NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 11

Éléonore ouvrit la bouche, puis la referma. Refusait-il d’aller prêter assistance à Gaël parce que le prisonnier ne risquait rien ou parce qu’il avait vraiment peur de se retrouver au milieu des flammes ? Sa détermination se durcit et elle lança : « J’irai moi, puisque vous êtes trop peureux pour le faire.
— C’est juste un manant !
— C’est une vie. Donnez-moi les clefs tout de suite. »

Alors qu’André fouillait maladroitement ses poches pour en extraire le trousseau des cachots, Éléonore se dit qu’en agissant ainsi, ou elle rendrait l’histoire plus intéressante, ou elle sauvait véritablement quelqu’un. Elle arracha les clefs de la main du garde, qui avait fini par les trouver, et s’en fut en courant en direction de la porte extérieure, ignorant les appels de Sigismond. Si le feu brûlait près des cuisines, elle estimait qu’il était trop risqué de passer par l’intérieur.

Malgré le manteau de Sigismond sur ses épaules, elle percevait la morsure du froid et d’autant plus lorsqu’elle batailla contre la serrure avec ses doigts gelés. Lorsque la porte céda devant son acharnement, elle descendit les quelques marches quatre à quatre et rejoignit la cellule de Gaël. « Ah, enfin quelqu’un, s’exclama-t-il avec soulagement. Qu’est-ce qu’il se passe ? Il y a de la fumée qui arrive et les gardes se sont fait la malle…
— Il y a le feu, répondit succinctement Éléonore en cherchant quelle clef ouvrait la porte.
— Ah les connards ! Ils allaient m’abandonner là ! Où tu as trouvé les clefs ?
— Je les ai demandées à André. » lui expliqua-t-elle en ouvrant finalement la porte.

Gaël se précipita dehors. « Merci, vraiment, c’est très gentil de ta part d’être venue me sortir de là.
— De rien, mais nous devrions sortir d’ici avant de discuter.
— Oui oui, partons, j’ai pas envie de rôtir ici. »

Ils filèrent et, une fois éloignés du bâtiment, ils s’arrêtèrent pour souffler. « Bon, bah il fait pas chaud ici, commenta Gaël en se frottant les bras. Ça fait pas beaucoup de différence avec la prison, si ce n’est qu’ici il y a plus de vent glacial. Brrr…
— Et maintenant ? s’enquit Éléonore en frissonnant. Tu vas m’expliquer ce qu’il se passe ici et me dire quelle est la suite du plan ?
— La suite du plan est simple : je vais me tirer d’ici. Tu es la bienvenue, si tu veux.
— Sans vouloir te vexer, ça ne me parait pas très judicieux de partir comme ça dans la nuit glaciale. On pourrait tout à fait mourir de froid !
— Possible, mais je préfère risquer des engelures plutôt que de rester ici plus longtemps. Viens avec moi et je t’expliquerai tout en chemin. »

Éléonore hésita. L’offre la tentait suffisamment pour qu’elle envisage de passer la nuit à s’enfuir dans le froid pénétrant. « Je… Je ne sais pas ce que je dois faire, avoua-t-elle.
— Tu devrais venir avec moi, tu vas devenir folle ici sinon. Il faut s’échapper de l’emprise des détraqués qui ont mis tout ça en place et retourner à la vraie vie. Par contre, s’il te plait, décide-toi vite, parce que je vais congeler à rester là sans bouger ! »

Alors qu’elle allait poser une nouvelle question, ils furent interrompus par de nouveaux cris : « Ils sont là, monseigneur !
— Eh bien, qu’attendez-vous ? tempêta Arthur. Attrapez-les !
— Oh merde… » lâcha Gaël avant de se mettre à courir.

Éléonore n’essaya même pas de distancer les trois gardes qui se précipitaient dans leur direction. Comme elle se savait mauvaise à la course, elle se contenta de se mettre le plus possible en travers de leur route, afin de les empêcher de rattraper Gaël. Après tout, elle était la dame du château, personne ne lui ferait de mal. L’un des gardes s’arrêta à ses côtés et lui empoigna le bras. « Ne me touchez pas. » lui ordonna-t-elle en se dégageant. Il obéit, mais l’escorta tout de même auprès du seigneur Arthur.

