« Il était une fois en Yamato » Chapitre 1 : Jynpo et les volatiles (7/7)

Très satisfait de sa performance, l’apprenti Seigneur du Clan du Dragon se dirigea, une fois de plus, en direction de son éternel cabinet de travail. Seulement, au détour d’un couloir, il fut de nouveau intercepté, mais par un serviteur cette fois, qui l’informa que son conseiller Shugenja, maître magicien Tamori Liang, désirait lui faire part de ses récentes découvertes. Intrigué et se demandant quelle magnifique nouveauté Liang avait bien pu trouver, Jynpo dit au serviteur de donner rendez-vous au conseiller Shugenja dans la grande Salle du Conseil, avant de s’y rendre lui-même. Il arriva prestement dans la grande pièce. Ne sachant toujours pas où s’asseoir, il décida de réitérer sa tactique de la veille : rester debout à faire les cent pas d’un air préoccupé. Il réalisa soudainement qu’il avait oublié à quel point cette salle était grande et qu’à deux, ils se sentiraient encore plus idiots que lors de sa réunion avec Chiba et Hideaki. Il partit donc aussi vite que possible, manquant de renverser un serviteur qui passait devant la porte.

Quelques minutes plus tard, alors qu’il revenait accompagné de ses deux conseillers, il vit que Liang était déjà arrivé et les attendait patiemment. Il fit signe aux trois hommes de s’asseoir et demanda au Shugenja ce qu’il avait découvert. « Je pense avoir trouvé par quel subterfuge l’ambassadeur du Clan de la Grue a pu s’introduire sur nos terres sans que quiconque ne le remarque, Jynpo-sama. Il existe un sort, nommé couramment Voile, qui permet à un lanceur de sort de modifier l’apparence de n’importe qui pendant une très longue période. »

Jynpo, qui continuait de faire les cent pas, se trouva déçu par le fait que Liang n’allait pas le divertir d’un nouveau tour, mais venait l’entretenir d’ennuyeuses affaires politiques. Néanmoins, se sentant redevable envers son conseiller, qui venait de passer de nombreuses heures à faire des recherches approfondies sur ce sujet délicat, il prit sur lui et lui répondit : « Toutes mes félicitations ! Voilà qui est très intéressant. Nous avons donc la réponse au mystère de l’apparition de l’ambassadeur sur nos terres.
– Il serait intéressant de savoir qui leur a pu leur fournir un tel sort, commenta sérieusement Mirumoto Chiba.
– Sans compter que le responsable de ce sort a du rester avec eux, au moins jusqu’à ce qu’ils réapparaissent, ajouta Liang. De plus, il ne s’agit probablement pas d’un Ashina, les Shugenjas du Clan de la Grue. Ce sont des gens pacifistes, spécialisés dans la création d’objets magiques. Je les vois mal mettant en œuvre une illusion de cette importance, cela ne leur ressemble vraiment pas. »

Kitsuki Hideaki, voyant son Seigneur toujours pensif, se permit de prendre la parole : « Ceci est plutôt inquiétant, il faut nous renseigner sur qui a pu aider le Clan de la Grue à nos dépends. Car il pourrait s’agir là d’ennemis potentiels, dont il faudrait se méfier.
– Faisons donc cela ! s’exclama Jynpo avec enthousiasme.
– En ce qui concerne les troupes du Clan du Phénix qui se massent à la frontière, intervint Chiba, je confirme à Mon Seigneur que les ordres ont été donnés et que les troupes sont en route. Elles sont dirigées par votre général Mirumoto Zhao-Yun.
– Je m’en réjouis, d’autant qu’il s’agit là d’un grand général ! Notre frontière Nord-Est est donc entre de bonnes mains. Pour ma part, je vais retourner dans mon cabinet.
– Un instant, Jynpo-sama, l’arrêta Hideaki. Un messager du Clan du Crabe m’a rapporté que votre lointaine cousine, Yasuki Natsumi, arrivera d’ici demain en ville, pour vous rendre visite. Son estimé père vous demande de bien vouloir l’accueillir quelques temps au château Togashi, afin qu’elle acquière une réelle expérience auprès de l’un des grands de ce monde, vous. »

Ne faisant pas tout de suite le rapprochement entre les grands de ce monde et lui-même, Jynpo se focalisa sur le prénom Natsumi et les souvenirs que cela impliquait. « Oh non ! Pas elle ! Enfin, c’est ma cousine, je l’aime bien, mais… Elle est un peu… euh, pas très gentille avec moi ! Elle fait rien qu’à m’embêter ! Mais j’ai pas le choix, mon honneur et celui de mon Clan sont en jeu, je dois l’accueillir comme il convient de recevoir un membre de sa famille. Et puis, si ça se trouve, je suis mauvaise langue, elle est peut-être devenue gentille… » Hideaki interrompit ses pensées en reprenant la parole :

« J’imagine que Monseigneur a l’intention de veiller à ce que Doji Kurou et votre cousine ne se croisent pas.
– J’y ferai bien attention ! s’exclama Jynpo. Vous avez raison, ce serait très embêtant que Natsumi rencontre l’ambassadeur. Et cela me mettrait dans une position pour le moins inconfortable.
– En effet, mettre un membre de la famille Yasuki du Clan du Crabe en présence d’une personne du Clan de la Grue serait une grave erreur diplomatique, en raison du différent qui les oppose. »

En effet, la famille Yasuki, marchands renommés du Clan du Crabe, faisait auparavant partie du Clan de la Grue, qu’elle a quitté, créant de la sorte de nombreuses tensions entre les deux Clans. C’est ainsi que Jynpo se rendit compte que ce n’était pas parce qu’il considérait sa cousine comme méchante, qu’il fallait éviter de lui faire rencontrer l’ambassadeur Doji, mais bel et bien à cause des répercussions politiques que cela pouvait engendrer.

