J’espère que ma lettre vous trouvera en bonne santé après avoir fait un bon voyage. Les créatures magiques pullulent tellement à présent que je crains qu’elle ne perturbent le bon fonctionnement des trains en créant des accidents. Nous concernant, nous n’avons pas vécu d’autres épisodes aussi effrayants que celui des créatures sorties du lac. J’espère que nous continuerons à être tranquilles de ce côté là et que vous aussi.
J’ai beaucoup songé à ce que vous m’avez raconté concernant les secrets de mon père, mais j’aimerais en savoir plus encore. Vous m’avez certainement rapporté tout ce qui vous semblait utile. Si vous le pouvez, j’apprécierais que vous me racontiez tout ce qui vous passe par la tête concernant ce secret. Je suis convaincue que le moindre détail peut s’avérer important dans cette affaire. Si je veux pouvoir retrouver et utiliser ce secret, j’ai besoin d’en connaître le plus possible à ce sujet.
Je vous remercie par avance de tout ce que vous pourrez me dire à ce sujet et vous assure de l’expression de mes sentiments les plus amicaux,
Ethelle Morton. »
La jeune femme sécha l’encre en tamponnant délicatement sa lettre avec du papier buvard, puis la relut. Elle la trouva courte, mais estima que cette amorce de conversation suffirait ; elle aurait tout le temps de s’épancher plus avant lors des prochains échanges épistoliers. Ethelle s’empara d’une enveloppe dans laquelle elle glissa sa lettre et la cacheta, écrivant ensuite soigneusement l’adresse de la famille [Machintruc], puis sortit de sa chambre et pria le premier domestique croisé de poster son courrier.
En essayant de retourner dans le petit salon où se tenait précédemment Nicolas, Ethelle manqua de percuter madame Cartridge au détour d’un couloir. « Pardonnez-moi ! s’excusa prestement la jeune femme rousse.
– Vous n’auriez pas à vous excuser si vous n’étiez pas en train de courir de manière inconvenante dans les couloirs, lui reprocha madame Cartridge toujours très collet monté. Vous n’êtes plus une enfant il me semble. »
Ethelle rougit de colère. Comment cette vieille pie osait-elle l’insulter de la sorte ? Elle réitéra ses excuses, sur un ton plus froid et emboîta le pas à madame Cartridge qui avait décidé qu’elle était trop pressée et de passer outre. Les deux femmes se dirigèrent de concert jusqu’à la chambre de l’inconnu. Nicolas, qui attendait madame Cartridge, adressa un sourire à Ethelle et fit signe à Henry d’ouvrir la porte. En pénétrant dans la pièce, madame Cartridge se retourna vers mademoiselle Morton et les deux hommes pour leur intimer de rester dehors, afin de la laisser seule avec son patient.
Les trois obtempérèrent. Ethelle et Nicolas patientèrent à l’extérieur, tandis qu’Henry retournait à ses tâches de majordome. « J’espère que ce n’est pas trop grave, déclara la jeune femme rousse.
– Je pense qu’il a surtout des soucis dans sa tête, soupira Nicolas. Je doute que madame Cartridge puisse y faire grand chose.
– Nous verrons bien. »
De longues minutes plus tard, madame Cartridge sortit de la pièce en rajustant ses lunettes. « Votre invité est particulièrement épuisé, expliqua-t-elle. Je ne sais pas quelle prouesse il a bien pu accomplir, mais il est à bout de forces. Néanmoins il a l’air de se remettre de minute en minute. Je n’ai donc que du repos à lui prescrire.
– Et… c’est tout ? s’étonna Nicolas.
