NaNoWriMo 2014 jour 22 : Bård

Passage numéro 1 :
“Maître, le village que l’on nous a indiqué se trouve par là bas ! s’exclama Svart. Par contre…
– Par contre ? s’enquit le maître en question.
– Et bien, il semblerait qu’il ait été attaqué, répondit le corbeau.
– Et une partie est toute brûlée, gloussa Mørk.
– Allons voir.” Lâcha le maître de sa voix profonde. Ainsi que le corbeau le lui avait dit, le village se trouvait en ruines. La moitié des maisons avaient été éventrées par le feu et les malheureux villageois qui les peuplaient avaient été essaimés un peu partout sur la terre battue et en partie recouverts par la neige, morts. Seules subsistaient quelques poules qui avaient été épargnées et erraient à la recherche de quelque chose à picorer. Mais plus aucune espèce plus grosse qu’un chat. Ils s’aventurèrent au milieu des cendres, des cadavres et des squelettes d’habitations.

« Votre source vous a-t-elle expliqué quelle était la maison de Sigurd ?
– Non, avoua Svart un peu penaud.
– Dans ce cas, nous allons chercher. » Conclut le maître qui s’employa dès lors à pousser les portes des chaumières pour en visiter l’intérieur. Il retourna également certains morts mâles mais, malgré la décomposition qui les dévisageait, aucun n’était Sigurd. Ses inspections le menèrent, toujours accompagné des corbeaux, jusqu’au grand hall, la plus vaste habitation du village. Un grand trou béait dans l’un des murs, mais la structure avait été épargnée par les flammes. Il entra. Le spectacle qui s’offrit à lui le fit froncer du nez. Il s’approcha du cadavre cloué au mur. « Tsss. » Lâcha-t-il. L’homme qu’il recherchait était mort. D’une mort grossière selon le maître, puisqu’il se retrouvait cloué au mur comme un vulgaire pantin. Il fouilla la maison toute entière. Aucune trace d’un corps d’enfant nulle part. Le fils de Sigurd avait peut être survécu. Si c’était le cas, ce devait être cet enfant qui se trouvait en possession de ce que Sigurd lui avait volé, car il n’avait pas réussi à mettre la main sur ce précieux objet non plus. Il se redressa et, frustré, heurta le mur de son poing. Les corbeaux n’osèrent pas intervenir.

Leur maître retourna dehors et inspecta le sol. Malheureusement, les dernières chutes de neige avaient recouvert toutes les éventuelles traces qui auraient pu lui indiquer une direction à suivre. Il se sentait impuissant et cela le mettait en colère. Il ne lui restait plus qu’une solution. « Menez moi jusqu’à la personne qui vous a indiqué ce village, ordonna-t-il aux deux corbeaux.
– Mais ce garçon se trouvait loin d’ici et il a du bouger depuis, objecta Svart. Je ne sais pas si nous allons pouvoir le retrouver, le monde est vaste…
– Retrouvez le, j’ai des questions à lui poser. » Le ton était sans appel, et Svart comprit qu’il ne servait à rien de tergiverser. Il donna un coup de bec à Mørk qui s’apprêtait à dire une bêtise – or le maître n’était pas d’humeur – et prit son essor, accompagné de son frère.

Passage 2 :
La lune était pleine, inondant le paysage enneigé d’une douce lueur argentée. D’aucuns diraient blafarde, mais ces gens ne savaient pas de quoi ils parlaient. Seuls les hermétiques à la beauté pouvaient proférer des choses pareilles. C’était ce que Fen disait toujours en tous cas. Elle adorait la lune. Probablement à cause de sa nature de louve. Assis en tailleur sur un rocher solitaire, Siegfried contemplait la grosse boule haute dans le ciel et la vue dégagée qu’il avait de la plaine qui s’étendait à ses pieds. Il entendit des loups hurler au loin. Il sourit. Il leva la tête vers la lune et hurla avec eux. Comme il le faisait jadis en compagnie de Fen. Ils se connaissaient depuis qu’il était aelfon et elle louveteau. Il lui avait appris l’aelfique et elle les manières des loups. La meute avec laquelle il chantait – car les loups considéraient cela comme de la musique – lui répondit avec entrain. Ils avaient souvent hurlé à la lune Fen et lui. En grandissant, ils s’étaient moins fréquentés, ayant chacun leurs affaires de leur côté.
C’était ainsi qu’un beau jour, il s’était rendu compte qu’elle s’était liée d’amitié avec des humains. Un, en l’occurence, qui répondait au nom de Sigurd. D’après ce qu’il avait compris, ils avaient vécu beaucoup d’aventures ensemble, la vane s’abaissant à lui servir occasionnellement de monture. Et comme il se pavanait ce rustaud ! Sans aucun respect pour la nature faerique de la louve qui avait daigné lui offrir son amitié. Sigurd ne lui avait jamais témoigné aucun respect non plus. Les rares fois où il avait eu le malheur de le rencontrer, il lui avait toujours parlé familièrement, comme à l’un de ses semblables. Vraiment, Siegfried ne voyait pas ce que Fen trouvait à cet humain vulgaire. Mais elle semblait lui accorder plus d’intérêt qu’à lui même. Elle lui avait assuré qu’il se faisait des idées mais, selon lui, ses actes prouvaient sans cesse le contraire.

