NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 7

Il s’agissait d’Anna, qu’elle avait connue à l’école de jeunes filles de Notre Dame des Roses et qui avait été l’une de ses amies qu’elle pensait la plus proche. Elle se promenait bras dessus, bras dessous avec une jeune femme qu’Ethelle ne connaissait pas. Leurs regards se croisèrent un bref instant. Puis celui d’Anna se durcit. « Etes-vous folle ? Prenez donc garde où vous mettez les pieds ! » Eructa-t-elle sous le regard éberlué d’Ethelle qui ne l’avait jamais entendue vociférer ainsi. En réflexe, elle esquissa d’ailleurs un pas en arrière, tandis que son ancienne camarade détournait le regard et passait à côté d’elle, comme si elle était une moins que rien et qu’elles ne s’étaient jamais rencontrées. Bouche bée, la rouquine la suivit des yeux et contempla le dos d’Anna s’éloigner, la démarche raide et le pas pressé, fermement accrochée au bras de sa nouvelle amie.

Ethelle resta figée là, ne parvenant pas à détacher son regard de cette amie qui était soudainement devenue une étrangère agressive. Un peu choquée, elle revit son jugement sur Anna. Cela ne lui était plus très utile désormais, mais elle se promit d’être un peu plus vigilante sur la nature de ceux qu’elle côtoyait. Elle devrait ainsi moins se faire rabrouer par ceux qu’elle qualifiait d’amis. La jeune femme restait perdue dans ses pensées, se demandant ce qu’elle avait bien pu faire au monde pour se retrouver dans une telle situation du jour au lendemain. Quelqu’un bouscula soudainement Anna, la faisant hurler, ainsi que son accompagnatrice. « Au voleur ! » S’époumona l’ancienne amie de la rouquine. L’agresseur courut dans la direction d’Ethelle qui, faisant un pas de côté pour le laisser passer, reconnut Clay, le Faucheux. Alors qu’elle lui laissait le passage libre, celui-ci lui adressa un clin d’œil et disparut rapidement sur le petit chemin de pierres blanches.

La jeune femme rousse sourit amèrement ; il s’agissait là d’une bien piètre consolation. Mais sa camarade de Notre Dame des Roses, qui continuait de crier au voleur, avait bien mérité ce qui lui arrivait. Elle lui tourna le dos et continua son errance. Ses pas la menèrent, de manière prévisible, jusqu’à sa petite grotte végétale. Tenant son sac de voyage à deux mains devant elle, elle resta un instant à réfléchir en contemplant les végétaux entrelacés. Sa nature têtue reprit soudainement le dessus. De quel droit le dénommé Clay lui avait-il interdit l’accès au parc des Deux Ormes de nuit ? Après tout, l’accès au parc était interdit pour tout le monde, la nuit. Elle ne voyait donc pas pourquoi elle aurait encore moins le droit que les Faucheux de se trouver là.

Ethelle jeta un coup d’œil autour d’elle, pour s’assurer que personne n’était en vue. Une fois qu’elle fut certaine d’être seule, elle se glissa dans l’igloo de verdure. Maintenant à l’abri des regards, elle enleva sa robe encombrante et se vêtit de nouveau de sa tenue d’équitation, plus pratique. La jeune femme se souvenait que son père n’avait pas été particulièrement enchanté de la voir commander cette tenue. Il aurait préféré la voir monter à cheval en amazone. Mais il ne pouvait rien refuser à sa fille unique qui, en plus, avait perdu sa mère si jeune – la pauvre – et Ethelle ne voulait pas d’une tenue pour monter en amazone. Elle avait horreur de monter ainsi à cheval.

Une fois prête – se changer plusieurs fois dans la journée lui rappelait sa vie précédente – elle laissa ses affaires dans la grotte buissonneuse (buissonnière se dit dans ce cas ?) et partit à l’assaut de la ville. Son estomac criait famine et il y avait une chance pour qu’elle se tourne vers la profession de malfrate, alors autant qu’elle s’entraîne dès à présent. Ethelle revint au parc des Deux Ormes juste à temps pour la fermeture. Elle ne savait pas comment Clay et les autres Faucheux faisaient pour entrer après la fermeture. Pour sa part elle préférait s’y faire enfermer. Sans perdre de temps, elle courut se réfugier dans son abri. Épuisée par ses émotions de la journée, la jeune femme ne prit pas la peine de sortir quoique ce soit de son sac. Elle se contenta de s’effondrer par terre et de s’endormir promptement.

Des éclats de voix la tirèrent du sommeil. Se redressant instantanément, Ethelle jeta un rapide coup d’œil à l’extérieur de sa grotte feuillue. D’où elle était, la jeune femme ne distinguait rien. En revanche, une odeur de brûlé piquait ses narines. Inquiète, elle attrapa son sac de voyage et se coula à l’extérieur, tentant de localiser l’origine de la fumée. Elle repéra rapidement les lueurs jaunes d’un feu, au milieu de la pelouse de détente du parc. Intriguée et se sentant téméraire, Ethelle se dirigea dans cette direction. Elle voyait des silhouettes se découper – qu’elle supposa être des Faucheux – courant d’un côté et de l’autre du feu. La jeune femme ne savait pas ce qu’il se passait, mais la confusion paraissait être totale.

La rouquine n’osa pas retourner dans son buisson. Le feu avait l’air de s’étendre sans que personne n’essaie de le maîtriser et elle ne voulait pas se retrouver cuite en papillote. Ni en quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs. Une ombre se dressa soudainement devant elle, a contre jour de flammes. « Encore toi ? » Lui lança la silhouette avec la voix de Clay. Ethelle n’eut pas le temps de répondre, et encore moins de s’offusquer d’être ainsi tutoyée, que l’ombre l’attrapa par le bras et l’emmena dans la direction opposée au feu. « Dépêche-toi, tout un tas de gens que tu n’as pas envie de voir ne vont pas tarder. » L’exhorta le jeune homme. La rouquine se pressa, à la suite de Clay qui la guidait dans une direction où elle ne se souvenait pas avoir vu de sortie.