La réunion étant terminée, le jeune Seigneur du Clan du Dragon parvint enfin jusqu’à son cabinet de travail. Contemplant la pièce, il soupira d’un air nostalgique en regardant avec insistance la cloison qui séparait son cabinet de ses appartements. Mais il se ressaisit et se lança dans ce qui allait être la dernière tâche de la journée qu’il allait accomplir en tant que maître des lieux. Il se mit donc à trier sa montagne de papiers accumulés sur son bureau, entre ce qui devait retourner à la bibliothèque du château et ce qui devait être rangé sur place. Les ouvrages qu’il décida de ramener directement à la bibliothèque ne lui avaient servi à rien et ceux qu’il jugea bon de laisser là lui seraient peut-être utiles un jour.

Il termina sa journée plus calmement qu’elle n’avait commencé, bien qu’étant légèrement anxieux. Alors qu’il nettoyait méticuleusement son armure de cérémonie et celle de bataille, l’angoisse s’emparait de lui petit à petit… Demain, il n’aurait pas le droit à l’erreur. Il ne devra laisser aucune faiblesse ni la moindre ouverture transparaître. Sinon, sa jeune cousine de seize ans ne le raterait pas. Et il savait qu’il le regretterait, comme cela lui était déjà arrivé de nombreuses fois par le passé, avant son exil. Cette sombre pensée toujours à l’esprit, il alla se coucher, songeant à ses compagnons d’aventure pour se donner le courage d’affronter cette difficile épreuve qui l’attendait.
« Par neuf fois je suis revenu d’entre les morts, je survivrai à ça aussi, Natsumi ! »

« Il était une fois en Yamato » Chapitre 1 Jynpo et les volatiles (6/7)

Il se dépêcha de se rendre à la bibliothèque du château. Il fourragea longuement parmi les parchemins entreposés sur les étagères poussiéreuses et se constitua toute une pile d’ouvrages à emporter. Ainsi chargé, il revint aussi vite que possible dans son cabinet de travail où Hideaki l’attendait patiemment. Il laissa échapper les parchemins sur la table et s’empressa de tourbillonner dans la pièce à la recherches de toutes les feuilles volantes et livres de comptes qu’il pouvait trouver, avant de poser le tout et de s’affaler à côté. « Je suis prêt ! s’exclama-t-il.
– Oui, Monseigneur ? s’enquit le conseiller, inquiet de ne pas comprendre où son maître voulait en venir.
– Alors, qu’allons-nous dire à cette Grue ? »

En disant ces mots, il s’empara d’une feuille vierge et de quoi écrire. Caché à la vue d’Hideaki par la masse de papier qu’il avait accumulé sur sa table, Jynpo s’appliqua à calligraphier consciencieusement son nom et son prénom en haut à gauche de sa feuille de prise de notes, et la date du jour à droite. Ayant fait une rature, il prit une autre feuille et recommença tout en demandant à son conseiller : « Expose-moi ton point de vue sur ce que je vais devoir dire. »

Kitsuki Hideaki, renonçant à comprendre le rôle de cette accumulation de documents, s’adressa à la montagne de papier, laquelle bruissait et menaçait de s’effondrer à tout instant : « Je pense qu’il voudra aborder le sujet du traité de libre circulation sur le fleuve Taiga, qui a été abrogé durant le règne de votre oncle félon Shiro. » A ce nom, le jeune Chef du Clan du Dragon releva instinctivement la tête, juste à temps pour voir un pan de sa muraille de papier s’effondrer sur lui.

Dans le courant de l’après-midi, alors qu’il avait enfin ôté son armure de cérémonie, Jynpo se rendit courageusement en direction de sa salle de réception, où il devait accorder de nouveau une audience à l’ambassadeur du Clan de la Grue. Après les salutations rituelles, Mirumoto Jynpo et Doji Kurou prirent place à une table, où des serviteurs affairés leur présentèrent abondance de petits mets raffinés. Le jeune Chef du Clan du Dragon appréciait ces repas traditionnels qui lui avaient tant manqué durant ses longs mois d’exil. Même s’il devait bien avouer que ce n’était pas aussi copieux que les festins qu’il avait fait avec ses amis Sylvaniens. Après tout, on lui avait toujours dit de favoriser la qualité à la quantité. Mais il avait une faim de loup et ne put s’empêcher d’engloutir plusieurs sushis à la fois. La bouche pleine, il enjoignit à son invité de prendre la parole. Ce dernier déclara alors : « Mon Seigneur Doji Sunan-sama m’a, en plus de vous présenter ses salutations, chargé d’aborder avec vous le sujet du traité abrogé concernant le Taiga. »

« Hideaki avait tout bon, encore une fois. Il faudra qu’il m’explique un jour comment il fait pour prévoir aussi facilement les faits et gestes de nos compatriotes ! » songea Jynpo avec ravissement, tout en terminant son dernier sushi. « Heureusement qu’il m’a aussi prévu les réponses à faire. C’était quoi déjà ?… Ah, oui. »

« Il était bien dans mon intention première d’ouvrir de nouveau cet accès, remettant ainsi ce traité ancestral en vigueur. Cependant, après réflexion, il m’est apparu que la meilleure stratégie à adopter pour le bien de l’Empire et de la famille Impériale, était de ne pas précipiter les choses de manière inconsidérée. Ainsi, je pense que le temps n’est pas encore venu pour nous de laisser de nouveau libre cours à n’importe quelle navigation fluviale. En effet, nous ne pouvons nous permettre de laisser d’éventuels pirates et bandits profiter de cet accès direct au Domaine Impérial pour exploiter sa faiblesse temporaire et mettre ainsi à mal la stabilité et la cohésion de l’Empire. De plus, quelques intrigants mal intentionnés pourraient en bénéficier pour s’élever contre la famille Impériale et usurper leur autorité. En tant que Bushi Défenseur de l’Honneur de Yamato, je ne peux laisser une telle chose se produire. »

L’ambassadeur considéra longuement son interlocuteur avant de répondre : « Ceci est tout à votre honneur, honoré Seigneur du Clan du Dragon. Cependant, il va sans dire que les intentions de mon maître n’ont pour autre but que de servir le bien de l’Empire. Cela étant, il serait tout aussi honorable et bénéfique au Domaine Impérial de nous ouvrir l’accès à celui-ci, afin que nous puissions apporter notre concours à la reconstruction et à la restructuration économique du cœur de l’Empire. Vous comprenez bien qu’empêcher une telle chose serait fort préjudiciable pour l’avenir du commerce intérieur et donc, par là même, pour l’avenir de Yamato tout entier. »

