NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 12

— Enfin, je vous vois sourire. Voilà quelque chose qui n’arrive pas si souvent ces derniers temps. Bien ! Voici une deuxième nouvelle : l’incendie n’a pas causé de dégâts trop importants. Il y aura quelques menus travaux de réfection à effectuer, mais rien de bien grave. »

Arthur continua à expliquer qu’ils allaient en profiter pour redécorer cette partie du château et comment. Éléonore n’écouta les détails que d’une oreille distraite. [Introduire à un moment l’explication sur l’origine de l’incendie] Elle jeta un coup d’œil à Edmond qui lui rendit un regard impassible. Il n’était pas certain qu’elle puisse lui accorder sa confiance, mais il avait réussi sa part du marché et, lorsque les invités seraient arrivés, elle n’aurait plus qu’à tenir la sienne. Elle espérait qu’Arthur ne ferait pas fuir le prochain comme il avait, apparemment, fait fuir Lance.

Lorsque le repas se termina, Éléonore n’avait aucune idée de ce qu’elle avait mangé. Tous se levèrent et le seigneur Arthur suggéra à sa fille de s’habiller chaudement pour l’extérieur, car ils allaient devoir sortir. Jodie se tenait déjà là, juste hors de la salle à manger, avec gants, manteau, chapeau et tout ce qu’il fallait pour protéger Éléonore du froid. Cette dernière se promit de trouver une autre femme de chambre qui ne serait pas à la botte du seigneur du château. Elle refuserait toutes celles que lui proposerait Arthur.

Il l’emmena dans un bâtiment éloigné du château, mais — à la grande déception d’Éléonore — toujours sur le domaine. Les trois conseillers suivaient, même s’il fallait parfois détourner l’attention de Raymond des beautés de la nature hivernale qui l’émerveillaient. Éléonore s’apprêta à s’occuper du vieil homme, mais Sigismond s’en chargeait déjà avec prévenance.

Ils parvinrent à un grand pavillon circulaire aux couleurs éclatantes. Des cris s’en échappaient. Des cris humains. « Que se passe-t-il ? s’alarma Éléonore.
— Vous verrez, ma fille. C’est une surprise qui, je l’espère, vous endurcira un peu. » lui répondit Arthur sur un ton énigmatique, qui ne plut pas à son interlocutrice.

Lorsqu’ils parvinrent à l’entrée du pavillon, Sigismond les précéda pour sonner une petite cloche à l’entrée. Un individu maigrelet au visage chafouin vint soulever le battant. Voyant à qui il avait à faire, il s’inclina très bas. « Soyez les bienvenus, messeigneurs et madame. » Un nouveau hurlement l’interrompit. Il sourit. « Comme vous pouvez le constater, le bourreau Samedi est déjà à pied d’œuvre. Veuillez entrer. »

Arthur entra le premier. Éléonore considéra les trois conseillers. Raymond arborait un sourire absent. Sigismond, qui le maintenait dans la bonne direction en l’empêchant d’éparpiller son attention, avait pâli. Seul Edmond restait impassible et emboîta aussitôt le pas à son seigneur, comme si de rien n’était. « Qu’attendez-vous, ma fille ? » Elle n’osait pas poser le pied à l’intérieur ; étant donné les cris qu’elle entendait, Éléonore avait dépassé le stade du mauvais pressentiment.

Alors qu’elle essayait désespérément de faire abstraction du vacarme mâtiné de sanglots, Éléonore regardait tout autour d’elle. L’intérieur du pavillon était divisé en plusieurs parties par d’imposantes tentures richement brodées. Les invités se trouvaient dans une sorte de hall d’accueil, où étaient étalés de nombreux signes extérieurs de richesse [à décrire], certainement pour épater la galerie, supposa-t-elle.

Si tout cela appartenait bien au bourreau Samedi, celui-ci devait mener une véritable vie de patachon, songea Éléonore. Pourquoi, alors, officiait-il toujours comme bourreau ? La réponse lui parvint sous la forme d’un nouveau cri — de douleur ou de terreur, elle ne pouvait le déterminer — : cet homme aimait son métier. Éléonore, quant à elle, peinait à endurer ces hurlements et, pourtant, elle ne voulait pas quitter le pavillon.