Ce Sigurd, non content de lui voler l’affection de la vane, s’était en premier mis en tête de courtiser sa mère. Bien sûr, l’humain ne savait pas à ce moment là que Doelyn se trouvait être la mère de Siegfried. Mais ce n’était pas une excuse. Il avait chassé le cerf blanc pour elle, mais il n’aurait jamais réussi si Fen ne lui avait pas prêté son aide. C’était d’ailleurs suite à cet épisode qu’ils avaient fait connaissance, l’humain et eux. L’aelfe se souvenait encore du moment où la vane s’était dressée face à lui pour l’empêcher de tuer Sigurd. Il en avait été blessé. Encore plus lorsqu’il avait vu l’humain chevaucher la louve et parader en amenant le cerf blanc à Dame Doelyn. Et, pire que tout, avait été l’annonce de la naissance de Bård le demi humain. Sa mère paraissait aussi faire grand cas de son fils cadet, le bâtard. Elle avait tellement envie de le protéger qu’elle avait tissé un sort autour de lui afin que personne ne remarque la nature semi aelfique du bébé. Heureusement, elle n’avait pas infligé à son aîné la présence du petit et de son père. Il était déjà suffisamment difficile de supporter qu’elle fasse parfois semblant de ne pas être sa mère qu’il n’aurait pas supporté qu’elle accorde de l’attention au bébé.

Siegfried ne savait pas pendant combien de temps les loups et lui avaient loué ainsi la lune, mais il se sentait maintenant beaucoup plus apaisé. Perchés sur la branche basse d’un arbre tout proche, Svart et Mørk se pressaient l’un contre l’autre afin d’échanger un peu de chaleur. Ils avaient sursauté lorsque celui qu’ils appelaient leur maître s’était mis à hurler à la lune avec les loups. Ils sursautèrent de nouveau lorsque l’aelfe leur intima : « Partons. Nous devons trouver Ull.
– Mais quand dormirons nous maître ? se plaignit Mørk.
– Nous aurons tout le temps de dormir lorsque nous serons morts. Pour le moment, nous avons du pain sur la planche. »

Passage 3 début (le passage 3 va être un chapitre à lui tout seul normalement)
La forêt de Ull était plus difficile à trouver d’hiver en hiver. Elle poussait autour de l’ase chasseur à chaque fois que celui ci en décidait ainsi. A force d’emmagasiner les pouvoirs de créatures magiques, celui de l’ase devenait de plus en plus puissant. Les hivers s’allongeaient et sa zone d’influence s’étendait, glaciale, sur de plus en plus de terrain. En revanche, sa forêt d’ifs restait la même. Cela revenait à chercher un oeuf dans un verre d’eau, puis dans une flaque, dans une mare, un étang, jusqu’à la mer. La première année où il était parti à la recherche de Ull, Siegfried l’avait non seulement trouvé, mais aussi affronté. Il grimaça amèrement à ce souvenir. Il n’avait du son salut qu’à l’intervention des deux frères corbeaux qui lui avaient permis de battre en retraite. L’ase ne l’avait pas poursuivi. L’aelfe se promit de prendre sa revanche. Mais il du se rendre à l’évidence : sa mère avait raison, il ne pourrait pas en venir à bout seul. Depuis, il surveillait les déplacements de la forêt magique. En attendant son heure, il contrait du mieux qu’il pouvait l’augmentation de l’influence du Chasseur. « Maître, l’interrompit Svart dans ses réflexions. Nous avons trouvé un autre de ces campements de braconniers.
– Oh oui ! renchérit Mørk. Tout un groupe !
– Ont ils des prisonniers ? s’enquit Siegfried.
– Des tas. » Répondit le corbeau idiot d’un air épanoui, comme si il s’agissait de la meilleure nouvelle du monde. Svart lui infligea un coup de bec moralisateur.

