NaNoWriMo 2014 jour 4 : Bård

– Cet aelfe était il si fort que ça ? s’enquit Bård.
– Oui, il l’était, confirma Fen.
– Tu l’as tué ?
– Non, répondit la louve. Je ne l’ai pas tué.
– Pourquoi ? insista l’enfant.
– Parce que je n’ai pas eu à le faire. » Eluda sa protectrice.

Le souvenir de ce jour remonta dans sa mémoire. « Pourquoi ? » Avait hurlé l’aelfe comme si elle l’avait trahi. « Pourquoi protèges tu cette vermine ? » Elle soupira et tourna de nouveau son attention sur le petit garçon. Ce dernier lui parut tourmenté. « Qu’est ce qui te chagrine, petit d’homme ?
– Cet aelfe…
– Et bien ? le poussa-t-elle.
– Etait ce lui, chez moi ? demanda le fils de Sigurd.
– Non, répondit la Vane. Je suis certaine que ce n’était pas un aelfe et presque sûre qu’il était humain.
– Quand je serai grand, je le tuerai, décréta Bård.
– Occupe toi d’abord de devenir grand. » Conseilla la louve. Elle bâilla et se roula en boule pour dormir. « Vient te mettre au chaud. » Dit elle à son petit d’homme qui ne se fit pas prier. Comme il était parti de chez lui en catastrophe, il n’était pas vêtu en vue de supporter le temps froid et se blottir au milieu de la fourrure chaude du grand animal était une agréable perspective.

Isolé du froid et se sentant en sécurité, il ne tarda pas à s’endormir. Malgré les émotions de la journée, il était trop épuisé pour garder l’oeil ouvert. Mais, alors qu’il s’attendait à sombrer dans le noir de l’inconscience, le garçon se retrouva dans un jardin. Loin de l’hiver, il était verdoyant, arboré et fleuri de toutes parts. Il s’avança timidement et aperçut une femme richement vêtue, assise sur un banc sous un pêcher chargé de fruits. Dardant sur lui un regard perçant, elle lui sourit chaleureusement et, d’un geste, l’invita à la rejoindre. Sans savoir pourquoi, Bård se sentait en confiance. Il s’assit avec empressement aux côtés de la femme magnifique. Elle lui caressa la joue d’un geste empreint de tendresse. L’enfant remarqua qu’elle avait les yeux violets, les oreilles pointues et une opulente chevelure qui tombait jusqu’à terre. « Mon fils, lui dit elle d’une voix chantante. Je suis heureuse de pouvoir te voir avant la fin.
– Mère ? La fin ? Balbutia-t-il. Comment… ? Pourquoi… ? » Un tourbillon d’émotions contradictoires l’envahit.

« Chut, lui murmura-t-elle en ébouriffant ses cheveux. Le temps qu’il me reste est compté, un Vane très puissant, ou peut être un Ase m’a tuée. J’ai rassemblé ce qui me reste de pouvoir pour une dernière conversation avec toi, mon petit Bård.
– Tuée ? » Répéta le garçon. C’est alors qu’il repéra la tâche de sang qui s’élargissait sur l’abdomen de la belle Aelfe. « Non, non, non ! Pas toi non plus ! » s’écria-t-il. Elle lui caressa de nouveau tendrement la joue, avec un sourire empreint d’amour. Il se jeta dans ses bras, où elle le berça doucement.

« Je suis contente de t’avoir vu, dit elle doucement. Sigurd t’a bien élevé.
– Ne me laisse pas, mère ! Sanglota leur fils.
– Je n’ai pas le choix, regretta-t-elle. Possèdes-tu toujours le couteau que j’ai laissé pour toi ?
– Oui.
– Parfait garde le, il t’ouvrira certaines portes, et t’indiquera ton frère. Enfin, ton demi frère. Que ne puis je rester plus longtemps pour t’en dire plus… J’ai tellement de choses à t’apprendre, mais tu devras découvrir toutes ces choses par toi même. » Elle soupira tristement. A travers ses larmes, Bård constata que le jardin s’effilochait. Il ferma les yeux et se serra encore plus fort contre sa mère.