« Bien bien bien, commenta Arthur au petit homme qui le regardait par en-dessous. Montrez-nous donc ce spectacle, dans ce cas. » Éléonore n’avait pas suivi leur conversation et espéra qu’elle n’en avait rien raté d’important. « Je suis impatient de voir œuvrer ce fameux bourreau Samedi dont j’ai tant entendu parler.
— Vous ne serez pas déçu, lui assura l’aide. Veuillez me suivre. »

Elle ne se sentait pas très vaillante et se demanda si son propre visage paraissait aussi décomposé que celui de Sigismond. Le petit homme les précéda dans le plus grand espace du pavillon, qui était aussi circulaire. Il était composé de quelques gradins entourant un espace vide, au centre duquel quelqu’un était attaché, nu, à un poteau autour duquel il pouvait bouger, mais pas s’enfuir. Il était ligoté de manière à présenter son dos au bourreau Samedi, qui s’amusait à le zébrer à l’aide d’un petit fouet.

Le tortionnaire était particulièrement massif et un peu bedonnant. Éléonore n’imaginait pas quelqu’un pouvoir s’échapper de son étreinte, une fois agrippé de ses mains puissantes. Il portait un capuchon classique de bourreau et possédait tout un arsenal d’outils dont elle ne voulait même pas connaître l’utilité. Pour le moment, elle avait les yeux écarquillés d’horreur en reconnaissant le supplicié. C’était Gaël, qui suppliait et poussait des cris de douleur. Un nouveau coup de fouet s’abattit sur son dos, l’ornant d’une nouvelle zébrure rouge. « Stop ! » hurla-t-il dans un sanglot.

Cette fois, il n’était plus possible de considérer qu’il s’agissait d’un jeu. Éléonore était effarée de tout ce que cela impliquait. Elle eut le tournis et se demanda si elle allait se sentir mal, mais Gaël poussa un cri éraillé qui la ramena à la conscience. « Comme vous pouvez le constater, commença le bourreau Samedi d’une voix si douce qu’elle détonnait avec la violence dont il faisait preuve, j’ai commencé les préliminaires avec mon sujet. Le fouet est un grand classique, parfait pour se mettre en jambe. »

Constatant qu’Arthur et ses conseillers avaient pris place sur les gradins, elle sentit une vague d’irritation l’envahir. « Comment pouvez-vous assister à ça comme si c’était normal ? leur lança-t-elle en s’efforçant de maîtriser sa voix qui tremblait de colère.
— Voyons ma fille, je vous avais pourtant dit que ce manant subirait ma sentence. Vous vous étiez beaucoup trop rapprochée de lui : et s’il vous avait transmis une maladie ou je ne sais quoi ? Je me dois de vous protéger.
— Me protéger ? » s’étrangla Éléonore.

Il ne servait à rien d’argumenter avec cet homme infect. S’il ne s’agissait pas d’un jeu, alors elle avait bel et bien à faire à un pervers de la pire espèce. « Et vous, comment pouvez-vous cautionner de telles actions ? » lança-t-elle aux conseillers. Aucun ne répondit. Elle n’avait pas besoin de leur réponse : elle avait conscience qu’ils ne faisait que suivre les ordres de leur seigneur. Se détournant d’eux, elle s’avança d’un pas décidé dans l’espèce de petite arène.

L’aide du bourreau Samedi voulut l’en empêcher, mais son maître l’arrêta d’un geste. « Laisse, dit-il de sa voix douce. Et voyons ce que me veut la dame. » Éléonore s’empara du premier objet qui lui tomba sous la main — un gourdin — et, le prenant à deux mains, elle en frappa le bourreau de toutes ses forces. Le coup ne parvint jamais à destination : Samedi avait attrapé ses poignets d’une seule main, bloquant ainsi son élan.

« Lâche-moi ! lui intima-t-elle en laissant tomber tout vouvoiement.
— Allons allons, je ne vous laisserai pas faire preuve de violence de bas étage, comme cela. Ce serait une insulte à mon art. » Le visage du bourreau était dissimulé sous son capuchon noir, mais Éléonore perçut à sa façon de parler qu’il souriait. Elle tenta vainement de se dégager, pendant qu’Arthur s’était redressé, la mine sombre.

« Que faites-vous ? s’enquit le seigneur d’une voix impérieuse.
— Je l’empêche seulement de me frapper, n’ayez crainte. Avec tout le respect que je vous dois, votre dame est impertinente. Je peux la punir pour vous, si vous le souhaitez. Ou vous montrer des moyens amusants de le faire. »

De voir Arthur songeur face à cette proposition alimenta encore plus la rage d’Éléonore. Voyant qu’elle ne pourrait pas dégager ses poignets, elle lança un puissant coup de genou en direction de l’entrejambe du bourreau. Puis, pâlit en constatant que cela avait à peine eu l’air de l’affecter. Il rit. « Monseigneur, intervint Sigismond d’une voix blanche. Vous ne pouvez pas laisser votre fille traitée de cette manière.
— Vous avez raison, Sigismond, concéda Arthur après un instant de réflexion. Lâchez donc ma fille ! »

