NaNoWriMo 2018 : Arkhaiologia Tome 2, jour 13

Les trois agresseurs restant se précipitèrent sur l’étrange nouvelle-venue pour venger l’affront fait à leur compagnon. Aussi vive que l’éclair, l’écorchée se tourna vers le plus proche et lui administra un magistral coup de poing qui l’envoya instantanément rouler quelques mètres plus loin, inconscient. Valentin vit avec horreur les deux derniers arriver jusqu’à leur sauveuse hors du commun, couteaux tirés. Mais celle-ci leur faisait déjà face, la paume levée dans leur direction. Un éclair en jaillit qui heurta les deux derniers assaillants. Ils s’immobilisèrent un bref instant avant de tourner de l’œil. L’écorchée resta un moment sans bouger, avant d’attraper sa tête des deux mains en gémissant et de mettre un genou à terre.

La voyant en détresse, les deux amis quittèrent leur torpeur pour lui prêter assistance. Ils voulurent la soutenir, mais ils craignaient l’un et l’autre de lui faire mal s’ils touchaient ses plaies ouvertes. Valentin eut l’impression que leur sauveuse semblait moins blessée que lorsqu’elle était intervenue. Pendant que Béatrice ôtait sa propre veste pour en recouvrir l’étrange inconnue, le jeune homme essaya d’initier le dialogue : « Merci d’être intervenue, mais… Vous n’avez pas l’air bien ; mon amie et moi allons vous emmener à l’hôpital, d’accord ? » La blessée paraissait avoir perdu toute sa vitalité et avait désormais du mal à focaliser son regard doré sur un point précis. Elle laissa échapper des mots incompréhensibles, ce qui parut lui demander beaucoup d’énergie.

« Regarde ! Lança Béatrice à l’intention de son ami. On dirait qu’elle se régénère, non ? » Valentin regarda l’écorchée plus attentivement. Effectivement, ses plaies se refermaient peu à peu. « Je pense que ce n’est pas une très bonne idée de traîner ici, ajouta la jeune femme en jetant un coup d’œil appuyé aux quatre malfrats qui gisaient au sol. Emmenons-la vite. »

Ils la soutinrent tous les deux du mieux qu’ils purent, en prenant garde de ne pas lui faire mal à cause des écorchures. Elle les suivit machinalement, mais sa coordination motrice laissait parfois à désirer et elle trébuchait souvent. À chaque fois, le jeune homme lui demandait si elle allait bien et, à chaque fois, elle se contentait de lui répondre avec un sourire absent. Valentin se demandait si elle comprenait ce qu’il lui disait. Après avoir dépassé quelques pâtés de maison, Béatrice reprit : « On ne va peut-être pas avoir besoin de l’amener jusqu’aux urgences finalement. »

L’inconnue était presque entièrement guérie, mais paraissait toujours apathique. Elle secouait doucement la tête d’un côté et de l’autre, comme si elle essayait de se souvenir de quelque chose. Son étrange regard doré restait tout de même absent. « Je ne sais pas, hésita Valentin. Elle est presque guérie, mais elle n’a quand même pas l’air bien du tout…
– Ça, c’est vrai, convint Béatrice. Elle a l’air beaucoup plus perdue que lorsqu’elle est arrivée pour tabasser ces quatre là. Elle est peut-être en état de choc… vivement qu’on arrive. »

Quelques minutes plus tard, ils parvinrent au service des urgences de l’hôpital le plus proche. Pendant que Valentin expliquait ce qui l’amenait aux infirmières de garde, son amie installa leur sauveuse sur une chaise de la salle d’attente attenante. Quelques personnes patientaient déjà et leur jetèrent des regards curieux. « Est ce qu’on aurait pas quelque chose pour te couvrir ? » s’enquit Béatrice pour elle-même. En attendant que Valentin les rejoigne, elle s’assit en face de l’ancienne blessée pour lui demander :

« Ça va mieux ? » Son interlocutrice la fixa droit dans les yeux, sans répondre, mais sans se départir de son sourire. Elle se fit la réflexion que cette étrange inconnue n’avait pas l’air particulièrement gênée par sa nudité. De plus, elle paraissait avoir un peu récupéré ses esprits ; ses yeux étaient moins vides et inspectaient la pièce autour d’elle.

« J’espère que ça ira… » Valentin revenait avec une blouse d’hôpital. Il la déposa près de leur sauveuse, qui pencha la tête d’un air intrigué. « C’est pour toi, précisa le jeune homme. En attendant qu’on trouve mieux. » L’inconnue répondit avec un sourire, puis inspecta les habits apportés par le jeune homme. Ce faisant, la veste que lui avait prêté Béatrice glissa de ses épaules. Elle inspecta alors sa propre nudité, comme si elle découvrait seulement maintenant son manque d’apprêts. Elle pouffa de rire et prononça quelques phrases de manière volubile.

« Je suis désolé, s’excusa Valentin. Je ne comprends pas ce que vous dites.
– Moi non plus, renchérit Béatrice. Et je ne vois même pas de quelle langue il peut s’agir. Mais elle a l’air d’aller mieux ! »

L’inconnue lui sourit de nouveau et hocha affirmativement la tête. Elle se leva, la veste tombant totalement, et parut se concentrer tout en faisant un petit geste fluide. D’étranges vêtements (à décrire évidemment) firent leur apparition, couvrant le corps de la femme aux yeux dorés. Les deux thésards ne se montrèrent pas particulièrement surpris. Après tout, elle n’avait même pas de peau lorsqu’ils l’avaient rencontrée et maintenant elle allait très bien. De plus, les créatures magiques étaient le cœur de leur travail à l’un comme à l’autre : ils étaient habitués aux choses sortant de l’ordinaire. Il existait encore des personnes qui ne voulaient pas croire à la magie, malgré toutes les créatures étranges qui apparaissaient aux quatre coins du monde, mais tel n’était pas leur cas.

« Voilà qui est mieux ! se réjouit l’inconnue qui parlait avec la précaution de ceux qui n’étaient pas entièrement à l’aise avec la langue.
– Ce n’est peut-être pas très discret, commenta Béatrice par devers elle.
– Mais vous parlez notre langue ? s’étonna Valentin.
– Maintenant oui, confirma l’étrangère. Je ne connaissais pas cette langue, mais j’ai l’impression de l’avoir apprise plutôt vite !
– Vite ? Ça fait combien de temps que tu es ici ? s’enquit curieusement Béatrice.
– Oh, je m’étais réveillée depuis quelques minutes lorsque je vous ai rencontrés. »

La nouvelle venue intriguait beaucoup les deux amis. Ils avaient très envie de lui poser plein de questions et de l’étudier en détail, mais étant donné son état mental, ils décidèrent d’un accord tacite d’y aller en douceur. La femme aux yeux dorés s’assit de nouveau sur sa chaise et fronça les sourcils, comme si elle avait des difficultés à réfléchir.