– C’est tout. A présent, si vous voulez bien m’excuser, j’ai encore d’autres patients à voir. »
Nicolas la remercia et la régla avant qu’elle ne s’en aille. Comme elle avait prescrit du repos, ils quittèrent l’endroit et allèrent vaquer à d’autres occupations. Le jeune Merryweather assura Ethelle qu’il s’arrangerait pour que leur invité dîne avec eux, sous réserve qu’il soit assez en forme. La jeune femme espéra que ce serait le cas. Elle passa le reste de sa journée à parcourir ses notes et à ajouter ce dont elle se souvenait de la langue antique dans son petit carnet. Elle comptait l’utiliser pour essayer de communiquer avec l’inconnu.
(changement de chapitre)
Après quelques temps à chercher des indices concernant une possible apparition d’Amaterasu, Valentin soupira. Il ne savait pas vraiment comment amorcer efficacement ces recherches. Pourtant, il était plutôt doué dans le domaine. Il lâcha : « Ce qui est beau avec Internet, c’est qu’on trouve de tout. Après, l’inconvénient avec Internet, c’est qu’on trouve de tout aussi.
– Je te fais confiance, lui assura Asklepios. Ton amie et toi êtes des personnes généreuses et curieuses. Nous avons beaucoup de chance de vous avoir rencontrés.
– Oh, merci. »
Valentin ne s’attendait pas à recevoir un compliment ; il sourit à son interlocuteur d’un air gêné. Asklepios lui rendit un sourire apaisant. Il avait une physionomie qui mettait le jeune homme en confiance. « Qu’est ce que c’est ? S’enquit le médecin en voyant une fenêtre d’information apparaître sur un coin de l’écran.
– Oh, ça, ce sont les infos. Je suppose qu’une des personnes qui utilise ce poste aime bien rester au courant de ce qu’il se passe dans le monde. Ah mais c’est l’éruption d’un volcan ! »
Curieux, le jeune homme ouvrit la fenêtre en grand, pour lire rapidement l’article. « Waw… Émit-il. Un nouveau volcan vient d’apparaître dans le Pacifique… C’est impressionnant !
– Vraiment ?
– Euh… Oui, les volcans m’impressionnent, avoua Valentin.
– Je te comprends, les éruptions sont un spectacle cataclysmique, c’est très beau. Où se trouve le Pacifique ? »
Pour lui répondre, le jeune homme chercha une carte du monde à montrer. Malheureusement, la classique carte n’évoquait pas grand chose à Asklepios. Il n’arrivait pas à reconnaître le tracé et avait eu peu d’occasions de voir des cartes auparavant. « Tant pis, ce n’est pas important, balaya Valentin.
– J’aimerais beaucoup savoir, insista plaisamment le médecin.
– Hum, bon… » Après un moment de réflexion, le jeune homme lui montra un globe holographique et lui expliqua où ils se trouvaient eux et où se trouvait la zone volcanique. Asklepios se gratta pensivement la tête en étudiant le globe.
« Ceci, est-ce bien la route de la soie ? s’enquit-il finalement.
– Oui, c’est bien ça, acquiesça Valentin.
– Je vois mieux maintenant ! se réjouit le médecin. D’après la description des lieux, Belisama m’informe qu’il est possible que ce soit une région où s’étaient rendus deux d’entre nous.
– Et tu as déduit ça grâce au volcan… Parce que ?
– Parce que les deux qui sont partis là-bas sont de sacrés lurons. Et que l’un maîtrise la terre et l’autre le feu.
– Non… C’est pas possible ! s’exclama Valentin. Tu penses que l’éruption vient d’eux ?
– Ça leur ressemblerait bien, ce sont de vrais plaisantins.
– Mais les volcans ne sont pas des plaisanteries, s’offusqua le jeune homme effaré. C’est très dangereux !
– Ne t’inquiète pas, le rassura Asklepios. Notre but n’est pas de blesser les populations. Ils ont toujours été très porté sur les blagues mais ils ne feraient de mal à personne. »
Valentin n’était pas très sûr d’apprécier l’humour de la création d’un volcan. Il tenta de relativiser en se disant qu’il n’était pas à même de réfléchir comme des personnes aussi puissantes. Il se disait qu’il fallait disposer de très grands pouvoirs pour créer un volcan sur un coup de tête. Une question se mit à lui tarauder l’esprit : « Comment s’appellent-ils ?
