« Il faut la sortir de là. » Décréta Cédric. Les deux autres hochèrent la tête et Jérémy prit son catalyseur pour l’insérer dans la serrure. Son changeforme, aussi coulant qu’un camembert bien fait, se glissa dans tous les interstices et se solidifia en clef. Le garçon la tourna et ouvrit la porte de la cellule. Valentine s’y précipita pour secouer Stéphanie, mais elle ne se réveilla pas.
« Je pense qu’ils lui ont donné une potion de sommeil aussi, supposa la fillette blonde. Mais on a rien pour la réveiller…
– Comment on va faire ? S’enquit Jérémy.
– On va la transporter, comme on avait dit, suggéra Cédric. Avec le filet de cartes de Valentine. »
Le filet de cartes était l’une des choses que la fillette blonde arrivait à faire dont elle était la plus fière. Le tissage en était complexe, mais le filet était très pratique et elle l’utilisait souvent. Lui, ou des variantes. Ils installèrent Stéphanie et sa loutre dessus, puis commencèrent à se retirer. Jérémy referma la porte de la cellule à clef, en se disant qu’il y avait une chance pour que cela embête la Confrérie des Cinq Eléments.
En arrivant à l’entrée du couloir qui allait les mener à la sortie, ils se trouvèrent nez à nez avec le nain que Cédric avait vu dans son rêve. Le nain avec des traces de terre sur le visage. Celui que le garçon avait supposé par la suite être le maître de la terre. Après une seconde intense où ils se considérèrent d’un air surpris, le nain aperçut Stéphanie qui flottait paisiblement, sur un hamac en filet maintenu par des cartes volantes. Le maître de la terre tendit ses mains devant lui et tout se mit à trembler.
Des mains de terre géantes jaillirent des murs pour enserrer les trois enfants. Les cartes qu’ils portaient sur eux jaillirent instantanément mais, malgré leur ordre de trancher, elles ne parvinrent pas à couper les mains qui étaient devenues aussi dures que la pierre. Valentine commençait à fatiguer de catalyser autant de magie pour les différents sortilèges qu’elle envoyait par ses cartes, mais elle déchargea des sorts d’immobilisation qu’elle avait stocké dans certaines cartes prévues à cet effet. Pendant ce temps, Jérémy changea Mollasson en petit griffon qui se jeta sur le nain, tandis que Cédric faisait discrètement passer de la brume derrière leur adversaire.
Le maître de la terre n’en était pas à son premier combat. Il ne paraissait pas jeune et une bande de trois collégiens était loin de lui arriver à la cheville. D’un geste, il para les sorts de Valentine avec des boules de terres compactes et, d’un autre mouvement ample, il fit jaillir une colonne de terre qui percuta le griffon de plein fouet et lui fit perdre sa forme. Le nain n’avait, en revanche, pas remarqué le mur de brume qui s’accumulait petit à petit derrière lui.
Valentine et Jérémy firent de leur mieux pour continuer de distraire le magicien pendant que Cédric accumulait encore et encore du brouillard. Une fois qu’il estima avoir une quantité suffisante de brume, il la fit retomber sur le nain pour l’assommer en une masse formée des cinq éléments. « Ca a marché ? S’enquit avidement Jérémy.
– Je ne sais pas, avec la poussière au milieu du brouillard, on ne voit rien… » Répondit Cédric avec une note d’espoir dans la voix.
Hildegarde contemplait la Colline Pelée, au loin. Elle resserra son châle autour de ses épaules, pourtant vêtues d’un épais manteau. La maîtresse du brouillard était satisfaite d’avoir enjoint au jeune Cédric de rester à l’abri. Maleflamme n’était pas réputé pour sa douceur envers les enfants ou qui que ce soit d’autre. Même la petite Liselle, auprès de laquelle elle avait envoyé les directeurs de l’établissement des Alouettes pour la sortir du placard, aurait été durement punie de ne pas avoir rempli sa mission.
La vieille femme n’aurait jamais pensé que la Confrérie des Cinq Eléments ré-investirait une de ses anciennes cachettes. Les informations provenant de la camarade de Cédric, une petite cartomancienne, étaient précieuses. Maleflamme ne pouvait pas se douter qu’il allait essuyer une défaite. Il ne pouvait pas en être autrement, en étant ainsi pris par surprise. Hildegarde espérait que, cette fois, il serait mis hors d’état de nuire une bonne fois pour toutes.
Elle avait regroupé une véritable équipe de magiciens d’élites pour la seconder [trouver quelques noms et hauts faits ou attributs de ces magiciens]. La maîtresse du brouillard était confiante. A l’issue de toute cette histoire, elle songerait à retirer la barrière qui bridait la magie du jeune Cédric.
Sur son signal, ils se dirigèrent, invisibles et silencieux, en direction de l’entrée principale qui se trouvait dans la ville en ruine, au pied de la Colline Pelée.