« J’ai du mal à recoller les morceaux, avoua-t-elle. Mon cerveau est un peu embrumé…
– Tu dois être chamboulée par ce qui t’est arrivé, supposa Valentin. Quand nous t’avons vue, tu étais à moitié écorchée.
– Écorchée ? répéta l’étrangère.
– Oui, c’est sûr, tu vas beaucoup mieux maintenant, balbutia le jeune homme. Enfin bref… Comment tu t’appelles ?
– Déa, je crois. En tous cas, ça me dit quelque chose de m’entendre appeler ainsi. » Elle se racla la gorge. « J’ai soif. » Elle avait l’air étonnée.

Béatrice se leva et alla lui chercher un verre à une fontaine à eau, puis vint s’asseoir sur une chaise à côté de Déa, tandis que Valentin s’installait face à elles. « Je n’arrive pas à me souvenir, souffla la femme aux yeux dorés d’un air contrarié.
– De quoi ? demanda Béatrice.
– De rien, c’est bien le problème.
– Peut-être qu’on pourrait essayer de te poser quelques questions, suggéra Valentin à l’ancienne écorchée. Ça pourrait peut-être suffire à te rafraîchir la mémoire sur certaines choses. Après tout, ça a fonctionné pour ton prénom.
– Moui, lâcha Déa d’un air peu convaincu. D’accord, essayons.
– Chouette ! se réjouit Béatrice. Je commence ! »

Elle se frotta les mains et plongea ses yeux noisettes dans ceux de Déa. « Alors, commença l’amie de Valentin, d’où viens-tu ?
– De… Je ne sais pas, réalisa l’étrangère. De partout et de nulle part j’ai l’impression.
– Mmmh, commenta brièvement Béatrice. Et quelle était cette langue que tu parlais tout à l’heure ? Elle ne me rappelle rien que je connais.
– Vu le nombre de langues que tu connais, ce n’est pas étonnant. » la taquina son ami.

Tandis que Béatrice ripostait en jetant un paquet de mouchoirs en direction de la tête de Valentin, Déa prononça pensivement quelques mots dans la langue en question. Elle secoua la tête et déclara : « Je n’ai pas l’impression qu’il existe un mot dans votre langue pour la mienne… C’est bizarre, je ne comprends pas. »

Valentin ne saisissait pas ce que voulait dire la femme aux yeux dorés. Les pensées se bousculaient dans sa tête. Les yeux dorés étaient-ils une manifestation des capacités surnaturelles de Déa ? Cette couleur n’existait pas naturellement, si ? L’amnésie de Déa était-elle temporaire ? Qu’avait-il pu lui arriver pour qu’elle soit apparue ainsi écorchée ? Quand pourrait-il le savoir ? Fallait-il l’emmener à la police après son passage à l’hôpital ? Tout se brouillait dans sa tête. Pendant ce temps, Béatrice avait continué de questionner la magicienne. Malheureusement, la femme aux yeux dorés n’avait pas grand chose à leur apprendre ; le peu dont elle se souvenait était confus.

Ils furent interrompus par une infirmière qui venait annoncer la prise en charge de Déa par un médecin. Valentin et Béatrice assurèrent à leur nouvelle amie qu’ils l’attendraient. « Elle est vraiment étonnante, déclara Béatrice une fois qu’ils se retrouvèrent entre eux.
– Je suis bien d’accord, approuva Valentin. J’ai parfois l’impression qu’elle lit dans mes pensées, mais je ne sais pas si c’est juste une impression ou pas.
– J’ai eu la même impression. À chaque fois qu’elle a l’air de chercher un mot, j’ai comme une présence qui s’insinue dans mon esprit.
– Tu penses qu’elle est télépathe ?
– Tout est possible… » éluda Béatrice.

Une sirène retentit à l’extérieur. Les deux amis échangèrent un regard incertain. Leur réflexe suivant fut d’attraper leurs téléphones à la recherche d’informations. « Personne ne doit sortir et ceux qui sont dehors doivent se diriger vers l’abri le plus proche, résuma le jeune homme.
– Ce n’est pas une alerte toxique, renchérit Béatrice, mais il n’y a pas trop d’indications sur ce que c’est.
– Il faudra certainement attendre les infos pour savoir, soupira-t-il. De toutes façons… » Un barrissement assourdissant retentit, l’empêchant de terminer sa phrase.

« Quoi encore ? lâcha Valentin avec nervosité.
– Ah, ça y est, je sais ce que c’est ! s’exclama son amie. C’est un dragon. »

 

1724 mots pour aujourd’hui. Le NaNo de l’année dernière était le plus brouillon de mes NaNos et celui-là est le plus étrange dans sa façon de s’écrire x) La séance d’aujourd’hui n’était que découpage et réécriture de trucs que j’avais déjà écrit dans un test précédent pour ce tome là. Je suis vraiment une NaNoRebelle pour cette année on dirait.

NaNoCamp Avril 2017 J+16 : Préquelles Arkhaiologia

La jeune femme s’arrêta brièvement en apercevant la nouvelle venue. Les présentations furent vite faites et Béatrice se concentra sur ses prélèvements. Lorsqu’elle eut terminé, Amaterasu prit sur elle de motiver la végétation afin de faire disparaître l’immonde flaque. De nombreux brins d’herbe perdirent la vie dans ce combat acharné mais, bientôt, le carré de verdure reprit son apparence d’origine. Avec des brins d’herbe un peu plus gras et verdoyant qu’ailleurs, mais qui irait remarquer un détail pareil ?

Ils retournèrent ensuite à leur tri pour trouver des indices sur les quatre membres manquant du groupe. Malheureusement, à part d’autres pistes sur le fait que l’apparition du volcan avait quelques éléments un peu mystérieux (trouver desdits éléments ?), ils ne trouvèrent rien de bien concluant. Avec tout cela, la soirée était déjà là. Déa avait doté Amaterasu de vêtements et avait changé les siens, ainsi que ceux d’Asklepios. Elle leur avait fourni des des habits ressemblants à ceux de Béatrice et Valentin, se contentant de changer leurs couleurs. Les trois antiques se sentirent mal à l’aise dans leurs nouveaux atours, jusqu’à ce que Béatrice leur révèle l’existence des sous-vêtements.

La fin de la journée étant déjà là, ils se retrouvèrent tous dans l’appartement de Valentin, cette fois. Alors que les trois dieux essayaient de se souvenir dans quelle zone du monde les autres membres de leur groupe s’étaient rendus. Après avoir étudié un globe, la nouvelle arrivante avait convenu avec ses deux compagnons que le volcan du Pacifique était très probablement la signature de leur duo infernal Chaahk et [Bidule]. Assis sur le canapé, ils devisaient à propos de leurs amis manquants.