– Chaahk et [Bidule]. »
Le jeune homme n’était pas calé dans toutes les mythologies du monde, mais il se promit de faire des recherches sur ces deux-là. Il était sûr d’avoir entendu parler d’au moins l’un des deux. En attendant que l’ordinateur termine la recherche demandée, ils épluchèrent les premières suggestions. Malheureusement, rien de sérieux dans les évènements mondiaux ne rapportait la découverte de personnes hors du commun qui parleraient des langues inconnues. « J’espère qu’ils n’ont pas eu le problème de mémoire comme Déa, s’inquiéta Asklepios. Sinon nous mettrons beaucoup plus de temps à les retrouver. » Il s’interrompit un instant, penchant la tête sur le côté. « Déa nous appelle. »
Au moins, elle ne paraissait plus envahir ses pensées à lui, songeait Valentin alors qu’ils se levaient pour se rendre dans l’annexe. Les deux femmes, qui avaient réceptionné le dragon un peu avant, l’avaient laissé sortir de sa cage. Béatrice en avait profité pour mettre en route une partie du matériel et avait convaincu Déa d’installer quelques capteurs sur l’animal. Elles le contemplaient à présent voler dans l’annexe aux hauts plafonds et Béatrice prenait des mesures tandis que la femme aux yeux dorés fixait le dragon d’un air attendri. Valentin était certain que son amie comptait étudier le dragon le plus possible.
« C’est prudent de le laisser faire ce qu’il veut ?
– Oh, ne t’en fais pas pour ça, répondit Béatrice tout en restant concentrée sur son ordinateur. Déa a dit qu’elle pouvait le convaincre de ne pas faire de bêtises, alors je me suis dit que c’était une occasion idéale ! En plus, comme elle peut discuter avec lui, j’ai déjà tout un tas d’informations sur les jeunes dragons à peine sortis du nid : je sais ce qu’ils mangent, je sais combien de temps ils ont besoin de dormir, et plein d’autres choses. » Elle quitta l’écran qu’elle couvait des yeux pour tourner la tête vers son ami et reprit, toute excitée :
« Tu savais que les dragons avaient une mémoire génétique ? De ce que je sais, je suis actuellement la seule spécialiste sur les dragons au monde : c’est trop bien !
– Tu sais que ça ne va pas durer ? temporisa Valentin avec un sourire. Je suppose que s’il y a un dragon, il y en aura plein d’autres d’ici peu.
– Ha-HA ! Triompha Béatrice avec un sourire jusqu’aux oreilles. Et à qui crois-tu qu’ils vont les amener, tous ces dragons ? Heureusement que l’annexe est terminée, je ne sais pas ce que j’en aurais fait sinon… En tous cas, Massamba et Pommier vont être surpris en revenant. Je veux rassembler le plus d’informations possible sur ces animaux-là avant leur retour. Oh, et ne t’inquiète pas, je te filerai mes notes et on en discutera looonguement tous les deux. »
Vaincu par tant d’enthousiasme, Valentin acquiesça avec un franc sourire. Il remarqua alors qu’Asklepios et Belisama avaient entamé un dialogue, dans ce qu’il supposait être leur langue d’origine. « Pourquoi vous ne parlez pas par télépathie ? leur demanda-t-il.
– Parfois nous préférons parler à haute-voix, lui répondit simplement Déa. Je ne me l’explique pas, d’autant que la conversation est plus rapide et claire dans nos têtes, mais c’est ainsi. » Elle se tut un instant. « J’ai commencé à apprendre quelques mots de votre langue à Ouranos.
– Ouranos ?
