NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 27

Il passa ensuite le bout de son doigt le long de la joue de la jeune fille. « Hum hum. » L’infirmière, qui était toujours présente à côté d’eux, toussota, interrompant ainsi momentanément le tourment de Rielle. « Madame Kree Lai tient à ce que sa fille se repose, souligna-t elle une fois que l’officier eut tourné le regard vers elle.
– Et ?
– Et cela signifie que vous devez la laisser tranquille pour le moment. » Elle avait parlé d’un ton sans appel. Doug, qui n’avait certainement pas envie de s’attirer les foudres de la mère de Rielle, s’écarta de la jeune fille et se leva de mauvaise grâce. Mais sa captive ne se permit un soupir de soulagement que lorsqu’il eut passé le pas de la porte et se trouva hors de sa vue.

« Merci. » Emit elle d’une voix enrouée à intention de l’infirmière. Mais celle ci était également partie, pour s’occuper d’autres patients. Rielle contempla tristement son poignet menotté et, de l’autre main, effleura l’épais collier de métal qui lui enserrait le cou. Elle essaya quand même de reprendre sa forme d’hippocampe bleu et doré. Non seulement elle n’y parvint pas, mais en plus cela lui causa une vive douleur au niveau de l’endroit où l’aiguille perçait sa nuque et se répercuta jusqu’à sa tête. Elle ramena ses genoux à son visage et les enserra de son bras libre. Ainsi pelotonnée, la jeune fille se laissa aller à pleurer. Cela ne dura pas longtemps ; une idée lui traversa l’esprit. Elle essuya bien vite ses larmes. Il lui restait peut être une option. Le collier bloquait la métamorphose, mais il ne bloquait peut être pas sa capacité de contacter Kit. Et Bran. Sa résolution s’affermit, tandis qu’elle fermait les yeux en essayant de joindre son esprit à celui de son frère.

Il lui fallut un peu de temps pour réussir à se concentrer. Elle focalisa toutes ses idées sur Kit. Après avoir passé huit ans à rester sur son épaule, elle le connaissait de très près. Elle connaissait par coeur ses habitudes, ses réactions, ses tics, son odeur… En bref, tout ce qui faisait qu’il était lui. Une fois qu’elle eut de nouveau l’impression de se trouver sur son épaule familière, elle ouvrit les yeux. Elle réprima un mouvement de surprise en voyant un tableau de bord et les étoiles par une vitre. Elle comprit rapidement qu’il ne s’agissait pas de l’endroit où elle se trouvait elle, mais de l’endroit où se tenait Kit. Cela lui posa beaucoup de questions. Où était il ? Il était encore bien trop tôt pour qu’il soit allé à l’Ecole Planétaire de Pilotage. Elle essaya de regarder autour de lui et plus de questions se posèrent. Que faisait il dans une cabine de pilotage avec deux hommes en uniformes gris en guise de pilotes ? Qui était cette femme avec un cache oeil ? Et cette créature qui ressemblait à un dinosaure sans plumes ? C’est alors qu’elle vit Bran, à côté de Kit. Cette vision la réjouit, mais ne répondait pas à ses questions. Pouvait elle communiquer avec son frère maintenant qu’elle avait superposé son esprit au sien ? « Kit, murmura-t elle. Tu m’entends ? »

Il sursauta. « Kit, c’est moi, Rielle. Où es tu ?
– Ri ! S’exclama le garçon. Je suis dans un vaisseau de livraison. Où es tu toi ?
– Dans ton esprit, répondit elle tandis que tout le monde se tournait vers Kit dans la cabine de pilotage.
– Tu parles tout seul, mon garçon ? s’enquit la femme au cache oeil en levant un sourcil d’un air interrogateur.
– Non ! S’exclama l’adolescent. C’est Rielle ! Elle est avec moi ! C’est génial… Ri ! Bran et moi venons te chercher, ne t’en fait pas. Tu vas bien ?
– Oui oui, mentit elle en se disant qu’il ne servirait à rien de l’inquiéter.
– Je ne vais pas te dévoiler notre plan parce qu’Eglantine me fait de gros yeux, s’excusa Kit. Mais ne t’inquiète pas, tu n’auras pas à attendre longtemps.
– Faites attention à vous, les prévint la jeune fille. Ils ne plaisantent pas, là bas.
– Nous non plus, se pavana le garçon.
– Demande lui où elle se trouve dans le Complexe de Recherches, intervint Eglantine. Cela nous sera utile comme information.
– Je suis à l’infirmerie. » Indiqua Rielle avant que Kit ne lui transmette la question. Elle l’avait entendue. Elle entendait et ressentait tout ce que le garçon entendait et ressentait. C’était étrange comme sensation. « L’infirmerie du bloc C, précisa-t elle.
– L’infirmerie du bloc C, répéta le garçon à l’intention de la capitaine.
– Dites donc les loustics, vous devez aller livrer votre fret à quel bloc du Complexe d’Ayla Kree Lai ? » S’enquit Eglantine auprès des pilotes en gris.
Les pilotes échangèrent un regard incertain. Khouaf émit un grondement sourd. La femme au cache oeil émit un petit rire sec.

« Voyons, leur dit elle. Ce n’est pas vraiment une information d’importance. Vous allez nous y mener de toutes manières.
– Nous allons au bloc C, avoua l’un des hommes en uniforme gris.
– Et bien voilà, ce n’était pas si compliqué ! Les félicita moqueusement la capitaine. En tous cas, ça tombe bien. Moins de chemin nous aurons à faire, le moins de risques nous prendrons. C’est parfait.
– Tu entends ça Ri ? Se réjouit Kit. Nous serons là bientôt.
– Merci, murmura la jeune fille. Tu auras beaucoup de choses à me raconter quand nous nous retrouverons, j’ai l’impression.
– Oh oui, confirma l’adolescent avec enthousiasme. Mais tu devrais rester, comme ça je te raconte tout maintenant.
– Je crois que je ne vais pas pouvoir, déplora Rielle. Il y a beaucoup de gens autour de moi ; ça risquerait d’attirer l’attention. Et je n’ai pas envie qu’ils m’empêchent de discuter avec toi.
– Moi non plus. Tu vas partir alors ?
– Oui, mais je reviendrai, lui promit la jeune fille sur un air beaucoup plus assuré qu’elle ne le sentait réellement.
– Tu as intérêt.
– Compte sur moi ! » Lança-t elle d’un ton faussement enjoué.

Craignant de se mettre à sangloter et que Kit s’en rende compte, elle coupa brutalement le contact, réintégrant son corps d’un coup. Cela lui fit une sensation bizarre de retrouver son environnement, de reprendre conscience du contact du métal autour de son poignet et autour de son cou par exemple. Elle n’avait pas eu l’impression de transmettre à son frère ses ressentis. En revanche, elle, avait perçu absolument toutes les émotions qui agitaient l’esprit de Kit. Elle avait parfaitement bien ressenti son enthousiasme d’assister à une démonstration de pilotage. Et son inquiétude mêlée d’affection pour elle même, ce qui la toucha beaucoup. Et, surtout, sa joie et son soulagement de la percevoir avec lui. Rielle était certaine que lui n’avait pas eu accès à ses émotions à elle. Sinon il aurait perçu son angoisse et sa tristesse. Au lieu de lui demander si elle allait bien, il lui aurait demandé ce qui n’allait pas. Malgré tout son émoi, elle ne pouvait pas s’empêcher d’essayer d’analyser cette capacité qu’elle découvrait. Elle ne savait pas que de lier son intégrité physique à celle de son frère pouvait aussi lui permettre de relier son esprit au sien. Peut être était ce du à sa nature expérimentale ?

Sa mère ne lui avait jamais vraiment appris en quoi consistait ce petit rituel de sa race, si ce n’est qu’il liait deux personnes à vie. Celui qui initiait le rituel promettait de manière implicite qu’il prendrait toujours une part du fardeau de l’autre. Dans les temps lointains où la race d’Ayla Kree Lai était encore primitive, les vassaux des grands seigneurs opéraient ce rituel sur leur maître en signe de loyauté. Le seigneur en question pouvait ainsi s’aventurer sur n’importe quel champ de bataille sans aucun risque de blessure mortelle tant qu’au moins l’un de ses vassaux tenait encore debout. Dans le cas de Rielle, ce n’était pas parce qu’elle se considérait comme vassale de Kit qu’elle s’était permise de procéder à ce rituel. Mais parce qu’elle lui avait été reconnaissante de s’être montré aussi gentil avec elle alors que, jusque là, elle avait été considérée comme un monstre de laboratoire dans le Complexe de Recherches de sa mère et que son père l’avait laissée toute seule dans la petite ville de Bourgétoile sur une petite planète perdue au fin fond de nulle. L’adolescent, lui, s’était tout de suite attaché à elle et lui avait instantanément témoigné une affection sans bornes. Elle avait donc décidé de lier sa vie à la sienne.

A l’époque, comme elle était encore très petite, elle ne s’était pas rendue compte de toute la portée de son acte, mais elle savait déjà que cela signifiait que si il devait arriver quelque chose à Kit, elle en mourrait avant lui. C’est pourquoi Doug avait été horrifié de constater qu’elle saignait à la place du garçon et que les hommes en gris n’avaient pas pu le tuer. Sinon ils l’auraient tuée, elle. Etant proche d’Ayla, l’officier connaissait cette particularité de leur race. C’est également pour cette raison qu’elle savait que son frère n’était pas mort, comme Doug s’était plu à le lui répéter. Et pour cette même raison, encore, qu’il avait du insister sur le caractère métaphorique de la mort de Kit. Une pensée l’inquiéta soudain. Puisque l’officier était au courant du lien entre Kit et Rielle, il allait certainement en parler à sa mère, si ce n’était pas encore fait. Ayla se lancerait elle dans la création d’un appareil qui pourrait lui permettre de briser ce lien ? Bien sûr, tout ce qui était de l’ordre du psychique n’intéressait pas la scientifique. Mais si elle avait besoin de les séparer sur ce plan, pour une raison ou pour une autre, elle n’hésiterait pas. La jeune fille tenta de se rassurer en se disant qu’Ayla Kree Lai n’avait certainement prêté qu’une oreille peu attentive à cette information.