Jynpo médita un instant les paroles de Doji Kurou. « Si je comprends bien ce qu’il vient de dire, il veut quand même l’accès… Hideaki avait prévu ça aussi ! J’ai vraiment de la chance d’avoir un tel conseiller. Cependant j’ai bien du mal à croire que leurs intentions soient aussi justes et bonnes que ça… Quelle réponse dois-je lui annoncer déjà ?… Ah oui ! » Puis il reprit : « Même si je n’ai jamais douté de vos louables intentions, le bien de l’Empire passe avant tout… Néanmoins, il doit être possible, tout en assurant un contrôle strict, de laisser passer les bateaux du Clan de la Grue, afin de leur permettre de porter assistance à la population du Domaine Impérial. Mais ceci nécessitera une logistique bien plus importante qu’un simple blocage, ainsi que l’acheminement de nouveaux navires afin d’empêcher toute personne malveillante de forcer le barrage filtrant, qui sera, de part sa nature, plus facile à traverser. Toutefois, je suis prêt à faire cet effort pour vous et pour l’Empire, en échange d’une participation dont chaque bateau de votre Clan voulant traverser devra s’acquitter. »

L’ambassadeur, comprenant que le Clan du Dragon réclamait un droit de douane, réfléchit un instant à la meilleure réponse à fournir. « Je comprends tout à fait. Malgré tout, il n’est pas dans mes attributions de décider de telles choses. Je vais donc devoir aller en référer à mon maître Doji Sunan-sama. Nous vous ferons probablement parvenir notre réponse par coursier. » Jynpo acquiesça et mit fin à l’entretient de la manière la plus diplomatique dont il était capable.

« Il était une fois en Yamato » Chapitre 1 : Jynpo et les volatiles (5/7)

A ce moment là, un messager entra dans la salle par une porte secondaire et apporta prestement un message à Hideaki. Celui-ci, après en avoir rapidement pris connaissance, murmura quelques mots à l’oreille de Jynpo qui acquiesça gravement avant de reprendre, à l’attention de l’ambassadeur : « Je suis heureux d’entendre que Sunan veuille entamer le dialogue entre nos deux clans. En effet, jamais l’Empire n’a eu autant besoin de loyaux serviteurs prêts à tout pour son bien-être. Je dois cependant remettre à plus tard notre discussion sur le meilleur moyen pour nos deux clans de servir l’Empire, car une affaire pressante requérant mon attention immédiate vient de m’être rapportée. Mes serviteurs vont vous accompagner à vos appartements qui, je l’espère, seront à votre goût. »

Jynpo se leva et, suivi par son général en chef Chiba, partit, alors que l’ambassadeur s’inclinait respectueusement. « Hideaki a été très futé de trouver cette solution de l’affaire urgente pour couper court à la conversation et pallier ainsi à d’éventuels problèmes inattendus, commenta le chef du Clan du Dragon.
– En effet Jynpo-sama, répondit Chiba. Hideaki-san est très prévoyant. Pour ma part, j’ai remarqué que les gardes de l’ambassadeur, formés de membres de la famille Daidoji, se sont sentis particulièrement insultés d’avoir été diminués de la sorte. Leur famille est réputée pour être les meilleurs gardes du corps du Clan de la Grue et grands protecteurs de la famille Doji. Je ne saurais trop conseiller à mon Seigneur la prudence : les Daidoji ne sont pas des guerriers qui ont l’habitude de respecter le bushido. Ils ont la réputation d’être des espions émérites en plus d’être d’excellents gardes du corps.
– Assurez-vous de les garder bien à l’œil. » conseilla Jynpo.

Mirumoto Chiba s’inclina et s’en fut prestement donner des ordres dans ce sens. Le jeune chef du Clan du Dragon, lui, arriva dans son cabinet de travail et, à peine était-il assis, qu’une dépêche lui parvint, portée par un messager à bout de souffle. Jynpo s’en empara, congédia le porteur et lu le message. Il s’agissait d’une missive provenant de la garnison chargée de la surveillance de la frontière nord que le Clan du Dragon partageait avec le Clan du Phénix. Cette frontière était particulièrement surveillée de part la guerre qui opposait ces deux clans depuis de nombreuses années, bien que ceci s’était un peu tassé suite aux intrigues politiques durant le bref règne de l’oncle de Jynpo, le traître Shiro. Or, des troupes Phénix s’amassaient actuellement près de la frontière. Ce n’étaient pas tant les troupes armées du Clan du Phénix qui étaient inquiétantes, mais surtout les nombreux Shugenjas qui les accompagnaient. En effet, le Clan du Dragon avait certes une puissance militaire bien supérieure à celle du Clan du Phénix, mais les Shugenjas de celui-ci surpassaient de loin les lanceurs de sorts du Clan du Dragon. La menace qu’ils représentaient ne devait pas être prise à la légère. Lisant cela, Jynpo se dit qu’il n’aurait pas du congédier son messager car, à présent, il allait devoir partir chercher Chiba lui-même afin de lui demander conseil sur la meilleure manière de réagir.

