La Sagesse du Hibou

Caché sous le bureau de l’accueil de l’hôpital, Harry faisait son possible pour donner l’illusion qu’il n’était pas là. Le plus compliqué était de rendre sa respiration discrète ; dans le silence ambiant de l’hôpital abandonné, il avait l’impression de résonner comme une alarme. Les bruits de pas, circonspects et inquiétants, continuaient de s’approcher.

Le jeune homme essaya de régler ses inspirations et expirations sur les pas. Comme ils n’étaient pas réguliers, ce n’était pas facile ; ils s’arrêtaient souvent, comme si la personne s’arrêtait pour tendre l’oreille. Certainement pour vérifier d’où provenaient ces bruits de respiration, s’inquiéta Harry. Il repoussa la vague de panique qui menaçait de le submerger.

Les pas produisaient un cliquetis de mauvais augure sur le sol. Comme dans ce vieux film avec des dinosaures sans plumes qui chassaient deux enfants dans une cuisine. La scène avait effrayé le jeune homme à l’époque et il poussa un cri aiguë et effarouché lorsqu’une main puissante l’attrapa par le col pour le soulever hors de sa cachette.

Il se retrouva face à deux yeux ronds et dorés qui le fixaient. « Hou. » Commenta le hibou à taille humaine et à l’aile dotée des doigts emplumés qui maintenaient Harry. Les yeux ronds se plissèrent et le rapace leva son autre aile qui tenait fermement une hache à double tranchants. « Tu m’espionnes ? S’enquit l’oiseau avec la prononciation bizarre due à son bec.
– Euh non, je me cachais juste, expliqua le jeune homme.
– Pour me prendre en embuscade ?
– Non non ! Pas du tout ! Je ne suis même pas armé !
– C’est vrai. » Convint le rapace qui posa son interlocuteur à terre, au milieu du désordre ambiant. L’hôpital avait été pillé de nombreuses fois.

Les deux s’entre examinèrent curieusement du regard. « Que fais-tu là alors, si tu ne me cherches pas des noises ? » Se renseigna le hibou. Harry poussa un soupir de soulagement intérieur. Le ton n’était plus suspicieux et l’oiseau avait baissé sa hache. Le jeune homme s’épousseta machinalement et répondit :

« Je cherche des restes de médicaments que des pillards auraient pu oublier. » Le rapace acquiesça tout en s’ébrouant brusquement, à la façon des oiseaux, en gonflant ses plumes. « Et… Toi ? Demanda timidement Harry.
– Mmmh, moi je cherche un endroit tranquille et du matériel pour préparer mes potions. Je suppose que nous allons donc au même endroit : vers les labos et la pharmacie.
– Je suppose aussi, oui.
– Autant y aller ensemble, suggéra le hibou. Nous couvrirons nos arrières comme ça. Et je préfère t’avoir à l’œil, aussi.
– D’accord. » Accepta Harry qui se sentait plus rassuré de pouvoir compter sur un rapace armé d’une hache.

« D’ailleurs, reprit l’oiseau, tu devrais songer à te trouver une arme toi aussi. Sinon, tu ne me seras pas très utile si des charognards débarquent et nous attaquent.
– Euh… Oui… » Balbutia le jeune homme qui était gêné d’avouer qu’il ne savait pas se battre mais qu’il savait plutôt passer inaperçu. Peut-être pas aux sens aiguisés d’un rapace, mais la plupart du temps il s’en sortait bien.

Sans attendre, le hibou avisa une hache d’incendie qui traînait à côté d’une boîte arrachée du mur. Il s’empara de l’objet de sa plumeuse main libre et le colla dans les bras du garçon. Satisfait du résultat, le hibou lui fit ensuite signe de le suivre. Le jeune homme lui emboîta le pas. Il se sentait tout petit à côté de l’être imposant qui le précédait.