Quant à Bran… Elle avait décidé de se lier à lui un peu sur un coup de tête. Elle était mélancolique de savoir que Kit et elle allaient devoir le quitter pour une longue période de temps. Elle avait donc décidé de lui faire ce petit cadeau. Ce n’était que bien peu de choses en vérité. Mais dans son travail au ranch, elle savait que Bran écopait souvent de petites égratignures ou blessures bénignes qui étaient désagréables pour un humain, mais à peine perceptible pour elle qui guérissait à une vitesse folle. Même par rapport à la race d’Ayla Kree Lai. Le fait que Bran ait répondu de manière… et bien, intime, l’avait surprise. Mais elle avait décidé que cela valait le meilleur des remerciements en fin de compte. Sachant qu’il venait la secourir en compagnie de Kit, elle s’était réjouie de pouvoir prendre ses blessures à lui aussi. Les hommes en uniformes gris n’étaient pas toujours tendres. Rielle s’était aussi sentie touchée qu’il vienne aussi à son secours. En revanche, maintenant elle s’inquiétait aussi pour lui. Elle espérait que les deux garçons se montreraient prudents. La jeune fille ne savait pas combien elle pouvait encaisser de blessures en fait. De toutes façons, elle ne pouvait pas les aider autrement, alors heureusement qu’elle avait cela, se disait elle.

Rielle tira machinalement sur les menottes. Cela lui fit mal au poignet, mais elle continua. De toutes façons, elle guérirait vite. Elle se demanda comment son collier se clipsait. Peut être qu’elle avait les moyens de l’enlever tout compte fait. Elle commença alors à le palper de sa main de libre. Ce faisant, elle perçut des stries, mais aucune qui ne semblait faire partie d’un quelconque mécanisme d’ouverture. Comme elle n’avait rien d’autre à faire et qu’elle commençait à s’ennuyer, elle continua de chercher. « Tu n’as pas de moyen de l’enlever comme ça, l’informa l’infirmière qui était de retour.
– Ah bon ?
– Et non. Son ouverture nécessite une clef magnétique, ça ne s’enlève pas à la main.
– Pourquoi je devrais vous croire ? S’enquit fraichement Rielle.
– Peu importe que tu me croies ou pas, balaya l’infirmière. C’est ainsi. »

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NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 26

Le jeune homme s’en trouva soulagé, même si il n’aurait pas très bien su expliquer pourquoi.

« Qu’est ce qu’il s’est passé ? s’enquit curieusement Kit.
– Je préfère te laisser dans l’innocence, éluda Eglantine. Venez avec moi, nous allons rendre visite aux pilotes de l’endroit. » Elle les mena jusqu’à la cabine de pilotage où se trouvaient deux hommes, humains, vêtus d’uniformes gris. Ils étaient gardés par Khouaf. Ce dernier arborait toujours un air indéchiffrable, mais ses deux captifs ne paraissaient pas très rassurés. L’un des deux était même très pâle et menaçait de tourner de l’oeil. Cela étonna Kit. Le reptilien paraissait certes descendre d’une race de prédateurs, avec ses griffes, ses dents pointues et sa démarche taillée pour la course. Mais il ne l’aurait jamais qualifié de dangereux, avec son apparente placidité et sa capacité à obéir immédiatement à n’importe quel ordre lancé par son capitaine. Il se demanda comment il avait pu ainsi traumatiser les deux hommes.

« Bonjour messieurs, les salua joyeusement Eglantine.
– Bonjour, madame, répondirent les captifs sur un signe péremptoire de Khouaf.
– Je suis ravie de voir que mon compagnon vous a indiqué que nous ne sommes pas des sauvages et que nous avons des manières. » Les pilotes échangèrent un regard perplexe, en se demandant si elle plaisantait ou si elle était sérieuse. « Je constate aussi que vous continuez votre course en direction du complexe de recherche que vous devez approvisionner, c’est parfait.
– Vous allez nous laisser effectuer la livraison ? ne put s’empêcher de demander le moins pâle des deux hommes en gris.
– Bien évidemment ! Les rassura Eglantine. J’y compte bien, même. Voyez vous, mes amis et moi même avons une grande envie de visiter ce complexe avec tous ses laboratoires. C’est pourquoi nous profitons du fait que votre vaisseau s’y rende pour nous incruster dans le voyage. N’est ce pas merveilleux ? Vous avez écopé de merveilleux compagnons de route. »

Les pilotes ne semblaient pas aussi enthousiastes. Mais ils n’avaient pas le choix et ils étaient pleinement conscients de ce fait. Ils se retrouvèrent obligés de suivre les ordre de la femme au cache oeil, menacés par un grondement sourd de la part de Khouaf dès qu’ils esquissaient le moindre mouvement qui pouvait éventuellement paraitre suspect. Le reptilien avait l’oeil vif et ne laissait rien au hasard. Kit brûlait de poser des questions. Un millier d’interrogations se bousculaient sur ses lèvres. Mais l’ambiance générale était assez tendue, alors il s’efforçait de garder la bouche close. C’était d’autant plus difficile pour lui qu’il n’avait pas l’habitude de rester silencieux. Bran, conscient de cet effort presque surhumain de son cadet, lui tapota gentiment l’épaule en signe de compassion. Ils savaient tous les deux qu’ils se rapprochaient de Rielle et cela renforçait leur détermination.

Elle ouvrit péniblement ses immenses yeux noirs de jais. La petite créature bleue et dorée du se concentrer et faire un véritable effort de volonté pour les garder ouvert. Sans même parler d’analyser ce qui l’entourait. Elle percevait des gens qui parlaient autour d’elle, mais son cerveau n’était pas encore suffisamment opérationnel pour analyser leurs propos. Rielle eut encore plusieurs petites absences avant de vraiment réaliser où elle se trouvait. Une main froide lui tapota la joue. « Réveillée à ce que je vois ? Bien. Il était temps. Ta petite escapade de huit ans nous a fait perdre beaucoup de temps ! Alors dépêche toi, j’ai quelques questions de routine à te poser. Et puis nous procèderons à certains tests.
– Moi aussi… » émit la jeune fille d’une voix enrouée. Elle se tut, prit sa forme humanoïde, puis toussota pour s’éclaircir la gorge, avant de reprendre : « Moi aussi je suis contente de te revoir après tout ce temps, maman.
– Tu essaies de te montrer sarcastique ? s’enquit Ayla Kree Lai avec presque une pointe d’étonnement.
– Je n’essaie pas, j’y arrive parfaitement bien, rétorqua sa fille dont l’esprit s’éclaircissait.
– Mmmh, tu es devenue arrogante, déplora la scientifique. Mais c’était à prévoir après avoir côtoyé une engeance comme ton père. Ce n’est pas grave, peu importe ton caractère au final.
– Oui, mon caractère t’a toujours été égal, se remémora Rielle. Alors je ne vois pas pourquoi tu as remué cieux et terres pour me retrouver. »

Sa mère la considéra un instant silencieusement, au dessus de ses verres de lunettes en demi lune. Elle avait les mêmes yeux immenses et aussi denses qu’un trou noir. Ayla était une créature élancée au teint bleu pâle, avec une tête un peu allongée au bout d’un long cou. Ses mains palmées trahissaient les origines aquatiques de sa race, qu’elle avait transmises à sa fille. Mais elle ne ressemblait pas autant qu’elle à un hippocampe. Ses vêtements étaient très classiques, gris et, surtout, recouverts par une blouse blanche. Rielle essayait de se souvenir d’un moment où elle n’aurait pas vu sa mère revêtue de cette blouse, mais n’y parvint pas. « Comment peux tu dire une chose pareille ? s’offusqua Ayla Kree Lai. Bien sûr que j’aurais fouillé le moindre recoin de l’espace pour te retrouver !
– Ah bon ? lâcha la jeune fille surprise d’une telle marque d’attention. Je t’ai tant manqué que ça ?
– Evidemment, confirma la scientifique au grand étonnement de sa fille qui se demandait quand sa mère s’était mise à éprouver des émotions. Tu es le travail de ma vie. Toutes mes études sur la génétique inter espèces tournent autour de toi ! Je n’ai pas réussi à reproduire l’expérience une nouvelle fois après toi. C’est pourquoi je dois étudier tout ça. Et je ne pouvais pas le faire sans toi. J’avais des échantillons de ton sang, mais cela ne suffit pas ; il faut que j’étudie ton corps dans son ensemble. Alors cesse de faire l’enfant. Dès que tu seras remise de ton sommeil induit par le gaz, d’ici une petite heure je pense, on procédera à quelques tests. Je suis impatiente ! »

Rielle soupira. Elle avait, encore une fois, espéré. Et, encore une fois, ses espoirs se trouvèrent déçus. Sa mère ne voyait en elle que le sujet d’une expérience. Une fois que sa mère fut partie, elle avisa une infirmière qui l’inspectait, certainement pour vérifier que tout allait bien après le gaz soporifique. « Comment m’ont ils trouvée ?
– Pardon ?
– J’étais bien cachée dans le vaisseau, expliqua la jeune fille. Comment ont ils fait pour me capturer ?
– Ca n’a pas été très compliqué, répondit une voix masculine avant que l’infirmière ait eu le temps d’ouvrir la bouche. Nous savions que tu étais toujours dans le vaisseau lorsque nous avons atterri. » Il s’agissait de Doug. Rielle ne put s’empêcher de grimacer en le voyant entrer dans la pièce. Que faisait il là, d’abord ? N’en avait il pas assez de la tourmenter sans arrêt ? « Alors, nous avons évacué, puis lancé le gaz soporifique, continua l’officier sans s’émouvoir du déplaisir évident de son interlocutrice. Je suppose que tu te demandes comment nous t’avons retrouvée à l’intérieur du vaisseau ? » Rielle ne répondit pas, mais cela ne désarçonna pas Doug qui aimait s’écouter parler. « Tu étais bien cachée, je dois te reconnaitre ça. Si nous n’avions pas eu ces détecteurs de formes de vie, nous n’aurions certainement jamais pu te mettre la main dessus. » Il s’installa sur le rebord de son lit d’infirmerie. « D’ailleurs, même comme ça, cela n’a pas été aussi simple ! »

Sa jeune interlocutrice s’écarta de lui autant qu’il lui était possible. Elle ne l’avait jamais remarqué lorsqu’elle était petite, mais il se dégageait une aura dérangeante de cet homme. Complètement indifférent à son émoi, celui ci continuait de pérorer. « Tu es une petite futée ! Ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait qui est ta mère, en fait. Nous avons du démonter toute une partie de l’engin pour pouvoir te récupérer. Pour le moment, il est inutilisable d’ailleurs. Tu peux te vanter d’avoir causé tout un tas de dégâts. Mais peu importe ! Nous t’avons attrapée quand même. Je finis toujours, tu m’entends, toujours par retrouver ce qu’Ayla m’envoit chercher.
– Super, tu es un chien bien dressé, c’est vraiment intéressant, ironisa la jeune fille avec morgue.
– Ta mère a raison, tu es devenue bien arrogante, nota Doug. Pour me récompenser de t’avoir mis la main dessus, elle m’a autorisé à te donner cela. » Aussi vif que l’éclair, l’homme en gris plaça deux demis anneaux de métal autour du cou de Rielle et les clipsa ensemble, en un collier qui ne pouvait pas être enlevé ainsi qu’elle se rendit rapidement compte en s’échinant dessus. C’était d’autant plus désagréable qu’elle avait senti une petite pointe lui percer la nuque.

