j’ai pu comprendre de leurs écrits. »

L’ancien Faucheux hocha la tête, songeur. Il avait l’esprit plein de merveilles à démêler et à digérer. Cela faisait beaucoup d’information pour un seul homme. Ethelle avait moins de difficulté à ingérer toutes ces choses, même si cela lui donnait parfois le tournis. Elle essayait de s’imaginer ce que pouvait être la vie des personnes qui peuplaient cette bibliothèque autrefois. C’était un exercice difficile d’extrapoler ce que ces gens pouvaient bien faire dans cette pièce. Alors que son regard errait sur les tables carrelées, la jeune femme se figea. Des personnes translucides se tenaient à présent autour des étranges établis. Certains faisant mine d’écrire, d’autres devisaient en riant. Ils avaient l’air jeunes, environ son âge et celui de Clay, et ils étaient vêtus d’étranges vêtements. Plusieurs des jeunes femmes portaient des pantalons – ce qui ne se faisait pour elle que dans le cadre de l’équitation et de l’exploration, encore que dans ces cas son vêtement comportait quand même un jupon jusqu’aux genoux – et des corsages particulièrement évocateurs. Les jeunes hommes, quant à eux, paraissaient cultiver une attitude négligée.

Alors que la rouquine restait bouche-bée, de même que ses compagnons qui avaient tourné la tête et gardaient leurs yeux écarquillés devant le spectacle qui s’offrait à eux, une autre ombre translucide arriva de la porte par laquelle ils étaient entrés. Il s’agissait d’une femme, plus âgée que les jeunes gens de la pièce. Elle portait un étrange manteau blanc qu’elle n’avait pas boutonné et qui laissait apparaître le même type d’accoutrement que celui des jeunes femmes assises aux tables. Puis, comme les ombres étaient apparues, elles disparurent d’un coup, comme par enchantement. L’archéologue et ses deux compagnons restèrent un long moment interdits, immobiles et silencieux. Puis Clay prit une profonde inspiration et brisa le silence : « Qu’était-ce donc que cela ? Lança-t-il d’une voix un peu plus aiguë qu’à l’ordinaire.
– Une autre manifestation de la technologie antique ? » Suggéra Ethelle.

Simon ne répondit pas tout de suite. Il paraissait aussi abasourdi qu’en pleine réflexion. Finalement, en constatant que ses deux apprentis attendaient une réponse de sa part, il se reprit et déclara : « Je ne pense pas que ce que nous venons de voir ait un rapport avec la technologie de cette civilisation. Nous n’avons rien déclenché qui aurait pu produire cela. Non. Selon moi, il s’agit de ce qui a causé la destruction de cette civilisation.
– Comment donc ? S’enquit Ethelle qui n’était pas certaine de voir où l’archéologue voulait en venir.
– C’était, je pense, une manifestation de fantômes, ou quelque chose de ce genre là, tenta d’expliquer Simon.
– Vous pensez qu’il s’agissait d’une apparition surnaturelle ? Vérifia Clay.
– Oui, acquiesça l’archéologue. N’oubliez pas que nous sommes dans une phase de réapparition du surnaturel. Dans un endroit aussi chargé de souvenirs, il est normal que nous soyons confrontés à quelques spectres.
– Vous dites cela comme si ce n’était pas une perspective effrayante, lui reprocha la rouquine d’un ton accusateur.
– Parce que cela ne l’est pas, raisonna Simon avec enthousiasme et comme si cela était évident. Ce que nous avons vu était certainement juste une réminiscence d’une scène qui s’est produite il y a des milliers d’années. Nous ne risquions rien avec eux, ils n’étaient pas là. »

Les deux apprentis explorateurs restèrent de nouveau silencieux quelques instants, le temps d’intégrer les explications de monsieur Derrington. « Y a-t-il des risques que nous voyions d’autres réminiscences comme celle-ci ? Demanda finalement Ethelle.
– Tout est possible ! Eluda l’archéologue.
– Est-ce un oui ? Vérifia Clay.
– Il n’y a aucun moyen d’en être sûr, avoua finalement Simon. Mais selon moi, il y a de grandes chances pour que nous assistions à d’autres scènes fantomatiques.
– C’est une perspective un peu morbide, grommela l’ancien Faucheux.
– Oui, approuva la rouquine. Mais cela pourrait peut-être nous permettre de comprendre certaines choses sur cet endroit… Tant que cela reste inoffensif. » L’archéologue adressa à la jeune femme l’un de ses fameux sourires radieux, l’air de penser qu’elle venait enfin d’avoir eu l’illumination qu’il attendait qu’elle atteigne. Après un long instant de réflexion, Clay finit par se ranger également du point de vue qu’il pourrait être intéressant d’assister à d’autres scènes jouées par des fantômes. « Mais pas trop. » Ajouta-t-il en frottant la chair de poule sur ses bras.

