NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 9

« Tout va bien, madame ? Vous n’avez pas froid j’espère ! » Éléonore leva les yeux au ciel. Jodie ne la lâcherait donc jamais ? L’eau du bain était encore chaude et elle ne comptait pas en sortir tout de suite. Elle n’avait pas envie de s’embêter à lui répondre, mais craignant que la servante ne fasse une irruption paniquée si Éléonore ne lui confirmait pas qu’elle était encore en vie, elle l’informa que tout allait pour le mieux.

Elle passa le reste de son temps dans l’agréable tiédeur à se vider l’esprit du mieux possible. Lorsqu’elle sortit du bain, Jodie était déjà à lui tendre de quoi s’essuyer et un peignoir tout chaud. Éléonore se blottit dedans et s’installa devant la cheminée. Elle dut s’en éloigner un peu, car les flammes produisaient trop de chaleur. « Jodie ?
— Oui madame ?
— Emmène-moi sur le lieu de mon accident.
— Êtes-vous sûre, madame ? »

La servante affichait son habituelle mine désapprobatrice. « Oui, certaine. » Jodie n’argumenta pas, ce qui parut lui demander un véritable effort. Elle aida Éléonore à revêtir une nouvelle toilette puis, une fois toutes les deux préparées à affronter l’hiver, elles sortirent dehors.

« Je vous préviens, madame, nous allons devoir marcher longtemps. Je ne sais pas si c’est une très bonne idée dans votre condition.
— Je pense que ça ira. Si jamais ça se trouve si loin, peut-être pourrions-nous y aller à cheval ? Ou avec une voiture ou quelque chose ?
— Oh, euh, non madame, je doute que ce soit une bonne idée.
— Pourquoi ?
— Votre père ne veut plus que vous montiez à cheval, madame. Et il refuse de vous laisser prendre un quelconque moyen de transport sans qu’il soit présent pour vous protéger.
— Ah. »

Arthur se montrait décidément pénible. « Peut-être que vous serez en retard pour le dîner, ajouta Jodie.
— Nous allons si loin que ça ?
— Nous allons loin, oui, mais je serais bien en peine de dire combien de temps cela va nous prendre, madame.
— Nous verrons bien, dans ce cas. »

La servante ne semblait pas apprécier l’apparente insouciance d’Éléonore, mais cette dernière n’en avait cure. Elle ne pensait qu’au fait qu’elle pourrait peut-être trouver des informations intéressantes sur le lieu de l’accident [d’ailleurs, Éléonore aurait pu poser des questions sur le cheval dangereux au palefrenier quand elle est allée aux écuries] et peu lui importait la longueur de leur escapade. Bien sûr, ses vêtements ne paraissaient pas très indiqués pour une longue marche : la robe était lourde et encombrante, mais elle espérait qu’elle pourrait s’y habituer.

Elles parcoururent plus de trajet que ce à quoi s’attendait Éléonore. Le domaine paraissait immense et elle commençait à éprouver de la curiosité par rapport à ce qui se trouvait à l’extérieur. Elle doutait que Jodie accepte de l’accompagner explorer l’extérieur du domaine seigneurial, puisque le jeu s’y limitait certainement. « C’est là. » l’informa la servante, la tirant de sa rêverie. Le paysage était accidenté, avec des rochers qui affleuraient un peu partout dans l’herbe durcie par le givre et lui donnaient un air sauvage. Éléonore se dit qu’il n’était pas étonnant que le cheval ait trébuché et qu’elle ait vidé les étriers.

Enfin, les organisateurs avaient bien choisi le lieu en tous cas, se corrigea-t-elle. « Je pense que vous êtes tombée juste là. » supposa Jodie en désignant une pierre blanche tachée du marronnasse de sang séché. Et ils avaient pensé à tous les détails. Éléonore s’approcha du caillou et l’inspecta attentivement, ainsi que les alentours. Au milieu de cette plaine herbeuse balayée par le vent hivernal, elle se demanda s’il y avait vraiment quelque chose à trouver ici. Le temps menaçait de déverser de la neige. Si elle devait trouver quoi que ce soit, c’était maintenant.