– Le dragonnet, expliqua-t-elle. Je trouvais que ça lui allait bien. »
Ils contemplèrent l’animal évoluer dans les airs. Il était un peu gauche, comme tous les jeunes, et il lui arrivait de mal négocier certains virages. « Pourquoi tu lui apprends notre langue ? s’enquit ensuite Valentin qui avait l’impression de ne poser que des questions depuis la veille.
– Pour qu’il puisse vous comprendre ton amie et toi, si jamais nous sommes séparés. Quelque chose me dit que ça sera plus simple pour votre travail s’il comprend ce que vous dites.
– Je pensais que tu voudrais le garder avec toi.
– Peut-être, nous verrons bien. » Conclut Déa.
Le dragonnet atterrit en glissant sur le sol près de la femme aux yeux dorés et lui réclama des caresses. Celle-ci s’exécuta avec plaisir et reprit : « Tant que nous n’avons pas de nouvelles d’Amaterasu notre voyageuse rapide, j’aimerais savoir s’il y aurait un moyen de nous rendre vers ce volcan dans le Pacifique.
– Oulà non, s’exclama Valentin. Enfin, il y a des moyens, mais pas à notre portée. Et même si on pouvait, ça resterait long d’aller là-bas.
– Oh, commenta Belisama avec une moue déçue. J’espérais que votre technologie pouvait tout faire. Même de nos jours, il y a toujours des limitations, n’est ce pas ?
– De moins en moins, répartit Valentin. Mais toujours, oui.
– Tu vois, Askel, lança-t-elle à son compagnon avec un fin sourire. Après tout, nous ne sommes peut-être pas si obsolètes que cela. »
Son sourire s’effaça au profit d’une mine concentrée. Elle cracha un mot que Valentin ne comprit pas mais que, d’après le ton frustré, il estima être un juron. « Un problème ? s’enquit-il.
– Ils sont trop loin pour que j’arrive à les atteindre, déplora la femme aux yeux dorés. J’espère qu’ils ne feront pas trop de bêtises en attendant. Si ce sont bien eux à l’origine de ce volcan, bien entendu.
– Je suis confiant à ce propos. » Intervint calmement Asklepios.
Valentin ne savait pas quoi répondre à ça et il retourna vers Béatrice, qui était totalement transportée par tout ce qu’elle apprenait sur le dragon. La conversation entre les quatre tourna ensuite surtout autour de ces animaux. Les deux mages fournirent quelques informations supplémentaires sur ce qu’ils savaient des dragons adultes. « Tu es seule à travailler dans ce grand bâtiment ? S’enquit Déa auprès de Béatrice.
– Oh non, nous sommes plusieurs, expliqua celle-ci. Mais nous sommes samedi. Et, le samedi, personne ne travaille.
– Sauf toi, pointa la femme aux yeux dorés d’un ton malicieux.
– Oui, mais c’est une situation exceptionnelle !
– J’en ai l’impression, commenta Belisama. Où en sont les recherches ? » Continua-t-elle en se tournant vers Valentin.
« Je pense qu’elles sont terminées, estima celui-ci. Allons voir ; il va falloir trier. » Curieux, ils se rendirent tous dans le bâtiment principal, suivis par le jeune dragon qui ne voulait pas quitter la femme aux yeux dorés. Béatrice accepta que le jeune animal les accompagne à la condition que Déa s’assure qu’il ne fasse pas de bêtises. Valentin leur attribua des postes à tous et répartit les résultats de recherche. Ils s’installèrent tous et le jeune homme leur conseilla de garder le moindre article qui leur laisserait le moindre doute.
« Comment ils vont réussir à lire tout ça ? interrogea Béatrice.
– Je peux lire n’importe quelle langue, en plus de la parler, leur assura Déa. Cela ne me prend que quelques secondes à intégrer. Un peu plus si je ne connais pas l’alphabet.
– Oh tant mieux, se réjouit Valentin. J’avais prévu le mode aveugle pour eux, avec des écouteurs.