Une fois qu’ils eurent rejoint la zone de l’hôpital qui regroupait les laboratoires et la pharmacie, ils s’enfermèrent prudemment à l’intérieur. Pendant que Harry ratissait le coin dévolu aux médicaments, le hibou commença à manipuler de la verrerie, remplissant certains ballons d’herbes odorantes. Il en fit bouillir une partie, macérer d’autres et en hacha aussi. Mais le silence pesait au jeune homme, qui décida d’essayer de nouer la conversation avec son compagnon à plumes.

« Vous vous y connaissez bien en herbes, commença-t-il.
– C’est normal, je suis herboriste, l’informa le hibou.
– Et c’est bien comme métier ?
– Oui, c’est très pratique.
– Comment je peux t’appeler ? S’enquit le jeune homme.
– Soren, se présenta succinctement le rapace. Et toi ?
– Harry. »

Le hibou suspendit brusquement son mouvement. En deux pas appuyés d’un coup d’ailes, Soren se planta face au jeune homme, son bec effilé à quelques centimètres de ses yeux. « Harry, dis-tu ? Siffla le rapace avec un regard menaçant.
– Euh… oui… Balbutia celui-ci en se demandant pourquoi son prénom causait une si grande agitation chez l’oiseau qui avait sa hache à double tranchants ostensiblement à portée de main.
– LE Harry ? Continua Soren.
– Lequel ?
– Harry Potter, là, cet ignoble humain exploiteur de chouettes ! Elle en est morte, Hedwige, de son service, hein ! Et il n’en serait pas arrivé là où il est sans elle. Alors, c’est toi ?
– Non non ! Répondit très vite le jeune homme. Je suis… Je suis Harry Covert, je viens d’une blague nulle… »

Le hibou pencha la tête sur le côté d’un mouvement vif, comme s’il réfléchissait à la véracité des propos tenus. « D’accord, lâcha-t-il enfin. Je te crois. Surtout parce que tu n’as pas de cicatrice sur le front.
– Et toi, tu ne ressembles pas tellement à Soren, répartit Harry avec morgue. Il est sensé être une chouette effraie.
– C’est vrai, avoua le hibou. Je trouvais qu’Archimède était un prénom trop pompeux, alors j’ai changé. »

Maintenant que la tension était retombée, chacun retourna à ses occupations. Même si le plus gros de la pharmacie avait déjà été pillé, le jeune homme parvint à dégoter quelques précieuses pilules. Plutôt satisfait de sa récolte, il commença à faire une première estimation mentale de ce que cela allait lui rapporter. Il fut interrompu par quelque chose de brillant qui attira son regard par terre. « Qu’est ce que c’est que ça ? » Murmura-t-il en s’approchant de l’éclat doré qui semblait l’appeler à lui.

Soren leva le bec de ses décoctions et tourna brusquement la tête en direction de Harry. Celui-ci s’était emparé de l’objet brillant et le fixait intensément en l’admirant sous toutes ses coutures. À la grande inquiétude du hibou, il s’agissait d’un anneau doré, simple et lisse. Il savait que cela n’augurait rien de bon : il avait entendu parler d’anneaux de pouvoirs par des aigles. Ces anneaux qui corrompaient leurs porteurs et les faisaient devenir des créatures malfaisantes.

« Harry ? L’appela le rapace.
– Mmmh ?
– Cet anneau ne me dit rien qui vaille, exposa calmement Soren en rangeant rapidement ses affaires.
– Tu dis n’importe quoi, il est tout à fait charmant. » Lui assura Harry d’une voix rêveuse.

Le hibou termina de stocker soigneusement ses potions, s’empara de nouveau de sa hache et se précipita sur l’humain, qui sursauta, les yeux écarquillés. « Qu’est ce que tu fais ? Couina-t-il au rapace soudainement agressif.
– Tu es sous l’emprise de l’anneau. Je dois t’en défaire.
– De l’anneau ? S’étonna le jeune homme.
– Oui, celui que tu tiens dans ta main. »