« Qu’est ce que c’est ? S’étrangla-t elle en sentant la panique l’envahir.
– Un joli collier de l’invention de ta chère mère, l’informa Doug en arborant un air triomphant. Cela fait des années qu’elle avait travaillé dessus. Il a pour but d’empêcher ta métamorphose, n’est ce pas merveilleux ? Comme ça, cela évite toutes les courses poursuites inutiles dans les conduites d’aération.
– Ca me fait mal, se plaignit Rielle avec les larmes aux yeux.
– Il fallait se montrer plus obéissante, la morigéna l’officier en la couvant d’un regard mauvais. Déjà que j’ai du éliminer ton petit camarade…
– Il n’est pas mort ! » S’écria la jeune fille avec un sanglot. Elle voulait se montrer inflexible, mais se sentait trop impuissante et prise au piège. De plus, elle était encore un peu groggy à cause des effets du gaz soporifique. En la voyant réagir ainsi, Doug afficha un immense sourire.

« Peu importe, balaya-t il d’un ton venimeux. C’est tout comme, puisque tu ne le reverras plus jamais.
– Tu mens, murmura-t elle.
– Oh non, je ne mens pas, rétorqua-t il d’un ton doucereux en approchant son visage à quelques centimètres du sien. Et j’ai autre chose pour toi : un joli bracelet. » Ce disant, il menotta l’un de ses poignets au lit d’infirmerie. « Voilà, comme ça, tu ne pourras plus t’enfuir. Tu vas rester sagement ici. »

1671 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 25

Prise de panique, elle commença par s’activer pour dévisser la grille. Puis, elle s’arrêta net. A chaque fois qu’elle avait une décision à prendre dans un moment stressant, Bran lui avait dit de toujours prendre quelques secondes pour évaluer la situation. Elle prit donc le temps d’inspirer et d’expirer profondément pour se calmer, garder la tête froide et réfléchir. Ils cherchaient certainement à la faire fuir pour l’attraper plus facilement. Rielle revissa alors rapidement la grille, tandis que le gaz montait doucement, mais inexorablement, vers elle. Selon elle, ils ne pourraient pas la trouver si elle se dissimulait au fin fond des conduites d’aération. Ils auraient beau l’endormir, ils ne pourraient pas accéder jusqu’à elle. Peut être même qu’ils ne sauraient pas où elle se cachait. Du coup, elle recula jusqu’à se retrouver à un endroit d’où elle ne pouvait être vue de nulle part, et attendit courageusement que le gaz l’endorme. Lorsqu’il l’environna et qu’elle commença à sentir ses paupières s’alourdir, elle ne lutta même pas. Elle ferma les yeux d’elle même et s’enroula pour dormir. Elle perdit rapidement conscience.

« Nous arrivons en vue de notre cible d’abordage. Veuillez rejoindre vos postes ! Abordage prévu dans les minutes qui suivent, alors ne lambinez pas ! » La voix d’Eglantine retentit dans tout l’Otter Space. Khouaf pencha la tête sur le côté et se trouva secoué de soubresauts, comme si il pouffait de rire. Kit ouvrit des yeux ronds. Le reptilien semblait bel et bien rire. Il leur fit signe de ne pas rester au milieu et se précipita hors de la pièce, les plantant là. En voyant la créature se mouvoir aussi rapidement, le garçon se dit qu’il n’aimerait pas être poursuivi par lui. L’adolescent se tourna alors vers son aîné et lui demanda :

« Et, du coup, nous, c’est quoi notre poste ?
– Hem… C’est une bonne question, avoua Bran. Je suppose que cela doit consister à ne pas nous trouver dans les pattes de tout le monde.
– Ca parait plausible, commenta Kit en hochant affirmativement la tête. Il ne faut pas rester au milieu, donc.
– C’est ça.
– Où allons nous rester alors ?
– Euh, je ne sais pas, dans n…
– Et si on allait dans la cabine de pilotage ? l’interrompit Kit.
– La cabine de pilotage ? Répéta Bran un peu pris de court. Mais ça serait justement nous mettre dans leurs pattes, ça !
– Mais non ! On se fera aussi petits que des souris, argumenta le garçon les yeux brillants. Personne ne sera gêné, je t’assure !
– Bon, si tu veux. » Capitula l’aîné. Il se disait que, dans le pire des cas, les pilotes présents les mettraient dehors sans autre forme de procès. Ils ne risquaient donc pas grand chose à tenter le coup.

Sur le chemin, ils faillirent buter sur Eglantine qui courait en sens inverse. « Qu’est ce que vous faites là ? leur demanda-t elle.
– Nous allions voir la cabine de pilotage, expliqua Kit qui n’avait pas abandonné son idée fixe.
– Mais pourquoi donc ? s’étonna la capitaine. Non non non ! Vous faites demi tour et vous venez à l’abordage avec moi ! Zou !
– A l’abordage ? répéta Bran d’une voix blanche.
– Oui, à l’abordage, confirma Eglantine. Vous n’aurez rien à faire, rassurez vous. Mais puisque que nous allons continuer le voyage à bord du vaisseau de livraison, il vaut mieux que vous soyez à bord, n’est ce pas ?
– Ah oui c’est vrai ! » S’exclama Kit avec un grand sourire.

Le jeune homme expira un grand coup, de soulagement. Grand Jean d’Argent avait essayé de le faire devenir un véritable ruffian sans foi, ni loi, mais doté de cruauté. Et cela, Bran n’avait jamais pu s’y résoudre. Son maître des marais lui avait dit qu’il avait le coeur trop tendre pour ces choses là. Il ne voulait rien avoir à voir avec un abordage en bonne et due forme. Néanmoins, cette étape était inévitable si il voulait retrouver Rielle. Il était prêt à n’importe quel effort pour cela. Mais si il pouvait laisser l’équipage d’Eglantine se charger de cette étape qu’il craignait, il leur en serait reconnaissant. Heureusement, la femme au cache oeil n’avait pas eu l’intention de les faire participer. De fait, ils ne virent strictement rien de l’opération. Lorsqu’ils mirent le pied dans le vaisseau, tout était déjà terminé. Bran se trouva stupéfait de constater qu’il n’y avait aucune trace d’échauffourée.

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NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 24

Thid soupira de nouveau et Eglantine paraissait ravie de son idée. « Et qu’allons nous faire des gens du vaisseau de livraison ? s’enquit Bran qui avait de mauvais souvenirs d’un certain cuisinier sanguinaire.
– Oh, nous les enfermerons quelques part, balaya la capitaine comme si il s’agissait d’une broutille. Ils ne nous dérangerons pas.
– Bon. » Le jeune homme était rassuré. Il n’aimait pas se rappeler cette période sombre de sa vie, lorsqu’il avait eu à faire avec l’homme cruel nommé Grand Jean d’Argent et qui avait causé sa perdition dans le marais. Au moins, cela lui avait permis de rencontrer ce vieil ermite bizarre qui lui avait appris tant de choses et, notamment, à estimer à qui il pouvait accorder sa confiance. Il considéra Eglantine un instant. Elle les avait accueillis en pointant une arme sur eux, là bas à Ocher Cove. Mais au delà de ça, elle ne lui paraissait pas dénuée d’émotions, ou fondamentalement méchante, comme avait pu l’être ce cuisinier. Il secoua la tête, essayant de se débarrasser de ces pensées parasites. Pour le moment, seul comptait le sauvetage de Rielle. Elle avait besoin d’eux, alors il n’allait pas se perdre dans ses vieux souvenirs. Comme le disait justement Kit à l’instant, il n’y avait pas de temps à perdre.

La porte de la cabine de pilotage s’ouvrit sur un bruit fluide de pneumatique. Khouaf, toujours revêtu de son éternel bleu de travail tâché, fit son apparition. Comme à son habitude, il ne dit pas un mot alors qu’il pénétrait dans la pièce de sa démarche bondissante. « Salut, Khouaf ! » Lui lança joyeusement la capitaine. Il répondit avec une espèce de trille qui venait de la gorge. « Qu’est ce qui t’amène ? » s’enquit ensuite Eglantine. Il se contenta de désigner les deux garçons d’un mouvement de tête. « Ah, c’est déjà l’heure de leur reprise, comprit la femme au cache oeil. Bon, vous avez entendu Khouaf, allez y ! Vous avez du travail qui vous attend. » Kit soupira, puis se leva pour emboîter le pas à son aîné qui suivait déjà le reptilien. Cette fois, au lieu de se montrer indifférent ou ennuyé, Thid parut compatir avec l’adolescent.

Rielle restait là à surveiller les gardes en uniformes gris, qui semblaient s’ennuyer. Ils étaient trois et ils s’étaient mis à discuter de la pluie et du beau temps. C’était une façon de parler, bien sûr, puisqu’il n’y a ni pluie, ni beau temps dans l’espace. Ils parlaient du champ de météores qu’ils avaient du traverser pour aller jusqu’au spatioport de Bourgétoile. Et de leurs familles aussi. La jeune fille apprit tout un tas de choses inutiles, dont beaucoup étaient ennuyeuses. Elle n’avait que faire du petit dernier de l’un d’entre eux qui faisait ses dents, notamment. Un autre était un papa totalement gaga qui ne cessait pas de parler des selles de son bébé. Elle ne savait pas qu’on pouvait avoir autant de choses à dire sur du caca de nourrisson. Pendant ce temps, elle n’avançait pas dans sa propre réflexion. Elle se trouvait prise au piège et cela l’irritait. Si des plantons s’amusaient à faire le pied de grue devant sa porte de sortie, elle allait peut être devoir essayer de s’enfuir une fois que le vaisseau serait arrivé à son port. Mais là, cela impliquait qu’elle allait à la fois devoir s’échapper discrètement du vaisseau, mais aussi trouver un moyen discret de quitter le complexe de recherche et ce, certainement à bord d’un autre vaisseau.