Il ouvrit brusquement les paupières dans l’obscurité de la tanière. Il entendit « Je t’aime. » Murmuré à son oreille et une fragrance de pêche s’attarder autour de lui. « Mère ? appela-t-il. Mère ? » De nouveau pleurs l’assaillirent. Il avait perdu ses deux parents le même jour et il avait l’impression d’être la personne la plus malheureuse du monde. Son désespoir réveilla Fen. Elle lui donna de petits coups de truffe interrogateurs. Mais Bård n’était pas capable de lui expliquer quoique ce soit. Elle supposa qu’il avait du penser de nouveau à Sigurd. Alors, d’une patte, elle le serra contre elle, consciente que malgré toute la tendresse qu’elle pourrait lui prodiguer, elle ne pourrait jamais combler le trou de ce qu’il avait perdu. Lorsque, épuisé d’avoir tant pleuré, le garçon s’endormit de nouveau, elle ferma enfin les yeux pour se reposer à son tour.

Le petit matin les trouva l’un enfoui dans la fourrure de l’autre, elle même roulée en boule pour conserver un peu de chaleur. Un rayon, pâle et faiblard, la réveilla. Elle bougea, dérangeant son louveteau d’adoption. « Déjà le matin ? » ronchonna-t-il d’une voix pâteuse. Sans répondre, la louve se leva et s’étira, autant qu’elle le pouvait dans cette tanière de fortune. Bård en tomba par terre et de se retrouver dans le froid lui fouetta les sangs. A présent tout à fait éveillé, celui ci se vit assaillir par tous ses souvenirs de la veille et de la nuit. Repoussant ces noires pensées, il suivit la Vane dehors. Elle s’ébroua. La neige avait cessé de tomber, laissant un tapis immaculé après son passage.

« Qu’allons nous faire aujourd’hui ? demanda l’enfant. Quoi ? » La louve s’était retournée vers lui et le fixait d’un air ébahi. Elle s’approcha de lui et le renifla. « Que se passe-t-il ? s’inquiéta le petit garçon.
– On dirait que tu t’es métamorphosé durant la nuit, s’étonna Fen.
– Méta-quoi ?
– Peut être que quelqu’un a descellé quelque chose… » La Vane réfléchissait tout haut en tournant autour de son protégé, l’inspectant sous toutes les coutures. « Mais c’est bien ce qu’il me semblait, reprit elle.
– De quoi ? Dit moi ce qu’il se passe à la fin !
– Tu n’es pas entièrement humain, lui révéla-t-elle. Je suis prête à parier que tu es demi Aelfe. Tes oreilles, ta nouvelle odeur… Il me semblait bien que Sigurd ne m’avait pas tout raconté ! »

Une désagréable sensation naquit dans le coeur de Bård. Son rêve lui revint en mémoire. La question, dérangeante, était à présent de savoir si cela avait bien été un rêve ou si il avait vraiment vu sa mère lors de ses derniers instants. Un nouveau tourbillon d’émotions l’envahit et il cria : « Tu mens ! Je ne suis pas un Aelfe ! Elle n’est pas drôle ta blague ! » avant de se précipiter dans la forêt, plantant là sa protectrice. Furieux, il courut sans respirer jusqu’à en perdre haleine. Cela lui prit longtemps, il évita lestement les obstacles sur son trajet, courut encore et encore. Lorsqu’il eût la sensation que ses poumons étaient sur le point d’exploser, il tomba à genoux au bord d’un petit ruisseau, essoufflé. Son regard rencontra son reflet dans l’eau. « Ce n’est pas possible… » murmura-t-il. Il toucha ses oreilles. Pas de doutes, elles avaient toujours la même taille, mais en lieu et place de l’arrondi humain, elles s’ornaient à présent d’une légère pointe.

Un bruit le fit sursauter. « Tu courres bien vite, commenta Fen qui venait de le rejoindre.
– Je suis vraiment un Aelfe, lâcha l’enfant.
– En partie oui, acquiesça la louve. Bienvenue dans le monde merveilleux des esprits, peuplé d’Aelfes, de Vanes, d’Ases et autres faeries.
– J’ai quand même envie de faire pipi, précisa Bård surpris de toujours être en proie à des considérations aussi triviales alors qu’il était à moitié un être merveilleux.
– Comme nous tous, lui assura sa grande protectrice. Ne fait pas attendre ta vessie. Pendant ce temps, je vais nous trouver de quoi grignoter. »

Suivant le sage conseil, le garçon se rendit derrière un arbre afin de se soulager. Au moment où il remontait son pantalon, il entendit une voix dire : « Qu’est ce donc que ce marmouset tout seul dans la forêt ?
– Un petit Aelfe en plus, ajouta une deuxième voix.
– Crois-tu ? J’aurais juré un petit d’homme, moi. » Rétorqua la première voix. Bård se retourna en tous sens pour trouver l’origine des voix.