« Ce n’est pas une raison de se réjouir, le morigéna-t-il.
– Pourquoi me frappes tu tout le temps Svart ? s’enquit Mørk d’une voix tremblante qui menaçait de se briser. Je vais finir par croire que tu ne m’aimes plus… » Ignorant la suite de l’échange habituel entre les corbeaux, l’aelfe hocha la tête pour lui même. Comme si il avait besoin d’une raison de plus de détester les humains, nombre de ceux ci s’étaient fait chasseurs de créatures. Suivant l’appât du gain, ils capturaient vanes, aelfes qui s’étaient aventurés en dehors de leurs cités cachées et dvergs qui s’étaient aventurés en dehors de leurs profondes grottes. Ils raflaient au passage toutes les autres créatures de nature plus ou moins magique qu’ils pouvaient trouver. Les sbires de Ull et, notamment, Skadi les rémunéraient grassement. En se remémorant Skadi la géante, Siegfried passa machinalement ses doigts sur la grande balafre dont s’ornait son visage depuis leur rencontre. Elle n’était pas une ase, mais faisait partie de ce peuple de géants. Femme de Ull, elle lui était entièrement dévouée et défendait les alentours de sa forêt d’ifs à l’aide de son long fouet avec lequel elle marquait ses ennemis. Contrairement à son ase de mari, elle n’était pas immortelle et l’aelfe lui avait promis de la vaincre définitivement un jour prochain. Elle avait ri. Il pinça les lèvres à ce souvenir douloureux, tant pour les blessures récoltées que pour son amour propre. Il lui ferait payer l’affront de son visage et celui de sa moquerie.

Une fois que les oiseaux eurent fini de se disputer et de se réconcilier, ils menèrent Siegfried jusqu’au campement qu’ils avaient repéré. Il eut le soulagement de constater que ce groupe de chasseurs ne comportait que des humains. L’aelfe avait pu s rendre compte d’expérience que certaines bandes de braconniers comprenaient des créatures elles mêmes magiques. Il avait notamment eu à faire à un groupe dirigé par un vane renard quelques temps auparavant. Cette fois il avait du s’abstenir d’intervenir. Il venait d’être blessé par Skadi et un vane aussi gros que ce renard était un adversaire trop difficile à mettre à bas, estropié comme il l’était à ce moment là.

NaNoWriMo 2014 jour 15 : Bård

Les petites renardes ressemblaient à des fillettes de six ou sept ans, mais en version miniatures, d’environ la taille de poupées. Pour lui laisser les mains libres, elles finirent par s’accrocher à ses épaules.

« Pourquoi courrez vous moins vite que tout à l’heure, maître ? s’enquit Mørk d’un air idiot qui le rendait goguenard.
– Arrête de poser des questions stupides et vole. » Lui intima son frère en constatant que Siegfried ne daignait pas répondre. Fen, quant à elle, imputait la baisse de régime à deux raisons : la première parce que l’aelfe savait que son petit frère à moitié humain ne pourrait pas tenir un rythme plus soutenu. La seconde parce qu’il redoutait ce qui les attendait. Ce n’étaient que des suppositions tant le visage balafré restait fermé. Il les fit ainsi voyager pendant deux heures, avant que Bård ne montre des signes de fatigue. La louve initia alors une pause afin qu’il puisse souffler un moment. Siegfried toisa l’adolescent et lâcha d’un ton dédaigneux : « Les humains sont vraiment un fardeau.
– Je ne suis pas un hu main ! répartit le garçon essoufflé en détachant bien toutes les syllabes.
– Hey le grand aelfe ! interpella alors Sylveig. Ne soit pas vilain avec notre humain !
– Pas vilain ! renchérit Skade.
– Tout le monde se calme, gronda Fen. Nous entrons dans des territoires dangereux, alors silence. »