« La question à se poser aussi, déclara Amaterasu, c’est qu’était ce voile noir et qui l’a lancé ?
– C’est une bonne question, convint Déa. Je ne me souviens pas d’un mage suffisamment puissant pour faire une chose pareille.
– Pourquoi un mage aurait-il absorbé toute la magie du monde ? Interrogea Asklepios. Il perdrait tout son pouvoir.
– C’est sûr que ça peut paraître étrange, acquiesça la femme aux yeux dorés. Mais cela reste une possibilité.
– Un mage qui voudrait changer le monde, ça ne me parait pas si surprenant. » Commenta le médecin de sa voix profonde, avec un fin sourire.

Déa fit apparaître suffisamment de plats pour nourrir un régiment et de boissons pour abreuver une troupeau de chameaux assoiffés. « Du coup, pour la suite, vous préférez continuer les recherches sur vos compagnons ou alors que nous essayons de nous renseigner sur ce voile noir ? S’enquit Valentin.
– Les deux ! S’exclama Déa.
– Mmmh, ça ne me dit pas grand chose comme ça, déplora le jeune homme d’un ton songeur. Je vous emmènerai à la bibliothèque dès demain. Il y a pas mal de choses sur l’histoire, le folklore et les mythes. J’espère qu’on trouvera quelque chose à ce propos. Ce qui m’intrigue, c’est qu’une catastrophe de cette ampleur, qui a changé le monde, devrait forcément avoir laissé une énorme trace dans les récits. »
Béatrice approuva d’un hochement de tête.

NaNoCamp Avril 2017 J+12 : Préquelles Arkhaiologia

– Certaines créatures dotées de magie se décomposent instantanément après la mort, expliqua Asklepios.
– Moi qui espérait pouvoir les autopsier… Soupira la jeune femme. Je vais au moins essayer de récupérer ce… truc dégoûtant là. »

Elle se précipita à l’intérieur pour aller chercher de quoi prélever des échantillons. En l’attendant, Valentin s’approcha de l’amas visqueux, fasciné par la dissolution des derniers fragments animaux. Il se demandait si le bout d’herbe était condamné. « Amaterasu s’approche. » Déclara soudainement Asklepios. La femme aux yeux dorés acquiesça et pencha pensivement la tête sur le côté. Valentin supposa qu’elle la contactait par télépathie. Une seconde plus tard, une jeune fille toute menue apparut juste à côté de lui. Vêtue d’un échantillon conséquemment varié d’une flore exotique dont Valentin ne savait pas déterminer la provenance, elle loucha d’un air dégoûté sur la flaque organique.

« C’est la tête que tu fais alors qu’on se retrouve après plusieurs centaines d’années de sommeil ? Taquina Déa la nouvelle venue.
– Oh… Je suis désolée commandante ! S’excusa instantanément Amaterasu. Et cette langue est nouvelle, non ?
– Oui, les choses ont beaucoup changé depuis que nous nous sommes endormis, convint la femme aux yeux dorés. Ils font de la magie sans magie par exemple. C’est assez impressionnant. Et déconcertant, aussi. Comment nous as-tu retrouvés ?
– Je me souvenais que tu étais dans ces contrées, résuma la jeune fille vêtue de feuilles. Ça paraissait logique de commencer mes recherches par là. Et puis tu m’as jointe et me voilà. Par contre…
– Oui ? L’encouragea Déa.
– Je n’arrive pas à couvrir de grandes distances.
– C’est normal, la rassura Asklepios. Nos pouvoirs sont limités à cause de la magie disponible. »

L’homme aux yeux orangés et la femme aux yeux dorés expliquèrent à leur petite compagne ce qu’ils avaient compris de leur situation. Au même moment, Béatrice fit de nouveau son apparition.

NaNoCamp Avril 2017 J+11 : Préquelles Arkhaiologia

Valentin lui administra une pichenette et remarqua que le médecin s’était approché de la jeune femme et avait posé une main sur son épaule. Une aura orangée les environna tous les deux. « Merci, lui lança Béatrice avec reconnaissance. C’est vraiment efficace ! Tu pourrais m’apprendre cette magie ?
– Je crains que non, s’excusa Asklepios. Ces pouvoirs que nous avons nous ont été conférés par nos prédécesseurs ; ils ne s’apprennent pas.
– C’est d’ailleurs parce que ce sont des pouvoirs qui font partie de nous que nous pouvons les utiliser à volonté sans même y penser, précisa Déa. Normalement, la magie requiert beaucoup de concentration, canalysée par des incantations. C’est…
– Quelque chose est là. » L’interrompit le médecin en dressant la tête.

Comme pour confirmer ses propos, des hurlements inhumains et assourdissants provenant de l’extérieur fit sursauter Valentin et Béatrice. Les dragonnets inquiets se mirent à pousser des cris terrifiés. « Sortons. » Décréta la femme aux yeux dorés d’un ton sans appel, à l’intention de son compagnon. Entraîné à obéir à Déa, Asklepios lui emboîta instantanément le pas en direction de la porte à taille humaine qui menait à l’extérieur de l’annexe. Après avoir échangé un regard, les deux thésards les suivirent avec curiosité, se demandant s’ils allaient pouvoir ajouter une nouvelle créature à leur bestiaire.

Les dragons étaient déjà beaucoup plus impressionnants que les petites fées, même jeunes. Ils avaient aussi eu l’occasion de voir des banshees – dont le cadavre de l’une d’entre elle était conservé dans la bibliothèque universitaire – un korrigan, deux nymphes et quelques autres créatures féériques. Il leur tardait de voir des Dames Blanches dont parlaient les rumeurs, les elfes du royaume des fées qui faisaient de régulières incursions, et les licornes mentionnées par des enthousiastes.

En sortant, sur le carré d’herbe de l’autre côté de la place goudronnée dédiée aux véhicules, ils aperçurent cinq énormes hyènes. Du moins, était-ce l’animal auquel ressemblaient le plus ces créatures. Des hyènes immenses aux babines perpétuellement retroussées sur d’énormes crocs dégoulinants de bave. Leurs griffes, aussi, étaient étonnamment longues. « Ils ont senti les jeunes dragons, constata Asklepios.
– Et nous aussi, je pense, compléta Béatrice d’un ton peu assuré face aux bêtes qui grondaient dans leur direction. Ils ont l’air affamés.
– Qu’est ce que c’est ? S’enquit Valentin.
– Vous avez un mot qui n’est pas de votre langue pour eux, répondit Déa. Ce sont des barghests. »

Sur ces mots, elle secoua négligemment sa main et une cage aux barreaux épais apparut autour des monstrueuses créatures. « Tu es vraiment une personne… Pratique à avoir près de soi, commenta Béatrice en relâchant son souffle.
– Plutôt oui, confirma la femme aux yeux dorés sans aucune modestie. Restez tout de même vigilants, ils ne resteront pas enfermés très longtemps. Ils vont bientôt s’échapper, mais j’ai pensé que vous voudriez les observer un moment avant que Asklepios et moi nous occupions d’eux.
– Il n’y a pas moyen de les mettre en cage à l’in… » Commença la thésarde.