Samedi libéra Éléonore, qui le fusilla du regard et s’empara d’une lame qui faisait partie de l’arsenal du bourreau. « Pourriez-vous lui demander de cesser de toucher mes précieux instruments ? plaida Samedi de sa voix douce où commençaient à percer quelques signes d’irritation.
— Ma fille, laissez cette lame, ce n’est pas un objet pour vous ! »

Ignorant tout le reste, Éléonore trancha les liens de Gaël, qui tomba à genoux. Elle le prit dans ses bras, prenant garde de ne pas toucher les zébrures du fouet. « J’ai pas pu m’échapper, souffla-t-il. Ils étaient trop nombreux à me chasser… » Dans tous les cas, se dit Éléonore, il ne pouvait plus aller nulle part dans son état. Elle se tourna alors vers son soi-disant père et ses conseillers, puis leur déclara, une lueur de défi dans le regard :

« J’ai décidé que sa vie m’appartenait, maintenant que je l’ai sauvée. Il est à moi. Ainsi, vous n’aurez plus à me trouver une nouvelle femme de chambre : il me servira de page ou de valet ou de je ne sais quoi et il ne quittera jamais mes côtés. Entendu ?
— Voyons ma fille… Arthur était pris de court.
— Ne vous avisez même pas de refuser ! Je ne demande que peu de choses, vous pouvez bien m’accorder celle-là.
— Mais, ma mie…
— Ma fille, corrigea-t-elle vivement.
— Ma fille, c’est un homme, il ne peut pas rester auprès de vous comme cela.
— Bien sûr que si. En tous cas, si vous souhaitez continuer à me voir au château, ce sera le cas. »

Sigismond était bouche bée, Edmond réfléchissait visiblement à toute allure à une façon de désamorcer la situation et même Raymond paraissait conscient de ce qu’il se passait autour de lui, pour une fois. « Et bien alors, pouffa-t-il d’ailleurs. Voyons, beaucoup de dames possèdent des pages sans qu’il y ait de souci. Ne lui faites-vous pas confiance ?
— Je… hésita Arthur. Bien sûr, je lui fais confiance.
— Vous vous souvenez certainement de ce qu’il s’est passé la dernière fois qu’elle avait ce regard-là, poursuivit Raymond. Ne risquez pas une nouvelle fuite de sa part pour quelque chose d’aussi trivial. Elle veut un serviteur, eh bien quoi ? La belle affaire ! »

 

1746 mots pour aujourd’hui, j’avais tellement peur de pas faire le quota avec ma journée nulle que je suis contente de l’avoir atteint ^^

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 11

Éléonore ouvrit la bouche, puis la referma. Refusait-il d’aller prêter assistance à Gaël parce que le prisonnier ne risquait rien ou parce qu’il avait vraiment peur de se retrouver au milieu des flammes ? Sa détermination se durcit et elle lança : « J’irai moi, puisque vous êtes trop peureux pour le faire.
— C’est juste un manant !
— C’est une vie. Donnez-moi les clefs tout de suite. »

Alors qu’André fouillait maladroitement ses poches pour en extraire le trousseau des cachots, Éléonore se dit qu’en agissant ainsi, ou elle rendrait l’histoire plus intéressante, ou elle sauvait véritablement quelqu’un. Elle arracha les clefs de la main du garde, qui avait fini par les trouver, et s’en fut en courant en direction de la porte extérieure, ignorant les appels de Sigismond. Si le feu brûlait près des cuisines, elle estimait qu’il était trop risqué de passer par l’intérieur.

Malgré le manteau de Sigismond sur ses épaules, elle percevait la morsure du froid et d’autant plus lorsqu’elle batailla contre la serrure avec ses doigts gelés. Lorsque la porte céda devant son acharnement, elle descendit les quelques marches quatre à quatre et rejoignit la cellule de Gaël. « Ah, enfin quelqu’un, s’exclama-t-il avec soulagement. Qu’est-ce qu’il se passe ? Il y a de la fumée qui arrive et les gardes se sont fait la malle…
— Il y a le feu, répondit succinctement Éléonore en cherchant quelle clef ouvrait la porte.
— Ah les connards ! Ils allaient m’abandonner là ! Où tu as trouvé les clefs ?
— Je les ai demandées à André. » lui expliqua-t-elle en ouvrant finalement la porte.