Ethelle n’avait pas l’habitude de courir et s’essouffla vite. Son compagnon lui prit son sac d’autorité pour la soulager. Ils coururent jusqu’aux grilles qui ceinturaient le parc des Deux Ormes. A cet endroit, il y avait un mur contre lequel s’appuyait le système d’arrivée d’eau pour la rivière qui serpentait dans tout le parc. Le tout était dissimulé dans de faux rochers, le long desquels coulait une petite cascade artificielle. La jeune femme ne s’était jamais rendue dans cette partie du parc, mais elle n’avait pas le temps de s’y attarder. Clay grimpa lestement le long des rochers factices et, une fois en haut, se tourna vers Ethelle pour vérifier qu’elle le suivait. Celle-ci gratifiait les degrés de pierre d’un regard perplexe.

« Viens ! » Lui enjoignit le jeune homme. Elle acquiesça et entreprit d’escalader les rochers. Ils étaient glissants et elle s’écorcha les doigts dessus.
Elle réussit à rejoindre Clay plus rapidement qu’elle ne pensait et se sentit fière d’elle-même. La rouquine s’autorisa même de gratifier son compagnon d’un sourire satisfait. Mais celui-ci ne l’attendit pas. Toujours le sac de la jeune femme en main, il passa par dessus le mur et se laissa tomber dans la rue de l’autre côté. Une fois sur le trottoir qui longeait le parc, il leva la tête en direction d’Ethelle et lui adressa un petit signe encourageant. Elle déglutit. Le sol lui paraissait terriblement loin : elle allait forcément se faire mal en sautant de si haut ! « Allez, tu peux le faire. » Clay lui tendait une main en lui faisant signe de le rejoindre. Mais la rouquine avait l’estomac noué de frayeur. Ce mur était tout de même bien plus grand qu’elle.

Des sifflets se firent entendre, en provenance du parc. « La police, lâcha le jeune homme. Dépêche-toi, nous n’avons plus le temps de tergiverser. » Ethelle laissa échapper un demi sanglot d’angoisse. Elle avait très peur de sauter du haut du mur, mais elle n’avait pas du tout envie d’être attrapée par les forces de l’ordre. Depuis qu’ils n’avaient pas poussé l’enquête sur la mort de son père plus loin que la facile constatation du suicide, elle ne leur faisait plus confiance. Qui sait de quoi ils pourraient l’inculper en la trouvant de nuit dans un parc fermé en proie à un incendie ? Elle ne pouvait pas se permettre qu’ils lui mettent la main dessus, sinon elle pourrait certainement dire adieu à ses dernières chances de faire de nouveau partie de la haute société. Timidement, elle enjamba le mur. Se maintenant au rebord, elle fit passer son corps dans le vide, puis se laissa lourdement tomber dans la rue. Clay la gratifia d’une joyeuse tape dans le dos, puis l’entraîna de nouveau dans la nuit éclairée par les lampadaires à gaz.

La jeune femme n’aimait pas le silence de son guide tandis qu’ils parcouraient les rues endormies. « Que s’est-il passé au parc ? S’enquit-elle curieusement.
– Tu ne me croirais pas, balaya Clay en se rembrunissant.
– Essayez donc, insista Ethelle un peu irrité par ce tutoiement intempestif et impertinent.
– C’était une salamandre, je crois, hésita le Faucheux.
– Une salamandre ? Répéta-t-elle un peu dégoûtée. Et comment une salamandre peut-elle mettre le feu à un parc ?
– C’est Tischa qui l’a attrapée. Elle nous l’a amenée et certains des Faucheux se sont mis à la taquiner. Il y en a même un qui voulait la faire rôtir pour voir quel goût elle avait. La salamandre.
– Quelle drôle d’idée, commenta la rouquine qui n’arrivait pas à concevoir que l’on ait envie de goûter à quelque chose d’aussi répugnant pour elle qu’une salamandre. »

Clay haussa les épaules. « Tu sais, reprit-il, quand on a faim, on essaie des choses. Quoiqu’il en soit, la salamandre n’a pas apprécié le traitement. Aux sifflements qu’elle poussait, je pense qu’elle était sacrément en colère. C’est là qu’elle a commencé à gonfler et à briller comme une lanterne ! Et elle s’est mise à cracher des étincelles.
– Les salamandres ne crachent pas de vraies étincelles.
– Et les rats ne rient pas, la rabroua le Faucheux.
– Et les lucioles n’ont pas de visage, continua Ethelle qui, pensive, ne se sentit pas vexée par la répartie de son compagnon.
– Comment ? Ce dernier ne comprenait pas ce qu’elle racontait.
– Je voulais juste dire que je pense que je te crois, expliqua la jeune femme.
– Oh, d’accord. Tu as une drôle de façon de le dire. »

Ils restèrent un instant silencieux, jusqu’à ce qu’Ethelle ne demande de nouveau : « C’est la salamandre qui a causé l’incendie avec ses petites étincelles, alors ? » Clay hocha affirmativement la tête. « C’est impressionnant.
– Tu trouves ? S’étonna le jeune homme.
– Et bien oui, confirma-t-elle. Cette bête a du produire vraiment beaucoup d’étincelles pour pouvoir causer un incendie.

 

 

1771 mots, continuation du rognage de retard en cours

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