NaNoWriMo 2014 jour 17 : Bård

– Ah oui, c’est vrai. » Tout à sa concentration pour se débarrasser de la meute de chiens, il en avait oublié le principal : sa blessure était la cause de leur poursuite. Estimant qu’il se trouvait suffisamment loin pour que le cavaliers ne risquent pas de lui tomber dessus à l’improviste, il redescendit au sol. Il s’agenouilla dans la neige et en prit de grandes poignées pour s’occuper de nettoyer son éraflure causée par la flèche de l’archer. Sylveig voulut lécher le sang qui coulait de la plaie, mais Bård la repoussa sans ménagement. « C’est pour aider à te soigner, argument la petite renarde aux yeux verts.
– Oui, cela nettoie bien, renchérit Skade.
– Cela se peut, mais ce qui donne une odeur si forte à ma blessure est peut être du poison, leur opposa l’adolescent. Et ce n’est pas le moment de s’empoisonner.
– Moi je pense que si c’était du poison, tu serais déjà mort, rétorqua Sylveig.
– Je suis peut être en train de mourir, répartit le garçon.
– Non, moi je pense que ces personnes là préfèrent poursuivre leur proie, intervint la renarde aux yeux bleus.
– Peu importe. » Conclut Bård.

Les deux soeurs durent se ranger à l’avis de leur aîné et se contentèrent dès lors de le fixer sagement tandis qu’il bandait sa blessure dûement nettoyée à la neige. Ceci fait, il testa la fixation du bandage. Satisfait, il confectionna plusieurs boules de neige souillées qu’il jeta dans plusieurs directions au hasard. Puis il se lava se nouveau les mains dans de la neige propre et commenta : « J’espère que ça sera suffisant. » Les petites renardes acquiescèrent. Elles s’installèrent de nouveau sur leur monture qui se remit en route. Encore une fois, l’adolesccent n’avait aucune idée de la direction à suivre qui le mènerait jusqu’à Ull. L’idée de se rendre aux archers l’avait effleuré. Si il s’était laissé capturer, ils l’auraient très certainement emmené devant leur maître. Mais il craignait de ne plus se trouver en mesure de tuer Ull si il était mené devant lui en tant que prisonnier. Il aurait probablement été désarmé, voire attaché. Sans compter que cette situation aurait potentiellement pu s’avérer très dangereuse pour Sylveig et Skade les petites vanes. Tant pis. Puisque Fen avait l’air de penser que Ull se tenait au centre de son propre bois d’ifs, Bård s’efforça de s’enfoncer du côté le plus touffu de la forêt.

« Il est vraiment difficile de discerner quoique ce soit, maître, déplora Svart.
– Peu m’importe, balaya Siegfried. Continuez de chercher Fen et cet imbécile de Bård.
– Bien maître. » Se plia le corbeau qui reprit son essort et retourna explorer la forêt d’ifs en compagnie de Mørk. L’aelfe progressait d’un bon pas entre les arbres. Contrairement à son frère, il ne se préoccupait pas de la piste qu’il pourrait laisser puisque les gens de sa race ne laissaient aucune trace en marchant, y compris dans la neige moelleuse ou la terre meuble. Sur le qui vive, il éprouvait une grande inquiétude. Il avait pu constater, lors de sa précédente visite, que plusieurs entités plus ou moins dangereuses parcouraient ces bois. Il espérait que le petit groupe mené par Fen n’avait pas fait de mauvaise rencontre. Il avait éliminé la géante Skadi, cela faisait un risque potentiel en moins. Sa conscience profita de ce moment pour lui souffler qu’il n’aurait jamais réussi à vaincre la femme au fouet si Bård ne l’avait pas handicapée avec son épée magique. Il refoula bien vite sa conscience avec une question d’un tout autre ordre : d’où tirait il, d’ailleurs, une si belle ouvrage ? Tant mieux pour lui si cela lui permettait de survivre à la cour des grands. Mais que n’avait il pu se tenir, ce petit arrogant… Cette revanche contre Skadi c’était à lui seul, Siegfried, de s’en charger. Cette tête brûlée avait bien failli en périr. Attirer ainsi sur lui l’attention d’une adversaire aussi dangereuse, fallait il être vraiment idiot. Comment Fen avait elle pu s’embarrasser d’un tel poids ? Cela le dépassait. La loyauté ne pouvait pas tout expliquer. Franchement.