À presque deux mètres de là, un éclat attira son regard au milieu d’une touffe d’herbe gelée. Éléonore s’approcha et s’empara d’un fin bracelet doré. « Il est très joli, souffla-t-elle.
— Oh, oui, pour sûr, approuva Jodie. C’est monsieur Lance qui vous l’avait offert.
— Je m’en souviens, oui. » mentit-elle. La servante sourit et hocha la tête, soulagée.

Éléonore réalisa alors qu’elle n’aurait pas eu à s’en souvenir. Un message était gravé sur l’envers du bracelet : « Ainsi, mon Amour vous suivra partout, où que nous soyons. Lance. » Elle esquissa un fin sourire, se disant qu’il se pouvait qu’elle rencontre ce fameux Lance avant la fin de la partie. Si leurs deux personnages étaient autant épris l’un de l’autre, il ne la laisserait pas ici.

Éléonore ne comptait cependant pas attendre sans rien faire. Qui, de nos jours, se contentait de jouer la princesse en détresse ? Elle voulut mettre le bracelet à son poignet, pour ne pas l’égarer, mais l’attache était brisée, sûrement à cause de la chute. Songeant au fait qu’il ne vaudrait mieux pas qu’Arthur tombe sur ce bijou, elle le glissa dans son corsage. Là, au moins, il ne risquait rien.

Elle resta encore quelques minutes à chercher d’autres traces. Le bracelet était une bonne trouvaille, mais somme toute assez maigre. Il y avait peut-être d’autres indices semés parmi les pierres blanches. « Madame, nous devrions rentrer, ne pensez-vous pas ? suggéra Jodie, transie de froid. Vous risquez de vous mettre en retard pour le dîner et cela va inquiéter votre père.
— Il ferait mieux de s’occuper de ses… Hum… Oui, vous avez sans doute raison. Rentrons. »

Éléonore se détourna de la plaine venteuse à regret et suivit Jodie dans la direction qui menait au château. Comme toujours, elle eut l’impression que le chemin du retour fut plus court qu’à l’aller. Il faut dire qu’elle avait encore eu matière à réflexion pendant la route ; elle se posait beaucoup de questions sur Lance, sur leur supposée relation et sur la réaction du seigneur Arthur à tout cela.

Elle se réjouit de retrouver l’intérieur chauffé de l’édifice. Même si elle trouvait qu’il y faisait parfois frisquet vu la quantité de volume qu’il y avait à chauffer, la différence de température avec l’extérieur la fit transpirer et elle ôta bien vite les couches protectrices qu’elle avait revêtues contre le froid. Jodie s’empressa de lui dégager les bras de son fardeau vestimentaire. Éléonore la remercia et s’en fut retrouver le confort de ses fauteuils devant sa cheminée.

Pouffant de rire toute seule, elle se dit qu’une fois de retour à sa vie normale, ces fauteuils devant la cheminée allaient lui manquer. Heureusement qu’elle serait ravie de retrouver tout le reste. Et surtout [Bidulon]. Maintenant qu’elle pensait à lui, elle s’installa de nouveau à son secrétaire et s’employa à continuer la lettre qu’elle lui avait commencée.

Elle s’en sortit mieux avec l’encre et s’en macula beaucoup moins les doigts. Cette fois, il y en avait suffisamment peu pour qu’elle n’ait pas à demander de l’aide à Jodie pour s’en débarrasser. Éléonore ne tenait pas à ce que la servante se questionne sur ce qu’elle écrivait si elle la surprenait les mains pleines d’encre noire à chaque fois. Peut-être qu’elle s’inquiétait pour rien : après tout, elle ne savait pas si Jodie était censée avoir appris à lire. Mieux valait prévenir que guérir dans tous les cas.

Comme elle avait déjà dissimulé sa lettre dans le secrétaire, Éléonore décida de cacher le bracelet ailleurs, pour ne pas placer tous ses œufs dans le même panier. Elle trouvait compliqué de trouver une cachette où Jodie — ou quelqu’un d’autre — ne tomberait pas dessus par mégarde. Après réflexion, elle le coinça sous le sommier du lit ; elle pourrait toujours le déplacer si elle trouvait mieux. La longue excursion de l’après-midi l’ayant épuisée, Éléonore s’affala ensuite sur le lit où elle sombra dans un sommeil lourd.

