NaNoWriMo 2017 : À l’École de l’Autre Côté du Miroir, jour 23

Sa brûlure au bras l’élançait. En voulant passer sa main dessus, il réalisa qu’il avait été entravé. Il ne pouvait bouger ni les bras, ni les jambes. Son catalyseur de brume l’environnait paresseusement, mais il ne lui obéit pas lorsque le garçon tenta de lui ordonner de prendre consistance. « Allez ! » Voulut l’encourager Cédric, mais aucun son ne sortit de sa gorge.

« Je vois que tu es réveillé, nota Maleflamme. Tu ne peux pas parler, mais c’est normal. Tu es aphone pour quelques heures. Et tu ne peux pas non plus diriger ton catalyseur pour le moment. Mais c’est normal aussi : ça va revenir quand tu auras les yeux en face des trous. Je te préviens, n’essaie pas de t’enfuir. Tu le regretterais. Tu regretteras aussi de ne pas vouloir coopérer avec nous, mais j’espère que tu finiras par changer d’avis à ce propos. »

Cédric n’aimait pas ce qu’augurait le ton du magicien. Tournant la tête autour de lui, il constata que ni la fée de l’eau, ni le nain ne se trouvaient là. « J’ai une question pour toi, reprit Maleflamme. Tu répondras lorsque tu pourras parler de nouveau bien sûr. Sais-tu où est passée Liselle ? Oh, ne roule pas des yeux étonnés. Je sais que tu connais Liselle. Une jeune lycéenne blonde qui discute avec toi de temps en temps. »

L’homme marchait de long en large, tournant autour du garçon d’un pas lent, les mains derrière le dos. Il n’avait pas changé sa tunique orangée : elle était toujours en partie déchirée suite au combat qu’il avait essuyé contre Hildegarde et les alliés de celle-ci. Il continua : « Elle devrait être là, Liselle. Plus exactement, elle aurait même dû t’avoir amené à nous, mais peu importe : puisque tu es là, elle échappera peut-être à la punition que j’avais prévu de lui infliger si elle échouait. Il n’empêche qu’elle n’est pas là, elle, et cela me contrarie. »

Cédric pouvait voir la colère couver dans les yeux de Maleflamme. Même si le garçon en voulait à Liselle de lui avoir menti et d’avoir voulu l’enlever, il trouvait le regard du magicien si terrible qu’il n’avait pas envie de lui révéler où la jeune fille avait été dissimulée. Il était soulagé, en un sens, d’avoir été rendu aphone. Cela lui donnait une excuse pour ne pas répondre, mais pour encore combien de temps ?

Le garçon testa machinalement les liens qui le retenaient. Rien ne se produisit. Et si Maleflamme avait menti ? Il décida de tenter de glisser sa brume dans les interstices des liens qui le retenaient. Une soudaine douleur parcourut tout son être, comme s’il brûlait de l’intérieur. Cédric cria. Le brouillard s’étendit en réponse, comme pour le protéger, mais la douleur se fit plus intense encore. Le garçon tenta de juguler son catalyseur et, au fur et à mesure qu’il y parvenait, la douleur se calmait.

« Profite, profite, commenta Maleflamme sur le ton de la conversation. Parce que si tu ne décides pas de joindre ma cause, la douleur ne s’arrêtera pas. » Haletant, Cédric se demandait ce que le magicien voulait dire par là. « Je vois ton air interrogateur. Sache que si tu refuses de m’aider, je continuerai de te faire mal pour que tu libères la puissance du brouillard. J’en ai besoin. Et maintenant que je t’ai, je l’aurai, que tu le veuilles ou non. »

L’homme continuait de tourner autour de sa proie. « Bon, je te laisse réfléchir à la question que je t’ai posé. Lorsque je reviendrai, tu ne seras plus aphone. Et je te conseille de me répondre franchement, ou tu le regretteras. » Sur ces mots, Maleflamme s’en fut. Cédric commença à paniquer. Il ne savait pas comment se sortir de cette situation et il n’osait pas recommencer à essayer de se libérer de ses liens. Découragé, il laissa ses pensées s’envoler vers Valentine, Jérémy et Stéphanie. Le garçon espérait qu’eux, au moins, allaient bien.