« Il nous entend, mais ne nous voit pas, pouffa la deuxième voix.
– Nous sommes là, en haut. » L’informa la première voix. L’enfant leva la tête et vit deux corbeaux perchés sur une branche. Ils le fixaient d’un air intéressé. « Que fais tu tout seul dans les bois ? s’enquit le premier corbeau.
– Je ne suis pas tout seul, réfuta le garçon.
– Prend garde Svart, dit le deuxième corbeau au premier. Il est peut être de ces personnes bizarres qui possèdent des amis imaginaires. Elles sont parfois dangereuses.
– Ne soit pas idiot, Mørk, riposta ledit Svart.
– Mon amie n’est pas imaginaire, appuya Bård. Elle s’appelle Fen et elle est partie chasser. C’est une louve géante.
– Une louve géante, s’esclaffa Mørk. Je te l’avais bien dit qu’il était fou, Svart !
– Je ne suis pas fou, protesta l’enfant.
– Bien sûr que non, approuva Mørk avec véhémence avant de chuchoter : Il ne faut pas contrarier les fous Svart. »

Ce dernier donna un coup de bec à son compagnon. « Ne l’écoute pas, petit, reprit Svart. Mon frère raconte tout le temps n’importe quoi. La cause en est qu’il est tombé du nid à peine sorti de l’oeuf. Cela a eu un… impact permanent sur sa tête.
– Oh, compatit le garçon.
– Quoiqu’il en soit, balaya Svart tandis que Mørk geignait sur le coup reçu, nous recherchons un village où habiterait un certain Sigurd.
– Sigurd qui ? demanda Bård sur la défensive.
– C’est là que le bât blesse, confessa le corbeau. Nous ne savons pas grand chose.
– Si si, nous savons que ce Sigurd est un humain, intervint Mørk qui se tut rapidement sous le regard noir de son frère.
– Je connais un Sigurd. » Déclara l’enfant. Il songea qu’il ne lui coûtait rien de leur indiquer les ruines de son village et ce, quels que soient leurs desseins. Il était trop tard pour son père de toutes façons. Et puis, si ça se trouve, ils parlaient d’un autre Sigurd ; il s’agissait d’un prénom plutôt répandu. Il leur expliqua rapidement comment trouver son ancien village, à la grande joie des deux corvidés. Ils le remercièrent chaleureusement et s’envolèrent à tire d’aile une fois les informations récupérées. « Le maître sera content de nous, n’est ce pas Svart ? se réjouit Mørk.
– Oui oui. » Acquiesça son frère alors qu’ils disparaissaient à la vue de Bård.

« Avec qui discutais tu ? se renseigna Fen qui arrivait à ce moment là.
– Deux corbeaux, répondit son protégé. Je crois qu’ils cherchaient mon père.
– Qu’est ce qui te fait dire cela ?
– Ils m’ont dit qu’ils voulaient voir un certain Sigurd, expliqua le garçon.
– Et que leur as tu répondu ? s’enquit la louve avec un brin d’inquiétude.
– Je leur ai dit que je connaissais un Sigurd et je leur ai indiqué la direction du village.
– Mmmh, bien, le félicita la Vane tout en le considérant pensivement.
– As tu trouvé à manger ? demanda l’enfant. J’ai très faim ! »

Ils se régalèrent de lapin, que le garçonnet agrémenta de fruits secs glanés çà et là. Bård décortiquait une noisette abandonnée par un écureuil, lorsque quelque chose de mou tomba sur sa tête et rebondit pour se retrouver dans son giron. Il s’agissait d’un rouge gorge, un peu sonné suite à sa chute. “C’est trop petit pour être mangé, trouva la louve qui était rassasiée.

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