Elle savait fort bien, pour y avoir vécu sa prime enfance, que ce complexe ne se situait pas sur une planète, mais au beau milieu de l’espace. Du coup, elle ne pourrait pas juste quitter le complexe et se fondre dans la planète environnante, mais elle devrait quitter le complexe dans un vaisseau qui partait de là. Elle devrait certainement se cacher dedans. Cela ne devrait pas poser problème puisqu’elle pouvait se montrer particulièrement discrète en hippocampe à pattes. Mais cela impliquait un futur voyage désagréable, où elle devrait dormir dans des endroits peu confortables, voler de la nourriture et ainsi de suite. Une autre idée se fraya alors un chemin dans son esprit, qui ne lui plut pas beaucoup. Elle avait commencé à se demander comme elle pourrait facilement retrouver la planète de Kit. Là, s’était imposé à elle le fait qu’elle ne pourrait peut être pas retourner sur la planète de son frère. Pas parce qu’elle ne trouverait pas de vaisseau pour s’y rendre – après tout, elle savait qu’il y avait au moins deux spatioports sur cette planète – mais parce que dorénavant c’était le premier endroit où sa mère l’enverrait chercher. De plus, les hommes en uniformes gris avaient vu Kit et savaient même qu’il était en lien avec l’hôtel de Madame Granger. Et ça, c’était un problème. Cela signifiait qu’elle ne pourrait plus jamais vivre tranquillement auprès de son frère dans la ville natale de ce dernier. Elle essaya de se convaincre de ne penser qu’à sa fuite, mais son esprit n’arrêtait pas de gamberger sur ce qu’elle devrait faire après. Elle allait devoir se cacher. Cela, au moins, était certain. Reverrait elle Kit un jour ? Et Bran ? Elle avait partagé un étrange moment avec lui le matin de son enlèvement, qui lui paraissait à présent si loin. Ces pensées l’angoissaient.

Puis, soudain, une lumière se fit dans son esprit. Edward Hammerson. Son père l’avait déjà tirée du complexe de recherche une fois, il aurait certainement une nouvelle solution pour qu’elle puisse se cacher quelque part en sécurité. De plus, il pourrait faire passer des messages à Kit. Et à Bran. Cette idée la réjouit, mais se trouva aussitôt assombrie par un nuage de taille : comment allait elle faire pour retrouver le géant blond dans cet espace intersidéral infini ? Elle avait bien compris que son père ne faisait pas dans les activités légales. Et qu’il avait même un certain renom dans les milieux de la pègre. Comment faisait on pour retrouver quelqu’un comme ça ? Rielle n’en avait aucune idée. Elle craignait qu’en demandant aux mauvaises personnes, elle ne se mette dans un pétrin encore pire. Les gens qui devaient savoir où trouver son père ne devaient certainement pas être des personnes très recommandables.

La voix de l’officier retentit de nouveau dans les hauts parleurs, la faisant sursauter. « Rielle, je m’adresse à toi, je sais que tu m’entends. » Le fait qu’il s’adresse à elle directement lui glaça le sang. Elle se doutait bien qu’il était au courant qu’elle n’avait pas quitté le vaisseau, puisqu’elle n’avait aucun moyen de s’enfuir. Mais cela la terrorisa tout de même. « Rielle, tu ne peux aller nulle part. Je ne sais pas si tu l’as déjà vu ou pas, mais des personnes sont postées aux seuls endroits qui te permettraient de quitter ce vaisseau. Alors cesse de faire l’enfant et retourne dans ta cellule. Je compte sur toi pour faire preuve de sagesse et de maturité. Cela ne sert à rien de faire ce genre de caprice. » Si la jeune fille avait été un animal à fourrure, il ne faisait nulle doute que tous les poils de son corps auraient été hérissés en entendant ces propos. Un caprice ? Elle s’était faite enlever après que quelqu’un lui ait tiré dessus avec une fléchette à somnifère comme un vulgaire animal sauvage et il osait qualifier cette tentative d’évasion de caprice ? Rielle eût du mal à retenir le grondement qui lui venait à la gorge. Doug l’avait mise dans une colère noire. Elle était plus que jamais décidée de tout faire pour s’échapper, même si par la suite elle ne devait jamais réussir à voir Kit de nouveau.

Elle décida qu’elle attendrait que tout le monde quitte le vaisseau pour pouvoir s’en aller tranquillement, une fois qu’il serait arrivé. Cela lui paraissait être une bonne solution. Et puis, elle se sentait en sécurité dans ces conduites d’aérations. Personne ne pourrait jamais l’atteindre, ici. Elle n’était même pas certaine qu’ils auraient l’idée qu’elle avait pu s’enfuir par là. Malheureusement, même en échafaudant des plans, elle trouvait le temps long, était un peu fatiguée, se disait qu’elle n’allait pas tarder à avoir faim et, surtout, elle s’ennuyait à mourir. Elle s’affala de tout son long, se disant qu’elle devrait peut être dormir un peu pour tromper l’ennui. Mais le métal était froid et dur et une vague de nostalgie l’assaillit en pendant à toues ces nuits douillettes qu’elle avait pu passer dans le petit lit que Madame Granger avait trouvé juste pour elle. Cette maman là lui manquait. Kit lui manquait aussi. Surtout même. Et Bran également. Elle se sentit triste, mais d’autant plus déterminée.

Le sommeil dut s’emparer d’elle à un moment, puisqu’elle se réveilla en sursaut en entendant de nouveau la voix de l’officier dans le haut parleur. Il informait l’équipage qu’ils étaient arrivés à destination – ils étaient en train d’atterrir sur une plateforme plus exactement – et qu’ils allaient pouvoir quitter le vaisseau, mais en passant par une étape de contrôle à la sortie, puisqu’ils n’avaient toujours pas retrouvé Rielle. Cette dernière se réjouit de voir son attente prendre fin. Elle se redressa et s’étira longuement, car sa sieste mal installée l’avait toute ankylosée. Jetant un coup d’oeil par les ventaux de la grille d’aération, elle guetta le départ des hommes en uniformes gris qui surveillaient les capsules de sauvetage. Elles ne lui étaient plus d’aucune utilité à présent, mais la petite créature bleue et dorée se disait qu’une fois qu’ils seraient partis, elle n’aurait plus à attendre très longtemps avant de dévisser la grille pour sortir de cet endroit étriqué.

Une fois qu’ils furent partis – tout en continuant de parler de leurs enfants – elle prit sur elle de patienter encore quelques minutes. Elle se disait qu’à la place de Doug, elle ferait une ronde dans tout le vaisseau une fois que tout le monde l’aurait quitté, juste au cas où. Bien lui en prit, car un groupe d’uniformes gris passa effectivement dans le hall, aux aguets. Tout en se félicitant de sa ruse, elle se dit qu’il serait certainement plus sage d’attendre encore un peu avant de tenter une sortie. Lorsqu’elle en eut assez de patienter, elle sortit sa patte entre les ventaux et commença à dévisser à l’aide du couteau. Un bruit étrange la fit s’arrêter et rentrer prestement sa patte dans sa cachette. C’était très léger, mais persistant, comme si quelque chose fuyait. Elle constata alors qu’une fumée commençait à envahir la pièce et devait certainement envahir tout le vaisseau. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu’il s’agissait d’un gaz et qu’ils cherchaient, une fois de plus, à l’endormir.

1780 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 23

Kit se réveilla déçu. Il avait espéré que Rielle le contacte pendant son sommeil, comme la dernière fois. Mais cela ne s’était pas produit. Il resta un moment sur le dos, les yeux grands ouverts, à fixer la forme vague de Bran dans le lit au dessus de lui, qu’il distinguait à peine dans la pénombre. Pourquoi sa soeur ne l’avait elle pas contacté ? Etait elle trop loin ? Etait elle en danger ? Etait elle inconsciente ? Peut être qu’elle dormait seulement, comme lui. Devait il essayer de la contacter lui même ? Il grimaça. La seule façon qu’il connaissait de communiquer de loin avec Rielle était de se mutiler, la blessant elle au passage. Et il n’avait pas envie de lui faire mal, même si Bran lui avait expliqué qu’elle guérissait très rapidement. Il poussa du bout du doigt la forme de ce dernier. Comme cela ne produisait pas l’effet désiré, il réitéra à plusieurs reprises. A sa grande satisfaction, il parvint à faire émettre un grognement à son aîné endormi. Malheureusement, il n’y eut pas la suite attendue. Bran parut se rendormir aussi sec. N’étant pas du genre à se démonter pour si peu, Kit recommença l’opération, jusqu’à produire un « Quoi ? » ensommeillé et accusateur à la fois.

« Est ce que c’est le matin ? S’enquit le garçon qui ne savait pas trop quoi dire au final.
– Hmpf, ronchonna le jeune homme en regardant sa montre. Presque. Tu nous as réveillés une heure trop tôt.
– D’accord. Tu as senti la présence de Rielle pendant la nuit, toi ?
– Non. Pourquoi ?
– Parce que moi non plus, expliqua l’adolescent.
– Ah, émit Bran qui venait de comprendre le problème. C’est donc ça qui t’embête ?
– Oui, confessa Kit. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé.
– Ne t’en fait pas, tenta de le rassurer le plus grand. Il n’a rien eu le temps de lui arriver.
– Tu penses ?
– J’en suis certain. » Le jeune homme avait dit cette dernière phrase d’un ton beaucoup plus assuré que ce qu’il se sentait.

« De toutes façons, reprit Kit après un petit silence, elle ne va pas se laisser faire aussi facilement. En fait, je les plains ces hommes en uniformes gris ; elle va leur en faire voir de toutes les couleurs !
– C’est tout à fait possible, pouffa Bran. Ca doit être pour ça qu’elle n’a pas essayé de nous recontacter, si c’était bien ce qu’elle avait fait. Elle doit être beaucoup trop occupée à les martyriser.
– Ca ne m’étonnerait pas ! Se réjouit le garçon avec délectation en imaginant tout ce qu’une Rielle en colère était capable de faire subir. Ils n’avaient qu’à pas l’enlever.
– C’est vrai. » Lui concéda son aîné en se redressant sur son lit. Il s’étira, bâilla longuement, puis reprit : « Bien, je pense que nous n’allons pas dormir de nouveau.
– Ah non, confirma Kit. En tous cas, moi, je n’ai pas sommeil.
– C’est étonnant. » Ironisa Bran qui, lui, aurait bien dormi un petit peu plus. Mais, à présent qu’il était totalement réveillé, il savait qu’il n’arriverait pas à se rendormir. Surtout si peu de temps avant l’heure où il avait l’habitude de se réveiller. Il soupira. Il s’étira de nouveau et entreprit de descendre du lit superposé qu’il occupait. Kit l’imita en sautant à bas de son propre lit.