Gaël se précipita dehors. « Merci, vraiment, c’est très gentil de ta part d’être venue me sortir de là.
— De rien, mais nous devrions sortir d’ici avant de discuter.
— Oui oui, partons, j’ai pas envie de rôtir ici. »

Ils filèrent et, une fois éloignés du bâtiment, ils s’arrêtèrent pour souffler. « Bon, bah il fait pas chaud ici, commenta Gaël en se frottant les bras. Ça fait pas beaucoup de différence avec la prison, si ce n’est qu’ici il y a plus de vent glacial. Brrr…
— Et maintenant ? s’enquit Éléonore en frissonnant. Tu vas m’expliquer ce qu’il se passe ici et me dire quelle est la suite du plan ?
— La suite du plan est simple : je vais me tirer d’ici. Tu es la bienvenue, si tu veux.
— Sans vouloir te vexer, ça ne me parait pas très judicieux de partir comme ça dans la nuit glaciale. On pourrait tout à fait mourir de froid !
— Possible, mais je préfère risquer des engelures plutôt que de rester ici plus longtemps. Viens avec moi et je t’expliquerai tout en chemin. »

Éléonore hésita. L’offre la tentait suffisamment pour qu’elle envisage de passer la nuit à s’enfuir dans le froid pénétrant. « Je… Je ne sais pas ce que je dois faire, avoua-t-elle.
— Tu devrais venir avec moi, tu vas devenir folle ici sinon. Il faut s’échapper de l’emprise des détraqués qui ont mis tout ça en place et retourner à la vraie vie. Par contre, s’il te plait, décide-toi vite, parce que je vais congeler à rester là sans bouger ! »

Alors qu’elle allait poser une nouvelle question, ils furent interrompus par de nouveaux cris : « Ils sont là, monseigneur !
— Eh bien, qu’attendez-vous ? tempêta Arthur. Attrapez-les !
— Oh merde… » lâcha Gaël avant de se mettre à courir.

Éléonore n’essaya même pas de distancer les trois gardes qui se précipitaient dans leur direction. Comme elle se savait mauvaise à la course, elle se contenta de se mettre le plus possible en travers de leur route, afin de les empêcher de rattraper Gaël. Après tout, elle était la dame du château, personne ne lui ferait de mal. L’un des gardes s’arrêta à ses côtés et lui empoigna le bras. « Ne me touchez pas. » lui ordonna-t-elle en se dégageant. Il obéit, mais l’escorta tout de même auprès du seigneur Arthur.

Celui-ci fulminait. « Comment avez-vous osé libérer un prisonnier ? Et, qui plus est, comment avez-vous pu risquer votre vie pour un gueux pareil ? Vous, ma propre fille ?
— Il risquait de brûler vif, se justifia-t-elle.
— Plutôt lui que vous, je vous avais dit de ne plus côtoyer ce manant. Et voilà que j’apprends que vous lui avez rendu visite à plusieurs reprises et maintenant il s’est enfui par votre faute !
— J’espère qu’il ne se fera pas rattraper. Il ne méritait pas de se retrouver enfermé pour si peu.
— Je constate qu’il a su vous bercer de douces paroles, ma fille. Cette fois, ma sentence sera terrible.
— Oh ? Qu’allez-vous me faire ?
— À vous, rien. Mais lui prendra pour vos étourderies. Du moins, s’il ne meurt pas de froid avant. [Je vais faire venir un bourreau]. »

Éléonore pinça les lèvres et jeta un regard pensif dans la direction que Gaël et les deux gardes à sa poursuite avaient prise. Frissonnant, elle retourna en direction du château, où l’on s’affairait encore à éteindre l’incendie. Elle rendit son manteau à Sigismond, qui portait des seaux d’eau pour soutenir les effets de la pompe et l’imita. « Madame, s’étonna-t-il, vous ne devriez pas accomplir une telle tâche !
— Pourquoi ? Plus nous sommes à aider, moins il y aura de dégâts, non ?
— Certes, mais… ne vous abaissez pas à cela.
— J’ai envie. »

Ignorant désormais Sigismond, de même qu’Arthur, elle participa à maîtriser le feu, ce qui lui permit de constater qu’il s’agissait bel et bien d’un véritable début d’incendie. Heureusement, les habitants du château s’étaient montrés particulièrement efficaces et le feu avait été rapidement contenu. L’éteindre totalement avait pris un peu de temps supplémentaire, mais tout s’était terminé sans réduire l’édifice en cendres.