Mirumoto Chiba était retourné à son propre cabinet de travail après avoir donné les ordres concernant la surveillance des guerriers Daidoji de l’ambassadeur. Il s’apprêtait à aller passer la garde personnelle de son seigneur en revue, lorsque ce dernier déboula en trombe dans la pièce en annonçant : « Les Shugenjas Phénix et leurs guerriers se massent à notre frontière !
– La guerre ancestrale reprend donc de plus belle, déclara sombrement le conseiller militaire. Je suppose, Jynpo-sama, que vous voulez que je fasse effectuer à nos troupes une convergence vers la frontière avec le Clan du Phénix, afin de bloquer les cols d’accès pour parer à toute menace. De plus, je vous suggère de faire déplacer la flotte en direction de leur capitale pour leur faire comprendre que nous sommes prêts à répondre à toute attaque au cœur même de leur territoire.
– Voilà, c’est ça, s’exclama Jynpo. Dépêchez-vous ! »

Sur ces paroles, il repartit aussi vite qu’il était venu. Alors qu’il s’apprêtait à rejoindre de nouveau la quiétude de son cabinet de travail, il fut intercepté par Hideaki qui le croisa au détour d’un couloir. « Oh ! Hideaki, nos invités sont-ils bien installés ? s’enquit Jynpo.
– En effet Jynpo-sama, répondit le conseiller. Haruko-san a fait un excellent travail.
– Je suis content qu’il soit mon Intendant, se réjouit le Chef du Clan du Dragon.
– Cela signifie-t-il que vous le nommez officiellement à ce poste, Monseigneur ? »

Jynpo, se souvenant soudain qu’il n’avait jamais nommé Kitsuki Haruko Intendant, qu’il n’occupait ce poste qu’à titre provisoire, se dit que cela ferait une bonne chose de réglée que de l’officialiser. Il répondit : « Bien sûr, il remplit parfaitement les conditions requises !
– Monseigneur m’en voit ravi, je m’occuperai de rendre tout cela effectif d’ici demain, assura Hideaki. Puis-je me permettre de complimenter Sa Seigneurie pour le brio dont elle a fait preuve en répondant à l’insulte de l’ambassadeur durant son discours ?
– Quelle insulte ? s’enquit un Jynpo déconcerté.
– C’est vrai qu’il y en a eu plusieurs, répondit Hideaki. Je pensais notamment à celle durant laquelle il vous a nommé seulement Jynpo au lieu de Jynpo-sama, ainsi qu’il l’aurait du, Monseigneur. Vous avez brillamment rétorqué en nommant son Seigneur de la même manière.
– Ah… émit le Chef du Clan du Dragon qui, visiblement, n’avait ni relevé l’insulte, ni répondu de manière réfléchie.
– J’imagine que Monseigneur veut préparer sa prochaine entrevue avec l’ambassadeur du Clan de la Grue ?
– Euh… Oui tout à fait ! Attend-moi dans mon cabinet de travail, je reviens tout de suite. » Ordonna Jynpo qui s’en fut prestement.

« Il était une fois en Yamato » Chapitre 1 : Jynpo et les volatiles (4/7)

Jynpo, fier de s’être souvenu de ce que ses amis lui avaient montré en matière de magie, espéra avoir fait bonne impression sur son conseiller Shugenja. « C’est une très bonne idée, s’enthousiasma le jeune chef du Clan du Dragon. Va et tiens moi au courant de l’avancée de tes recherches. » Liang s’inclina et partit. Chiba reprit la parole : « Je rappelle à Monseigneur de ne pas ignorer l’éventuelle menace que représentent les soldats qui accompagnent l’ambassadeur. En effet, il s’agit de gardes du corps Daidoji qui sont réputés pour être souvent mêlés à des pratiques douteuses, notamment l’espionnage.
– Je garderai ceci à l’esprit, répondit Jynpo. A présent, assure-toi que les hommes se tiennent prêts à saluer l’ambassadeur et à honorer notre Clan. Renforce également la sécurité du palais, afin qu’il n’arrive rien de fâcheux à notre hôte. » Le conseiller militaire s’inclina et s’en fut obéir aux ordres. Kitsuki Hideaki arriva au même moment. « Tu ne trouves pas que la décoration de cette salle est magnifique ? lui demanda Jynpo.
– Certes mon Seigneur, répondit Hideaki. Il va être difficile de préparer les appartements de manière à ce que l’ambassadeur Doji pense que cela fait longtemps que nous l’attendons. Il en est de même pour tous les autres problèmes d’intendance liés à la venue de l’ambassade. Cependant tous vos serviteurs s’emploient à faire au mieux. Il ne vous reste plus qu’à préparer les paroles et la manière dont vous accueillerez personnellement l’ambassadeur.
– Très bien. » approuva Jynpo. Puis, n’ayant toujours pas résolu son dilemme quant à la place qu’il devait occuper dans sa propre salle du Conseil, il déclara : « Pour ceci je te propose d’aller dans mon cabinet de travail pour que nous réfléchissions à tout cela. »

Le lendemain, en fin de matinée, Jynpo coiffait soigneusement ses longs cheveux noirs en une queue de cheval haute, comme avaient coutume de le faire les guerriers de Yamato, avant de passer une armure de cérémonie qu’on avait préparé à son intention. Il s’agissait de celle qui avait appartenu à son père et il se souvenait encore de lui portant cette armure lors d’échanges diplomatiques. Cependant, bien qu’elle fusse parfaitement adaptée à la taille de son père, elle lui était encore un peu grande. Après tout, il n’avait pas encore tout à fait terminé sa croissance, ainsi que ses amis de Sylvanie se plaisaient à le lui rappeler sans arrêt. Alors qu’il s’échinait à ajuster l’armure, un serviteur arriva et lui tendit un message en s’inclinant. Jynpo prit le message et le lu. « J’espère que tout est prêt, soupira-t-il. L’ambassadeur et sa suite viennent de passer les portes de la cité. » Il termina rapidement d’ajuster son armure d’apparat, puis se rendit dans sa salle du trône pour y attendre l’ambassadeur, bientôt rejoint par l’ensemble de ses conseillers.

Quelques minutes plus tard, un messager arriva, prévenant Jynpo que l’ambassadeur se trouvait aux portes du palais et allait venir d’une minute à l’autre. « Il ne faut pas que j’oublie de bien me souvenir des règles de l’étiquette et des coutumes, comme me l’a conseillé Hideaki, car après plus d’un an loin des traditions de Yamato à côtoyer de rustres Sylvaniens, il est vrai que je n’en ai plus vraiment l’habitude. Il faudra que je fasse un effort et ce, même pour m’adresser à mes conseillers, leur montrant ainsi le respect qu’ils méritent. » pensait le jeune seigneur du Clan du Dragon.