« Maître ! l’interrompit Mørk dans ses réflexions. Venez vite ! » Siegfried réagit instantanément et se précipita derrière l’oiseau. Le spectacle que lui firent découvrir les corbeaux était macabre. L’aelfe ne voyait pas de mot plus juste. A part, peut être, morbide. Du sang maculait la neige et les troncs des ifs de partout, accompagné de poils arrachés et parfois même de lambeaux de peau. Une véritable mise à mort s’était tenue là. Malgré sa répugnance face à une telle boucherie, Siegfried s’accroupit à côté d’un corps à priori humanoïde et écarta la chevelure qui lui en dissimulait le visage. Il écarquilla les yeux. Cette personne, qui qu’elle fut, était le portrait craché de Ull. Voici donc ce qu’étaient les mystérieux archers qui menaient les nombreuses meutes de chiens de l’ase : des reproductions de lui même. L’aelfe se releva, balayant du regard l’étendue de cadavres des canins et des deux cavaliers qui les accompagnaient. Qui, ou quoi, avait bien pu commettre une chose pareille ? Certains des cadavres étaient partiellement démembrés et dévorés, ce qui excluait la possibilité que ce soit l’oeuvre de Fen. Elle ne se serait pas attardée après s’être débarrassée de ses ennemis. Et, surtout, le chien ne faisait pas partie de ses habitudes alimentaires. Quelque chose de très dangereux parcourait ces bois.

« Il y a une grosse empreinte, maître. » L’informa Svart. Siegfried s’approcha. L’empreinte était grosse, en effet. Et maculée de rouge. Apparemment, le responsable du massacre de la meute avait pataugé dans le sang de ses victimes. En l’étudiant rapidement, il en conclut qu’elle ressemblait à une empreinte de patte de loup. Mais d’un loup formidable. Encore plus grand que Fen. « Suivrons nous ces empreintes ? s’enquit le corbeau tandis que son frère Mørk becquetait des morceaux de viande du cadavre de l’un des chiens.
– Oui, acquiesça l’aelfe. Suivons les, mais prudemment. Je souhaite éviter une confrontation avec un monstre pareil. » Il espérait de tout son coeur que la vane et ses protégés se trouvaient loin de cette bestiole carnassière. « Mørk, nous y allons, insista-t-il en constatant que le deuxième corbeau ne semblait pas prêt à laisser un tel festin.
– Mais, toute cette viande… protesta l’oiseau charognard.
– Nous y allons. » Le ton de l’aelfe ne laissait pas de place au compromis. En ronchonnant, Mørk rejoignit son frère.

Les empreintes ensanglantées les conduisirent jusqu’à une clairière. En débouchant dans l’espace libre, Siegfried s’empara instantanément de sa corne de narval plaquée d’acier et bondit sur l’énorme bête qui venait de mettre Fen à terre. Fenrir rugit, furieux, et accorda toute son attention à cet aelfe importun qui l’empêchait de dévorer le pouvoir de cette vane qu’il venait de vaincre. « Ne sur estime pas ta force, petit être. » Gronda le grand loup noir en faisant claquer sa mâchoire. Mais Siegfried avait esquivé. Etant donné la taille de la bête qui l’empêchait d’être aussi vive que lui, il pouvait éviter facilement n’importe laquelle de ses morsures. En revanche, le tuer était une autre affaire. Il avait beau percer le cuir de l’animal encore et encore, cela ne semblait jamais être suffisant. Il décida de viser des endroits encore plus sensibles. En quelques bonds agiles, toujours poursuivi par des claquements de la mâchoire qui essayait de l’attraper au vol, il se trouva assez haut dans un arbre pour se laisser tomber sur l’horrible tête et lui planter sa lame torsadée dans l’oeil. Fenrir poussa un glapissement retentissant. Siegfried esquiva prestement une nouvelle tentative de morsure. La douleur paraissait avoir fait entrer le grand loup dans une fureur aussi noire que son pelage qui paraissait absorber la lumière. Le regard fou de son oeil valide cherchait l’aelfe en tous sens et de la bave commençait à bouillonner dans sa gueule. « Attention maître ! Cria Svart. Il devient berserk ! »

A présent totalement enragé, Fenrir se mit à tout détruire sur son passage. Siegfried estima qu’il était temps de s’en aller. Il glissa jusqu’à Fen, qui s’était toute recroquevillée en position humanoïde. Il ne savait même pas si elle vivait encore. La prenant dans ses bras, il esquiva un coup de patte furieux du loup noir, et s’en fut se réfugier dans le couvert de la forêt d’ifs. Tout en fuyant, il se demandait si le monstre était capable de détruire tous les arbres. Il espéra que ce serait le cas car, ainsi, il serait plus facile de mettre la main sur Ull. Mais aussi sur Bård. Si Fen était ici, où pouvait bien se trouver cet idiot ?