Normalement, ils avaient dû être récupérés par Hildegarde. Tout irait bien pour eux. Cédric se disait qu’ils avaient dû retourner à la ferme des Rivière. Peut-être même que Stéphanie était réveillée à présent. Ils devaient être bien tous ensemble ; le garçon était certain que Valentine et Stéphanie devaient être ravies de se coller de nouveau l’une contre l’autre. Alors que lui était tout seul ici, attaché, et probablement bientôt torturé. Est ce qu’ils pensaient à lui, au moins ?

Au bout d’un moment, qui lui avait paru à la fois terriblement long et à la fois terriblement court, Maleflamme revint. Il était accompagné de la fée de l’eau et du nain. Cédric sentit la frayeur l’envahir. Il espérait qu’il ne pouvait toujours pas parler ; cela lui laisserait un peu de répit. « Bien bien bien, déclara le maître du feu d’un ton presque débonnaire. Il est temps de savoir où se cache notre petite Liselle. J’espère pour elle qu’elle ne nous a pas tourné le dos.
– Ca m’étonnerait. » Intervint la morganez.

Maleflamme ne fit pas de commentaire. Il s’approcha de Cédric et lui demanda : « Alors, où est-elle ?
– Vous… » Le garçon toussota car sa voix était encore enrayée. « Vous ne la trouverez pas.
– Je pense que tu as mal compris que tu n’avais pas vraiment le choix de ne pas répondre, lui précisa le magicien.
– C’est pas ça, déclara Cédric. C’est qu’elle a déjà été emmenée par les amis d’Hildegarde.
– Et comment sais-tu cela ? Intervint le maître de la terre.
– Parce que j’ai dit à Hildegarde où elle était, expliqua le garçon dont la voix s’affirmait au fur et à mesure. Et elle m’a dit qu’elle envoyait des gens pour la chercher. Ce qui fait que, maintenant, je ne sais pas où est Liselle, alors je ne peux pas vous le dire. »

Maleflamme considéra pensivement l’apprenti maître du brouillard. « Mmhmm… Emit-il finalement. Cette histoire a l’air un peu trop pratique…
– Je ne sais pas, déclara la fée de l’eau. Sa version expliquerait pourquoi Liselle n’est pas là et aussi pourquoi elle ne nous a pas contactés. » Le maître de la terre hocha la tête pour appuyer les propos de la morganez.
Leur chef n’avait pas l’air entièrement convaincu. Cédric n’aimait pas la lueur qu’il voyait dans ses yeux. « C’est fâcheux, lâcha Maleflamme qui paraissait très contrarié. Il me faut un maître de l’air… Ils sont presque aussi rares que ceux du brouillard, c’est vraiment fâcheux ! Tout se ligue pour me faire perdre mon temps !
– Nous allons trouver une solution, tenta de temporiser la morganez.
– Il y a une autre spécialiste de la magie de l’air à [trouver un lieu quelconque], mentionna le nain. Peut-être pouvons-nous aller la chercher.
– Et cette personne, reprit Maleflamme, est-elle acquise à notre cause ? »

Les deux suivants échangèrent un regard. « Nous ne savons pas, avoua finalement la fée de l’eau. Mais nous pouvons la convaincre je suppose.
– Tu supposes. Tu supposes ?! » Le maître du feu, contrarié, s’emporta. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un autre maître ou spécialiste sous contrainte ! Et nous n’avons pas le temps !
– Nous avons tout notre temps, le contredit le nain. C’est juste que tu n’as pas envie d’attendre. »
Avec horreur, Cédric vit Maleflamme projeter des flèches de feu sur le maître de la terre. Celui-ci s’était déjà protégé dans une coquille de pierre qui encaissa tous les projectiles. Le garçon constata que la morganez s’était aussi protégée, craignant que l’attaque ne la vise aussi. Le maître du feu leur tourna le dos. Il se passa la main sur le visage, faisant visiblement de gros efforts pour retrouver son calme.