Cette fois, les deux jeunes gens attendirent que Simon termine de griffonner dans son carnet au lieu de partir de nouveau explorer tous seuls. Ils avaient l’irrationnelle impression qu’en restant avec lui, ils risquaient de faire moins de mauvaises rencontres. Un peu comme si, par ses raisonnements, tout devenait moins effrayant. En jetant un coup d’œil par dessus l’épaule de l’archéologue, Ethelle put constater qu’il ne faisait pas que prendre des notes. Il gribouillait aussi des schémas et était actuellement en train de faire une esquisse de la banshee présumée qui flottait dans son tube de verre. « J’aurais bien aimé emmener un photographeur avec nous, badina-t-il en constatant que ses deux compagnons étaient très attentifs à ce qu’il faisait ou parce que le silence environnant était étouffant. Malheureusement tout est tellement sombre ici que cela n’aurait pas donné de clichés satisfaisants. C’est pour cela que, pour le moment, je dessine. Pour oublier le moins de détails possibles. »

Pour patienter, ils errèrent tout de même dans la salle, pour l’inspecter. Ils ouvrirent les placards qui se trouvèrent sous les étranges bureaux carrelés, mais ils ne trouvèrent rien qui leur évoquait quoique ce soit. Clay découvrit un récipient plein de petites boules colorées à appendice et un autre plein de petits tubes rigides. Une étrange construction leur laissa penser que les petites boules pouvaient être fixées les unes aux autres grâces au tuyaux rigides, afin de former des structures tridimensionnelles. Mais ils n’avaient aucune idée de ce que cela était sensé représenter ou à quoi cela pouvait bien servir. Evidemment, Simon trouvait tout très intéressant et décida de conserver la construction, qu’il manipula avec beaucoup de précautions, la plaça minutieusement dans une boite rembourrée qu’il rangea ensuite dans sa besace. « Il y a tellement d’objets, ici, dont je n’ai pas la moindre idée de l’utilité, soupira Clay. C’est un peu désespérant.
– Je comprends votre émoi, croyez-moi, compatit Simon. Dans ce métier, nous avons besoin d’être très patients. A force d’étude, nous finissons par élucider tout un tas de mystères ! Et c’est merveilleux, vous verrez ! »

Les paroles de l’homme excentrique et passionné firent mouche. Ses deux apprentis explorateurs récupérèrent un peu de motivation et examinèrent la salle de fond en comble, avec beaucoup de minutie. Ethelle fit la remarque que le grand tableau blanc sur le mur qui faisait face aux tables carrelées ressemblait beaucoup aux tableaux verts qu’elle avait eu dans son école de Notre Dame des Roses. En touchant sa surface, craquelée par endroits, elle estima qu’elle n’avait aucune idée de la matière dont il s’agissait, et que des craies auraient du mal à écrire dessus. Simon, qui en avait emporté, leur donna une craie pour qu’ils puissent faire un essai. Comme la jeune femme l’avait subodoré, la craie n’écrivait pas sur ce tableau là. Clay entreprit donc de chercher ce qui pourrait bien écrire sur cet objet blanc. Il trouva d’étranges tubes aux bouchons colorés et se montra certain que ces objets devaient être les craies qu’ils recherchaient. Malheureusement, les pinceaux sous les capuchons étaient secs. Ils ne purent donc pas vérifier son hypothèse.

Ils passèrent beaucoup de temps dans cette pièce à examiner le moindre objet et à en discuter passionnément. Ethelle était définitivement conquise par l’exercice. Au point qu’elle commençait à ressentir le besoin de tenir, elle aussi, un carnet pour noter ses pensées. Une fois qu’ils eurent passé la salle au peigne fin, Clay se mit à bâiller, faisant pouffer Simon. « Il est tard, effectivement, en convint l’archéologue en rangeant sa montre à gousset qu’il venait d’examiner. J’ai même entendu mon estomac gargouiller tout à l’heure. Je pense qu’il est grand temps que nous allions nous restaurer et nous reposer au camp ! » Il n’eut pas besoin de convaincre les deux jeunes gens qui étaient en train de prendre conscience de leur fatigue et de la faim qu’ils ressentaient. Les trois compères empruntèrent de nouveau le couloir, dans la direction des escaliers qui allaient les mener au rez-de-chaussée.

En arrivant dans la petite pièce qui servait, selon Simon, de zone de détente à l’époque, l’archéologue les félicita pour le ménage qu’ils y avaient fait. « Nous n’avions pas eu le temps de vous demander, puisque vous étiez déjà parti, commença Clay en désignant un énorme objet métallique rectangulaire plus grand que lui, mais savez-vous à quoi servait cette grande boîte en métal ?
– J’ai mes présomptions, oui, lui avoua l’archéologue. Voyons voir si vous en venez aux mêmes conclusions que moi. » Piquée par le défi, Ethelle s’approcha de la boite en métal sur le devant de laquelle avait été fixé un grand panneau en verre qui permettait de voir à l’intérieur. Le panneau était recouvert de poussière, mais quelqu’un en avait un peu enlevé. La rouquine supposa qu’il s’agissait de l’œuvre de Simon. Elle enleva un peu plus de poussière et examina l’intérieur.