Avant toute chose, il devait se réfugier dans un endroit suffisamment isolé pour s’occuper de la vane. D’endroits isolés il n’y avait pas foison. Siegfried se contenta dès lors de s’arrêter lorsqu’il n’entendit plus les hurlements de rages de Fenrir. Il posa un genou à terre et se servit de ses jambes comme de support pour poser le corps inerte. « Montez la garde et restez vigilants. » Ordonna-t-il aux corbeaux qui obéirent aussitôt. Sans plus s’occuper d’eux, il tourna toute son attention sur Fen. Elle avait été grièvement blessée. Elle saignait de partout et respirait à peine. Mais, au moins, elle respirait. L’aelfe ne put retenir un souffle de soulagement. En revanche il devait la soigner rapidement, sinon elle risquait de mourir bientôt. Il jura. Normalement il n’avait pas le temps pour ça. Et Bård qui risquait de faire des bêtises plus grosses que lui tant qu’il ne l’aurait pas retrouvé… Son regard erra sur le visage de Fen. Il n’avait pas de temps à perdre et ne voulait pas la laisser mourir. Il cessa de réfléchir et se mit à l’oeuvre. En quelques minutes, il eût nettoyé et bandé les plus grosses blessures de la vane. Ceci fait, il balaya un carré de la neige, déposa une fourrure sur le sol ainsi libéré et coucha la blessée le plus confortablement qu’il le put. Il la couvrit d’une autre fourrure. Maintenant qu’il avait commencé à la soigner, il serait ironique qu’elle meure de froid. Il ne devait pas perdre une minute de plus. « Svart, appela-t-il.
– Oui maître ?
– Assure toi qu’il ne lui arrive rien pendant mon absence. » Le corbeau n’eût pas le temps de répondre que l’aelfe avait déjà disparu.

« Comment compte-t-il que j’accomplisse une chose pareille dans ce bois mal fréquenté ? » Ronchonna Svart.

Bård en avait assez de chercher Ull. Il en avait assez des ifs. Il en avait assez que Fen ne soit pas avec eux. Il en avait assez de fuir les meutes de chiens qu’il entendait de temps à autre. Il en avait assez que son frère le traite comme un moins que rien. Il ne savait pas depuis combien de temps il se trouvait dans cette forêt. Il avait juste envie de se retrouver chez le forgeron des étoiles et de manger un plat chaud de Beyla. Que lui dirait la louve si elle se trouvait avec lui, se demanda-t-il. Elle lui dirait probablement quelque chose de l’ordre de : si il ne venait pas à bout de Ull, il ne pourrait pas profiter de nouveau de passer un moment chaleureux dans la demeure des deux dvergs. De toutes façons, si ses deux parents étaient morts, c’était du fait de cet Ull. Il avait vu les sbires qui avaient tué son père et sa mère lui avait dit que l’ase l’avait assassinée. Et cela, il ne pouvait pas le laisser passer. Ull devait payer.

Le coeur plein de sombres pensées, il trébucha. Doté de bons réflexes, il attrapa une branche de justesse qui lui permit de tomber sur ses pieds. Il prit alors conscience qu’il se trouvait au bord d’un petit étang gelé et qu’il n’était pas seul. Un homme aux longs cheveux aussi noirs que sa moustache contemplait rêveusement la glace. Il était revêtu d’une tunique verte et d’une cape de fourrure au capuchon repoussé en arrière. Comme Skadi la géante, il possédait un grand couteau de chasse et un arc en if lui barrait le dos. En revanche, il ne possédait pas de fouet. A la place, une épée pendait à sa ceinture. Toute sa personne dégageait un pouvoir immense. Bård en resta bouche bée. Constatant qu’il n’était plus seul dans sa clairière à l’étang, l’homme tourna sa tête vers les trois jeunes intrus et leur adressa un sourire avenant. « Soyez les bienvenus chez moi. » Les accueillit le doux rêveur d’une voix chaleureuse. Il exsudait la bienveillance par tous les pores de sa peau. Du moins était ce là l’impression qu’il donnait à l’adolescent, qui se trouvait à deux doigts de se jeter dans ses bras. « Je me nomme Ull. »

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