Il fut sorti de sa rêverie par la voix d’Hideaki qui annonçait l’entrée du visiteur : « Voici Doji Kurou-san, grand diplomate de la non moins grande famille Doji, troisième ambassadeur du noble Clan de la Grue, accompagné de sa suite, vient rendre visite à Mirumoto Jynpo-sama, chef de la grande famille Mirumoto, Seigneur du Clan du Dragon, premier dans l’ordre de succession au trône impérial et Bushi Défenseur de l’Honneur de Yamato. » L’ambassadeur s’avança jusqu’au centre de la pièce, comme le voulait la tradition, et s’inclina. Jynpo fit un signe à Hideaki qui déclara : « Mon maître vous écoute. » Doji Kurou se redressa et prit la parole :

« Moi, l’ambassadeur du grand Clan de la Grue, espère que votre seigneurie Mirumoto Jynpo se porte bien. J’espère que notre arrivée ne vous prend pas au dépourvu, car nous avons retrouvé le messager que nous vous avions envoyé, mort, à quelques lieues de votre capitale.
– Je me porte très bien, répondit le chef du Clan du Dragon. Merci de vous en soucier noble Doji Kurou. J’espère qu’il en est de même pour votre maître. Permettez moi de vous rassurer : nous n’avons en aucun cas été surpris. En effet, informé de votre arrivée en vue de notre frontière, j’ai demandé à mes hommes de vous laisser passer sans fastidieuses contraintes administratives. Cependant, nous n’avons pu nous empêcher de remarquer votre désir de voyager en toute discrétion. Mais, vous savez, mes terres sont sûres, il était inutile de prendre autant de précautions en vous dissimulant de la sorte grâce à la magie. Néanmoins, si vous pensiez vos hommes trop peu armés pour vous protéger convenablement dans les montagnes sauvages de notre frontière, je vous aurais accordé avec joie une escorte de mes meilleurs samouraïs. »

Jynpo marqua une pause, durant laquelle il remarqua que l’ambassadeur dissimulait au mieux son étonnement. Celui-ci, d’ailleurs, inclina légèrement la tête et déclara : « Je remercie votre seigneurie de sa prévenance envers ses hôtes.
– Il était tout à fait normal pour moi d’agir de la sorte, il est dans les habitudes du Clan du Dragon de prendre soin de ses hôtes. » reprit la deuxième personne la plus puissante de Yamato, son cœur battant la chamade de peur de commettre une maladresse. « Cependant, l’honneur m’oblige à vous avouer, même si vous vous en êtes, à n’en pas douter, bien rendu compte, que, de peur qu’il vous arrive quelques malheurs dans les montagnes et que, ce faisant, mon hospitalité soit bafouée, j’ai demandé à quelques unes de mes troupes d’élite de vous suivre sans vous déranger. En ce qui concerne votre messager, l’enquête est déjà en cours pour appréhender son meurtrier. Ce regrettable incident m’a empêché de prendre connaissance du but de votre visite.
– Je vous remercie encore de tous les égards que vous avez eu à notre endroit. Je vous amène les salutations de mon Seigneur, le très respectable Doji Sunan-sama, chef de l’admirable Clan de la Grue et de la noble famille Doji, berceau des Impératrices du grand Empire de Yamato. Mon maître, dans son infinie sagesse, espère pouvoir entamer de saines relations diplomatiques entre nos deux clans, piliers de Yamato, liés depuis l’aube des temps et jusqu’à la fin de toutes choses par le biais de la famille impériale. En effet, en cette période troublée, de puissants clans comme les nôtres se doivent, plus que jamais, de veiller au bien-être de l’Empire. »

« Il était une fois en Yamato » Chapitre 1 : Jynpo et les volatiles (3/7)

Ledit Jynpo était intérieurement inquiet. Jamais au cours de ses voyages en Sylvestrie il n’avait été confronté à un problème aussi épineux. « Que vais-je bien pouvoir faire ? » se demandait-il. A ce propos, il interrogea d’ailleurs ses conseillers : « A votre sens, quel serait donc le choix le plus judicieux ?
– Afin d’éviter tout heurt, je pense que nous devons le laisser venir et, à ce moment là, nous montrer plus intelligent que lui en réagissant de manière inattendue aux intrigues du Clan de la Grue, Jynpo-sama. » Hideaki sembla hésiter un bref instant, mais reprit : « Selon moi, nous ne devons pas leur montrer qu’ils nous ont surpris mais que si l’ambassadeur a réussi à traverser la frontière, c’était seulement votre bon vouloir.
– En effet, ajouta Chiba, si nous parvenons à préparer les appartements de l’ambassadeur Doji et de sa suite suffisamment vite, et selon ses goûts, cela pourrait lui laisser croire que nous attendions sa visite depuis plus longtemps qu’il ne le pense.
– Il serait également judicieux, continua Hideaki, que nous lui laissions croire que nous le faisons suivre depuis qu’il a traversé la frontière.
– Mais cela aurait été déplacé de ma part de le faire suivre, protesta Jynpo.
– Pas si vous lui dites que vous vous inquiétez de sa sécurité puisqu’il jugeait nécessaire de voyager invisible, répondit Chiba.
– En tous cas, c’est là, la solution que je préconiserai, Jynpo-sama, conclut Hideaki.
– Je pense aussi que c’est le choix le plus judicieux, cela ne fait aucun doute, s’empressa de répondre Jynpo. Bien que cela me gêne de devoir mentir à un ambassadeur et ce, dans ma propre maison, je ne peux me résoudre à laisser mon Clan souffrir d’un tel affront et devenir la risée de tout Yamato. »

« A peine avons nous donné la réponse qu’il attendait, il s’est empressé de conclure afin de passer à l’acte le plus vite possible. Je pense que nous avons réussi ce test en donnant la solution qu’il détenait déjà en entrant dans la salle. » songeait Kitsuki Hideaki. Puis il reprit tout haut : « Si cela vous sied, Jynpo-sama, je vais demander à mon neveu Haruko-san , qui s’y connaît bien dans ce genre d’affaires, de s’occuper au plus vite de l’intendance des préparatifs pour recevoir l’ambassadeur Doji du Clan de la Grue.
– Très bien. » approuva le Seigneur du Clan du Dragon en congédiant son conseiller. Puis il se tourna vers Chiba, un doute soudain s’étant emparé de son esprit : « Mais, si ils se sont téléportés, je ne pourrai pas leur dire que nous les suivons depuis la frontière… »