« Trouver un maître pour en perdre un autre… » Grommelait Maleflamme entre ses dents. Il fit plusieurs allers-retours dans la salle, contournant les grosses stalagmites qui gênaient sa route. Cédric s’attendait à tout instant de le voir faire exploser les concrétions calcaires, mais rien de tel ne se produisit. Le garçon restait tendu, dans l’expectative de ce qui risquait de lui arriver. Il espérait que Maleflamme n’allait pas se défouler sur lui.

« Nous n’avons jamais eu un maître du brouillard avec nous, précisa la fée de l’eau.
– Comment ça ? S’enquit le maître du feu. Nous avions [Machintruc] jusqu’à il y a quelques temps.
– Oui, mais il était un spécialiste du brouillard, continua la morganez. Ce n’était pas un catalyseur de brume qu’il avait. Il avait juste appris à maîtriser l’élément parce qu’il avait des facilités.
– En effet, acquiesça Maleflamme. Où veux-tu en venir ? »

La fée de l’eau ne répondit pas tout de suite. Elle lança d’abord un regard au nain, comme si elle n’était pas sûre d’elle. Puis au garçon, en affichant un bref air d’excuse, avant de reprendre : « Celui-là est un véritable maître du brouillard, expliqua-t-elle. Nous n’avons jamais essayé avec un véritable maître du brouillard ; si ça se trouve, il peut compenser l’absence de Liselle. »

La supposition de la morganez fit réfléchir Maleflamme et blêmir Cédric. Ce dernier n’avait aucune envie d’être le sujet d’expériences, surtout si elles impliquaient qu’il se fasse torturer. Il écarquilla les yeux de terreur en voyant le maître du feu le considérer d’un air pensif, le mesurant du regard. « Ca peut être une idée, dit lentement le chef de la Confrérie des Cinq Eléments. Je crains juste que nous le tuions dans l’opération.
– C’est un risque à courir, admit la fée de l’eau.
– Je pense que nous allons devoir essayer, reprit Maleflamme. Je suis beaucoup trop las de perdre du temps. »

Cédric voulut se débattre, mais le souvenir de l’intense douleur l’en empêcha. Il se sentait désespéré et se demandait ce que sa famille dirait en ne le voyant pas revenir de chez Jérémy. « Placez-vous autour de lui, ordonna Maleflamme à ses deux suivants. Nous allons commencer.
– Attendez ! S’écria soudainement le nain. Quelqu’un arrive !
– Encore ? Rugit le maître du feu. Mais comment est-ce possible ? Débarrassons-nous d’eux le plus vite possible ! »

Un groupe d’une dizaine de mages fit irruption dans la grande salle de la grotte. De ce que vit Cédric, ils se partageaient les tâches entre la défense et l’attaque. Deux magiciennes se postèrent près de lui, empêchant la Confrérie des Cinq Eléments de le récupérer. Acculés, Maleflamme et ses deux suivants disparurent. Le premier dans un anneau de feu, la seconde dans une flaque et le troisième sous terre.

« Cédric ! » S’exclamèrent plusieurs voix. Le garçon vit Jérémy, Valentine et Stéphanie, qui avait été réveillée, se précipiter dans sa direction, ignorant les mages qui essayaient de les retenir, ne sachant pas encore si la zone était sécurisée. Les deux magiciennes postées à côté de lui le libérèrent et ses trois amis en profitèrent pour se jeter sur lui sans autre forme de procès.