« Madame ! » Quelqu’un la secouait, mais elle avait envie de continuer à dormir. « Madame, êtes-vous souffrante ? Faut-il que je fasse appeler des médecins ? » Éléonore poussa un grognement et ouvrit péniblement les yeux. Elle reconnut Jodie qui la secouait. Bien sûr. Qui d’autre ?

« Quoi ? lâcha Éléonore les yeux emplis de larmes de sommeil.
— Monseigneur se demande où vous êtes.
— Pourquoi ?
— Vous êtes en retard pour le dîner, madame. Et en plus, votre robe est toute froissée !
— Ah. Et bien je suis trop lasse pour descendre dîner avec monseigneur, je mangerai seule ici, ce soir. Comme ça, en plus, ce n’est pas grave si ma robe n’est pas présentable.
— Bien, madame. »

Jodie s’en fut pour prévenir Arthur que sa fille ne viendrait pas et pour organiser les préparatifs du repas d’Éléonore. Cette dernière s’étira et se frotta les yeux, puis se rendit dans le petit salon pour contempler les flammes claires dans la cheminée. Après avoir entièrement émergé de sa sieste, elle se sentit en pleine forme. Elle aurait même pu affronter un dîner en compagnie d’Arthur.

Son estomac gargouilla en même temps que Jodie revenait, ployant sous un énorme plateau, généreusement garni. Éléonore rit joyeusement et se précipita pour aider la servante à porter le plateau jusqu’à une table. « Je ne vais jamais pouvoir manger tout ça, commenta-t-elle. Merci en tous cas. J’espère que monseigneur Arthur ne m’en veut pas trop de rester dîner ici.
— Je ne pense pas, madame. Il avait l’air un peu déçu, mais il a dit qu’il préférait que vous vous reposiez.
— Fort bien. Vous pouvez me laisser manger seule maintenant. »

Jodie pinça les lèvres et s’en fut. Affamée par sa promenade, Éléonore mangea joyeusement. Alors qu’ayant trop mangé, elle arrivait au dessert, elle songea au prisonnier. Elle éprouvait l’envie de retourner discuter avec lui. Supposant qu’il accueillerait volontiers quelques douceurs, elle retourna chercher la taie qu’elle avait remise sur l’oreiller [je sais plus si j’ai parlé de ça, à vérifier] et la remplit de ce qu’elle put qui lui paraissait transportable dans un tel baluchon.

Avisant la bouteille de vin, dont elle n’avait pas abusé pour garder l’esprit clair, elle s’en empara. C’était bien beau de vouloir rendre visite à l’homme dans les cachots, mais il fallait bien trouver un moyen de se débarrasser ou d’amadouer les gardes ; elle ne pouvait pas toujours espérer qu’ils partent manger en laissant les geôles sans surveillance. La bouteille de vin ferait certainement l’affaire.

Éléonore s’en fut de ses appartements, son baluchon rempli de nourriture dissimulé sous ses jupes, comme le matin même. Cette matinée sembla s’être déroulée il y avait une éternité. À cette heure, elle rencontra peu de monde, hormis les servantes et serviteurs qui faisaient les aller-retour entre les cuisines et la salle à manger. Ils étaient tellement affairés que peu lui prêtèrent la moindre attention et elle parvint à la porte des cachots sans avoir plus de deux domestiques qui s’étaient inclinés sur son passage.

Elle descendit les escaliers à toute vitesse et faillit heurter André. « Qui va là ? » rugit celui-ci, prêt à la frapper, avant de la reconnaître. « Que faites-vous encore là, madame ? Je croyais que monseigneur votre père allait vous interdire de redescendre ici.
— Il me l’a plutôt déconseillé. Et je me disais que vous pourriez peut-être oublier ma présence en échange d’un petit cadeau, non ? »

Éléonore exhiba la bouteille de vin à peine entamée. Les yeux du garde brillèrent de convoitise.

 

1870 mots pour aujourd’hui. C’est faible pour un samedi ‘-_-

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