« Qu’est ce que nous allons faire ? s’enquit il ensuite avec curiosité.
– Euh… » Hésita Bran qui n’avait pas réfléchi à cela. Il s’était juste levé machinalement. Mais son cadet paraissait attendre qu’il prenne des décisions ; ce qui était plutôt normal, songea le jeune homme, puisqu’il s’était placé en tant que maître auprès de lui et de Rielle. « Que dirais tu d’aller dans la cabine de pilotage ? hasarda-t il.
– Oh oui ! S’exclama joyeusement le garçon. J’espère qu’Eglantine sera là, j’ai plein de questions à lui poser !
– Et si elle n’est pas là, tu pourras quand même poser tes questions aux personnes qui seront là à sa place, suggéra Bran.
– Tu as toujours de bonnes idées ! » S’extasia Kit en s’habillant le plus rapidement possible. Maintenant qu’il était réveillé, il avait bien l’intention de mettre la moindre minute à profit pour être meilleur que tout le monde à l’Ecole Planétaire de Pilotage qu’il visait. Il avait, pour le moment du moins, oublié ses inquiétudes vis à vis de Rielle. Son aîné se réjouissait de le trouver si facile à dérider. Lui, en revanche, s’était approprié les craintes de son cadet.

Il savait que Rielle et Kit étaient vraiment très proches. Ils avaient une relation particulièrement fusionnelles. Le fait que la jeune fille n’ait pas essayé de nouveau de contacter son frère ne laissait pas de l’inquiéter. Et puis, il y avait lui, aussi. Ils avaient partagé un moment fort ce fameux matin avant qu’elle se fasse enlever. Si elle n’avait pas essayé de communiquer ni avec l’un, ni avec l’autre, c’était effectivement inquiétant. Il tenta de se concentrer de nouveau sur ce que lui disait Kit alors qu’ils se rendaient tous les deux en direction de la cabine de pilotage. Celui ci faisait des hypothèses sur l’utilité de certains boutons qu’il avait pu apercevoir et dont il n’avait pas réussi à savoir à quoi ils pouvaient bien servir. Cela n’intéressait pas vraiment Bran mais, pour faire bonne figure, il fit mine de participer un peu à la conversation. Ce n’était pas très difficile, avec Kit : c’était un vrai moulin à paroles. Il s’auto alimentait, qui plus est. La plupart du temps, lorsqu’il s’agissait d’un sujet comme celui là où il réfléchissait tout haut plus qu’il ne dialoguait, il suffisait de hocher la tête et de marmonner des assentiments aléatoires.

Lorsqu’ils parvinrent à la cabine de pilotage et qu’ils frappèrent, ce ne fut pas Eglantine qui leur répondit d’entrer. Seul l’être tentaculaire se trouvait là, surveillant paresseusement la trajectoire de l’appareil ainsi que le radar. « Bonjour Thid ! Le salua joyeusement Kit.
– Bonjour à toi aussi, petit, répondit l’interpellé sur le ton de celui qui sent que quelque chose est en passe de venir troubler sa tranquillité.
– Tu es pilote ? Demanda le garçon.
– Oui, acquiesça Thid en se disant qu’il aurait difficilement pu lui prouver le contraire.
– Tu n’as pas l’air très occupé, vérifia ensuite Kit.
– Bah, il faut que je sois prêt si il se passe quoi que ce soit, modula l’être tentaculaire.
– D’accord, mais pour le moment, il ne se passe rien. Je ne vois rien sur le radar et rien n’a l’air de perturber la trajectoire.
– Tu dis vrai, soupira Thid en regrettant que le garçon ait raison.
– Du coup j’ai le temps de te poser des questions ! » Se réjouit l’adolescent avec entrain, pour le plus grand ennui du pilote. Bran compatit intérieurement avec lui. Ce n’était pas toujours facile d’encaisser un Kit en mode questions. Mais, au moins, lui se trouvait un peu tranquille. Il contempla l’immensité de l’espace et l’innombrabilité des étoiles par un grand hublot. Cela lui donnait presque le vertige. Toutes ses pensées étaient dirigées vers Rielle, tandis que le bruit de fond de la conversation entre Kit et Thid le berçait. Le jeune homme se fit la réflexion que, si il n’était pas si inquiet, il aurait très bien pu s’endormir de nouveau.

Il fut tiré de sa torpeur, et le garçon de sa conversation, par l’entrée fracassante d’Eglantine. A peine la porte ouverte elle lança un « Salut la cabine de pilotage ! » Avec une voix tonitruante, ce qui provoqua un nouveau soupir chez l’être tentaculaire qui voyait tout espoir de tranquillité s’enfuir loin de lui, sans retour possible. Elle s’arrêta net en voyant les deux garçons et les fixa d’un oeil rond pendant quelques secondes de flottement. « Mais qu’est ce que vous faites là ? Vous n’avez pas dormi ?
– Oh si ! Répondit Kit avec entrain. Et je suis super en forme pour apprendre plein de choses sur l’art du pilotage. Parce que Ed dit que c’est tout un art !
– Et il a raison, confirma la capitaine avec ferveur. Ca ne m’étonne pas d’Edward Hammerson, ça ! C’est un homme bien.
– Ca c’est sûr, confirma le garçon. Il m’a donné une soeur et, pour ça, je lui en serai toujours reconnaissant.
– Comme c’est mignon, s’attendrit Eglantine avec un petit sourire.
– Tu as un plan pour sauver Rielle, maintenant ? s’enquit curieusement l’adolescent.
– Comme ça, de bon matin ? Vraiment ? Soupira la femme au cache oeil. Tu es vraiment têtu, comme garçon.
– C’est ce que tout le monde dit, en tous cas, commenta Kit tandis que Bran hochait la tête en soupirant.
– Ce n’est pas peu dire. » Confirma le jeune homme.

Eglantine prit le temps de s’installer sur son siège de pilote, à côté de celui de Thid, et de vérifier qu’il ne se passait effectivement rien de risqué dans l’espace intersidéral qui les entourait. « Et bien, il s’avère que j’ai une idée, en fin de compte, lui révéla-t elle sur un air mystérieux qui enthousiasma Kit.
– Raconte raconte raconte ! s’impatienta-t il tout en arborant un air suppliant.
– Tu as une tête de chaton quand tu fais ça, remarqua la capitaine de l’Otter Space.
– Ah bon ?
– Oui, en tous cas, je trouve, confirma-t elle tandis que son co pilote levait les yeux au ciel.
– Mais on s’en fiche, de ça, balaya Kit. Raconte moi ton plan.
– Haha ! S’esclaffa Eglantine. Bien. Je peux au moins te donner les grandes lignes. Nous allons nous faire passer pour le vaisseau de livraison de provisions de bouche pour l’une des cantines.
– L’Otter Space ressemble suffisamment à un vaisseau de livraison ? s’étonna Bran en intervenant dans la conversation.
– Absolument pas, répondit la femme au cache oeil. En tous cas, pas à un vaisseau de livraison standardisé d’une cantine d’un complexe aussi important.
– Comment faire alors ? S’inquiéta Kit. Vous allez déguiser l’Otter Space ?
– Ca pourrait être une idée, nota Eglantine. Mais ce serait trop fastidieux et je n’ai pas très envie de camoufler ma loutre. Non, pour cette fois, je comptais m’emparer d’un vaisseau de livraison, tout simplement.
– Tout simplement, répéta Thid en marmonnant sur le ton de celui qui trouve cette idée plutôt trop compliquée.
– Mais où tu vas trouver ça ? s’enquit un Kit pendu aux lèvres de son interlocutrice.
– Sur le chemin, bien sûr, expliqua-t elle. Pour que ça soit crédible, il faut que nous arrivions à peu près à l’heure prévue. Et comme le sauvetage de votre amie est pressé – car qui sait ce qui pourrait lui arriver sinon – nous n’avons pas le temps de passer plusieurs jours à faire du repérage pour noter les heures d’arrivée et tout le tintouin.
– Ah non, confirma le garçon, il n’y a pas de temps à perdre.

178 d’hier + 1700 d’aujourd’hui

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 21

– C’est parce qu’elle tient très bien l’alcool, alors, il en faut vraiment beaucoup pour que ça se voit, expliqua la jeune femme.
– Mmmh, émit l’adolescent d’un air peu convaincu.
– Ouste, Listelle ! Je n’ai pas besoin que tu bourres le crâne de ces… mmmh… clients, d’inepties ! Comme si j’étais portée sur la boisson, pfeuh ! » Elle se resservit. »Alors, reprit curieusement Bran. De quoi dispose la mère de Rielle qui soit si précieux pour un équipage comme celui là ?
– La mère de Rielle, je ne sais pas. Je ne sais pas qui elle est, en fait. Jack avait des hypothèses, sauf qu’elles n’étaient pas assez fiables pour que je les prenne vraiment en compte. Mais, ce que je sais en revanche, c’est que les hommes en uniformes gris protègent toute une clique de scientifiques versés dans la génétique. Ils font tout un tas d’expériences plus ou moins sales, parfois même sur des gens.
– Sur des gens ? s’effara Kit. Mais qui serait assez bête pour aller se faire expérimenter ?
– Pour subir des expérimentations, tu veux dire ? Corrigea Eglantine avec un sourire. Bah, il y a tout un tas de personnes que ça intéresse. Elles sont rémunérées, ces expérimentations, pour les cobayes volontaires. Et des gens ont besoin d’argent.
– Oui, mais si ça rate ? s’enquit le garçon qui n’était pas sûr qu’il serait prêt à subir des choses pareilles même pour beaucoup d’argent.
– Et bien, c’est le risque à courir. Ils le savent, tu sais. Après, le bruit court qu’ils font aussi certaines expérimentations sur des gens qui ne sont pas volontaires.
– Ah bon ?
– Personne ne sait vraiment ce qu’il en est, tempéra la capitaine. Quoiqu’il en soit, il doit y avoir plein de choses intéressantes à dérober dans ces labos, pour les revendre à d’autres à prix d’or. » L’idée semblait particulièrement la satisfaire. « Je n’aime pas ces gens là, reprit elle. Alors je vais me faire une joie de les dépouiller ! »

Kit prit une gorgée du liquide que Listelle leur avait servi. Il crut que sa gorge prenait feu. « Aaah ! » Le garçon manqua de s’étouffer pendant que la femme au cache oeil éclatait de rire. « Haha ! C’est toujours brûlant la première fois, lui dit elle. Mais tu apprendras à l’apprécier.
– Je ne crois pas, haleta l’adolescent. Qu’est ce que c’était ?
– Une boisson d’adulte, ironisa Eglantine. Tu t’habitueras, tu verras.
– Ce que vous faites, pour nous, intervint Bran. C’est très risqué, n’est ce pas ?
– Oui, confirma platement la capitaine. Comme tout ce que nous faisons d’habitude. Sinon, nous n’aurions pas besoin d’avoir une planque comme Ocher Cove sur une petite planète perdue.
– Et le plan est déjà prêt pour l’assaut du laboratoire ? s’enquit ensuite le jeune homme.
– Il est en cours de préparation, plutôt, rectifia Eglantine. Pour le moment, je n’ai pas beaucoup d’informations. Ce que je sais, c’est qu’une communication d’un vaisseau en partance du spatioport de Bourgétoile a été interceptée par un de mes contacts. Que les gens de ce vaisseau avaient récupéré un colis et qu’ils étaient en partance pour le complexe de recherche principal des hommes en gris. Du coup, nous nous dirigeons par là.
– Et si elle n’est pas là bas ? s’inquiéta Kit.
– Si votre amie ne se trouve pas dans ce complexe, nous trouverons certainement des informations utiles sur place. Nous avons quelques spécialistes dans la recherche d’informations, sur l’Otter Space.
– Mais, si il s’agit de leur complexe de recherche principal, il doit être bien protégé, non ? S’informa Bran.
– Certainement, oui.
– Dans ce cas, comment allons nous pouvoir sauver Rielle ? s’inquiéta à son tour le jeune homme. »