Celui-ci fulminait. « Comment avez-vous osé libérer un prisonnier ? Et, qui plus est, comment avez-vous pu risquer votre vie pour un gueux pareil ? Vous, ma propre fille ?
— Il risquait de brûler vif, se justifia-t-elle.
— Plutôt lui que vous, je vous avais dit de ne plus côtoyer ce manant. Et voilà que j’apprends que vous lui avez rendu visite à plusieurs reprises et maintenant il s’est enfui par votre faute !
— J’espère qu’il ne se fera pas rattraper. Il ne méritait pas de se retrouver enfermé pour si peu.
— Je constate qu’il a su vous bercer de douces paroles, ma fille. Cette fois, ma sentence sera terrible.
— Oh ? Qu’allez-vous me faire ?
— À vous, rien. Mais lui prendra pour vos étourderies. Du moins, s’il ne meurt pas de froid avant. [Je vais faire venir un bourreau]. »

Éléonore pinça les lèvres et jeta un regard pensif dans la direction que Gaël et les deux gardes à sa poursuite avaient prise. Frissonnant, elle retourna en direction du château, où l’on s’affairait encore à éteindre l’incendie. Elle rendit son manteau à Sigismond, qui portait des seaux d’eau pour soutenir les effets de la pompe et l’imita. « Madame, s’étonna-t-il, vous ne devriez pas accomplir une telle tâche !
— Pourquoi ? Plus nous sommes à aider, moins il y aura de dégâts, non ?
— Certes, mais… ne vous abaissez pas à cela.
— J’ai envie. »

Ignorant désormais Sigismond, de même qu’Arthur, elle participa à maîtriser le feu, ce qui lui permit de constater qu’il s’agissait bel et bien d’un véritable début d’incendie. Heureusement, les habitants du château s’étaient montrés particulièrement efficaces et le feu avait été rapidement contenu. L’éteindre totalement avait pris un peu de temps supplémentaire, mais tout s’était terminé sans réduire l’édifice en cendres.

Après toute cette agitation nocturne, l’aube commençait à pointer. Éléonore était épuisée et à la fois transpirante de l’effort et frigorifiée par la température extérieure. Comme tout danger paraissait écarté et que le seigneur Arthur donnait l’impression qu’il tenait encore à lui faire la conversation, ou la morale, ou les deux, elle se retira dans ses appartements. Elle y fit un brin de toilette pour se débarrasser de la suie, ainsi que de l’odeur de fumée, et se réfugia dans le lit, espérant rattraper un peu de sommeil. Avant de s’endormir, elle songea au prisonnier qu’elle avait fait évader et se dit qu’elle aurait peut-être du le suivre dès le départ, sans poser de questions.

 

« Madame ? Êtes-vous réveillée ?
— Grmbl… Maintenant oui, Jodie. Que se passe-t-il ?
— Je me suis dit que vous aimeriez savoir que votre père a fait appeler le bourreau Samedi.
— Le bourreau… Samedi ? Mais pourquoi a-t-il fait appeler un bourreau ?
— Pas n’importe quel bourreau, madame. » précisa Jodie dont le visage exprimait un mélange de crainte et de ravissement.
« Oui oui, ça d’accord, balaya Éléonore qui décida d’agir comme si elle connaissait la réputation de ce fameux bourreau nommé Samedi. Mais pourquoi ?
— Pour le prisonnier, bien sûr.
— A-t-il été rattrapé ?
— Ah, ça, je ne sais pas, madame. »

Éléonore se sentit de mauvaise humeur de bon matin, ou de matinée bien avancée se corrigea-t-elle. Voilà donc ce que sous-entendait le seigneur Arthur lorsqu’il avait menacé Gaël d’une terrible sentence ! Elle ne pouvait pas laisser faire une chose pareille. « Quelle heure est-il et où puis-je trouver le seigneur Arthur ?
— Il est pas loin de dix heures, madame. Quant au seigneur Arthur, il est parti rendre visite aux métayers tôt ce matin. Mais il devrait être de retour pour midi ; il a dit que ce ne serait qu’une courte visite.
— Bon, alors j’ai le temps de me préparer. »

Éléonore eut en effet tout le temps de se laver, s’habiller et même de prendre un petit-déjeuner léger avant de quitter ses appartements. Elle n’osa pas demander de nouveau à Jodie si le prisonnier avait été capturé, de crainte que la servante rapporte ses inquiétudes au seigneur Arthur. Décidant de trouver la réponse à sa question par elle-même, elle abandonna une fois de plus Jodie pour se rendre aux cachots.