« Ha ! s’exclama-t-elle triomphalement après quelques minutes d’observation et de réflexion. Il s’agit d’un placard à provisions !
– A quoi voyez-vous cela ? S’enquit Clay éberlué par la confiance que la jeune femme avait placé dans ses propos.
– Aux bouteilles, révéla Ethelle. Du moins, à celles qui restent. Certaines ont une forme très bizarre, mais je suis certaines que ce sont des récipients. Et au-dessus… Et bien c’est difficile à dire parce que la plupart des choses se sont désagrégées, mais ce devait être de la nourriture.
– Bravo ! Se réjouit Simon en applaudissant. J’en étais arrivé à la même conclusion ! En parlant nourriture, le repas est prêt. Venez donc profiter de notre premier souper dans cette merveilleuse bibliothèque antique. »

 

 

3204 mots pour aujourd’hui, encore de l’avance de prise !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 19

Suivant du regard les traces que Simon avait laissées lors de sa précédente visite, elle pouvait retracer tout son parcours. Comme il y avait de grandes trainées dans la poussière qui partaient dans tous les sens, Ethelle supposa qu’il s’était laissé submerger par son émerveillement et avait couru dans tous les coins pour voir le plus de choses possible. Elle fit également l’hypothèse qu’au début il avait certainement du avoir du mal à se poser à un endroit précis pour étudier plus précisément une zone donnée. Au grand soulagement de la rouquine, l’archéologue paraissait plutôt calme, en dépit du feu de l’enthousiasme qui couvait dans ses yeux. Il semblait parvenir à se maîtriser. Il en était de même pour Clay ; elle poussa un soupir de soulagement intérieur.

Ils étaient arrivé dans un grand hall. Très haut de plafond, le hall était spacieux. Un îlot trônait au centre de la pièce et, derrière, s’élevait une volée d’escalier, bordé de chaque côté par d’étranges marches en ferraille. Un autre escalier bordé, lui aussi, de marche en ferraille descendait. « Il s’agit certainement du comptoir d’accueil, lui expliqua Simon qui avait suivi le regard de la jeune femme. Je ne sais pas à quoi servaient ces… Machins. » Ajouta-t-il en désignant des poteaux en forme d’échelle qui bordaient les deux côtés de l’îlot central. « Peut-être qu’à l’époque ils étaient des portes qui empêchaient l’accès aux salles importantes, suggéra l’archéologue. Je compte bien élucider tous ces mystères. Sinon, vous pouvez voir des salles qui bordent le hall, pas très bien avec la lumière de la lanterne je vous l’accorde. Je ne sais pas à quoi servaient toutes les salles, encore. Mais l’une d’entre elle était clairement une zone de détente. Je vous propose que nous allions monter notre camp là-bas. » Ses deux compagnons acquiescèrent et entreprirent d’emmener toutes leurs affaires dans la pièce indiquée.

D’un commun accord, Clay et Ethelle décidèrent que la pièce était trop envahie de poussière pour pouvoir y dormir sans s’étouffer pendant leur sommeil. Le jeune homme ressortit de l’endroit et fureta un peu. Dans un renfoncement du grand hall, il repéra une porte dans un mur, qui pouvait passer pour un placard. Il l’ouvrit et se sentit très fier d’avoir supposé juste. Il avisa un objet qui ressemblait à un balai au manche de métal et s’en empara. Soulagé que l’objet ne se désagrège pas entre ses doigts malgré son grand âge, il l’emmena auprès de sa compagne. « C’est impressionnant, il a encore toutes ses franges, constata-t-elle.
– Je pense que c’est parce qu’elles sont faites d’un matériau… Bizarre, déclara Clay. Je ne sais pas ce que c’est, mais ça a défié le temps.
– Simon a dit que les conditions de conservation de la bibliothèque étaient exceptionnelles vu son âge, ajouta Ethelle. Il pense qu’elle a été ensevelie juste comme il faut pour que tout se conserve au mieux.
– Oui, je me souviens qu’il a dit ces choses là, acquiesça le jeune homme. J’ai du mal à m’imaginer tout ça. Comment étaient les gens qui vivaient ici par exemple.
– Ils ne vivaient pas ici, corrigea-t-elle. Si il s’agissait vraiment d’une bibliothèque, il y a fort à parier qu’ils étudiaient ou travaillaient ici.
– C’est ça, précisa-t-il. J’ai du mal à m’imaginer toutes ces choses. »