– Je n’en aurai pas besoin, mais Askel si j’en ai peur, reprit la femme aux yeux dorés. Je suis désolée, mais dans mon état ce sera plus simple de traduire ce qu’il entend que ce qu’il voit. J’essaie de chercher les autres en même temps et cela me demande beaucoup d’énergie.
– Tu n’as pas besoin de te justifier, la rassura Béatrice. Valentin avait tout prévu de toutes façons. Si tu préfères les écouteurs, n’hésite pas à lui dire.
– Ça ira, chantonna Belisama avec un grand sourire. Je suis impatiente de voir les styles d’écriture de toutes façons. »
Ils se mirent au travail sans tarder. Cela leur prit beaucoup de temps et, lorsque midi fut passé, Béatrice proposa de commander à manger. Après le repas, ils pourraient faire un point sur ce qu’ils avaient trouvé. « Je peux nous fournir de quoi nous nourrir, suggéra Déa. Comme les autres fois.
– À vrai dire, si ça ne dérange personne, j’aimerais beaucoup goûter à la nourriture de ce temps. » Comme toujours, Asklepios était intervenu de sa voix profonde et de son ton poli. La femme aux yeux dorés le considéra avec surprise. Puis, avec un sourire, elle acquiesça. « C’est une bonne idée, approuva-t-elle. Après tout, nous allons devoir vivre… maintenant, n’est ce pas ? »
Concernant leurs recherches, tous étaient tombés sur beaucoup d’histoires insolites, mais aucune ne pouvait être considérée comme une piste certaine sur l’un des membres manquant de leur petit groupe de mages. Le tri avaient été fortement ralenti pour Belisama et Asklepios, car ils avaient étudié les articles beaucoup plus en profondeur, émerveillés par toutes les nouveautés du monde d’aujourd’hui. La femme aux yeux dorés avaient même trouvé le moyen de naviguer elle-même sur Internet et en avait profité pour naviguer, faisant partager ses découvertes par télépathie à son compagnon.
Béatrice s’était mise à pianoter à toute vitesse sur son téléphone, pour assurer Massamba que tout allait bien se passer. Elle espérait ainsi arrêter le flot ininterrompu de son tuteur bavard et généreux en recommandations. « Qui c’est qui te harcèle comme ça ? s’enquit Valentin.
– C’est Massamba. Enfin, j’ai eu un message de Pommier et bientôt quinze de Massamba.
– On dirait qu’il est aussi enthousiaste que toi, plaisanta le jeune homme.
– Voire même encore plus ! renchérit Béatrice. Et encore, je ne lui ai pas dit que j’ai déjà commencé à étudier un dragon. »
(Ces passage là, je sais pas si je les laisse ou pas :
Pendant ce temps, dans une jungle en plein cœur de l’Afrique, une jeune femme reposait entièrement nue sur un lit de pétales de cerisiers. Elle se réveilla en sursaut, repoussa ses mèches noires et lisses qui encombraient son visage et grimaça au souvenir de l’intense douleur qu’elle avait subie en guérissant. Qu’est ce qui avait bien pu la blesser à ce point ? Était-ce ce voile noir qui avait eu l’air de recouvrir l’horizon tout entier ? Combien de temps avait-elle dormi ? Et combien de temps son esprit allait-il rester brumeux ? Elle prit sa tête entre ses deux mains, plissant ses yeux en amande. Que de questions ; elle se sentait aussi confuse que ses souvenirs.
La jeune femme se leva. Une autre question lui traversa l’esprit : d’où venaient ces pétales roses sur lesquels elle était couchée à l’instant ? Elle scruta les alentours du regard. Cet environnement lui paraissait presque étranger, comme si elle n’avait pas l’habitude de se trouver dans un tel endroit, et percevait sa présence comme saugrenue en ce lieu. Elle toucha pensivement les grandes feuilles alentours. Celles-ci, comme répondant à son appel silencieux, se penchèrent vers elle, la caressant doucement, presque avec tendresse.