Ils étaient vides. Levant les yeux au ciel, elle songea qu’il était tout à fait normal de ne trouver aucun garde dans un endroit où il n’y avait plus rien à garder. Éléonore remonta, espérant que cela signifiait que Gaël courait toujours. Comme il restait du temps avant midi, où elle pourrait demander à Arthur ce qu’il en était, elle retourna dans ses appartements, d’où elle chassa Jodie, pour pouvoir écrire la suite de sa lettre à [Bidulon] en paix. Elle était au moins satisfaite d’une chose : elle produisait beaucoup moins de taches d’encre, tant sur le papier que sur elle-même.

Lorsque midi sonna, Éléonore descendit aussitôt à la salle à manger. Seul Raymond se trouvait là, assis et souriant dans le vague. Elle prit place à côté de lui et patienta. Lorsque, enfin, Arthur fit son entrée, elle n’eut pas le temps de lui poser sa question qu’il lui lança : « Ah ! Ma fille, je suis fort aise de vous voir. J’ai des nouvelles pour vous et j’ai également quelque chose à vous montrer après le déjeuner. Mais commençons par les nouvelles. »

Il s’installa à son tour, déploya sa serviette et commenta les premiers plats du repas. Éléonore maîtrisait son impatience de son mieux. Les nouvelles allaient-elles concerner le bourreau ? Ou Gaël ? Ou autre chose ? Et que pouvait-il bien avoir à lui montrer ? « Ma fille, j’ai eu de grandes discussions avec Edmond, dernièrement. Et j’ai fini par accepter qu’il organise une petite réception, qui pourrait peut-être conduire à vous trouver un partenaire. J’espère que si tel est le cas, vous cesserez de vous intéresser au moindre manant qui passe. »

Elle avait totalement oublié cette discussion avec Edmond. Éléonore se demanda quels arguments avaient fini par convaincre Arthur de lui laisser la possibilité de convoler avec quelqu’un d’autre que lui. « Quelle bonne idée ! s’exclama-t-elle d’un ton réjoui qu’elle espérait naturel.

 

1676 mots pour aujourd’hui. J’ai bien pas profité de mon jour férié pour avancer, hahaha !

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 10

Éléonore lui tendit le vin et il s’en empara avec avidité. Arborant un sourire satisfait, elle commença à avancer. « Il faudra m’en amener d’autres, madame, si vous voulez revenir. Par contre, pas plus de quelques minutes, hein ! Le sergent revient bientôt. » Elle acquiesça et se rendit à la cellule de Gaël, qui chantonnait tout bas.

« Tiens ! s’exclama-t-il en s’approchant des barreaux. Voilà ma plus chouette visiteuse, bonjour !
— Parce que tu as beaucoup de visiteuses ?
— Ouais, plein. Principalement des rattes. Elles sont pas farouches en tous cas ! Elles viennent tout le temps piquer dans mon assiette.
— De toute façon, je t’ai amené des choses meilleures que ce que tu partages avec les rats. » déclara Éléonore en extirpant la taie d’oreiller garnie.

Gaël rit en voyant ce qu’elle lui avait apporté. Il commença à engloutir un pâté en croûte, tout en remerciant Éléonore : « Je dois être le prisonnier le mieux nourri de toute cette époque, c’est vraiment sympa de ta part de t’embêter à venir jusqu’ici pour m’apporter tout ça.
— Je t’avoue que c’est un peu intéressé de ma part.
— Je me doute, déclara Gaël en mâchant. Je vois pas pourquoi tu viendrais dans ce trou à rats sinon : c’est pas très agréable ici.
— Je suis désolée pour ça, oui, je vais voir si je peux convaincre le seigneur Arthur de te laisser partir. »

Gaël pouffa de rire et manqua de s’étouffer. « C’est gentil, mais il ne le fera pas.
— Pourquoi ? s’enquit Éléonore. Tu as déjà eu à faire avec lui avant ?
— Ah non, je ne l’avais jamais vu avant. C’est juste à cause des connards derrière tout ça. Ils ont du lui dire de me garder enfermé, ou je ne sais quoi.
— Qui sont-ils ? Et ils sont derrière quoi, au juste ?
— Écoute, tout ça serait trop long à expliquer là maintenant, mais tu devrais faire attention à tout ce que tu dis et tout ce que tu fais. Vu ta façon de parler, tu n’es pas d’ici non plus. Il faut que tu te montres très très prudente. Parce que moi, je suis là de manière clandestine, je sais dans quoi je me lançais, même s’ils m’ont coupé toute retraite. Mais si toi, tu es là, c’est que tu fais partie d’une expérience.
— Une expérience ? s’étonna Éléonore. De quel genre d’expérience tu parles ? »

Des pas résonnèrent et Gaël s’empressa de dissimuler ce qu’il n’avait pas encore pu manger. André fit son apparition et lâcha : « Madame, il vous faut partir maintenant. Vous êtes restée trop longtemps et il n’y a plus de vin. » Éléonore se leva, pliant sa taie d’oreiller et l’enroulant autour de ses mains pour la porter comme un manchon. Elle lança un regard de regret au prisonnier et obtempéra, quittant les cachots à toute allure.