Elle s’interrompit en voyant que la bave des barghests, qui mordaient furieusement les barreaux, corrodait la cage. Déa leva le doigt pour faire apparaître une autre cage autour des barreaux en train de se faire grignoter. « D’accord. » Conclut Béatrice en roulant des yeux. Luttant contre son effroi, la jeune femme s’approcha des animaux, portable en main pour les filmer en faisant des commentaires. Valentin fit de même, prenant des photos. Plusieurs fois, la femme aux yeux dorés dut renforcer la cage pour empêcher les barghests fous furieux de s’échapper pour écharper tout le monde.

« Je pense que c’est bon. » Décréta finalement la jeune femme. Déa acquiesça et des lances apparurent brusquement dans tous les sens dans la cage. Les bêtes enragées, transpercées, ne tardèrent pas à succomber à l’attaque. Béatrice et Valentin, ne s’attendant pas à quelque chose d’aussi violent, détournèrent les yeux du spectacle sanglant. Lorsqu’ils regardèrent de nouveau, la femme aux yeux dorés avait fait disparaître ses derniers lambeaux de cage. Ne restait plus au milieu de l’herbe qu’une immonde flaque à la couleur indéfinissable qui dissolvait les derniers poils et os des barghests.

« Je suis désolée de vous avoir choqués, s’excusa Déa qui paraissait un peu surprise de leur réaction. Oh, je vois, c’est d’être dans une période calme : vous n’avez pas l’habitude d’assister à de telles choses.
– C’est ça oui, confirma Valentin un peu pâle.
– Pourquoi est-ce qu’ils ne sont plus qu’une flaque ? S’enquit curieusement Béatrice aussi pâle mais dont la curiosité reprenait rapidement le dessus.

NaNoCamp Avril 2017 J+9 : Préquelles Arkhaiologia

Valentin était en train de se dire que le tri allait durer plus longtemps que prévu, lorsque le visiophone du laboratoire les interrompit. Surprise de recevoir un appel le week-end, Béatrice se leva néanmoins pour répondre. Son téléphone se mit à vibrer à plusieurs reprises en même temps. Elle consulta ses messages en même temps qu’elle acceptait la conversation du visiophone du labo. Le buste d’un officier de police s’afficha, qui lui demandait si son complexe était capable de stocker quelques petits dragons et, si oui, sous combien de temps elle pouvait les recevoir.

« Oh euh, comme je suis là, vous pouvez me les amener. Je vais préparer les cages.
– Parfait, se réjouit le policier. Vous nous enlevez une sacrée épine du pied ; on ne savait pas trop quoi en faire… Par contre, deux n’ont pas survécu à la poursuite. Mais le professeur Massamba nous a dit de vous confier les cadavres.
– Oui, en effet, confirma la jeune femme qui continuait de recevoir des messages de son tuteur en même temps. Je vais m’assurer d’avoir de quoi les entreposer.
– Merci, nous arrivons dès que possible. »

Béatrice le remercia à son tour et coupa la communication, tout en pianotant à toute vitesse sur son téléphone pour assurer Massamba que tout allait bien se passer. Elle espérait ainsi arrêter le flot ininterrompu de son tuteur bavard et généreux en recommandations. « Qui c’est qui te harcèle comme ça ? S’enquit Valentin.
– C’est Massamba. Enfin, j’ai eu un message de Pommier et bientôt quinze de Massamba.
– On dirait qu’il est aussi enthousiaste que toi, plaisanta le jeune homme.
– Voire même encore plus ! Renchérit Béatrice. Et encore, je ne lui ai pas dit que j’ai déjà commencé à étudier un dragon. Bon ! Je suis désolée, mais je vais devoir abandonner le tri pour le moment, je vais devoir préparer l’arrivée des autres dragons.
– Tu veux de l’aide ? S’enquit Valentin.
– Ça ne serait pas de refus, mais vous avez fort à faire pour retrouver les amis de Déa et Asklepios.
– Allons allons, balaya la femme aux yeux dorés. Askel et moi adorons rendre service. Et puis, avec notre aide, je suis certaine que tout sera prêt en un rien de temps ! Ordonnez, et ce sera fait. »

 

Pendant ce temps, dans une jungle en plein cœur de l’Afrique, une jeune femme reposait entièrement nue sur un lit de pétales de cerisiers. Elle se réveilla en sursaut, repoussa ses mèches noires et lisses qui encombraient son visage et grimaça au souvenir de l’intense douleur qu’elle avait subie en guérissant. Qu’est ce qui avait bien pu la blesser à ce point ? Était-ce ce voile noir qui avait eu l’air de recouvrir l’horizon tout entier ? Combien de temps avait-elle dormi ? Et combien de temps son esprit allait-il rester brumeux ? Elle prit sa tête entre ses deux mains, plissant ses yeux en amande. Que de questions ; elle se sentait aussi confuse que ses souvenirs.

La jeune femme se leva. Une autre question lui traversa l’esprit : d’où venaient ces pétales roses sur lesquels elle était couchée à l’instant ? Elle scruta les alentours du regard. Cet environnement lui paraissait presque étranger, comme si elle n’avait pas l’habitude de se trouver dans un tel endroit, et percevait sa présence comme saugrenue en ce lieu. Elle toucha pensivement les grandes feuilles alentours. Celles-ci, comme répondant à son appel silencieux, se penchèrent vers elle, la caressant doucement, presque avec tendresse.

La jeune femme demanda aux plantes alentours si elle pouvait leur prendre quelques feuilles pour se vêtir. Sa requête fut acceptée et des morceaux entiers de végétation tombèrent d’eux-mêmes autour d’elle. Pour remercier la généreuse flore de ces lieux, elle posa ses mains sur les plantes. Une lumière rouge nimba son corps et les végétaux s’étant montrés généreux virent leurs feuilles manquantes repousser. Grâce aux abondantes feuilles immenses qu’elle avait à sa disposition, la jeune femme se confectionna un kimono végétal.

Sa confusion se dissipait peu à peu, elle le sentait. Une certitude s’imposa : elle devait retrouver les autres. C’était important. La jeune femme s’auréola de lumière et sourit. Elle se souvenait enfin qu’elle était Amaterasu.