Harry jeta un coup d’œil étonné à sa main qui tenait l’anneau, comme s’il le remarquait pour la première fois. « Ah mince ! On dirait l’Anneau Unique ! S’exclama-t-il.
– Je pense que c’est le cas. Mais c’est bizarre, on dirait qu’il ne t’affecte plus.
– Oh… C’est peut-être parce que je suis juste une blague. Nulle certes, mais innocente.
– Hmpf, peut-être, balaya le hibou. Nous devrions nous en débarrasser : ce ne serait pas très prudent si quelqu’un tombait dessus.
– C’est vrai, trouvons un volcan.
– Oui, voilà, faisons ça, approuva Soren. Ma hache est tienne, tout ça tout ça. Quand nous sortirons de l’hôpital, grimpe sur mon dos et je nous emmènerai au volcan le plus proche. »

La collision entre les mondes imaginaires et le monde réel était déjà suffisamment chaotique sans qu’on laisse, en plus, se rajouter un seigneur ténébreux.

 

 

Ce texte paraît bizarre, mais il est issu du sujet suivant : le hibou herboriste avec une hache dans l’hôpital et il fallait une référence à Harry Potter. Du coup ça allait forcément donner quelque chose de bizarre 😛

NaNoCamp Avril 2017 J+3 : Préquelles Arkhaiologia

Son ami referma la bouche. Elle avait raison : inutile de faire l’ennuyeux moralisateur. La situation était particulière. Il prit place à l’avant tandis que Béatrice mettait le contact. La voiture électrique souffla en démarrant.

Alors que la voiture s’approchait du bâtiment où travaillait la jeune femme, Valentin put apprécier les dimensions de l’annexe qu’ils avaient construite à côté, lui qui n’allait que rarement de ce côté là du campus. Elle lui parut immense : il y avait même une porte pour y faire entrer de gros véhicules. Béatrice gara la voiture devant et en descendit pour désactiver l’alarme. Elle ouvrit la porte à taille humaine et se glissa à l’intérieur du bâtiment. Quelques secondes plus tard, la grande porte dévolue aux véhicules se soulevait. La jeune femme sortit du bâtiment pour garder sa voiture à l’intérieur. Elle ferma tout et alluma la lumière.

« Bienvenue dans la nouvelle annexe ! S’exclama Béatrice en désignant les alentours en tournant sur elle-même.
– C’est fou que tu aies les codes et les clefs de tout ici, commenta Valentin impressionné.
– Oh, tu sais, les professeurs Massamba et Pommier sont souvent en déplacement à cause de la recrudescence des apparitions de créatures surnaturelles. Et comme ils sont souvent appelés sur des sites, ils me laissent le soin de m’occuper de la maison.
– Et ils te font confiance ? » La taquina le jeune homme.

Son amie lui tira la langue et ouvrit le coffre de la voiture, tandis que Déa s’extirpait de l’habitacle. La femme aux yeux dorés ne fit pas de commentaire mais, à la façon dont elle regardait la voiture et les alentours, les deux amis sentirent bien que tout lui paraissait nouveau. Béatrice les planta là pour aller préparer une cage la plus confortable possible pour le pensionnaire endormi dans le coffre. En l’attendant, Valentin et Déa firent le tour de la pièce neuve, bordée de différentes cages et au centre de laquelle trônaient d’énormes cartons contenant les futurs équipements de l’annexe.

La femme aux yeux dorés fit la moue. « Ces cages sont grandes, mais elles restent froides pour y faire vivre qui que ce soit.
– Ne t’en fait pas, la rassura le jeune homme. Béatrice m’a expliqué que les créatures enfermées ici ne le seraient que de manière temporaire. Ce sera aussi le cas pour ce jeune dragon.
– Oui, je ne compte pas le laisser là. » Acquiesça Déa.

Une fois que Béatrice eut installé ce qu’il fallait dans la cage pour adoucir le séjour du dragon, ils entreprirent d’installer le bébé à l’intérieur. « Je vais lui laisser la couverture, je pense, déclara Valentin en contemplant l’animal blotti dans le tissu.
– Il est tout mignon avec juste la tête et la queue qui sortent, s’attendrit Béatrice en fermant soigneusement la porte. Bon ! En route pour l’hôpital à présent ! » Continua-t-elle avec entrain, tout en se dirigeant vers sa voiture pour remettre la banquette et la plage arrière en place.