Éléonore commençait à nourrir de sérieux doutes sur sa propre situation. Les propos de Gaël avaient fait vibrer un écho chez elle, mais elle n’avait pas envie de le croire. Ce qu’il sous-entendait était beaucoup trop gênant à digérer. « Ah, ma fille, que faites-vous dans les corridors alors que vous auriez pu venir dîner avec votre vieux père ?
— Oh, je ne me sentais pas très bien sur le moment. J’allais mieux après avoir mangé un peu et j’ai eu besoin de marcher un peu. »

Éléonore espérait qu’elle paraissait suffisamment crédible. Elle se sentait secouée et elle avait du mal à se concentrer sur les apparences. « Vous ne me semblez toujours pas très en forme, vous devriez aller vous reposer au lieu d’errer dans ces couloirs battus par les courants d’air.
— Oh, euh, oui, je vais aller me mettre au chaud, vous avez raison. »

Elle amorça un mouvement, mais il la retint : « Et, ma fille, vous ne devriez pas quitter le château pour de telles escapades. Vous êtes encore faible et c’est dangereux pour vous.
— Je garderai cela en tête, merci. » Tout en s’en allant, elle ressentit de l’irritation du fait que Jodie ait rapporté leur promenade au seigneur Arthur. Et, de plus, quelque chose fit surface, qu’elle n’avait pas perçu depuis bien longtemps : son esprit de contradiction. Elle avait soudainement très envie d’aller voir ce qui se trouvait au-delà des limites du domaine.

De retour dans ses appartements, Éléonore leva les yeux au ciel en apercevant Jodie. « Ah, vous êtes enfin revenue, madame. Je commençais à m’inquiéter. Je suis contente de voir que vous avez bien mangé ce que je vous ai apporté ; j’ai presque cru que vous étiez enceinte !
— Comment ça, enceinte ?
— Oh et bien vous avez mangé comme deux.
— Ah, d’accord, je vois. Et bien c’est surtout que notre promenade m’avait ouvert l’appétit. Maintenant, j’ai envie de dormir.
— Bien sûr, madame. »

Éléonore réussit à se défaire de sa robe tout en se rendant dans la chambre. Elle songeait que ces vêtements étaient plus faciles à enlever qu’à mettre, jusqu’à ce qu’elle entende un craquement. « Attention, vous l’avez déchirée, madame.
— Tant pis. » dit-elle avec humeur en finissant de se débarrasser de la robe. Laissant son habit tomber au sol, elle l’enjamba et alla se jeter sur le lit, ne gardant que la taie d’oreiller à la main. Elle la glissa sous les coussins, en même temps qu’elle y enfouissait son visage.

« Madame, ne voulez-vous pas passer votre chemise de nuit ?
— Non, laisse-moi, j’ai besoin d’être seule.
— Dois-je revenir plus tard, madame ?
— Non, ne reviens plus. »

Éléonore entendit la porte se refermer. Elle ne savait pas si elle reverrait Jodie au matin, mais pour le moment, elle était soulagée de ne plus subir sa présence. Bien sûr, elle n’avait jamais vraiment apprécié la servante — encore moins depuis qu’Arthur la lui avait assignée en tant que femme de chambre — mais maintenant qu’Éléonore savait que Jodie rapportait ses faits et gestes, elle la détestait cordialement.

Elle souleva son visage des oreillers pour se placer de côté et s’en voulut d’avoir été discourtoise avec Jodie. Pourquoi se sentait-elle si touchée de sa dénonciation, alors qu’il s’agissait juste d’un jeu ? Les propos de Gaël l’avaient marquée bien plus qu’elle ne l’aurait voulu. Frissonnant, elle s’enfouit sous l’édredon. Les câlins réconfortants de [Bidulon] lui manquaient ; Éléonore en avait bien besoin. Elle sombra dans un sommeil agité.