Mirumoto Chiba fut surpris par les paroles de Jynpo. Il connaissait certes le principe de la téléportation et savait que certains Shugenjas en étaient capables, néanmoins il avait toujours entendu dire qu’il s’agissait là d’une méthode bien hasardeuse à moins d’être très puissant. D’autant plus pour transporter autant de personne. Mais la remarque de son Seigneur lui semblait avisée, après tout Jynpo avait bien plus d’expérience que lui malgré son jeune âge. C’est pourquoi il suggéra : « Si vous me le permettez, mon Seigneur, je vais aller trouver votre conseiller Shugenja, Liang-san, pour savoir dans quelle mesure cela est possible.
– Fais donc, lui enjoignit Jynpo. Et reviens ensuite me dire ce qu’il en est. »

Le conseiller militaire se leva, s’inclina et partit. C’est à ce moment là qu’une évidence s’imposa à l’esprit du jeune chef du Clan du Dragon : il ne s’était pas assis à la place du chef de Clan. « J’espère qu’ils ne s’en sont pas rendus compte, songea-t-il. Sinon je vais encore passer pour un idiot. Que faire à présent ? M’asseoir à la place du chef et je passerai pour un idiot quand ils reviendront ou rester là et, si ils s’en étaient aperçus, continuer de passer pour un idiot ?… Je sais ! Je vais me lever et parcourir la pièce pour faire comme si je réfléchissais à cette grave situation, à laquelle je n’ai pas vraiment tout compris d’ailleurs. » Il se leva donc et, faisant les cent pas, continuait de réfléchir : « N’empêche elle est grande cette salle. Je peux en mettre des conseillers dedans ! Quand je pense qu’on était que trois… J’ai pas du avoir l’air très malin à leur dire de nous réunir ici, mon cabinet de travail était bien assez grand pour cela et surtout, nous n’aurions pas eu à nous déplacer. Après tout, c’est une Salle du Conseil, il faut bien qu’elle serve dans ce genre de situation. C’est presque une tradition. » D’un coup, il s’arrêta, net : « Par Tyr ! Je n’ai plus rien à me mettre ! Ma belle armure est encore toute sale et bosselée ! Quoique… c’est vrai qu’ici les gens auraient mal pris le fait de me voir en armure de guerre dans ma propre demeure, ce serait plus une coutume de Sylvanie. Je risque de passer pour un pleutre en armure de combat, devant un simple ambassadeur et sa suite. Et puis ses gardes ils me font même pas peur ! J’ai vaincu le Roi des Goules moi ! Et je n’ai presque plus peur des dragons… »

Sur ces entrefaites, Chiba revint, accompagné d’un homme fin, aux longs cheveux grisonnants et au menton orné d’une courte barbe taillée en pointe. A peine plus âgé que Kitsuki Hideaki, il avait beaucoup de prestance, sans pour autant égaler Jynpo, et la sagesse se lisait dans ses yeux. Tamori Liang et Mirumoto Chiba s’inclinèrent tout deux devant leur Seigneur et attendirent, comme toujours, que ce dernier prenne la parole. Jynpo, plongé dans ses pensées, mit quelques instants à s’apercevoir de leur présence. « Tiens Liang ! Chiba t’a-t-il mis au courant de la situation ?
– Oui, mon Seigneur, répondit Liang en faisant mine de ne pas se rendre compte de la manière rustre dont Jynpo s’adressait à lui. Selon moi il ne fait aucun doute que la brusque apparition du diplomate du Clan de la Grue et son escorte est liée à la magie. Cependant, les téléportations simples sont très hasardeuses si l’on a pas une parfaite connaissance du lieu où l’on se rend. De plus, pour transporter autant de personnes, il aurait fallu faire appel à certains des plus puissants Shugenjas de l’Empire, ce qui me paraît peu probable. Je ne pense pas qu’ils s’embarrasseraient de la sorte pour un ambassadeur, sans compter les risques pour ledit ambassadeur de se retrouver ailleurs qu’à l’endroit escompté.
– Même si c’était le cas, ajouta Chiba, ils ne pourront pas vous accuser de mentir lorsque vous le leur direz que nous les avons fait suivre, car alors ils avoueraient leur volonté de mettre leurs hôtes dans l’embarras et de ne pas respecter nos frontières, Jynpo-sama.
– Mais alors, comment sont-ils arrivés là ? demanda Jynpo. Car il ne me semble pas que les sorts d’invisibilité puisse les dissimuler tout au long d’un tel trajet, à moins d’être accompagnés d’un grand nombre de Shugenjas, ce qui n’est pas le cas.
– Je vois que Monseigneur s’y connaît bien en magie, apprécia Liang. C’est effectivement le cas. Je vais faire des recherches pour savoir par quel subterfuge magique ils auraient réussi à passer ainsi nos frontières. »

« Il était une fois en Yamato » Chapitre 1 : Jynpo et les volatiles (2/7)

« J’ai trouvé ! s’exclama le chef du Clan du Dragon.
– Alors, que convient-il de faire face à l’intrusion non autorisée de l’ambassadeur Doji du Clan de la Grue, honorable Jynpo-sama ? » s’enquit Kistuki Hideaki.