 

Au même moment, deux énergumènes profitaient du soleil sur le sable fin d’un îlot dangereusement proche d’un volcan. « Hé, [Machin], tu crois que ça suffira à les alerter ? S’enquit l’un des deux d’une langue que plus personne n’avait entendu parler depuis longtemps.
– Je ne sais pas trop [Bidule], répondit l’autre d’un air dubitatif. C’est bruyant, c’est sûr, mais est ce que ça les atteindra ? Rien n’est moins sûr.
– Normalement Askel devrait entendre, supposa le premier avec entrain.
– Sauf s’il ne s’est pas encore éveillé, temporisa le second. C’est un paramètre à prendre en compte.
– Rha tu es trop sérieux ! »

[Bidule] se leva et commença un véritable échauffement, faisant rouler ses muscles fins sous sa peau. Très vite, il se lança dans des acrobaties de plus en plus impressionnantes. Il n’était pas très grand, mais disposait d’une excellente détente. « Et toi, tu ne tiens pas en place. » Rétorqua [Machin]. Celui-ci était beaucoup plus grand et costaud que son agile compagnon.

NaNoCamp Avril 2017 J+8 : Préquelles Arkhaiologia

– Je pensais que tu voudrais le garder avec toi.
– Peut-être, nous verrons bien. » Conclut Déa.

Le dragonnet atterrit en glissant sur le sol près de la femme aux yeux dorés et lui réclama des caresses. Celle-ci s’exécuta avec plaisir et reprit : « Tant que nous n’avons pas de nouvelles d’Amaterasu notre voyageuse rapide, j’aimerais savoir s’il y aurait un moyen de nous rendre vers ce volcan dans le Pacifique.
– Oulà non, s’exclama Valentin. Enfin, il y a des moyens, mais pas à notre portée. Et même si on pouvait, ça resterait long d’aller là-bas.
– Oh, commenta Déa avec une moue déçue. J’espérais que votre technologie pouvait tout faire. Même de nos jours, il y a toujours des limitations, n’est ce pas ?
– De moins en moins, répartit Valentin. Mais toujours, oui.
– Tu vois, Askel, lança-t-elle à son compagnon avec un fin sourire. Après tout, nous ne sommes peut-être pas si obsolètes que cela. »

Son sourire s’effaça au profit d’une mine concentrée. Elle cracha un mot que Valentin ne comprit pas mais que, d’après le ton frustré, il estima être un juron. « Un problème ? s’enquit-il.
– Ils sont trop loin pour que j’arrive à les atteindre, déplora la femme aux yeux dorés. J’espère qu’ils ne feront pas trop de bêtises en attendant. Si ce sont bien eux à l’origine de ce volcan, bien entendu.
– Je suis confiant à ce propos. » Intervint calmement Asklepios.

Valentin ne savait pas quoi répondre à ça et il retourna vers Béatrice, qui était totalement transportée par tout ce qu’elle apprenait sur le dragon. La conversation entre les quatre tourna ensuite surtout autour de ces animaux. Les deux mages fournirent quelques informations supplémentaires sur ce qu’ils savaient des dragons adultes. « Tu es seule à travailler dans ce grand bâtiment ? S’enquit Déa auprès de Béatrice.
– Oh non, nous sommes plusieurs, expliqua celle-ci. Mais nous sommes samedi. Et, le samedi, personne ne travaille.
– Sauf toi, pointa la femme aux yeux dorés d’un ton malicieux.
– Oui, mais c’est une situation exceptionnelle !
– J’en ai l’impression, commenta Déa. Où en sont les recherches ? » Continua-t-elle en se tournant vers Valentin.

« Je pense qu’elles sont terminées, estima celui-ci. Allons voir ; il va falloir trier. » Curieux, ils se rendirent tous dans le bâtiment principal, suivis par le jeune dragon qui ne voulait pas quitter la femme aux yeux dorés. Béatrice accepta que le jeune animal les accompagne à la condition que Déa s’assure qu’il ne fasse pas de bêtises. Valentin leur attribua des postes à tous et répartit les résultats de recherche. Ils s’installèrent tous et le jeune homme leur conseilla de garder le moindre article qui leur laisserait le moindre doute.

« Comment ils vont réussir à lire tout ça ? Interrogea Béatrice.
– Je peux lire n’importe quelle langue, en plus de la parler, leur assura Déa. Cela ne me prend que quelques secondes à intégrer. Un peu plus si je ne connais pas l’alphabet.
– Oh tant mieux, se réjouit Valentin. J’avais prévu le mode aveugle pour eux, avec des écouteurs.
– Je n’en aurai pas besoin, mais Askel si j’en ai peur, reprit la femme aux yeux dorés. Je suis désolée, mais dans mon état ce sera plus simple de traduire ce qu’il entend que ce qu’il voit. J’essaie de chercher les autres en même temps et cela me demande beaucoup d’énergie.
– Tu n’as pas besoin de te justifier, la rassura Béatrice. Valentin avait tout prévu de toutes façons. Si tu préfères les écouteurs, n’hésite pas à lui dire.
– Ça ira, chantonna Déa avec un grand sourire. Je suis impatiente de voir les styles d’écriture de toutes façons. »

Ils se mirent au travail sans tarder. Cela leur prit beaucoup de temps et, lorsque midi fut passé, Béatrice proposa de commander à manger. Après le repas, ils pourraient faire un point sur ce qu’ils avaient trouvé. « Je peux nous fournir de quoi nous nourrir, suggéra Déa. Comme les autres fois.
– À vrai dire, si ça ne dérange personne, j’aimerais beaucoup goûter à la nourriture de ce temps. » Comme toujours, Asklepios était intervenu de sa voix profonde et de son ton poli. La femme aux yeux dorés le considéra avec surprise. Puis, avec un sourire, elle acquiesça. « C’est une bonne idée, approuva-t-elle. Après tout, nous allons devoir vivre… maintenant, n’est ce pas ? »

Béatrice et Valentin s’entre-regardèrent, se demandant qu’est ce qu’ils pourraient leur faire goûter de typiquement moderne. Une demi-heure plus tard, ils se retrouvèrent à manger [ajouter un truc « typiquement » moderne avec ce qu’ils en pensent].

Concernant leurs recherches, tous étaient tombés sur beaucoup d’histoires insolites, mais aucune ne pouvait être considérée comme une piste certaine sur l’un des membres manquant de leur petit groupe de mages. Le tri avaient été fortement ralenti pour Déa et Asklepios, car ils avaient étudié les articles beaucoup plus en profondeur, émerveillés par toutes les nouveautés du monde d’aujourd’hui. La femme aux yeux dorés avaient même trouvé le moyen de naviguer elle-même sur Internet et en avait profité pour naviguer, faisant partager ses découvertes par télépathie à son compagnon.