La jeune femme demanda aux plantes alentours si elle pouvait leur prendre quelques feuilles pour se vêtir. Sa requête fut acceptée et des morceaux entiers de végétation tombèrent d’eux-mêmes autour d’elle. Pour remercier la généreuse flore de ces lieux, elle posa ses mains sur les plantes. Une lumière rouge nimba son corps et les végétaux s’étant montrés généreux virent leurs feuilles manquantes repousser. Grâce aux abondantes feuilles immenses qu’elle avait à sa disposition, la jeune femme se confectionna un kimono végétal.
Sa confusion se dissipait peu à peu, elle le sentait. Une certitude s’imposa : elle devait retrouver les autres. C’était important. La jeune femme s’auréola de lumière et sourit. Elle se souvenait enfin qu’elle était Amaterasu.
Au même moment, deux énergumènes profitaient du soleil sur le sable fin d’un îlot dangereusement proche d’un volcan. « Hé, Chaahk, tu crois que ça suffira à les alerter ? S’enquit l’un des deux d’une langue que plus personne n’avait entendu parler depuis longtemps.
– Je ne sais pas trop [Bidule], répondit l’autre d’un air dubitatif. C’est bruyant, c’est sûr, mais est ce que ça les atteindra ? Rien n’est moins sûr.
– Normalement Askel devrait entendre, supposa le premier avec entrain.
– Sauf s’il ne s’est pas encore éveillé, temporisa le second. C’est un paramètre à prendre en compte.
– Rha tu es trop sérieux ! »
[Bidule] se leva et commença un véritable échauffement, faisant rouler ses muscles fins sous sa peau. Très vite, il se lança dans des acrobaties de plus en plus impressionnantes. Il n’était pas très grand, mais disposait d’une excellente détente. « Et toi, tu ne tiens pas en place. » rétorqua Chaahk. Celui-ci était beaucoup plus grand et costaud que son agile compagnon.
Il se nimba de vert et fit un petit geste vers le haut. Un poisson sortit de l’eau, frétillant furieusement, et se dirigea vers la main de l’homme, visiblement contre son gré. Le grand Chaahk répéta l’opération, avec plusieurs poissons cette fois. « Tiens, j’ai pêché le repas, tu t’en occupes ? lança-t-il à [Bidule] qui continuait de s’activer tout seul sur la plage.
– D’accord. Tu pourrais pas nous apporter du fromage aussi ?
– Je crains que non. Je n’en vois pas à portée.
– C’est nul, se plaignit [Bidule]. Vivement que nous retrouvions le chef.
– Pour pouvoir avoir du fromage ?
– Oui. »
Ce disant, le petit homme commença à s’occuper des poissons grâce à un bout de bois qu’il avait effilé. Pendant qu’il œuvrait, le plus grand commença à son tour une série d’exercices. Ils demandaient moins d’agilité mais plus de puissance. « Tu es sûr que tu ne veux pas m’envoyer valser sur le continent ? S’enquit [Bidule]. Il est dans cette direction. » Précisa-t-il en montrant l’est d’un petit signe négligeant. Chaahk secoua la tête en souriant par devers lui. Son ami était aussi petit que déterminé. Quand il avait quelque chose en tête, c’était très difficile de l’en détacher.
« Je n’ai pas encore récupéré toute ma force, expliqua une nouvelle fois le plus grand. Tu ne ferais pas trop ton malin de rester au milieu de l’océan.
– Je nagerai la fin du voyage, argumenta [Bidule]. Comme je vais vite, ça devrait suffire.
– J’en doute. Et puis, qu’irais-tu faire sur ce continent ? De ce que nous savons, il n’y a personne d’entre nous et ce ne sont pas les populations locales qui pourront nous être d’une grande aide.
– Peut-être que c’est nous qui pourrons les aider, suggéra innocemment le plus petit qui plantait les poissons évidés et écaillés sur des pics en vue de les faire cuire.