Après toute cette agitation nocturne, l’aube commençait à pointer. Éléonore était épuisée et à la fois transpirante de l’effort et frigorifiée par la température extérieure. Comme tout danger paraissait écarté et que le seigneur Arthur donnait l’impression qu’il tenait encore à lui faire la conversation, ou la morale, ou les deux, elle se retira dans ses appartements. Elle y fit un brin de toilette pour se débarrasser de la suie, ainsi que de l’odeur de fumée, et se réfugia dans le lit, espérant rattraper un peu de sommeil. Avant de s’endormir, elle songea au prisonnier qu’elle avait fait évader et se dit qu’elle aurait peut-être du le suivre dès le départ, sans poser de questions.

 

« Madame ? Êtes-vous réveillée ?
— Grmbl… Maintenant oui, Jodie. Que se passe-t-il ?
— Je me suis dit que vous aimeriez savoir que votre père a fait appeler le bourreau Samedi.
— Le bourreau… Samedi ? Mais pourquoi a-t-il fait appeler un bourreau ?
— Pas n’importe quel bourreau, madame. » précisa Jodie dont le visage exprimait un mélange de crainte et de ravissement.
« Oui oui, ça d’accord, balaya Éléonore qui décida d’agir comme si elle connaissait la réputation de ce fameux bourreau nommé Samedi. Mais pourquoi ?
— Pour le prisonnier, bien sûr.
— A-t-il été rattrapé ?
— Ah, ça, je ne sais pas, madame. »

Éléonore se sentit de mauvaise humeur de bon matin, ou de matinée bien avancée se corrigea-t-elle. Voilà donc ce que sous-entendait le seigneur Arthur lorsqu’il avait menacé Gaël d’une terrible sentence ! Elle ne pouvait pas laisser faire une chose pareille. « Quelle heure est-il et où puis-je trouver le seigneur Arthur ?
— Il est pas loin de dix heures, madame. Quant au seigneur Arthur, il est parti rendre visite aux métayers tôt ce matin. Mais il devrait être de retour pour midi ; il a dit que ce ne serait qu’une courte visite.
— Bon, alors j’ai le temps de me préparer. »

Éléonore eut en effet tout le temps de se laver, s’habiller et même de prendre un petit-déjeuner léger avant de quitter ses appartements. Elle n’osa pas demander de nouveau à Jodie si le prisonnier avait été capturé, de crainte que la servante rapporte ses inquiétudes au seigneur Arthur. Décidant de trouver la réponse à sa question par elle-même, elle abandonna une fois de plus Jodie pour se rendre aux cachots.

Ils étaient vides. Levant les yeux au ciel, elle songea qu’il était tout à fait normal de ne trouver aucun garde dans un endroit où il n’y avait plus rien à garder. Éléonore remonta, espérant que cela signifiait que Gaël courait toujours. Comme il restait du temps avant midi, où elle pourrait demander à Arthur ce qu’il en était, elle retourna dans ses appartements, d’où elle chassa Jodie, pour pouvoir écrire la suite de sa lettre à [Bidulon] en paix. Elle était au moins satisfaite d’une chose : elle produisait beaucoup moins de taches d’encre, tant sur le papier que sur elle-même.

Lorsque midi sonna, Éléonore descendit aussitôt à la salle à manger. Seul Raymond se trouvait là, assis et souriant dans le vague. Elle prit place à côté de lui et patienta. Lorsque, enfin, Arthur fit son entrée, elle n’eut pas le temps de lui poser sa question qu’il lui lança : « Ah ! Ma fille, je suis fort aise de vous voir. J’ai des nouvelles pour vous et j’ai également quelque chose à vous montrer après le déjeuner. Mais commençons par les nouvelles. »

Il s’installa à son tour, déploya sa serviette et commenta les premiers plats du repas. Éléonore maîtrisait son impatience de son mieux. Les nouvelles allaient-elles concerner le bourreau ? Ou Gaël ? Ou autre chose ? Et que pouvait-il bien avoir à lui montrer ? « Ma fille, j’ai eu de grandes discussions avec Edmond, dernièrement. Et j’ai fini par accepter qu’il organise une petite réception, qui pourrait peut-être conduire à vous trouver un partenaire. J’espère que si tel est le cas, vous cesserez de vous intéresser au moindre manant qui passe. »

Elle avait totalement oublié cette discussion avec Edmond. Éléonore se demanda quels arguments avaient fini par convaincre Arthur de lui laisser la possibilité de convoler avec quelqu’un d’autre que lui. « Quelle bonne idée ! s’exclama-t-elle d’un ton réjoui qu’elle espérait naturel.

 

1676 mots pour aujourd’hui. J’ai bien pas profité de mon jour férié pour avancer, hahaha !