Les fillettes se turent, mais adressèrent dorénavant des séries de tirages de langue et de grimaces à Siegfried. Celui ci leva les yeux au ciel et battit en retraite. La petite renarde aux yeux verts déposa alors un baiser sur la joue de Bård. « Ne t’inquiète pas, lui murmura-t-elle.
– Ca se voit bien qu’il est bête, ajouta la petite aux yeux bleus en chuchotant. Il est vraiment très beau, mais complètement idiot.
– Nous, nous t’aimons. » Conclut Sylveig. Les deux fillettes se blottirent contre l’adolescent, qui ne savait pas comment réagir à autant de démonstrations d’affection.

Ils repartirent bientôt. Siegfried les menait en direction d’une grande étendue forestière. En s’approchant, les autres membres de son groupe s’aperçurent bientôt que tous les arbres de la forêt paraissaient être des ifs. « Est ce là que se trouve Ull ? haleta Bård.
– Oui, lui répondit Svart qui volaient à sa hauteur. Il réside dans cet endroit.
– Pourquoi étions nous pressés alors ? Une forêt ne s’envole pas, s’enquit l’adolescent.
– Celle là si, expliqua le corbeau. Elle suit Ull dans ses déplacements.
– Cela ne doit pas être pratique d’avoir une forêt qui nous suit, renifla Sylveig.
– Il ne doit jamais savoir où il va et trébucher sur des racines sans arrêt, renchérit Skade.
– Les arbres s’installent selon sa volonté, précisa l’oiseau. Je ne pense pas qu’il subit les problèmes que vous décrivez.
– Je suis sûre que si. » Persista Skade en remuant ses oreilles de renard. L’aelfe ralentit à l’approche de la forêt. Le froid se faisait plus intense, ici. Personne ne parlait plus. D’ailleurs, aucun son hormis celui du vent ne troublait l’atmosphère.

Quelque chose de menaçant les épiait, Fen en était certaine. L’odeur de cette chose était difficile à discerner. Elle sentait la neige, en plus métallique. Et une légère fragrance de sang l’entourait. Bård, Siegfried et la louve avaient instinctivement dégainé leurs armes. Ils continuèrent de s’approcher de l’orée de la forêt d’ifs avec prudence. Les deux corbeaux avaient pris de l’altitude pour détecter l’origine du danger. Un fouet claqua soudainement devant eux, traçant une ligne dans la neige, comme une barrière qui les empêcherait de passer. « Te voilà de nouveau, petit aelfe, salua une femme qui rejeta en arrière sa cape de neige qui la dissimulait.
– Skadi… » gronda Siegfried. Son petit frère écarquilla les yeux en contemplant la femme qui leur barrait le passage, tandis que les renardes se réfugiaient derrière lui. Elle était immense et dépassait l’aelfe et Fen d’une bonne tête. L’adolescent avait du mal à détacher son regard de cette beauté glaciale armée d’un fouet. Un arc lui barrait également le dos et un couteau de chasse pendait à sa ceinture. Pour le reste, elle portait une tenue d’été, visiblement insensible au froid environnant.

« Tu portes toujours cette arme ridicule, pouffa la grande Skadi à l’intention de Siegfried.
– Elle n’est pas ridicule ! protesta Bård avec véhémence.
– Ah, mais qui est donc ce petit demi aelfe ? se demanda la géante. Ne serait ce pas ton petit frère ?
– Tu vas regretter d’avoir prononcé ces mots devant moi. » Sur cette menace, l’aelfe fondit sur Skadi, esquiva le fouet qui venait le cueillir, et asséna un coup vif de sa corne d’acier. Mais elle ne rencontra qu’une gerbe de neige soulevée par la cape de la femme. Laissant les petites renardes derrière lui, Bård se précipita pour prêter main forte à son frère. Concentrée qu’elle était sur l’aelfe, l’adolescent en profita pour la blesser au flanc avec son épée magique à qui il faisait cracher un feu solaire. Skadi poussa un cri de douleur et envoya bouler son petit assaillant d’un monumental coup de poing. Sortant son couteau de chasse, elle s’apprêta à l’achever, mais sa lame fut interceptée par les deux de Fen, qui la repoussa. Siegfried se posta devant eux, faisant rempart. « Ne reste pas dans mes pattes, avorton, gronda l’aelfe.
– Mais… commença Bård.
– Ne reste pas dans mes pattes t’ai je dit ! l’interrompit son frère. C’est trop dangereux pour un misérable humain tel que toi. Fen, emmène le. Je vous rejoindrai. »