Les mains, à présent de pierre, étant toujours en place, ils auraient dû se douter du résultat : le maître de la terre était toujours conscient. Il se releva en grommelant. « Sales petits morveux ! Leur lança-t-il furieux. Vous apprendrez que les nains ont la tête dure : il en faut plus pour nous assommer. Laissez-moi vous dire que vous allez tous les trois regretter d’être venus ici ! »
Des éclats de voix l’interrompirent. Ils provenaient du côté du couloir où les collégiens ne s’étaient pas aventurés. Le maître de la terre tourna la tête, furieux et grommela : « Mais qu’est ce qu’il se passe là-bas ? » Fixant de nouveau les enfants, il leur dit : « Ne vous avisez pas de bouger. » Il se tut un bref instant, avant de rire d’un rire sans joie : « Hahaha ! Comme si vous pouviez ! » Les laissant prisonniers de ses mains de pierre, il fila en direction des éclats de voix et de bruits assourdissants. Un combat paraissait faire rage.
« Bon, lança Jérémy. Qu’est ce qu’on fait maintenant ?
– Je propose qu’on sorte de là, suggéra Valentine qui se débattait pour essayer de glisser hors de l’emprise de la main géante qui la retenait.
– Il a l’air vraiment fort, se découragea Cédric.
– Ah ben oui, pouffa son ami brun. C’est un magicien confirmé et toi, en plus d’être un débutant, tu n’as même pas accès à toute ta magie. Alors forcément…
– Oui, je vois ce que tu veux dire. » Admit l’apprenti maître du brouillard.
Les trois amis tentèrent plusieurs choses pour se sortir des mains de pierre. Valentine durcit une de ses carte pour s’en servir de burin, pendant que les deux garçons jouaient des marteaux. L’un avec sa brume changée en pierre et l’autre avec son changeforme transformé en marteau. Cela n’ébrécha même pas les énormes doigts. Ils essayèrent des leviers, la force brute et d’autres choses encore, mais rien n’ébranlait les mains de pierre qui les emprisonnaient.
Au loin, les bruits d’altercations continuaient de plus belle. « J’espère qu’on aura réussi à se sortir de là avant qu’ils reviennent, souhaita Valentine. Ca me fait un peu peur tous ces bruits, là bas…
– Je suis bien d’accord, approuva Jérémy qui poussait désespérément sur ses bras pour essayer de se glisser hors de l’emprise de la main par le haut.
– Je commence à être à court d’idées par contre. » Mentionna Cédric.
Le garçon blond écarquilla les yeux. Il sentit brusquement d’énormes vagues d’énergie le parcourir. C’était tellement gigantesque qu’il en cria de douleur. De son catalyseur d’énormes volutes de brouillard jaillirent, se répandant de tous les côtés. En une poignée de secondes, Valentine et Jérémy ne distinguèrent plus rien, tandis que leur ami était secoué de sanglots.
Le brouillard, paraissant vivant, imprima une telle pression sur les mains de pierres qu’elles s’effritèrent en poussière. En revanche, il ne fit aucun mal aux enfants, se contentant de les effleurer d’un courant d’air humide. « Cédric ! » S’écrièrent Valentine et Jérémy en essayant de retrouver leur ami, tâtonnant au milieu des volutes brumeuses qui emplissait tout le couloir.
Jérémy lui trébucha dessus car son ami gisait par terre, ce qui fit qu’ils purent l’agripper. Le catalyseur continuait à produire du brouillard, mais à présent aussi du feu, de l’eau, du vent et de la terre. Cela devenait dangereux. « Cédric ! Ca va ? S’inquiéta le garçon brun.
– Cédric, calme-toi, lui enjoignit Valentine. Tu vas causer un accident !
– J’ai… mal… Parvint à dire l’interpellé.
– On voit ça, reprit Jérémy. Mais respire un bon coup, ça évitera que tout nous tombe sur la tête… S’il te plait ! »
Cédric s’efforça d’inspirer et d’expirer plus doucement, en se concentrant sur sa respiration pour se calmer, comme Hildegarde lui avait expliqué. Petit à petit, la douleur s’estompa et son catalyseur cessa de produire et d’expédier à la ronde des éléments de manière aléatoire. Valentine et Jérémy, qui pouvaient à présent se voir grâce au brouillard qui s’était allégé, échangèrent un regard soulagé.
Jérémy entreprit d’aider Cédric à se lever, en le soutenant. Pendant ce temps, Valentine vérifiait qu’il n’était rien arrivé à Stéphanie pendant l’altercation avec le maître de la terre et pendant que le catalyseur de leur ami blond devenait fou. Les deux collégiens valides amenèrent leurs amis jusqu’à l’échelle. A l’autre bout du couloir, les adultes semblaient toujours occupés entre eux. C’était le moment de filer.
Valentine alla ouvrir la trappe et fit glisser le filet qui portait Stéphanie par l’ouverture. Jérémy aida ensuite Cédric à gravir les barreaux de l’échelle. Une fois dans la tour, ils refermèrent la trappe et, épuisés, ils tombèrent un instant. « Il ne va pas falloir qu’on traîne trop, prévint Valentine.
– Je sais bien, mais là j’en peux plus ! Déclara Jérémy. Juste quelques secondes et ensuite on les emmènera jusqu’aux animaux de papa. Et toi, Cédric, ça va ? »
Le garçon blond était effondré sur le sol, toujours concentré sur sa respiration. Son catalyseur avait repris une forme plus habituelle. En plus dense, peut-être. « Ca va aller, je pense, répondit-il à Jérémy. Je… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. D’un coup j’ai senti une puissance énorme ! Je comprends pourquoi Hildegarde voulait que j’apprenne d’abord à catalyser de petites quantités de magie. Pfiou ! »
1678 mots pour aujourd’hui et voilà.