La capitaine le considéra pensivement de son yeux étincelant. Elle ne répondit pas tout de suite, mais arbora un fin sourire. « Ca se voit que vous n’êtes pas beaucoup sortis de chez vous, nota-t elle. Ce n’est pas parce qu’un endroit est bien protégé qu’il n’a pas de failles. Nous n’avons pas une grosse puissance de feu avec juste notre Otter Space. En revanche, nous sommes malins et nous pouvons nous infiltrer à peu près n’importe où. Bien sûr, de temps à autre nous n’échappons quand même pas à quelques échauffourées. » Elle effleura machinalement son cache oeil. « Mais dans l’ensemble, nous sommes quand même très doués dans ce domaine.
– Vous êtes déjà allés là bas ? demanda Kit.
– Non. Mais nous allons obtenir des plans de l’endroit sous peu. Nous avons déjà eu les coordonnées exactes depuis quelques heures.
– Quand on est partis, tu ne savais pas dans quelle direction il fallait aller ? s’étonna le garçon.
– Je ne savais pas exactement, non, confirma Eglantine. Mais j’avais une idée de la direction générale à cause de la balise qui a relayé le signal du vaisseau qui partait de Bourgétoile.
– Mmhmm. » Fit l’adolescent, comme si c’était évident alors qu’il n’avait rien compris. Mais il ne voulait pas passer pour un idiot et la capitaine paraissait connaître son affaire, alors cela devait être bon.

Il remarqua que Bran buvait l’alcool qui l’avait fait s’étouffer sans broncher. Une vague envieuse l’envahit et il goûta de nouveau le contenu de son verre. Cela lui brûla encore la gorge et c’était tellement fort qu’il avait du mal à discerner le goût du breuvage. Il ne s’avoua pas vaincu. Après tout, Eglantine avait dit qu’il s’y habituerait, n’est ce pas ? « Combien de temps allons nous mettre pour arriver ? s’enquit le jeune homme ce qui suscita de nouveau une vague d’admiration envieuse de la part de Kit.
– Deux jours, je pense, estima la femme au cache oeil. Si nous n’avons pas à faire de détours à cause d’un champ d’astéroïdes ou d’un autre désagrément quelconque.
– C’est long, deux jours, soupira le garçon.
– C’est le mieux que je puisse faire, s’excusa Eglantine d’un ton compatissant.
– De toutes façons, les gens qui ont enlevés Rielle doivent aussi mettre ces deux jours pour arriver là bas, relativisa Bran.
– C’est vrai, se rassura Kit.
– Comme ils sont partis un peu moins d’un jour avant nous, elle n’aura qu’une journée à nous attendre dans le centre de recherche, continua le jeune homme. D’ici là, ils n’auront pas le temps de lui faire du mal.
– Tu as raison. » Approuva le garçon que ces propos rassuraient grandement. Il avait été terriblement inquiet en apprenant que Rielle était emmenée dans un laboratoire où on faisait des expériences de génétique sur les gens. « Et puis, si sa mère travaille avec les hommes en gris, ils ne lui feront pas de mal de toutes façons, continua-t il.
– Oui… » Confirma Bran d’un ton incertain.

De ce qu’il savait pour en avoir discuté un peu avec Rielle, elle avait déjà subi des traitements suspects. Elle lui avait aussi indiqué que sa mère – qui était une scientifique de renom semblerait il – n’était pas humaine, alors que son père, Hammerson, l’était incontestablement. Et le jeune homme avait trouvé cela très étrange, car les races issues de planètes différentes n’étaient pas compatibles entre elles. Son vieux maître l’ermite lui avait dit qu’après plusieurs milliers d’années à se côtoyer sur une même planète, certaines races avaient fini par réussir à produire des hybrides. Mais cela s’était avéré extrêmement rares. Et tout le monde avait oublié cela aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, la question de comment Rielle avait réussi à voir le jour se posait. Il avait compris que la génitrice de la jeune fille était d’une race amphibienne. Ce qui expliquait en partie que Rielle puisse se métamorphoser en animal aquatique. Mais le fait qu’elle pouvait se métamorphoser était très étrange en soi. Elle lui avait assuré que sa mère n’était pas d’une race métamorphe et, qui plus est, à peu près humanoïde. Pas grand chose à voir avec sa forme d’hippocampe à pattes bleu et doré. En bref, il y avait beaucoup de mystères entourant la naissance de la jeune fille, et Bran subodorait que tout n’était pas très clair là dessous. Il sourit néanmoins, d’un air qu’il espérait rassurant, à son cadet. Il n’estimait pas utile de l’inquiéter sur ces choses hypothétiques. Et puis, qui sait, ce n’était pas parce qu’il avait un mauvais pressentiment sur la question que cela devait forcément s’avérer vrai.

Eglantine fit dévier le sujet pendant le repas, où la plupart des personnes présentes sur l’Otter Space se retrouvèrent. Kit s’illumina, l’ambiance de ce repas lui faisaient penser aux joyeux drilles qui suivaient Edward Hammerson. Pendant quelques instants, il eut presque l’impression de se retrouver dans le restaurant de l’hôtel de sa mère en compagnie de l’équipage du géant blond. « Ma mère ! s’exclama-t il soudain. J’ai totalement oublié ! Elle doit s’inquiéter de ne pas me voir rentrer, il faut que je lui envoie un message.
– Oh que non, refusa la capitaine tout net. Pendant une mission d’infiltration, aucun message privé ne sort de l’Otter Space.
– Il faut que je la prévienne pour ne pas qu’elle s’inquiète ! persista-t il.
– Ne t’en fait pas pour ça, le rassura la femme au cache oeil. Jack s’est certainement occupé de ça à l’heure qu’il est.
– Tu penses ?
– J’en suis certaine.
– Vrai de vrai ?
– Mais oui ! » Assura Eglantine en levant l’oeil au ciel. Comme Bran appuyait ses propos d’un hochement de tête convaincu, Kit se calma. « Bon, maintenant qu’il va être temps pour vous de dormir, Khouaf va vous indiquer vos quartiers. Je pense qu’après tant d’émotions, une bonne nuit de sommeil vous fera du bien ! »

L’adolescent se sentait, il était vrai, plutôt éreinté, surtout après s’être occupé de nettoyer tout le vaisseau et d’avoir fait un peu de maintenance en plus. Il n’avait pas l’habitude d’en faire autant d’habitude. Bran, quant à lui, n’avait pas l’air particulièrement fatigué. Kit l’avait remarqué pendant la journée, mais son aîné s’était acquitté de toutes les corvées comme si il en avait l’habitude. Ce qui était le cas, puisque c’était le genre de journée épuisante qu’il vivait tous les jours au ranch de Jack Peddler. Il se leva néanmoins et suivit le reptilien en bleu de travail sans broncher. Cela réjouit l’adolescent qui n’avait pas envie de se retrouver tout seul. Il se sentait déjà suffisamment esseulé sans la présence permanente de sa soeur. Khouaf les mena jusqu’aux quartiers de l’équipage. Il s’agissait d’un couloir bordé de portes automatiques. Il leur désigna la salle de bain, au fond du couloir, puis la chambre qu’ils devraient partager pendant leur séjour sur l’Otter Space. Elle était minuscule et dotée de lits superposés. Il y avait aussi deux casiers en guise d’ameublement. Rien d’autre. C’était assez spartiate en somme, et il n’y avait pas de place pour l’intimité. Cela ne dérangea pas les garçons, qui n’étaient là que pour quelques jours ; ils sauraient s’en accommoder. Kit se demanda si le reste de l’équipage se partageait aussi de telles petites chambres. Il aurait bien posé la question à leur guide, mais il supposait que celui ci resterait silencieux. Dans tous les cas, le garçon prit à peine le temps de se débarbouiller de la crasse accumulée pendant sa journée de nettoyage, avant d’aller s’effondrer sur le lit du bas, qui était le plus proche. Bran lui ébouriffa les cheveux, avant de monter sur le lit du haut et de s’endormir à son tour.

« Parce que, tu vois, disait une des voix, je ne sais pas si j’aurais pu procéder des expérimentations sur ma propre fille.
– Le fait qu’elle ait une fille était déjà, en soi, une expérimentation, précisa une deuxième voix.
– Ah bon ? S’étonna la première voix. Elle voulait décider du sexe de son petit ? Mais je croyais que c’était un jeu d’enfant pour des gens comme elle, ça. » Rielle parvint enfin suffisamment près de la grille pour pouvoir distinguer les deux personnes qui discutaient. L’un était un homme en uniforme et correspondait à la première voix. Le second était un être insectoïde, revêtu d’une blouse blanche.

« Mais non, reprit ce dernier. C’était le fait d’avoir un enfant avec un humain qui était une expérimentation.
– Ah ! Je ne savais pas que son père était humain, confessa l’homme en uniforme.
– Et si, du coup Ayla a expérimenté sur elle même un procédé de son invention pour passer au dessus de l’incompatibilité génétique concernant la reproduction.
– C’est impressionnant !
– Oui, confirma l’insectoïde. C’était un véritable tour de force qu’elle a réussi. Malheureusement, elle n’a pas réussi à le reproduire sur d’autres sujets d’expérimentation.
– Elle est vraiment dédiée à son travail pour tester des trucs sur elle même, commenta l’homme en gris.
– C’est une femme de science, déclara l’insecte en blouse blanche comme si cela expliquait tout.
– Oui, et la science est vitale et la recherche de sa connaissance infinie, acquiesça l’uniforme gris. Mais tout de même, c’est faire preuve d’une grande dévotion que d’essayer ses substances tests sur soi même. Et sur sa progéniture, même si elle même était un test. » Celui là essayait d’exprimer quelque chose sur laquelle il n’arrivait pas à poser de mots. Rielle n’était pas surprise de la révélation. Sa mère, Ayla Kree Lai, ne lui avait jamais caché ses origines expérimentales. Ayla ne s’était jamais préoccupée de la répercussion que cela pouvait avoir sur sa fille. Elle ne s’était jamais intéressée à la psychologie. Seule, la génétique l’obsédait.