Ils échangèrent un sourire. Puis ils entreprirent d’évacuer la plus grosse partie de la poussière de l’endroit. Comme Clay n’avait trouvé qu’un balai, Ethelle s’empara d’une grosse brosse d’archéologie de Simon pour l’aider. Alors qu’ils avaient fini de se débarrasser du plus gros de la poussière, le jeune homme reprit : « Qui sait si ce que je tiens actuellement dans les mains est véritablement un balai ?
– Oh, c’est une bonne question, réalisa la rouquine. Quoiqu’il en soit, il a parfaitement réussi son office.
– Je suis en train de me demander si Simon va m’en vouloir d’avoir utilisé un artefact millénaire pour nettoyer la pièce.
– Quoi de mieux qu’un balai de plusieurs milliers d’années pour nettoyer une bibliothèque de plusieurs milliers d’années ? Ironisa Ethelle.
– Très bonne excuse ! » Pouffa son compagnon. Avisant le mobilier qui restait dans la pièce, il continua : « Je me demande si ces sièges sont confortables.
– Je ne les testerais pas, si j’étais vous, le prévint la rouquine. Ils risqueraient de se désagréger sous votre poids. » Le jeune homme acquiesça, il se disait certainement la même chose, mais cela ne l’empêchait pas de paraître déçu.

Après avoir nettoyé et installé un semblant de camp, les deux jeunes gens sortirent de la salle, lanterne en main, pour retrouver l’archéologue. Celui-ci ne se trouvait plus dans le grand hall. Lorsqu’ils l’avaient laissé, il admirait pensivement les poteaux en forme d’échelle qui se dressaient de part et d’autre de l’îlot d’accueil, les fixant intensément comme pour les faire parler. Il n’avait pas du en tirer quoi que ce soit et s’était certainement lassé, préférant explorer d’autres parties du bâtiment. Simon ne se trouvait nulle part au rez-de-chaussée, de ce qu’ils purent constater. Ils se rendirent aux grands escaliers derrière l’îlot et ses poteaux. « En haut ou en bas ? Interrogea Clay.
– Monsieur Derrington ? » Appela Ethelle. Mais l’interpellé ne répondit pas. Les deux apprentis explorateurs tendirent l’oreille, à l’affût d’un indice sur la position de l’archéologue.

« Ces traces là ont l’air plus fraîches que toutes les autres qu’il a laissées la dernière fois qu’il est venu, déclara le jeune homme en désignant des empreintes qui se dirigeaient vers le bas.
– En effet, en convint la rouquine. Descendons voir ; j’espère qu’il ne s’est pas blessé. » Ils prirent les marches qui descendaient avec précaution. Etant donné leur âge, ils craignaient qu’elles ne s’effritent sous leurs pieds. Malgré leurs craintes, ils arrivèrent à l’étage du dessous sans encombre. Clay leva haut sa lanterne pour leur permettre de voir les alentours. Le hall de cet étage disposait de dimensions plus modestes que celui du dessus et plusieurs couloirs en partaient. Examinant les traces, ils empruntèrent celui qui paraissait avoir les traces de Simon les plus fraîches. Des portes perçaient les murs de part et d’autre de ce couloir et Ethelle se demanda ce qu’elle renfermaient. Elle hésita même à arrêter de chercher l’archéologue pour ouvrir certaines d’entre elles. La crainte de faire une bêtise la retint.

« Monsieur Derrington ? Appela-t-elle. Où êtes-vous ? Ce n’est pas très aimable de votre part d’être parti explorer les lieux sans nous !
– Par ici ! » Lança joyeusement Simon. Il passa une tête dans le couloir, un peu plus loin et leur fit vivement signe de s’approcher. « Venez voir ce que j’ai trouvé ! » Soulagés d’avoir retrouvé leur excentrique archéologue, ils se précipitèrent à sa rencontre et se glissèrent dans la pièce qu’il avait ouverte. « Regardez-moi ça !
– Regarder quoi ? Demanda Clay.
– Et pourquoi cette pièce en particulier ? Compléta Ethelle intriguée.
– Oh, une intuition, balaya Simon. Mais admirez donc cette installation ! » La pièce était plus vaste que ce à quoi s’attendait la rouquine. Il s’agissait d’un petit amphithéâtre et tous les sièges étaient tournés dans leur direction. Elle se tourna et le mur, derrière elle, était blanc.