NaNoCamp Avril 2017 J+7 : Préquelles Arkhaiologia

– Oh, merci. »

Valentin ne s’attendait pas à recevoir un compliment ; il sourit à son interlocuteur d’un air gêné. Asklepios lui rendit un sourire apaisant. Il avait une physionomie qui mettait le jeune homme en confiance. « Qu’est ce que c’est ? S’enquit le médecin en voyant une fenêtre d’information apparaître sur un coin de l’écran.
– Oh, ça, ce sont les infos. Je suppose qu’une des personnes qui utilise ce poste aime bien rester au courant de ce qu’il se passe dans le monde. Ah mais c’est l’éruption d’un volcan ! »

Curieux, le jeune homme ouvrit la fenêtre en grand, pour lire rapidement l’article. « Waw… Émit-il. Un nouveau volcan vient d’apparaître dans le Pacifique… C’est impressionnant !
– Vraiment ?
– Euh… Oui, les volcans m’impressionnent, avoua Valentin.
– Je te comprends, les éruptions sont un spectacle cataclysmique, c’est très beau. Où se trouve le Pacifique ? »

Pour lui répondre, le jeune homme chercha une carte du monde à montrer. Malheureusement, la classique carte n’évoquait pas grand chose à Asklepios. Il n’arrivait pas à reconnaître le tracé et avait eu peu d’occasions de voir des cartes auparavant. « Tant pis, ce n’est pas important, balaya Valentin.
– J’aimerais beaucoup savoir, insista plaisamment le médecin.
– Hum, bon… » Après un moment de réflexion, le jeune homme lui montra un globe holographique et lui expliqua où ils se trouvaient eux et où se trouvait la zone volcanique. Asklepios se gratta pensivement la tête en étudiant le globe.

« Ceci, est-ce bien la route de la soie ? S’enquit-il finalement.
– Oui, c’est bien ça, acquiesça Valentin.
– Je vois mieux maintenant ! Se réjouit le médecin. D’après la description des lieux, Déa m’informe qu’il est possible que ce soit une région où s’étaient rendus deux d’entre nous.
– Et tu as déduit ça grâce au volcan… Parce que ?
– Parce que les deux qui sont partis là-bas sont de sacrés lurons. Et que l’un maîtrise la terre et l’autre le feu. (à vérifier)
– Non… C’est pas possible ! S’exclama Valentin. Tu penses que l’éruption vient d’eux ?
– Ça leur ressemblerait bien, ce sont de vrais plaisantins.
– Mais les volcans ne sont pas des plaisanteries, s’offusqua le jeune homme effaré. C’est très dangereux !
– Ne t’inquiète pas, le rassura Asklepios. Notre but n’est pas de blesser les populations. Ils ont toujours été très porté sur les blagues mais ils ne feraient de mal à personne. »

Valentin n’était pas très sûr d’apprécier l’humour de la création d’un volcan. Il tenta de relativiser en se disant qu’il n’était pas à même de réfléchir comme des personnes aussi puissantes. Il se disait qu’il fallait disposer de très grands pouvoirs pour créer un volcan sur un coup de tête. Une question se mit à lui tarauder l’esprit : « Comment s’appellent-ils ?
– [Machin] et [Bidule] »

Le jeune homme n’était pas calé dans toutes les mythologies du monde, mais il se promit de faire des recherches sur ces deux-là. Il était sûr d’avoir entendu parler d’au moins l’un des deux. En attendant que l’ordinateur termine la recherche demandée, ils épluchèrent les premières suggestions. Malheureusement, rien de sérieux dans les évènements mondiaux ne rapportait la découverte de personnes hors du commun qui parleraient des langues inconnues. « J’espère qu’ils n’ont pas eu le problème de mémoire comme Déa, s’inquiéta Asklepios. Sinon nous mettrons beaucoup plus de temps à les retrouver. » Il s’interrompit un instant, penchant la tête sur le côté. « Déa nous appelle. »

Au moins, elle ne paraissait plus envahir ses pensées à lui, songeait Valentin alors qu’ils se levaient pour se rendre dans l’annexe. Les deux femmes avaient fait sortir le dragon de sa cage. Béatrice en avait profité pour mettre en route une partie du matériel et avait convaincu Déa d’installer quelques capteurs sur l’animal. Elles le laissaient à présent voler dans l’annexe aux hauts plafonds et Béatrice prenait des mesures tandis que la femme aux yeux dorés fixait le dragon d’un air attendri. Valentin était certain que son amie comptait étudier le dragon le plus possible.

« C’est prudent de le laisser faire ce qu’il veut ?
– Oh, ne t’en fais pas pour ça, répondit Béatrice tout en restant concentrée sur son ordinateur. Déa a dit qu’elle pouvait le convaincre de ne pas faire de bêtises, alors je me suis dit que c’était une occasion idéale ! En plus, comme elle peut discuter avec lui, j’ai déjà tout un tas d’informations sur les jeunes dragons à peine sortis du nid : je sais ce qu’ils mangent, je sais combien de temps ils ont besoin de dormir, et plein d’autres choses. » Elle quitta l’écran qu’elle couvait des yeux pour tourner la tête vers son ami et reprit, toute excitée :

« Tu savais que les dragons avaient une mémoire génétique ? De ce que je sais, je suis actuellement la seule spécialiste sur les dragons au monde ! C’est trop bien !
– Tu sais que ça ne va pas durer ? Temporisa Valentin avec un sourire. Surtout avec la volée de dragons qu’ils ont dû attraper hier soir.
– Ha-HA ! Triompha Béatrice avec un sourire jusqu’aux oreilles. Et à qui crois-tu qu’ils vont les amener, tous ces petits dragons ? Heureusement que l’annexe est terminée, je ne sais pas ce que j’en aurais fait sinon… En tous cas, Massamba et Pommier vont être surpris en revenant. Je veux rassembler le plus d’informations possible sur ces animaux-là avant leur retour. Oh, et ne t’inquiète pas, je te filerai mes notes et on en discutera looonguement tous les deux. »

Vaincu par tant d’enthousiasme, Valentin acquiesça avec un franc sourire. Il remarqua alors qu’Asklepios et Déa avaient entamé un dialogue, dans ce qu’il supposait être leur langue d’origine. « Pourquoi vous ne parlez pas par télépathie ? Leur demanda-t-il.
– Parfois nous préférons parler à haute-voix, lui répondit simplement Déa. Je ne me l’explique pas, d’autant que la conversation est plus rapide et claire dans nos têtes, mais c’est ainsi. » Elle se tut un instant. « J’ai commencé à apprendre quelques mots de votre langue à Ouranos.
– Ouranos ?
– Le dragonnet, expliqua-t-elle. Je trouvais que ça lui allait bien. »

Ils contemplèrent l’animal évoluer dans les airs. Il était un peu gauche, comme tous les jeunes, et il lui arrivait de mal négocier certains virages. « Pourquoi tu lui apprends notre langue ? S’enquit ensuite Valentin qui avait l’impression de ne poser que des questions depuis la veille.
– Pour qu’il puisse vous comprendre ton amie et toi, si jamais nous sommes séparés. Quelque chose me dit que ça sera plus simple pour votre travail s’il comprend ce que vous dites.