« Comment vous m’avez retrouvé ? S’étonna Cédric.
– Tu ne te souviens pas ? Je t’ai envoyé une carte de localisation lorsqu’ils se sont emparés de toi, lui rappela Valentine. Te suivre a été un jeu d’enfants.
– Et pendant ce temps, je suis allé chercher nos amis ici présents, raconta Jérémy avec entrain. Mais quand on est sortis de la tour, tu avais tout plongé dans le brouillard, c’était impressionnant !
– Mais quand le brouillard s’est estompé, on ne voyait plus personne, continua Valentine. Et les mages ne savaient pas où vous étiez partis, alors ils ont voulu faire une pause pour se regrouper.
– Et ils en ont profité pour me réveiller ! Précisa Stéphanie. C’est tellement gentil d’être venus me chercher, j’étais bien contente en me réveillant ! Un peu perdue, mais très contente. »

Cédric aussi se sentait très content, et soulagé aussi. Il était toujours sous le coup de la frayeur de se faire torturer par Maleflamme et accueillait avec plaisir les embrassades de ses amis affectueux. Il leur devait une fière chandelle, songeait-il. « Et Hildegarde, elle est pas là ? » S’enquit le garçon qui s’était attendu à voir la maîtresse du brouillard venir le réprimander de ne pas l’avoir écoutée. Les trois autres ne répondirent pas tout de suite, échangeant des regards graves.

« Hildegarde a été gravement blessée pendant le premier assaut, lui apprit finalement Stéphanie. Ils ne savent pas si elle va s’en sortir, parce qu’elle n’est plus toute jeune pour encaisser autant de blessures.
– Oh… » Cédric ne savait pas quoi répondre d’autre. Il espérait que la maîtresse du brouillard survivrait. Il l’aimait bien et elle avait encore beaucoup de choses à lui apprendre.

« Et sinon, on est en retard pour le dîner, intervint Jérémy pour changer de sujet et alléger l’atmosphère. Mais ça va, on a prévenu papa. En fait, les amis d’Hildegarde voulaient nous ramener chez moi, mais nous on voulait aller te chercher.
– Ils ont dit que c’était trop dangereux, précisa Stéphanie. Mais moi je venais de me réveiller et il était hors de question que je rate encore de l’action.
– Et puis ils avaient besoin de moi pour suivre la carte, ajouta Valentine. Et ils ne pouvaient pas se permettre de perdre quelqu’un pour nous ramener. Du coup ils ont fini par accepter ! » Les trois amis de Cédric paraissaient particulièrement satisfaits d’eux-mêmes.

Les mages terminèrent d’inspecter la grotte. Il s’agissait d’un repaire secondaire et la Confrérie des Cinq Eléments n’avait pas eu le temps de s’installer vraiment dedans. Il n’y avait rien d’autre à trouver que les alarmes du nain qu’ils avaient déclenché en arrivant. Les amis d’Hildegarde étaient un peu déçus : ils n’avaient pas de moyens de retrouver Maleflamme et ses compagnons.

« Les enfants ! Les interpella un dénommé Richard qui était presque aussi vénérable qu’Hildegarde. Nous allons vous ramener là où vous étiez sensés être. Nous allons juste ausculter celui d’entre vous qui avait été enlevé, pour être certains que tout va bien. » Cédric se laissa docilement ausculter et les mages escortèrent les enfants à la sortie. L’apprenti maître du brouillard inspira joyeusement l’air extérieur, même s’il le trouvait toujours chargé en énergie magique.

Seuls cinq mages s’occupèrent d’escorter les enfants : les deux magiciennes qui s’étaient postées près de Cédric à leur arrivée et qui se présentèrent comme [Bidulette] et [Machinette], le vieux Richard et deux autres magiciens, [Bidulon] et [Machin]. Ils avaient tous une monture volante. Il en manquait juste une pour Stéphanie, qui monta d’autorité avec Valentine.

 

2387 mots pour aujourd’hui ! La fin est proche, ça se sent.

S'exprimer par un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.