Le trajet pour l’hôpital se déroula rapidement ; il n’y avait pas de circulation. Aux urgences, l’affluence était très faible. Béatrice expliqua au personnel soignant que Déa s’était retrouvée au milieu d’une mauvaise bagarre, qu’elle souffrait d’amnésie et qu’ils s’inquiétaient qu’elle ait pris un mauvais coup sur la tête. L’infirmière de garde eut la confirmation de l’amnésie lorsqu’elle demanda le nom de famille de Déa et que celle-ci fut incapable de répondre. « C’est peut-être indiqué sur votre carte d’identité, suggéra l’infirmière.
– Elle n’en a pas, intervint encore Béatrice. Nous l’avons trouvée telle quelle. »

Après quelques autres questions et arrangements, leur interlocutrice les envoya patienter dans la salle d’attente, en leur assurant que la nuit étant calme, ils n’auraient pas à attendre très longtemps. « Déa ? L’interpella Valentin. Tout va bien ? Tu as l’air un peu absente depuis un moment.
– Mmhmm… Émit machinalement la femme aux yeux dorés. Il y a quelque chose ici.
– Quelque chose ? Répéta Béatrice.
– Oui. »

Déa ne s’étendit pas en explication. Valentin vit que son amie rongeait son frein, curieuse qu’elle était. Elle prenait sur elle pour le moment, mais ce n’était qu’une question de temps : elle recommencerait bientôt à lui poser des questions. Il sourit par devers lui. Comment lui en vouloir ? Il se sentait au moins aussi curieux qu’elle. Ses pensées s’interrompirent lorsqu’il vit la femme aux yeux dorés se lever et quitter la salle d’attente. « Déa ? L’appela-t-il.
– Tu cherches quelque chose ? » Continua Béatrice en se levant pour la rattraper. Valentin bondit à son tour de son siège pour suivre les deux femmes.

Celle aux yeux dorés continuait de marcher dans le couloir de l’hôpital sans leur répondre. « Déa, je ne pense pas que nous ayons le droit d’aller par là… » Tenta le jeune homme, mais elle continuait de faire la sourde oreille. Elle s’arrêta tout aussi soudainement qu’elle s’était levée. « Déa… » Reprit Béatrice à son tour, mais elle se tut en voyant un homme se dresser au bout du couloir, face à eux. Il avait noué une blouse médicale autour de sa taille, laissant à l’air libre son physique presque corpulent, et leur faisait face, sa mine affichant la stupeur à la vue de la femme aux yeux dorés qui lui faisait face.

Une porte du couloir s’ouvrit brusquement, interrompant le silence presque surréaliste. Une adolescente sortit, gémissant de douleur, titubant sous l’effet d’un calmant quelconque. L’homme attrapa lestement la jeune fille et posa sa main sur sa tête. Surprise, l’adolescente ne songea même pas à se débattre. Une douce lueur orangée nimba la main et se propagea le long du corps de la jeune fille, s’arrêtant au niveau du ventre. Là, la lueur orangée se fit plus forte et l’homme ferma les yeux, l’air concentré. L’opération ne prit pas plus d’une poignée de secondes. Lorsque la lumière orangée disparut, l’adolescente était endormie.

L’homme se redressa, la portant jusqu’à la chambre qu’elle venait de quitter. Il en ressortit presque aussitôt, referma soigneusement la porte, et s’approcha de Déa. Celle-ci ne bougea pas et ses deux accompagnateurs ne savaient pas comment ils devaient réagir. L’inconnu prit le visage de Déa dans ses mains et posa son front sur le sien. Les mains se nimbèrent de nouveau de la douce lueur orangée, ainsi que la tête de la femme aux yeux dorés. Cette fois, l’opération prit un peu plus de temps, à la grande nervosité de Valentin et Béatrice.