NaNoCamp Avril 2017 J+6 : Préquelles Arkhaiologia

Le matin les trouva tous les quatre venant tout juste de s’endormir sur le canapé et les fauteuils du salon. Ils y restèrent toute une partie de la matinée, sommeillant dans des positions plus ou moins confortables. Ils furent réveillés par la lumière du jour, les volets s’étant ouverts automatiquement le matin venu. Les deux magiciens émergèrent plus rapidement que les deux thésards. Déa n’était pas très patiente. Elle secoua les deux amis afin de les réveiller. En plus de vouloir en savoir encore plus sur le monde d’aujourd’hui, elle tenait à voir le jeune dragon le plus rapidement possible. Les deux amis s’efforcèrent d’ouvrir les yeux et de se lever.

Après un copieux petit déjeuner fourni par la femme aux yeux dorés, ils se mirent tous les quatre en route en direction du campus, à pieds cette fois. En ce samedi, les alentours de l’université étaient déserts. Les locaux où ils se rendaient l’étaient tout autant. Ils paraissaient immenses ainsi vides. Pendant que Déa allait rendre visite au dragonnet en compagnie de Béatrice, Valentin s’installa à un poste informatique avec Asklepios. « Bien, commença le jeune homme. Ceci est un ordinateur et il est branché à Internet.
– Je n’ai pas très bien compris Internet quand tu l’as expliqué cette nuit, avoua le mage, mais j’ai compris qu’il pouvait nous aider à retrouver nos amis.
– Exactement. Du moins, je l’espère. Ce qui va compliquer nos recherches, c’est qu’il faut retrouver cinq individus potentiellement perdus dans le monde entier… Ça risque de prendre du temps.
– Peu importe, lui assura Asklepios. L’idéal serait de trouver Amaterasu.
– Amaterasu ? Vous êtes sérieux tous ? » Grommela Valentin qui se demandait à certains moments si quelqu’un lui faisait une blague.

Asklepios et Amaterasu étaient des dieux mythologiques et, s’il continuait la réflexion, Dea signifiait déesse. Le jeune homme se demandait d’ailleurs si elle avait un autre nom de déesse connue ; après tout, elle n’avait pas parue très sûre d’elle lorsqu’elle lui avait donné son prénom. La question lui était sortie de la tête pendant la nuit et, à présent, il se demandait s’il aurait le cran de poser la question au médecin du nom d’Asklepios de s’il était un dieu ou pas. Il craignait de passer pour un idiot. Et puis, techniquement, qu’est ce que c’était qu’un dieu ? Il se décida sur une question plus anodine :

« Pourquoi ce serait l’idéal de trouver Amaterasu ?
– Parce qu’elle maîtrise la capacité de… téléportation, expliqua le médecin avec son lourd accent. Grâce à elle, ce serait beaucoup plus facile de retrouver les autres et de nous rassembler.
– Vous rassembler, je vois bien. Mais comment ferait-elle pour retrouver les autres ?
– J’irai avec elle. Mes… capacités ne sont pas encore revenues à leur plein potentiel, mais je dispose d’une excellente perception qui s’étend sur plusieurs contrées. À nous deux, nous aurons retrouvé les autres en un rien de temps : il suffira qu’elle m’emmène un peu partout et je sentirai leurs présences. D’ici là, peut-être que Déa aura retrouvé toute sa puissance de pensée et qu’elle pourra joindre les membres restants. »

Valentin n’avait pas encore entendu son interlocuteur prononcer autant de phrases d’un coup. Le jeune homme trouvait que son élocution s’était améliorée, même si son accent était toujours très prononcé. En réfléchissant, il réalisa qu’Asklepios s’était toujours tenu en retrait en présence de Déa. Avec une forme de révérence, aurait-il pu dire. La femme aux yeux dorés ne s’était pas présentée comme telle, mais il se pouvait qu’elle soit la dirigeante de ce petit groupe. Peu importait ; pour le moment, il devait trouver un moyen de mettre la main sur Amaterasu.

« Hum, bon, reprit-il. Je vais avoir un peu de temps à obtenir une réponse valable, mais je lance une recherche sur les personnes qui parlent une langue bizarre en premier lieu. Les nouveautés sur hier et aujourd’hui. Ce qui est beau avec Internet, c’est qu’on trouve de tout. Après, l’inconvénient avec Internet, c’est qu’on trouve de tout aussi.
– Je te fais confiance, lui assura Asklepios. Ton amie et toi êtes des personnes généreuses et curieuses. Nous avons beaucoup de chance de vous avoir rencontrés.

NaNoCamp Avril 2017 J+5 : Préquelles Arkhaiologia

Béatrice ne dit mot jusqu’à ce qu’elle arrive à son garage. Lorsque la porte s’ouvrit et que la voiture descendit dans les profondeurs, Asklepios déclara de son élocution hésitante et accentuée : « Le monde a bien changé durant notre absence.
– C’est certain, appuya la femme aux yeux dorés. Comme je te le disais tout à l’heure, on dirait que tout fonctionne avec de la magie, sauf que ça n’en est pas.
– Tout à l’heure ? Questionna machinalement Valentin.
– Oui, lors de notre conversation télépathique, précisa Déa.
– Peut-être sommes-nous obsolètes dans ce monde là, continua l’homme aux iris orangés d’un ton pensif. C’est une étrange sensation.
– Je ne pense pas. » Commenta doucement la conductrice, comme pour elle-même.

En plus des voitures, les deux mages furent impressionnés par l’ascenseur, dans lequel la femme aux yeux dorés fit apparaître des vêtement pour son compagnon, qui put ainsi enlever son pagne de fortune. « Je comprends pourquoi vous construisez des bâtiments aussi hauts ! S’exclama Déa après qu’ils se retrouvèrent tous installés dans le salon de Béatrice. Ce serait une véritable plaie de monter tous ces étages à pieds.
– Ce qui est le cas lorsque l’ascenseur tombe en panne. » Précisa Valentin en souriant. Son amie habitait au huitième étage et, les quelques fois où cela s’était produit, elle était venue dormir chez lui, par flemme de grimper toutes ces marches. Il aimait bien la taquiner avec ça.

Une fois que Béatrice eut servi tout le monde en boisson, elle-même ayant grand besoin du réconfort d’une infusion après toutes ces émotions, elle se laissa tomber dans un fauteuil. « Bon ! Déclara-t-elle. Qu’allons-nous faire de vous ?
– C’est une excellente question, pouffa Déa. Vous avez déjà fait beaucoup pour nous. Moi, surtout. J’étais vraiment perdue jusqu’à maintenant. Toujours un peu, d’ailleurs, puisque je ne reconnais rien. Mais nous ne vous embêterons pas longtemps. J’aimerais que vous m’expliquiez un peu comment fonctionne le monde à présent – et nous répondrons à vos questions si vous en avez – puis nous irons chercher les autres, aviser de la situation, de notre rôle dans tout ça, et ainsi de suite.
– Tout un programme. » Commenta Béatrice tandis que Valentin se demandait comment faire pour résumer le monde.