Skadi partit dans un grand rire. « J’ai rarement vu quelque chose d’aussi comique, s’esclaffa-t-elle. Tu demandes au seul d’entre vous qui a réussi à me blesser de s’en aller ?
– C’était un coup de chance, déclara dédaigneusement Siegfried.
– Tu crois vraiment que vous avez une chance, alors ? s’enquit la femme au fouet en riant toujours. Tu as déjà battu en retraite une fois face à moi, suite à cette magnifique balafre. Qu’est ce qui a changé depuis ? Je suis sûre que tu leur dis de partir pour qu’il ne te voient pas fuir une deuxième fois, la queue entre les jambes. En as tu une, d’ailleurs ? Je me le demande. » Elle rit de nouveau et se jeta sur Siegfried qui bouillait intérieurement.

Le fouet claqua en même temps qu’un rire glacial. L’aelfe avait prestement esquivé, ne laissant pas les railleries le déconcentrer. Pendant ce temps, Fen commençait à entraîner le garçon à l’écart, mais il l’arrêta en entendant de petits cris plaintifs. Il rebroussa aussitôt chemin pour récupérer les petites renardes terrifiées qui s’aggripèrent à lui et, après seulement, rejoignit la louve. Durant sa course, le fouet faillit l’atteindre, mais Siegfried s’interposa une nouvelle fois, découpant au passage un morceau de la cinglante lanière de cuir. A ce moment là, les corbeaux s’abattirent sur Skadi.

Bård et les vanes s’arrêtèrent bien après l’orée de la forêt d’ifs. « Pourquoi n’a-t-il pas voulu que je reste ? s’enquit l’adolescent avec fureur.
– C’était trop dangereux, laissa tomber Fen.
– J’ai pourtant réussi à la blesser ! insista-t-il.
– Oui, et grâce à toi, il va probablement pouvoir en venir à bout, dit la vane pour l’apaiser. Tu lui as offert une sacrée opportunité.
– Et c’est ainsi qu’il me remercie… Il ne m’aime toujours pas, déplora le garçon en caressant les têtes des petites renardes tremblantes afin de les rassurer.
– Je n’en serai pas aussi sûre, déclara Fen. Skadi est très dangereuse. Tu as certes réussi à la blesser, mais en faisant cela, tu devenais sa cible favorite. Je pense qu’il t’a repoussé pour te sauver la vie.
– Il a juste fait cela parce que je suis qu’un simple humain, déplora amèrement Bård. Il était juste jaloux que j’ai réussi à la blesser et pas lui.
– Tu deviens beaucoup trop pessimiste, lui fit remarquer la louve.
– Peut être, en convint il. Mais dans tous les cas, je ne suis pas un simple humain et je possède une épée magique. Il ne faut pas me sous estimer !
– Personne ne te sous estime. » Lui assura sa protectrice qui ne savait plus vraiment quoi dire pour calmer sa colère.

Elle n’eût pas besoin de chercher très loin. Les fillettes sous forme de renardes s’étaient mise à donner des coups de langue affectueux sur tout le visage du garçon avec application. Après un tel traitement, il ne parvint pas à rester fâché très longtemps. La louve sourit par devers elle. « Allez, cessons de traîner, nous devons trouver Ull. » Lorsqu’elle prononça ce nom, toute la forêt émit un frémissement. « Bien, je n’en parlerai plus. » Ajouta-t-elle une fois que tout fut redevenu calme. Elle renifla les alentours, mais la fragrance des ifs lui masquait toute autre odeur. Cela la fit grimacer. Perdre l’utilité de son odorat était pour elle comme perdre la vue. Elle se sentait terriblement amoindrie. Mais rien ne servant de tergiverser, elle s’enfonça plus avant dans la forêt, suivie par les trois jeunes. Elle espérait que Siegfried parviendrait à les rejoindre à temps si ils tombaient sur Ull. Ses deux fils devaient agir ensemble avait dit Dame Doelyn. Fen ne savait pas dans quelle mesure savoir ouvrir des portes les aiderait à combattre l’influence de l’ase, mais elle leur faisait confiance. Elle même n’était là que pour protéger Bård, ainsi qu’elle l’avait promis à Sigurd et à l’adolescent lui même.