[j’ai complètement zappé de parler de l’éclairage intérieur, je crois]

Ses rêves ne lui furent pas agréables. Éléonore cauchemarda qu’elle se disputait de manière violente avec ses parents — chose qui ne lui était pas arrivée depuis des années — ce qui la mit mal à l’aise, surtout qu’elle était en retard pour un examen important. Puis, elle se retrouva poursuivie par quelque chose de vague, mais elle ne parvenait pas à courir car ses jambes ne lui répondaient pas, lourdes comme du plomb. Elle se redressa brusquement, aussitôt réveillée.

À présent assise et consciente, Éléonore se prit la tête dans ses mains, le temps de se calmer. Elle savait qu’elle venait de subir ce qu’elle appelait un rêve de stress. De fait, elle se sentait angoissée et se leva, blottissant ses pieds dans des chaussons, pour se rendre devant la cheminée. Assise sur une bergère, elle bâilla longuement, mais n’éprouvait plus aucune fatigue. Elle se gratta la tête et se dit que, puisqu’elle était debout, autant qu’elle continue le jeu. La nuit, la plupart des gens devaient dormir et elle aurait tout le loisir de visiter et fouiller.

En ouvrant la porte de ses appartements, Éléonore constata que le couloir baignait dans une obscurité presque totale. Elle retourna dans le salon éclairé par la cheminée et s’empara d’un chandelier, dont elle alluma les trois bougies, avant de retourner s’aventurer dans le corridor silencieux. Que c’était plaisant de profiter du calme de la nuit pour une petite promenade dans [arpenter] le château !

Elle visita des appartements et chambres vides, qu’elle supposa dédiées aux invités. Cela lui fit penser qu’elle devrait s’enquérir de l’endroit qui avait été attribué à Lance lors de son séjour au château. Il avait peut-être laissé des choses intéressantes. Songeant à son ancien prétendant, elle réalisa qu’il était étrange de ne rien avoir trouvé en terme de correspondance personnelle dans son secrétaire. La première fois qu’elle s’y était assise, il était neuf, de même que tout son contenu : les feuilles toutes vierges, les buvards tous immaculés, les fioles d’encre non encore ouvertes, les plumes impeccables… Elle devrait se renseigner sur ce mystère aussi.

Une cloche sonna frénétiquement, faisant sursauter Éléonore. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Elle retourna en direction de ses appartements, mais s’immobilisa en entendant des gens crier au feu. Des domestiques paniqués s’égayaient en direction des sorties, tandis que d’autres allaient dans l’autre sens, portant des seaux d’eau. Une odeur de brûlé parvint aux narines d’Éléonore, qui prit le parti de suivre le mouvement général vers l’extérieur.

Tout le monde grelottait dans la nuit hivernale, contemplant la bâtisse avec angoisse, à la recherche de signes de flammes. Éléonore sursauta lorsque quelqu’un posa un manteau sur ses épaules. Il s’agissait de Sigismond, l’intendant. Elle le remercia d’un sourire et lui demanda : « Où donc a pris le feu ?
— Je ne saurais pas trop dire, avoua-t-il. Peut-être des cuisines.
— Je crois que c’était à côté des cuisines, intervint une femme qu’Éléonore ne se rappelait pas avoir encore vue.
— Des cuisines ? » répéta-t-elle d’un air absent.

Elle faisait de gros efforts pour se convaincre que le feu était sûrement une simulation. Ce ne pouvait pas être un véritable incendie, n’est-ce pas ? Si c’était le cas, ils ne tarderaient pas à voir les pompiers arriver. « Installez la pompe ! » cria quelqu’un. Du monde se précipita à côté du lac pour suivre les ordres et en pomper l’eau. C’est alors qu’Éléonore aperçut des flammes, des vraies, de l’autre côté d’une fenêtre du rez-de-chaussée.

Si le feu avait pris près des cuisines, comme on lui avait rapporté, alors il pouvait très bien s’étendre aux geôles. Elle s’inquiéta pour Gaël et se mit à fouiller la foule du regard. Avisant André, elle s’approcha de lui pour s’enquérir de la santé du prisonnier. « Je ne sais pas où il est, répondit-il en haussant les épaules. J’étais pas de garde, moi. Je suppose qu’il est toujours dans sa cellule.
— Mais vous ne pouvez pas le laisser rôtir comme ça !
— Bah, je vais pas retourner là-dedans, hein. »

 

1751 petits mots, pas très reluisant pour un dimanche où j’aurais voulu prendre un peu d’avance ! Enfin, plus que ça en tous cas.