– Mmmh… » Grommela Chaahk en arrêtant de s’exercer. Il vint s’asseoir à côté de son ami qui préparait un petit foyer et reprit :
« Je ne voulais pas t’inquiéter, mais je suppose que tu n’as pas regardé les étoiles cette nuit ?
– J’ai vu qu’il y en avait, mais je n’y ai pas prêté attention plus que ça, j’étais trop faible et je me suis endormi tout de suite.
– Les étoiles ne sont pas là où elles étaient avant l’épisode du voile noir, expliqua sombrement Chaahk. C’est perturbant. Je préfère ne pas t’envoyer n’importe où avant que nous soyons certains de la situation.
– Je vois… Commença [Bidule] en allumant un petit feu d’un claquement de doigts et en disposant les poissons pour la cuisson. Ou alors, tu pourrais m’envoyer là-bas quand même et comme ça nous pourrions peut-être être fixés. »
Le plus grand hocha négativement la tête. Il ne voulait pas tenter quoique ce soit d’inconsidéré. Il savait que si la situation s’éternisaient, ils devraient agir. La question étant : quand devaient-ils considérer que la situation s’éternisait ? C’était une question difficile. « Les autres ne doivent pas avoir récupéré la totalité de leur puissance non plus, déclara-t-il finalement. Il n’y a pas assez de magie ; ça me chiffonne ça aussi.
– Je pense que c’est ce voile noir qui a volé toute la magie, déclara [Bidule] en s’emparant de deux bouts de bois ressemblant à des baguettes afin de tourner les poissons. Quand il est passé sur nous, c’est ce que j’ai senti.
– Étant donné qu’il couvrait tout l’horizon et que nous n’avons pas de nouvelles des autres, je suppose que le monde entier a été touché et eux aussi.
– Tu es pessimiste. Mange du poisson, ça ira mieux après. »
Chaahk obtempéra ; il avait faim. Il mordit dans la chair et soupira d’aise. Le poisson n’était pas totalement cuit, mais il n’en avait cure. L’homme appréciait tout autant le poisson cru. « Je pense plutôt que je suis réaliste, en fait, reprit Chaahk. Maintenant, la question à se poser, c’est : si le voile noir a absorbé toute la magie du monde, combien de temps a-t-il fallu au monde pour la régénérer ?
– Hum, marmonna [Bidule], très longtemps à mon avis. Surtout qu’elle n’est pas toujours pas au niveau où nous l’avons connue. »
Sur la plage de sable fin, dévorant leurs poissons, les deux amis méditaient à propos de leur situation. Ils s’ennuyèrent assez rapidement sur leur île après leur repas. Heureusement, ils étaient créatifs et improvisèrent rapidement des occupations, qui consistèrent principalement en des duels, tant intellectuels que physiques. Ils alternèrent entre des jeux de stratégie improvisés comme les échecs et des affrontements armés de bâtons. Les morceaux de bois ne tinrent pas longtemps et ils passèrent rapidement à l’entraînement à mains nues.
Ils s’interrompirent dans leurs exercices en entendant un bruit lointain. Aucun des deux n’avait jamais entendu un bruit pareil, ni jamais vu d’hélicoptère comme celui qui s’approchait de leur île, provenant d’un endroit soigneusement éloigné du volcan en éruption, qui s’était entre temps calmé. Les deux amis regardèrent l’engin voler dans leur direction avec perplexité. « Chaahk, as-tu déjà vu un animal pareil ?
– Je dois bien admettre que non, [Bidule]. Regarde, il y a des gens à l’intérieur.
– Des gens ? Ah oui, tiens. Ce serait un peu comme une charrette volante, alors ? »
Le plus grand acquiesça sans mot dire. À présent silencieux, ils se contentèrent de contempler le spectacle inédit de cette machine volante en acier les survoler et descendre petit à petit sur la plage.
Fin du passage que je sais pas si je laisse ou pas.)
4197 mots pour aujourd’hui, dont beaucoup de triche et de questionnements.