Jynpo resta interdit quelques instants. Puis, comprenant que son idée pour résoudre le problème des poules n’avait rien à voir avec une intrusion non autorisée sur les terres de son Clan, il demanda, étonné : « Comment ça une intrusion non autorisée ?
– En effet mon Seigneur, cette intrusion n’a, en aucun cas, été autorisée durant votre exil forcé. » L’informa le conseiller Hideaki.
Le jeune seigneur comprit enfin de quoi il retournait, soit un grave affront de la part du Clan de la Grue, et posa précautionneusement son rapport sur les gallinacés. Il comptait fermement s’occuper de cela par la suite. « Il ne faut vraiment pas que j’oublie mon idée pour régler ce problème, pensait-il par devers lui. Pour une fois que j’y arrive tout seul, sans conseillers ni amis ! » Puis, il se leva, l’air grave et déclara : « Dans ce cas, nous ne pouvons pas rester sans réagir face à un tel affront venant de nos ennemis. Il faut une action forte ! C’est pourquoi je vous propose d’aller immédiatement débattre de la question dans la Salle du Conseil. »

Les deux conseillers s’inclinèrent, avant de suivre Jynpo qui se dirigeait déjà vers la salle, l’air plus concentré que jamais. Tout en parcourant les couloirs, Chiba admirait intérieurement son maître : « Malgré son jeune âge, les épreuves qu’il a affrontées ont fait de lui un vrai samouraï et un Seigneur des plus éclairé. Il a une telle aura de bravoure, les hommes le suivraient sans hésiter jusqu’aux tréfonds de l’Outreterre. De plus, à part le Shogun en personne, aucun guerrier ne peut rivaliser de force avec lui. Je suis certain qu’il est déjà en train de peaufiner les détails de sa stratégie en cas d’invasion du Clan de la Grue. » Hideaki, dans son esprit, appréciait la sagesse et l’intelligence dont faisait preuve Jynpo : « Quel grand homme ! Il dispose d’un esprit affûté et a probablement déjà pris en compte tous les tenants et les aboutissants des retombées politiques de chaque solution qui s’offre à lui. Je suis sûr qu’il a prévu que le trajet de son cabinet de travail à la Salle du Conseil lui laissera le temps de deviner les véritables intentions du Clan de la Grue. »

Pendant ce temps, Jynpo était, en effet, plongé dans ses pensées : « Il ne faut vraiment pas que j’oublie comment sauver les gallinacés de ce village, sinon ils vont encore se moquer de moi et me traiter de bébé-samouraï ! Non, mais en plus, je suis sûr de mon coup, j’ai eu une excellente idée. Ca marchera ! Avec celui-là, j’aurais fini de prendre connaissance de quatre rapports. Heureusement qu’il n’y avait pas de problème à régler pour les trois premiers… J’aurai bien travaillé aujourd’hui, je suis plutôt content, mais il faut encore que je m’occupe de cette nouvelle complication. Bon, comment je vais faire ? » C’est à ce moment précis qu’ils arrivèrent tous les trois devant la Salle du Conseil.

En entrant dans la pièce, Jynpo jeta un regard empli de nostalgie à cet endroit, qu’il n’avait pas vu depuis qu’il avait du quitter Yamato et son père, pour se rendre dans la lointaine, barbare et froide Sylvanie. Il contempla les moelleux coussins de soie marquant la place du chef de Clan, autrefois occupée par son père. Il alla s’asseoir à la place qui était déjà la sienne à l’époque, à la droite du chef de Clan. Une fois qu’il fut installé, il fit signe à ses conseillers de prendre place à leur tour. Voyant que Jynpo ne siégeait pas en tant que Seigneur, ils hésitèrent un bref instant, mais obéirent. Attendant que son maître prenne la parole, Hideaki songeait aux raisons qui l’avaient poussé à laisser de côté le siège de Seigneur où il aurait du prendre place : « Il n’a pas terminé le deuil de son père. Par respect il lui laisse encore la place. De plus, il ne veut certainement pas s’asseoir à l’endroit où le traître qui a tué son père s’est assis. Peut-être faudrait-il suggérer au futur Intendant de changer les coussins, cela l’aidera peut-être. »

« Alors, comment pensez-vous que le problème devrait être réglé ? » demanda Jynpo à ses conseillers en espérant qu’ils lui diraient comment réagir, car, pour sa part, n’ayant pas eu le temps d’y réfléchir, il n’en avait strictement aucune idée. « Il nous teste ! » pensèrent Chiba et Hideaki, persuadés que leur maître avait déjà la bonne réponse, mais qu’il voulait les mettre à l’épreuve pour se faire une idée par lui-même de la valeur de ses hommes, ainsi que l’aurait fait tout bon Seigneur nouvellement arrivé au pouvoir.

« A mon sens, il y a plusieurs solutions possibles, Maître, commença le conseiller diplomate. Premièrement, nous pouvons attendre l’arrivée de l’ambassadeur Doji au château. A partir de là, nous devrons l’accueillir selon les règles de l’hospitalité, pour ne pas entacher l’honneur du Clan du Dragon, mais il sera alors très difficile d’obtenir réparation de l’affront qui nous a été fait. La deuxième solution serait d’envoyer des hommes à sa rencontre, afin d’exiger des explications à cette intrusion et demander directement réparation. Si cela s’avère impossible, l’honneur nous obligera à en venir aux armes. Cela, en plus de risquer une confrontation directe envers le Clan de la Grue, montre aux autres Clans que notre frontière est aussi facile à traverser qu’une muraille de papier. Malgré notre réaction brutale, elle n’aurait été que trop tardive.
– Mais dites-moi, comment se fait-il que nous ayons été informés si tard de leur présence sur nos terres ? s’enquit Jynpo.
– Des Shugenjas sont probablement liés à cette affaire, Maître, répondit sombrement Chiba. Ils ont du les masquer magiquement pour qu’ils puissent arriver sans encombre en plein cœur de notre territoire.
– Il est à noter, intervint Hideaki, qu’il s’agit là probablement d’un test de la part du Clan de la Grue. N’oublions pas que derrière le raffinement dont ils font preuve, ils n’en restent pas moins des conspirateurs difficilement égalables. D’après moi, ils cherchent à savoir ce que valent vos décisions et connaître vos réactions pour savoir dans quel camp considérer notre Clan pour leurs futures machinations. Peut-être pensent-ils, naïvement, pouvoir manipuler l’actuel héritier du trône impérial, mon Seigneur.
– Nous pouvons également faire effectuer une marche forcée à nos armées en direction de notre frontière commune avec le Clan de la Grue, afin de les intimider Seigneur, suggéra Chiba.
– Ce serait une bonne solution, déclara Hideaki, si elle n’était pas aussi tardive. Sans compter que le Clan du Phénix, qui attend de voir si vous, Jynpo-sama, être aussi bon stratège que guerrier, peut profiter de cette occasion pour marquer des points décisifs dans la guerre qui nous oppose à eux. »