L’archéologue était déjà en train de monter à l’assaut des marches en direction d’un étrange boîtier. « On dirait un photographeur (j’avais pas déjà donné un autre nom à ça ? x) ), commenta la jeune femme.
– Tiens donc, s’étonna l’archéologue qui ouvrait précautionneusement le boîtier. Il semblerait que vous ayez raison mademoiselle ! Du moins, cet objet comporte de nombreuses similitudes. Bien sûr, je ne suis pas un spécialiste de ces appareils. Nous allons devoir étudier la question… Ah mince ! Ils ont fixé leur machine. Mmmh… » Clay s’approcha à son tour. Il examina l’objet avec attention. La machine possédait effectivement quelque chose qui ressemblait à leurs objectifs de photographeurs. Mais il avait une forme peu conventionnelle et beaucoup de choses manquaient, selon lui, qui avait eu l’occasion de longuement inspecter un de ces objets qui se trouvait sur le zeppelin de la veuve noire. Il toussota, puis expliqua :

« Je ne vois aucun des mécanismes qui permettent de le faire fonctionner. Et puis, il se trouvait dans une boîte fermée et je ne vois pas de place où se mettre en tant que photographe (?)… Etes-vous certain qu’il s’agit d’un photographeur ?
– Je ne suis certain de rien, soupira Simon. Et vos propos font sens. Moi qui était tellement content de trouver un point commun entre eux et nous…
– Avez-vous entendu parler de cette récente invention ? Intervint Ethelle. J’ai entendu dire que des gens avaient trouvé le moyen d’enregistrer des images mouvantes et non juste des images fixes.
– Est-ce vrai ? S’émerveilla Clay qui n’avait jamais entendu parler d’un tel prodige.
– Tout à fait, confirma pompeusement la jeune femme. Il se peut que cela soit ce type d’appareil.
– C’est ingénieux ce que vous dites là mademoiselle, se réjouit l’archéologue. Ce pourrait en effet être un appareil qui immortaliserait des spectacles ou des conférences ou des choses comme ça. J’ai vraiment bien fait de vous emmener avec moi, vous êtes vifs mes amis ! »

Ses deux apprentis sourirent, ravis du compliment. Ils se sentaient aussi très fiers de proposer des idées et hypothèses que l’archéologue considérait sérieusement. Ethelle faisait le tour de la pièce tandis que ses deux compagnons continuaient d’inspecter la machine. « Je ne vois toujours pas de mécanisme qui permette d’activer la machine, persista Clay.
– Cela ne m’étonne pas, soupira Simon. Et cela peut, en fait, confirmer une de mes hypothèses.
– Vraiment ? S’enquit curieusement l’ancien Faucheux.
– Oui, continua l’archéologue. Il me semble avoir compris qu’ils utilisaient une énergie autre que mécanique pour leurs appareils. Quelque chose de plus volatile.
– Comme du gaz ? Supposa Ethelle de loin.
– Mmmh, considéra Simon. Peut-être quelque chose comme cela. Mais définitivement pas de gaz. J’ai déjà vu des tuyaux, mais ils ressemblent plutôt à des câbles et des câbles pleins qui plus est ; je ne vois pas comment du gaz pourrait passer à l’intérieur. »

Les deux hommes tournèrent leur attention vers la rouquine qui s’intéressait à un étrange petit placard accroché à un mur près d’une des portes du haut de l’amphithéâtre. Elle l’ouvrit et il grinça sur ses gonds. A l’intérieur, la jeune femme aperçut plusieurs boutons et un gros levier. Elle ne put déchiffrer ce qu’il y avait d’écrit à côté de chacun des boutons ni des deux positions possibles du levier. Grisée par la curiosité contagieuse de ses compagnons, elle saisit le levier et tenta de le lever. Ce fut tellement difficile qu’elle dut y mettre les deux mains et, enfin, il se débloqua d’un coup sur un bruit affreux, tenant à la fois du craquement et du grincement. En réponse, de faibles lumières vertes et sourdes s’allumèrent au-dessus des portes, l’appareil au-dessus lequel se tenaient Clay et Simon se mit à ronronner et des grésillements provenant de petites boîtiers à grilles en haut des murs se firent entendre. Les trois explorateurs étaient subjugués tant cela semblait à la fois merveilleux et effrayant.

Une image s’afficha soudain sur le mur blanc en face du mystérieux appareil, en bas de l’amphithéâtre. D’après le faisceau lumineux qui jaillissait de l’objectif de l’appareil, les explorateurs déduisirent que c’était lui qui produisait l’image. Il s’agissait d’un texte qui clignota plusieurs fois avant de rester stable. « Qu’est ce que cela signifie ? Demanda Ethelle la gorge nouée.
– Je n’en suis pas entièrement certain, hésita l’archéologue. Il est clair qu’il s’agit d’un message de mise en garde.
– Sommes-nous en danger ? S’inquiéta Clay.
– Non non, je ne pense pas, le rassura Simon. Je dirais que ça parle de faibles ressources d’énergie qui risquent de bientôt s’éteindre. Et il y a quelque chose à propos d’un système de secours qu’il faut… Lancer ? Brancher ? Si l’on veut continuer à profiter de l’installation. »

