– Le ménage ? s’étonna Kilynn.
– Oui, le ménage. Ils étaient infestés par ce qu’ils appelaient « les morts-qui-marchent ». Il ne faut pas leur en vouloir, ils n’ont pas beaucoup de vocabulaire. Notre premier réflexe eût été de leur rentrer dedans pour récupérer notre guide et les laisser se débrouiller tous seuls avec leurs morts-qui-marchent. C’est vrai quoi, ils n’avaient qu’à nous le demander gentiment…
– Vous êtes un peu violents quand même, non ? intervint Kyr.
– Oh non, pas violents, passionnés, nous sommes des passionnés, ce n’est pas pareil, rectifia la Centaure.
– Pourquoi vous ne l’avez pas fait ? demanda la sœur.
– Parce qu’ils étaient trop nombreux et, surtout, si nous avions fait un geste, ils auraient tué notre guide sur le champ. Alors, bon gré mal gré, nous avons accédé à leur requête et sommes partis patauger dans les marais qui environnaient leur village. Des marais glauques, des morts-vivants putréfiés, des Hommes-Lézards agressifs… Une destination de rêves quoi, vous devriez vous installer là-bas ! Ne vous en faites pas, vous me remercierez plus tard pour mes judicieux conseils.
– Certainement ! répondirent-ils en riant.
– Nous patrouillions donc dans la zone présumée de la présence des morts-qui-marchent, tout en rouspétant contre le manque de courtoisie des habitants du village, lorsque nous sommes arrivés en vue d’un bâtiment bizarre qui avait tout l’air d’une crypte. Après, quant à savoir pourquoi une crypte avait été construite là, au milieu de nulle part, il ne faut pas me le demander, je n’en sais rien. Quoiqu’il en soit, les Lézards n’avaient pas menti : l’endroit était totalement infesté par des zombies, des vampires et autres morts qui persistent à se balader au lieu de rester sagement… morts.
– Ils n’ont aucun savoir-vivre, murmura Kyr.
– Bien sûr que non, puisqu’ils sont morts, renchérit sa sœur.
– Exactement ! confirma Drakëwynn avec véhémence. Là, comme nous n’étions pas réfrénés par le risque que l’un d’entre nous soit égorgé, nous n’avons pas fait de détails et avons tranché, haché, découpé tout ce qui nous tombait sous la lame. De toutes façons, tout ce qui est d’ordre zombie n’a pas beaucoup de conversation, donc je ne pense pas que nous ayons loupé grand chose en les tuant sans sommation. D’ailleurs, en parlant de ces choses, plusieurs d’entre eux avaient clairement été des Minotaures durant leur vivant, alors je me suis amusée à récupérer leurs cornes encore en bon état pour en faire des cors. J’en ai gardé un en souvenir, regardez. »
Elle sortit de son sac le cor en question et le leur tendit pour leur montrer. Mis à part le fait qu’il provenait de la corne d’un Minotaure zombie, il n’avait rien de très particulier. Les enfants le gardèrent tout de même en main tandis que la Centaure continuait son récit. Elle décrivit longuement et singea les différents types de morts-vivants qu’ils avaient croisé dans les couloirs, les divers pièges dans lesquels ils étaient tombés et l’ambiance lugubre qui planait tout du long. « Et là, continua-t-elle, après avoir nettoyé tous les corridors et les salles attenantes – nous sommes un très bon détergent – nous avons fini par arriver devant une très grosse porte, avec une tête de dragon gravée dessus. La taille de la porte ajoutée à la gravure n’était pas de très bon augure quant à ce qui menaçait de se trouver de l’autre côté. Mais on se disait que ce serait dommage de ne pas terminer la visite de la crypte. Alors on a ouvert la porte normalement, après avoir longuement argumenté pour savoir s’il fallait mieux la brûler ou faire une entrée fracassante en la défonçant.
– Vous avez des idées bizarres tout de même, déclara Kyr. Vous auriez été complètement enfumés dans cette crypte si vous y aviez mis le feu.
– C’est ce que nous nous sommes dit aussi, approuva Drakëwynn. Lorsqu’on a ouvert la porte, nous avons vu… rien du tout. En fait, de l’autre côté de la porte s’étendait un voile de ténèbres. Impossible de distinguer quoique ce soit ! Heureusement, nous avions avec nous un courageux Samouraï, qui s’avança dans les ténèbres à l’aveuglette. Au fait, savez-vous ce qu’est un Samouraï ?
– Non, répondirent-ils.
– Moi non plus je ne savais pas ce que c’était avant de rencontrer celui-là. Il faut dire qu’alors je ne connaissais pas grand chose du monde extérieur à ma tribu. Pour résumer, les Samouraïs sont un genre de guerriers originaires d’un autre continent, appelé Yamato. Ils sont extrêmement loyaux et suivent un code de l’honneur rigoureux autant qu’étrange. »
La Centaure pouffa de rire, paraissant se souvenir de quelque chose d’amusant. Probablement en lien avec les Samouraïs d’ailleurs, pensait Kyr. « Donc, reprit-elle, notre brave guerrier s’avança héroïquement et buta dans un jeune dragon noir, qui devait mesurer environ ma taille actuelle. Ce dernier n’apprécia pas et entreprit de faire subir son courroux au jeune héros en herbe. Heureusement, nous autres étions là et avons pu tirer notre compagnon des griffes du dragon, que nous avons été obligés d’occire. Ceci étant fait, nous avons fouillé la salle pour récupérer les possessions matérielles du reptile, car les dragons adorent les trésors et celui-là n’en aurait plus l’utilité désormais. C’est lors de la fouille que nous avons remarqué qu’il y avait une deuxième porte. Nous commencions à se demander quand le nettoyage prendrait fin. Il faut dire qu’après tous ces combats, nous étions décorés d’estafilades diverses et un peu fatigués. Mais nous en avions assez et avons décidé d’expédier au plus vite ce qui pouvait rester. Nous avons donc ouvert la porte.