« Il était une fois en Yamato » Chapitre 1 : Jynpo et les volatiles (1/7)

Il était une fois Gaïa, la planète aux sept continents, parmi lesquels se trouve la froide Sylvestrie, ravagée par la guerre depuis le débarquement des hordes de diables et de démons. Au nord est du continent Sylvestre, après avoir traversé la mer Impériale, se trouve Yamato, berceau du bushido autant que du nindo. Au cœur de ce continent, dans une région bordée de hautes montagnes aux neiges éternelles, se trouvent les terres de l’énigmatique Clan du Dragon. En son centre se dresse fièrement sa capitale, surplombée par le château Togashi, demeure ancestrale entourée de ses ailes plus récentes construites au fil des ans, ainsi que de somptueux jardins colorés aux multiples senteurs. En remontant la grande rue, on arrive face à la porte principale de la muraille entourant le palais, gardée par deux fiers samouraïs. Après avoir franchi la porte et traversé les somptueux jardins, on arrive enfin à l’entrée du château, qui forme une avancée, elle aussi gardée par de valeureux samouraïs. A l’intérieur de l’édifice, après avoir traversé de nombreux couloirs emplis de serviteurs affairés à diverses tâches, on finit par arriver devant une porte coulissante, ouvrant sur le cabinet de travail de la deuxième personne la plus puissante de Yamato.

Jynpo, le coude sur la table, se tenant la tête de ses doigts repliés, contemplait successivement d’un air désespéré, les rapports qu’il tenait de son autre main et ceux qu’il lui restait à traiter. Cette pile qu’il s’échinait à faire rétrécir depuis bientôt trois heures mais qui lui paraissait toujours aussi haute. « J’en ai marre ! » lâcha-t-il soudainement, avant de vérifier précipitamment que personne ne l’avait entendu. Après tout, la deuxième personne la plus puissante de Yamato, héritier direct du trône impérial et chef du Clan du Dragon ne pouvait se permettre de rechigner à faire son devoir. Devoir qu’il avait d’ailleurs délaissé depuis trop longtemps. Bien que son excuse, tout à fait valable, était de protéger le monde. Et, même s’il n’était de retour dans son clan que depuis quelques jours à peine, ses compagnons d’armes, avec lesquels il avait mené sa tâche à bien, lui manquaient déjà. Pourtant, ils n’étaient pas des samouraïs ni ne suivaient le bushido. Néanmoins il avait appris à les apprécier et, il devait bien le reconnaître, il leur devait la vie. Il les avait rencontrés lorsque son oncle, Shiro, l’avait envoyé en soi-disant voyage initiatique, dans le lointain continent de Sylvanie. Au cours de ses pérégrinations, il avait appris que son oncle cherchait en réalité à se débarrasser de lui, après avoir assassiné son frère, le père de Jynpo, afin de prendre la tête du Clan du Dragon. A plus long terme, Shiro envisageait de tuer l’Empereur car, son neveu loin de Yamato, il devenait l’héritier direct du trône impérial. Maintenant que Jynpo avait tué son oncle, il se devait de reprendre son clan en main.

Il reprit la lecture du rapport sur le taux de mortalité grandissant des poules, probablement du à un parasite, dans un petit village à quelques kilomètres à l’est de la petite ville d’Okinawa, dans une région secondaire du Clan du Dragon, peu productive en gallinacés. « Il faut absolument que je trouve un nouvel intendant. » soupira-t-il tout haut. C’est ce moment que choisit un soldat de sa garde personnelle pour arriver en trombe, s’agenouiller devant lui et attendre l’autorisation de parler. Jynpo, trop heureux de pouvoir reporter à plus tard le problème des poulets, lui fit signe de prendre la parole. « Une escorte armée battant étendard de l’ambassadeur de la famille Doji du Clan de la Grue, a été aperçue à une journée de marche de notre capitale, Jynpo-sama. » Ayant délivré son message, le soldat toujours haletant, baissa de nouveau la tête, attendant une réponse de son seigneur.

« L’ambassadeur du Clan de la Grue ? s’étonna le chef du Clan du Dragon. Préparez-vous à le recevoir comme il convient. » ordonna-t-il sur le ton de la conversation. Puis, déjà revenu aux problèmes gallinacés, il congédia le soldat. Ce dernier, un peu perplexe quant à la réponse de Jynpo et n’étant pas certain de comprendre quelle était la manière convenable de répondre à une telle intrusion sans préavis, obéit tout de même et s’en fut remettre le message à son supérieur.

Quelques minutes plus tard, Mirumoto Chiba et Kitsuki Hideaki, les deux principaux conseillers de Jynpo, firent leur entrée dans le cabinet de travail de ce dernier. Chiba était le premier conseiller militaire et chef de la garde personnelle de la noble maison du Clan du Dragon. L’allure martiale et vêtu comme pour aller au combat, bien que tenant son casque à la main, il semblait perpétuellement imperturbable. Il faisait partie de la grande famille Mirumoto dont Jynpo était également issu. Les Mirumoto, qui avaient donc pour chef de famille l’actuel dirigeant du Clan du Dragon, étaient le noyau dur des armées du Clan. Grands Samouraïs, ils avaient élaboré une technique de combat particulière. En effet, ils s’étaient spécialisés dans le combat à deux armes impliquant un katana et un wakisashi. Hideaki, quant à lui, était un homme plutôt sec au regard calculateur. Contrairement à Chiba qui était dans la force de l’âge et à Jynpo, qui était dans la fleur du sien, lui était un homme d’âge mûr. Il faisait partie de la famille Kitsuki, à l’origine de nombreux magistrats de renoms. Principal diplomate du Clan, il conseillait Jynpo en matière de relations extérieures.