Sans aucun signe avant-coureur, tout se coupa. Le silence et l’obscurité revinrent. « Je crois que les ressources d’énergie, quelles qu’elles soient, sont épuisées, commenta platement Simon.
– C’était impressionnant, déclara Ethelle qui avait été époustouflée par cette démonstration. Je n’en reviens pas !
– On aurait dit de la magie, renchérit Clay. Pensez-vous que nous puissions trouver ce système de secours ?
– Je ne sais pas, avoua l’archéologue en se mâchouillant pensivement la lèvre inférieure. Ce que je sais, en revanche, c’est que ce que nous venons de vivre confirme que ma découverte est colossale !
– Si nous découvrons comment cette civilisation faisait fonctionner toutes ces choses, appuya la rouquine, cela pourrait même changer la face du monde.
– Wow, lâcha Clay. Je ne pensais pas prendre part à quelque chose d’aussi important un jour… C’est… C’est complètement fou ! »

Les trois explorateurs restèrent un moment à digérer ce qu’ils venaient de vivre. « Comment des gens qui pouvaient réussir à faire des choses aussi merveilleuses ont-ils pu disparaître ? Lança l’ancien Faucheux. Je n’arrive pas à le concevoir !
– Les créatures surnaturelles, rappela Ethelle. Ils n’ont rien pu faire comme la magie, si ce que Simon nous a dit était exact.
– Oui, confirma l’archéologue tout aussi pensif que ses deux compagnons. C’est effectivement ce qu’il m’a semblé comprendre dans ce que j’ai lu. Enfin, ce n’était pas aussi clair que cela, bien sûr. Disons que j’ai trouvé beaucoup de documents qui parlaient du problème récurrent de l’apparition de choses surnaturelles. Et aussi qu’ils avaient découvert comment enrayer cela, mais que d’aucuns s’inquiétaient que des factions cherchent à détruire leur monde en sabotant ce dispositif. J’ai mis des mois à découvrir tout cela !
– Des mois ? S’étonna Clay. Mais combien de temps avez-vous donc passé ici ?
– Plusieurs mois, répondit évasivement Simon. Il y a tellement de choses à découvrir ici ! Et puis, il a d’abord fallu que j’apprenne comment déchiffrer la langue avant de pouvoir essayer de décrypter tout ce savoir ! »

Pour Ethelle, abattre autant de travail tout seul devait plutôt nécessiter plusieurs années.

 

 

2340 mots pour aujourd’hui, je commence même à prendre de l’avance dis-donc !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 18

Le train ne s’était pas encore arrêté que Simon sortit de sa maison pour sauter lestement sur le quai, afin de bien vérifier que la gare avait bien reçu son télégramme qu’il avait envoyé de Covempton à propos du stockage de son wagon-appartement. L’archéologue ne revint pas tout de suite, mais les deux jeunes gens perçurent des vibrations dans le sol de la voiture, puis celle-ci s’ébranla de nouveau, en arrière cette fois. Cela dura peu de temps : le wagon tourna et se retrouva rapidement rangé sur une voie de garage. L’archéologue fit de nouveau irruption, souriant comme à son habitude. « Tout va bien, leur assura-t-il. Ils garderont ma maisonnette au chaud pendant que nous partons en expédition. » Les deux jeunes gens acquiescèrent de concert. Ils passèrent la suite et la fin de leur soirée à préparer du matériel tout en discutant ensemble de choses et d’autres et, notamment, de ce qu’ils risquaient de trouver dans la bibliothèque. En vue de leur future journée de labeur, ils partirent tous trois se coucher très tôt.

 

Bien équipés, les trois explorateurs se rendirent à AllMobile, une petite société qui louait tout un tas de moyens de transport. Les alentours de cette ville étaient très touristiques, avec son lac aux eaux claires, ses ruines historiques et ses randonnées montagnardes. AllMobile était donc une petite affaire plutôt prospère. Simon jeta son dévolu sur ce que le loueur appelait pompeusement une mécamobile. Il régla et signa quelques papiers, puis les trois posèrent toutes leurs affaires dans le véhicule. Ils montèrent aussitôt en voiture et l’archéologue se mit vivement au volant. Ethelle put remarquer qu’il conduisait plutôt bien pour quelqu’un d’apparence aussi éparpillée. Il les mena d’abord acheter de quoi pique-niquer pendant l’expédition avant de se mettre véritablement en route.
(Insérer une péripétie incluant NM ?)

En quittant la ville, ils décapotèrent la voiture, pour profiter au mieux du voyage. Clay, à qui ils avaient laissé toute la banquette arrière, était penché vers l’extérieur pour mieux sentir l’air fouetter son visage. Il rappela à Ethelle les chiens de ses amis qui agissaient de même dès qu’ils montaient en voiture, enthousiasmés par le voyage et le vent dans leur truffe. Simon les emmena très loin dans la nature. Il n’y avait même plus de route et, pourtant, il continuait de rouler avec détermination au milieu de nulle part. Ils avaient quitté les hautes montagnes et l’endroit était vallonné, teinté des jaunes, oranges et rouges de l’automne. L’herbe était encore bien verte et des fleurs persistaient ça et là. La rouquine finit par se sentir fatiguée, enivrée par le grand air ; elle ferma les yeux et s’endormit paisiblement.