Bon. Les deux hommes continuaient de discuter de choses qui ne l’intéressaient pas et les capsules de sauvetage ne se trouvaient pas dans cette pièce. Rielle se remit discrètement en route à la recherche de sa porte de sortie. Tout en tricotant de ses petites pattes, toujours le couteau entre les dents, elle se prit à penser à sa mère. Ayla ne s’était pas montrée des plus chaleureuses. Elle aurait pu, pourtant, ne serait ce que pour convaincre sa fille de se prêter à ses expérimentations sans rechigner. Car la petite Rielle n’aimait pas les piqûres, ni n’appréciait le goût bizarre des mixtures qu’on voulait lui faire avaler, ni n’était intéressée de se prêter au moindre test, quel qu’il soit. Mais même ce genre de cajoleries manipulatrices lui passaient au dessus de la tête. Elle n’avait jamais laissé de choix à sa fille et ne lui avait jamais montré le moindre intérêt personnel. Autant dire que la jeune fille n’avait pas trop lutté lorsque Ed Hammerson avait mis la main sur elle. Lui, au moins, avait eu l’air de lui porter une certaine affection. Et, même si il l’avait laissée sur une planète isolée en partant, il avait eu la prévenance de la laisser en bonne compagnie. Décidément, plus elle y pensait, moins elle avait envie de retourner dans ce grand complexe de recherche, qu’elle avait toujours trouvé froid et inhospitalier.

Elle allait se diriger vers une nouvelle grille, lorsque la voix de l’officier Doug se fit entendre dans tout le vaisseau, la faisant s’arrêter net. « Ceci est un message d’alerte. Rielle s’est échappée de sa chambre. Elle n’est pas armée, mais sait tout de même se défendre. Soyez vigilants et veuillez indiquer tout élément suspect aux autorités dès que possible. » Elle se détendit lorsqu’elle comprit qu’il ne s’adressait pas directement à elle. Sa voix paraissait pourtant si proche ! Rielle en déduisit qu’elle se trouvait non loin d’un haut parleur. Pfff, une chambre, songea ensuite la jeune fille. Il avait le toupet d’appeler cette cellule une chambre ! Décidément, il était tout aussi insouciant de son confort physique autant que psychique que sa mère, celui là. Ils faisaient une sacrée paire. Rielle se demandait parfois pourquoi Ayla n’avait pas utilisé Doug plutôt que Ed pour la concevoir. Nulle doute qu’avec deux parents pareils, Rielle se serait montrée une fille obéissante et dépourvue d’émotions. Le rêve idéal de sa mère, donc. Bon. Quoiqu’il en soit, sa fuite avait déjà été éventée. Elle devrait se montrer encore plus prudente qu’elle ne l’était déjà.

Elle continua son chemin vers la grille et jeta un coup d’oeil à travers les ventaux. Il s’agissait d’une petite pièce sombre qui, si elle en croyait l’amoncellement de produits ménager et de choses de diverses utilités, ressemblait fort à un cagibi. Elle soupira. Si même le moindre placard à balais disposait de sa propre aération, elle n’avait pas fini d’explorer. Mais elle ne se démonta pas et continua d’inspecter sans relâche les pièces sur lesquelles donnaient les différentes grilles. Rielle faillit crier de joie lorsqu’elle trouva l’un des halls qui comprenait des capsules de sauvetage. Elle étouffa bien vite ses ardeurs en constatant qu’en plus des capsules, plusieurs hommes en uniforme gris se tenaient là. Ils paraissaient vigilants et disposaient tous d’armes à fléchettes. Certainement en vue de l’endormir, comme la première fois. La jeune fille sous forme d’hippocampe bleu et doré grimaça. Elle avait, certes, souvent une forme d’animal, mais ce n’était pas pour autant qu’elle appréciait d’être traité comme tel. Cela lui donnait encore plus l’impression d’être un cobaye quelconque, ce qui l’énervait au plus haut point. Toujours son couteau entre les dents, elle s’assit sur son arrière train pour prendre le temps de réfléchir.

Il était dommage qu’elle n’ait pas trouvé les capsules avant que l’alerte ne soit donnée. Elle était persuadée qu’elles n’étaient pas gardées avant que Doug ne soit informé de son absence. Le problème était qu’elle ne voyait pas comment s’enfuir d’ici autrement qu’en capsule de sauvetage. Voilà qui s’avérait particulièrement fâcheux, songeait elle. Peut être qu’elle pourrait profiter de la relève des hommes en gris qui gardaient le hall pour pouvoir s’enfuir ? Cela lui paraissait peu probable, surtout que cela ne se passait bien que dans les films que Kit et elle étaient allés voir. Mais, tant qu’elle ne voyait pas d’autre solution, il ne lui restait qu’à se planter là, à surveiller les hommes en contrebas et à réfléchir à une autre alternative. Et ce, tout en se tenant prête à saisir sa chance, si chance il y avait.

3006 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 20

Kit se rendit rapidement compte qu’il allait avoir un problème avec Khouaf. Pas qu’il était un être tortionnaire ou méchant, ni même très sévère. Non. Cette créature ne parlait tout simplement pas. Bran et lui devaient comprendre les instructions sans paroles. Le garçon trouvait assez fabuleuse cette façon qu’avait Khouaf de se faire comprendre sans prononcer un seul mot. Par exemple, il leur avait tendu des balais à franges et leur avait indiqué le sol dans son ensemble. « Ca va aller vite si il n’y a que cette pièce à nettoyer ! » S’était réjoui l’adolescent. Mais la créature reptilienne avait fait un signe de dénégation et avait ouvert grands ses bras à mains griffues. L’entrain de Kit était un peu retombé en comprenant que Bran et lui devaient nettoyer tout le vaisseau. Pendant le temps que les garçons s’attelaient à leur tâche, Khouaf resta près d’eux, à manipuler des petits composants. Lorsque le plus jeune s’était enquis de ce qu’il faisait, le reptilien s’était contenté de le fixer intensément, puis de pencher la tête sur le côté, avant de désigner le sol. Kit avait vite compris qu’il lui était ordonné de se remettre au travail.

Khouaf leur « expliqua » ensuite les autres corvées qu’ils auraient à effectuer pendant le trajet. Ils se rendirent compte que la plupart des tâches qu’on leur demandait consistaient à faire le ménage. Et, aussi, à aider en cuisine. Où ils auraient également l’occasion de faire du nettoyage. A chaque fois que Kit remarquait que cette corvée, là aussi, consistait à nettoyer, le reptilien le considérait avec un sourire carnassier, en penchant innocemment la tête sur le côté. « Je vais en faire des cauchemars, j’en suis sûr, confia Kit à Bran à ce propos.
– Des cauchemars ? s’étonna le jeune homme. Pourtant il n’a pas l’air méchant.
– Avec ses dents pointues et sa manière de me les montrer dès que j’ouvre la bouche ? Précisa l’adolescent. Je ne sais pas ce qu’il te faut ! A chaque fois, j’ai l’impression qu’il se réjouit à l’idée de me dévorer.
– Tu es trop émotif, commenta platement Bran.
– Trop émotif ? s’étrangla le plus jeune. Pourquoi tu dis ça ?
– Pour te taquiner, répartit son aîné avec un clin d’oeil. Ne t’inquiète pas de Khouaf. Il n’a pas l’air d’un mauvais bougre. Je pense qu’il cherche à te taquiner, lui aussi. »

Le reptilien en bleu de travail tâché revint, pour leur indiquer que leur pause était terminée. Il s’amusa à suivre Kit du regard avec son sourire carnassier, tandis que ce dernier passait auprès de lui. L’adolescent se demanda si Bran avait raison ou si Khouaf avait vraiment derrière la tête l’idée de le dévorer. En plus, son aîné avait l’air plus préoccupé que d’ordinaire. Kit compatissait ; lui même se faisait un sang d’encre pour sa soeur. Mais, pendant tout le temps où ils se trouvaient dans la cuisine, il avait eu l’air vraiment ailleurs. Et, même, irrité. Il avait considéré le chef cuisinier avec méfiance, ce qui ne lui ressemblait pas. Toutes ces tergiversations mentales étaient trop compliquées, décida l’adolescent qui, dès lors, préféra considérer que Bran s’inquiétait pour leur petite Rielle. La pauvre, elle devait se sentir tellement seule. C’était la phrase qui revenait à chaque fois à l’esprit de Kit quand il pensait à elle. Lui, au moins, était avec Bran. Et puis Eglantine et son équipage avaient l’air sympathiques, même si il avait vexé Renacleriblob d’entrée et que Khouaf l’effrayait un peu. Alors qu’elle, elle n’avait même pas une présence amicale à laquelle se raccrocher. L’être reptilien le pinça soudain. « Aïe ! » S’écria le garçon en sursautant. Khouaf lui désigna alors sa tâche incomplète et Kit réalisa qu’il s’était laissé aller à la rêverie. « D’accord, d’accord… » Ronchonna-t il en se mettant de nouveau au travail.

Lorsque leur journée se termina, ils rejoignirent Eglantine dans la salle à manger du vaisseau. « Alors, les lascars ! Les salua-t elle gaiment en levant son verre dans leur direction. Qu’avez vous pensé de votre première journée à bord de l’Otter Space ?
– Un peu ennuyeuse, répondit Bran en s’asseyant à la table.
– Et fatigante, renchérit Kit en faisant de même.
– Haha ! S’esclaffa la capitaine. Parce que vous croyiez que vous allier vous la couler douce comme sur un vaisseau de croisière ? » Elle rit de nouveau. « Oh que non ! Ici, tout le monde met la main à la pâte. Et, comme vous êtes des bleus en la matière, vous commencez par les tâches les plus ingrates. » Elle s’interrompit pour avaler une grande lampée du contenu de son verre. « D’ailleurs, mon équipage se réjouit de votre présence avec nous. Sinon ce sont eux qui se partageraient ces tâches, et ça les amuse aussi peu que vous.
– Hmpf, commenta l’adolescent. Bon. Quand est ce que nous allons retrouver Rielle ?
– Le plus tôt possible, lui assura Eglantine. Je n’ai pas que ça à faire, moi, de retrouver des jeunes filles en détresse.
– Elle n’aimerait pas entendre ça, précisa Kit.
– Bah ! Balaya la femme au cache oeil. Elle n’est pas là pour l’entendre, n’est ce pas ? Tu comptes le lui répéter ? » Le garçon secoua négativement la tête. « Alors peu importe, reprit elle. Bref. Je compte bien la retrouver vite. Parce que ça ne va certainement pas me rapporter suffisamment par rapport au risque pris, cette histoire !
– Je suis certain que si, intervint Bran. Sinon, vous n’auriez jamais accepté de nous aider.
– Huhu, pouffa-t elle. C’est qu’il est futé, celui là ! Ce n’est pas entièrement faux, ce que tu dis. Listelle ! Amène à boire à mes compagnons de tablée ! Ils ont l’esprit trop clair, c’est inadmissible. »

La dénommée Listelle obéit. Pour autant que Kit pouvait en juger, cette jeune femme là était bel et bien humaine. Elle leur servit une étrange boisson ambrée dans de minuscules verres. « C’est tout ? se désola Kit.
– Oui, le gourmanda-t elle. Sinon vous allez finir aussi ivre qu’elle.
– Elle n’a pas l’air si ivre que ça, estima le garçon.
– C’est parce qu’elle tient très bien l’alcool.