La forêt se fit de plus en plus touffue et, bientôt, même la louve ne savait plus dans quelles directions ils allaient, ni si ils ne tournaient pas en rond. Il n’y avait pour ainsi dire pas d’indication dans cette forêt. Tous les arbres étaient des ifs et tout le sol était recouvert de neige. Il y avait bien un rocher çà et là, mais rien qui ne leur permette de prendre de vrais repères. Et, toujours, ce silence oppressant et quasi surnaturel. « Il fait vraiment froid, dans cette forêt, souffla Bård.
– Oui, confirma Fen. Mais c’est normal puisque nous nous aventurons dans la demeure du roi de l’hiver. » Elle ne se risquerait pas une nouvelle fois à invoquer le nom de Ull dans cet étrange bois composé uniquement d’ifs. Ils débouchèrent finalement sur un espace vide. La louve crut un moment qu’ils étaient ressorti de la forêt mais se rendit rapidement compte qu’il ne s’agissait que d’une clairière. Voilà qui semblait étrange. Qu’est ce que Ull ferait d’un trou dans sa forêt ?

« Et si nous nous arrêtions là un instant ? proposa l’adolescent. Nous pourrions faire un feu et nous reposer un peu…
– Oh oui, reposons nous, renchérirent les petites renardes.
– Mmmh, je ne sais. » Fen était réticente. « Inspectons un peu cet endroit avant de nous installer. » Les trois plus jeunes soupirèrent de lassitude, mais obéirent néanmoins. La louve devait savoir de quoi elle parlait et Bård savait d’expérience qu’il valait mieux l’écouter, même si elle disait parfois des choses un peu bizarres. Ils explorèrent la clairière avec minutie et, ne trouvant rien de visiblement dangereux, s’assirent avec délectation. Le garçon avait sorti son épée et l’avait enflammée, ce qui réjouissait Skade et Sylveig au plus haut point. Fen, en revanche, restait sur ses gardes. Le fait de ne pas parvenir à utiliser son odorat l’inquiétait. Se reposer ne paraissait pas une mauvaise idée en soi, même si elle n’en avait pas besoin. Et puis, cela laisserait du temps à Siegfried pour les retrouver. Malgré tous ces bons arguments, la présence de cette clairière ne laissait pas de la questionner. Elle s’efforça de se détendre et tourna son attention sur les trois jeunes blottis ensemble, qui contemplaient avec admiration les flammes qui jaillissaient de l’épée magique reliée à l’anneau.

Un sinistre craquement retentit, interrompant leur repos. Tous se retrouvèrent instantanément sur leurs pieds. Un monstre fit irruption dans la clairière. Il s’agissait d’un loup, mais il était gigantesque ; au moins deux fois plus imposant que Fen lorsqu’elle se trouvait sous forme lupine. Mais surtout, son pelage était plus noir que la nuit. Tellement noir qu’il absorbait la lumière. « Bienvenue chez moi, leur dit il d’une voix caverneuse et grondante. Prenez donc vos aises. » Son haleine était d’un froid intense, bien plus que l’air glacial qui les environnait. D’étranges rubans lui enserraient le cou et leur origine se perdait au loin dans la forêt. Bård et les petites renardes restaient tétanisés par l’apparition. Fen se posta devant eux. « Tu es aussi une louve, remarqua le loup noir. Tu comprendras donc mon désarrois.
– Qui es tu ? s’enquit la vane d’un ton suspicieux.
– Celui qui demande doit se présenter le premier, repartit le fauve au souffle glacé.
– Je me nomme Fen, indiqua celle ci en preuve de bonne foi.
– Oh, voici une étrange coïncidence, se réjouit le loup. Mon nom est Fenrir ; il fait écho au tien. Douce Fen, voudrais tu s’il te plait ôter ces chaînes qui m’empêchent de sortir de ces bois ?
– Il ne s’agit que d’un ruban, s’étonna la louve. Il te suffit de le mordre pour t’en débarrasser.
– J’aimerais, soupira l’immense animal noir. Mais il est magique, m’empêchant de l’enlever. L’hôte de ces bois me retient prisonnier. »

Fen hésitait.