L’arrêt du véhicule la tira du sommeil. Elle bâilla et s’étira longuement. Ceci fait, la jeune femme inspecta les alentours de là où ils s’étaient garés. Ils se trouvaient dans une étrange clairière bordée de feuillus clairsemés d’un côté et du flanc d’une grande colline de l’autre. Simon avait garé la voiture au milieu de la clairière et était en train d’installer de nouveau le capot, probablement au cas où il y ait des intempéries ; il ne comptait certainement pas laisser la caution qu’il avait laissée à AllMobile. Clay avait commencé à décharger le véhicule mais, intrigué par l’endroit, avait arrêté pour faire le tour de la clairière, examinant tout avec attention. « Fait attention où tu marches, le prévint Simon. Vers la colline le terrain est de plus en plus instable. » Ethelle descendit à son tour et, malgré son manque d’habitude dans le domaine, songea à aider l’archéologue à sortir leurs affaires.

« Sortons tout, déclara Simon. Nous allons carrément monter notre camp dans la bibliothèque.
– Est-ce bien raisonnable ? S’inquiéta la jeune femme. Ne risquons-nous pas de nous retrouver ensevelis là-dessous si nous y dormons ?
– Oh non, il n’y a pas de souci à avoir, lui assura l’archéologue. Lors de ma dernière visite, j’ai repéré un endroit tout à fait stable et sain.
– Vous nous avez dit que vous aviez découvert l’entrée dans une faille qui s’était ouverte suite à un tremblement de terre, pointa la rouquine. Comment est-ce que l’endroit peut être stable ?
– Oh mais le tremblement de terre a eu lieu il y a bien longtemps de cela, la région n’a plus vraiment d’activité sismique ! » Comme toujours, Simon débordait d’enthousiasme. L’effet rassurant de ses propos était donc mitigé sur Ethelle. Elle se laissa tout de même convaincre. Les yeux de l’archéologue brillaient de millions d’étoiles à chaque fois qu’il mentionnait qu’ils allaient passer quelques jours entiers dans ce bâtiment antique. Et comme elle doutait que Clay se montre plus raisonnable, elle se résigna à les suivre dans leur douce folie exploratrice.

« Wow ! S’exclama d’ailleurs celui-ci. Euh ? Hem… Les gars ? Je crois que j’ai trouvé la faille ! » Il y eut un silence. « J’ai failli tomber dedans ! » Les informa-t-il ensuite. La rouquine leva les yeux au ciel. Elle craignait que l’enthousiasme débordant des deux homme qu’elle accompagnait ne leur fasse faire des bêtises. Légèrement inquiète et ayant l’impression d’être la seule personne raisonnable de l’équipe, la jeune femme se promit de les surveiller pour éviter qu’ils se blessent dans leur entreprise. Ce fut, entre autre, pour cette raison qu’elle observa avec intérêt Simon qui sortait le matériel pour les assurer pendant leur descente. Ils n’allaient pas avoir à escalader à proprement parler, mais la descente promettait d’être abrupte. Et cela risquait d’être d’autant plus dangereux qu’ils seraient chargés. Et encore, Derrington leur avait dit qu’il restreignait le poids au minimum, car ils auraient certainement des trésors archéologiques à ramener de leur voyage dans le passé.

Après les dernières recommandations de Simon – qui paraissaient étrangement sérieuses par rapport à ses habitudes légères – les trois explorateurs entreprirent de descendre dans les entrailles de la terre, avec précaution. L’archéologue ouvrait la marche en l’éclairant d’une lanterne, puisqu’il connaissait mieux le terrain, Ethelle suivait et Clay fermait la marche en portant le plus gros du matériel. A certains moments, le passage devenait très étroit, en plus d’être abrupt, ce qui ralentit encore leur progression. Le gros avantage du métier d’archéologue, se dit la rouquine, c’est qu’au moins ils n’étaient pas pressés : les vestiges n’iraient nulle part. C’était peut-être même pour cette raison que Simon parvenait actuellement à prendre son temps à marcher précautionneusement au lieu de sautiller vers sa bibliothèque chérie. Dans tous les cas, cette attitude mature rassurait Ethelle. Clay se montrait également prudent, ce qui la réconfortait d’autant plus.