« Ce breuvage est très bon, parvint à dire Asklepios entre deux gorgées. J’espère que nous ne puisons pas dans vos réserves.
– Oh non, il n’y a pas de souci à se faire de ce côté là, le rassura leur hôtesse. J’aimerais vous poser quelques questions sur les créatures… magiques. Vous vous y connaissez bien en créatures magiques ?
– Nous en sommes nous-mêmes, répondit plaisamment Déa. Je ne sais pas si nous pourrons répondre à toutes les questions, mais nous essaierons, n’est ce pas Askel ? »

Son ami aux yeux orangés acquiesça de bon cœur. Béatrice posa son mug, sortit son téléphone pour prendre des notes et commença ses questions. Valentin s’empressa de faire de même. Après tout, leurs sujets d’étude étaient très liés ; la nuit promettait de continuer à être aussi intéressante que lorsqu’elle avait commencé, lorsqu’ils avaient recueilli Déa après son entrée fracassante. De fait, ils passèrent une nuit blanche. Valentin se fit plusieurs fois la réflexion qu’il était heureux de ne pas avoir d’obligation le lendemain matin.

NaNoCamp Avril 2017 J+4 : Préquelles Arkhaiologia

Ils frissonnèrent. La lueur orangée disparut progressivement et l’homme fit un pas en arrière. Il prononça quelques mots d’une voix profonde et sur une intonation interrogative, mais ni Valentin, ni Béatrice ne comprirent sa question. Déa hocha affirmativement la tête en réponse, puis se tourna vers les deux amis. Elle souriait. « Je suis guérie ! Se réjouit-elle. Je vous avais dit que je connaissais un médecin.
– Euh, oui d’accord… Balbutia Valentin.
– On devrait peut-être s’en aller, du coup, non ? Suggéra Béatrice. Déa n’a plus besoin de soins et son ami se balade en petite tenue dans les couloirs de l’hôpital… »

La femme aux yeux dorés acquiesça et se tourna vers le médecin pour lui dire quelques phrases dans leur langue. L’homme hocha de la tête pour indiquer qu’il avait compris et ils quittèrent l’hôpital tous les quatre. Une fois dans la voiture de Béatrice, ils prirent le temps de mettre un peu d’ordre dans leurs esprits. « Raconte-nous Déa, la supplia Valentin. Tu te rappelles de tout ? Comment ça se fait que tu étais écorchée quand tu es arrivée ? Tu te souviens enfin d’où tu viens et où on est ?
– Un instant, temporisa Déa, Asklepios voudrait suivre la conversation. Je vais filtrer votre langue…
– Asklepios ? Filtrer notre langue ? » Ni Valentin, ni Béatrice ne comprirent l’expression. Ils échangèrent un regard perplexe.

« Pardonnez-moi, s’excusa Déa avec un sourire joyeux. Vous ne devez pas saisir grand chose à la situation.
– C’est le moins qu’on puisse dire, commenta Béatrice.
– Je vais essayer de résumer, reprit la femme aux yeux dorés. Filtrer votre langue, c’est pour que mon ami puisse vous comprendre et vous parler. Je suis télépathe et j’ai le don universel des langues. C’est la raison pour laquelle j’ai assimilé votre langage très rapidement. Asklepios, lui, ne dispose pas de ces dons. Je traduis donc dans sa tête ce qu’il entend et ce qu’il veut dire. Comme ça, il peut vous comprendre et vous parler. Par contre, je dois être rouillée, ça me demande bien plus d’efforts qu’avant de faire ça…
– Ça… Ce doit être parce qu’il y a peu de magie, expliqua doucement Asklepios avec un lourd accent. C’est plus difficile pour moi aussi… De soigner. »

Valentin se tourna du siège passager pour considérer l’homme. Celui-ci lui rendit paisiblement son regard, de ses yeux aux iris orangés. Le thésard se demanda d’où leur venaient ces couleurs d’yeux peu communes. « Arrête de te poser des questions, le gourmanda Déa. Je ne pourrai pas répondre à toutes sinon !
– Arrête de lire mes pensées, se plaignit le jeune homme. C’est perturbant…
– Je vais essayer, promit la femme aux yeux dorés. Mais je ne garantis rien : c’est de l’ordre du réflexe pour moi.
– D’où venez-vous alors ? » Intervint Béatrice avec le regard pétillant de curiosité.

Déa et Asklepios échangèrent un regard entendu. Valentin les soupçonna de discuter par télépathie en même temps qu’ils conversaient avec eux. La femme aux yeux dorés lui fit un clin d’œil et répondit : « En fait, la véritable question n’est pas d’où venons-nous, mais plutôt : de quand venons-nous ?
– De quand… » Murmura Béatrice. Les deux étaient stupéfaits.

« Vous avez voyagé dans le temps ? S’étonna Valentin.
– Pas vraiment, corrigea Déa après un bref regard en coin vers son compagnon. Pour simplifier, disons que nous sommes investis de magie et, quand elle est présente, nous sommes immortels. Lorsque le voile a éradiqué la magie du monde, nous sommes devenus poussière. Mais maintenant qu’elle est de retour, nous avons pu nous reconstituer.
– Comment se fait-il que tu te sois reconstituée amnésique ? S’enquit Béatrice.
– Nous sommes immortels, mais pas invulnérables, expliqua Déa. Nous pouvons être blessés, même si aucune blessure n’est mortelle et que nous guérissons plus rapidement que vous. »

Il y eut un nouveau silence, le temps que Valentin et Béatrice digèrent les informations. La jeune femme prenait furieusement des notes sur son téléphone. « Nous devons trouver les autres, déclara Asklepios de sa voix profonde.
– Je ne sais plus où ils étaient lorsque le voile est apparu, soupira la femme aux yeux dorés. Ils étaient certainement aux quatre coins du monde… Je n’arrive pas à les joindre par télépathie pour le moment.
– Les autres ? Répéta Valentin. Vous êtes combien de… comme vous ?
– Sept. » Répondit Déa avec un sourire absent.

Béatrice posa son téléphone et mit le contact. « On ne va peut-être pas rester à discuter toute la nuit sur un parking d’hôpital. Je vous emmène chez moi pour la nuit ?
– Avec plaisir, accepta la femme aux yeux dorés. Et le dragon ?
– Nous irons le voir demain. J’avais une autre question… Ce voile dont vous avez parlé tout à l’heure, qu’est ce que c’est ?
– C’est une bonne question, répondit Déa. Nous ne savons pas : nous n’en avions jamais entendu parler avant de le voir. Et de le subir. » Elle tordit la bouche à ce souvenir. « C’était très douloureux. »