La descente ne s’éternisa pas autant que la jeune femme le craignait, même si il y avait eu des passages très compliqués. Ils posèrent enfin le pied sur des marches de pierre qui montaient sur leur droite pour arriver devant des portes, originellement en verre, dont les débris d’une d’entre elles jonchaient le sol. L’archéologue avait l’air un peu gêné. Il se tint un bref instant devant eux, les mains se tordant d’embarras comme un enfant. La rouquine décida de profiter de la situation pour le taquiner. Cela ne lui ressemblait pas d’ordinaire, mais elle ne put s’en empêcher. « C’est vous qui avez cassé cette porte millénaire, n’est ce pas ? » S’enquit-elle. La jeune femme récolta un hochement de tête affirmatif et contrit. « Ne nous avez-vous pas dit que de détruire de telles pièces allait à l’encontre de tous vos principes archéologiques ?
– Oui, je sais, soupira-t-il. Mais je n’avais pas le choix ! Les armatures étaient trop vieilles pour ne pas se désagréger lorsque j’ai essayé d’ouvrir, tout a lâché d’un coup et la vitre est tombée d’un coup.
– Comment sont-elles sensées s’ouvrir ? » Demanda Clay qui observait curieusement les portes. La question parut rendre sa personnalité passionnée à Simon.

« Oh ! Elles sont sensées coulisser, expliqua-t-il joyeusement.
– Je suppose que le système de coulissage ne fonctionne plus, déplora l’ancien Faucheux. Et où se trouve la poignée ?
– Je me suis posé la même question ! Se réjouit l’archéologue.
– Et donc ? S’enquit Ethelle alors que l’explication se faisait attendre.
– Je ne sais pas, avoua Simon. Je n’ai pas réussi à déterminer comment cela fonctionnait. Ca ressemble à quelque chose qui aurait été activé de manière mécanique, ou quelque chose comme ça.
– Si c’est le cas, c’est ingénieux, commenta Clay. Tous les mécanismes doivent être cachés dans les murs.
– Je pense, oui, approuva l’archéologue. Il faudrait que j’amène des techniciens ici pour étudier la question. Je… Je n’ai pas l’habitude de ne pas comprendre les techniques de l’antiquité. Normalement ils sont sensés être moins avancés que nous sur le plan technologique. Mais eux… » Il se mâchouilla la lèvre inférieure.

« Eux je les soupçonne d’avoir été beaucoup mais alors, vraiment beaucoup plus avancés que nous.
– Cela semble vous perturber, nota Ethelle.
– Je suppose que oui, en un sens, réfléchit Simon. C’est comme si je m’aventurais en territoire totalement inconnu. Ce qui est particulièrement excitant ! Mais aussi, un peu effrayant je dois bien l’avouer.
– Qu’est-il écrit là au-dessus ? S’enquit Clay en désignant le fronton de la porte.
– Oh ! Ca, je le sais ! Se pavana l’archéologue. Leur alphabet est une version antérieure de plusieurs alphabets antiques que je connais (trouver des noms de langues antiques de différentes régions et s’étendre sur le sujet) et qui ont beaucoup de points communs. Je pense qu’ils sont tous issus de cet alphabet là. Les deux mots sont aussi assez ressemblants à ces langues en question.
– Cela ne nous dit pas la signification de ces deux mots, lui rappela la rouquine.
– Haha oui, excusez-moi mademoiselle, je me suis encore laissé emporter, se repentit Simon avec un sourire rayonnant. Ces deux mots veulent dire Bibliothèque Universitaire.
– Wow ! S’exclama Clay. Cela faisait donc partie d’une école ?
– Pas seulement, s’enthousiasma l’archéologue. De ce que j’ai compris, cet endroit faisait partie de tout un ensemble dédié à toutes sortes de recherches et d’érudition.
– Ca semble particulièrement important et intéressant, s’émerveilla le jeune homme.
– Oh oui, assurément, approuva vivement Simon. Et encore, je ne comprends pas toute leur langue ! C’est une forme vraiment ancienne par rapport à celles que je connais et je ne suis pas linguiste de formation en plus.
– S’agit-il d’une forme plus archaïque ? S’enquit Ethelle.
– Non, au contraire, soupira l’archéologue, elle est plus subtile et complexe. Surtout complexe. Comme je regrette de ne pas avoir été plus sérieux, j’aurais du passer cette formation de linguiste !
– Vous avez pourtant l’air de bien vous débrouiller, le rassura Clay appuyé par un hochement de tête de la jeune femme rousse.
– Merci, vous êtes tellement adorables tous les deux, s’attendrit Simon. Il n’empêche que j’aurais été plus efficace ici si j’avais été linguiste. Mais vous avez raison, après tout je connais toutes ces langues mortes comme si elles étaient mes langues maternelles. Je finirai bien par vaincre cette langue originelle ! »

Après cette petite discussion édifiante sur le palier de la bibliothèque, l’archéologue les fit entrer dans le bâtiment par la porte qu’il avait cassée auparavant. L’intérieur avait très peu bougé, pour quelque chose qui datait de plusieurs millénaires. Bien sûr, une épaisse couche de poussière et quelques débris recouvraient le tout, mais Ethelle estima qu’il n’y aurait pas besoin de beaucoup de rénovation pour rendre à l’édifice son état d’antan. Cela l’impressionna. Elle commençait à se laisser gagner par l’enthousiasme de ses deux compagnons d’exploration.

 

 

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