1025 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 19

Elle se secoua ; elle n’avait pas de temps à perdre en tergiversation. Elle posa les vis et le couteau dans la bouche d’aération, puis se hissa jusque là tout en se métamorphosant en petit animal bleu et doré. Elle failli laisser échapper la grille dans l’opération, mais la rattrapa de justesse. Maintenant qu’elle était toute petite et à quatre pattes dans un conduit d’aération pas très large, il lui fut un peu compliqué de refixer la grille correctement. En persévérant, elle finit par y arriver. Tout en maintenant l’objet par les ventaux d’une patte, elle entreprit ensuite de le revisser soigneusement.

Une fois qu’elle eût terminé, Rielle contempla le couteau dans sa patte. Que devait elle en faire ? Le laisser tomber dans le plateau repas en dessous ? Le garder avec elle ? Le laisser là pour ne pas se retrouver encombrée ? Elle avait bien envie de le conserver, tout de même, surtout si jamais elle voulait sortir du réseau de conduits d’aération et qu’elle devait dévisser les grilles pour pouvoir sortir. Ce serait idiot de se retrouver coincée dans le vaisseau même qu’elle voulait fuir. Néanmoins cela promettait d’être compliqué de se promener avec le couteau dans une patte. Dans ces conduits, elle avait besoin de ses quatre pattes. Elle attrapa alors l’ustensile entre ses dents et se lança dans l’inspection du nouveau territoire qui s’offrait à elle.

Tout en tricotant silencieusement dans les tuyaux de métal, Rielle se demandait ce qu’elle devait chercher. Dans l’absolu, elle savait qu’elle devait trouver des capsules de sauvetage ou quelque chose du même acabit. Ces appareils étaient programmés pour se diriger vers la planète vivable la plus proche répertoriée. Elle le savait, car c’était son père qui le lui avait dit pendant le peu de temps qu’elle avait voyagé avec lui. Sur le moment, elle ne s’était pas douté que ça pouvait lui être utile un jour. Il était plus exact de dire qu’il avait été le premier à le lui signaler. Parce que pendant les huit années qu’elle avait passées auprès d’un Kit toujours prompt à questionner les voyageurs sur les trajets dans l’espace, on le lui avait répété. Et expliqué moult autres choses qui ne l’intéressaient pas forcément, mais qui rendaient les yeux de son frère brillants.

La jeune fille supposait que tout le monde était au courant de ce genre d’équipement dans un vaisseau. Mais, pour sa part, elle n’avait pas vraiment été élevée comme tout le monde. En témoignait sa situation actuelle. Elle ressentait une certaine amertume vis à vis de tout cela. En vivant auprès de Kit, elle avait rapidement compris que son père avait raison sur certains points. Et, notamment, celui comme quoi les parents n’utilisent pas leurs enfants comme sujets d’expérimentation, d’ordinaire. Quelle était la formulation que Edward Hammerson avait employée, déjà, en parlant d’Ayla Kree Lai ? Rielle avait du mal à se souvenir de ce mot saugrenu. Une sociopathe. Si elle se souvenait bien, c’était bien ce terme là. Elle avait parfois du mal à intégrer des mots avec la manie de Kit de toujours les déformer. En plus, elle ne savait pas vraiment ce que ça voulait dire, sociopathe. Elle avait compris que c’était très péjoratif et que cela avait un rapport avec le peu d’émotions dont pouvait faire preuve sa mère – elle n’était pas bête tout de même – mais la jeune fille ne connaissait pas toute la portée de l’adjectif. Elle se souvenait tout de même avoir demandé à son père comment il en était venu à la concevoir avec sa mère, si il la trouvait aussi détestable. Il avait rit, de son grand rire de Ed Hammerson, et avait balbutié que tout le monde faisait des erreurs dans sa vie et qu’il s’était retrouvé à ne pas avoir trop le choix, là, et qu’elle comprendrait quand elle serait plus grande.

Un bruit attira son attention. Elle se dirigea discrètement dans cette direction. En s’approchant, elle perçut une discussion entre plusieurs personnes. Elle avança avec d’autant plus de précautions, pour ne pas se faire repérer, et s’approcha de la grille d’aération qui menait aux voix. Elle jeta un coup d’oeil rapide dans la pièce en contrebas.

700 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 18

Plus ou moins humanoïde dans le sens où il avait de membres et d’une tête que l’on pouvait discerner de son corps, contrairement à Renacleriblob. Même si sa tête était ornée de huit globes oculaires, disposés comme des yeux d’araignée. Il n’avait pas de mandibules, en revanche, mais une bouche qui ressemblait à une bouche humaine en plus lippue. En revanche, les alentours de sa bouche et la peau sur ses joues avaient l’air de se mouvoir, comme des anémones de mer dans le courant. Le garçon supposa qu’il s’agissait de mini tentacules. Il s’obligea à détourner le regard en se rendant compte qu’il le fixait intensément. Kit n’avait encore jamais vu un être de cette espèce. A Bourgétoile, dans l’hôtel de sa mère, il avait déjà eu l’occasion de voir plusieurs races interstellaires. Mais cela restait occasionnel. Le plus gros de la clientèle était humaine. Alors qu’ici, les membres de l’équipage paraissaient vraiment venir de partout. Il se promit de discuter avec le plus de personnes possible durant le trajet, pour en savoir le plus possible sur toutes les planètes où avait éclot la vie.

Lorsqu’il vit qu’Eglantine donnait ses instructions pour lancer le décollage, il s’approcha d’elle discrètement, pour pouvoir observer ce qu’elle faisait sans la déranger. Il se montra tellement efficace dans son approche silencieuse que, lorsqu’elle tourna la tête du côté où il se tenait, elle sursauta de le trouver là. « Qu’est ce que tu fais ici ?
– Je regarde comment tu fais, lui expliqua-t il les yeux brillants.
– Hum, d’accord, accepta-t elle. Mais ne fait pas de bruit et ne touche à rien.
– D’accord. » Le garçon était prêt à tout pour assister à un vrai décollage. Il soupçonnait Hammerson d’avoir souvent exagéré dans ses récits et ses explications. Là, il avait l’occasion de voir tout cela par lui même et il comptait bien ne pas rater une miette du spectacle. Les moteurs vrombirent et les pattes de l’Otter Space quittèrent le sol.

« Thid, lança Eglantine. Vérifie qu’il n’y a personne en vue.
– Nos détecteurs assurent qu’il n’y a pas de présence dans les parages, l’informa la créature tentaculaire. Nous pouvons sortir sans risque.
– Parfait. Hal, je te laisse ouvrir la porte pendant que je vérifie que le bébé ne s’érafle pas contre les murs. » Sous le regard émerveillé de Kit, le plafond de la grotte où les stalactites avaient été enlevées s’ouvrit en étoile. L’Otter Space, par une manoeuvre bien huilée, s’éleva au dessus du plafond, puis au dessus du plateau. Il resta un instant stationnaire pendant que l’entrée se refermait, puis s’élança dans le ciel, fendant l’air avec autant de grâce qu’une loutre filant dans une rivière. Le garçon ne revenait pas de la vitesse à laquelle ils se déplaçaient. Il voulut faire part à Bran de son enthousiasme de voir Bourgétoile au delà du canyon, mais se souvint juste à temps qu’il avait promis de ne pas déranger Eglantine. Il se contenta donc d’admirer la vue de la ville de son enfance diminuer et remarqua que Bran faisait de même, avec une expression indéchiffrable. Kit lui adressa un sourire lumineux, que le jeune homme lui rendit. Le garçon se sentait un peu bizarre à l’idée de s’éloigner autant de Bourgétoile, mais il savait qu’il n’avait pas le choix si il voulait retrouver Rielle. Et puis, son futur de pilote l’amènerait également à beaucoup s’éloigner de Bourgétoile. C’était l’occasion de commencer à s’y habituer. Bran lui ébouriffa soudainement les cheveux. Il avait du percevoir les sentiments mitigés de son cadet et venait le réconforter.

Lorsque Kit regarda de nouveau par le hublot, tout était devenu noir autour de l’Otter Space. Tout était noir piqueté de milliard d’étoiles scintillantes. Il resta de nouveau bouche bée face à ce nouveau spectacle. C’était à la fois tellement similaire et différent de la nuit qu’ils avaient passée à la belle étoile, Bran, Rielle et lui. « Bon ! S’exclama soudainement Eglantine qui s’était levée de son poste de pilotage et leur faisait face. J’avais dit que vous pouviez assister au décollage. Maintenant que c’est chose faite, vous allez rejoindre Khouaf, qui va vous initier à la charmante tâche de mousse.
– Où faut il le rejoindre ? s’enquit Bran.
– Oh, je suppose qu’il vous attend, juste derrière la porte. » La capitaine avait raison. Lorsqu’elle actionna le bouton d’ouverture de la porte, la créature reptilienne en bleu de travail tâché les attendait. « Voilà ! Se réjouit Eglantine. Allez y maintenant. Les garçons et moi avons du travail. » Elle les poussa dehors sans ménagement et referma la porte derrière eux. Les deux mousses en herbe considérèrent leur nouveau maître d’un air interrogateur. Celui ci leur rendit leur regard en penchant la tête sur le côté. Kit se dit que la communication risquait de s’avérer un peu difficile.

Rielle essaya de se détendre un peu, en s’adossant au mur de sa cellule et en inspirant profondément et en expirant longuement. La seule visite qu’elle avait reçue, depuis que les hommes en uniformes gris l’avaient enfermée ici, était d’un employé quelconque qui était venu lui apporter de quoi manger. Elle n’avait même pas pris la peine de regarder à quoi cela ressemblait. D’une part, quoi que ce soit, ce serait forcément moins bon que ce qu’elle avait pu manger à l’hôtel de Madame Granger de Bourgétoile durant ces huit dernières années. D’autre part, elle se disait que si elle mourrait de faim, elle ne serait plus très utile à sa propre mère à elle. Et en plus, si elle était livrée en mauvais état, sa mère ne manquerait pas de punir ses ravisseurs. Elle se délectait d’avance de leur faire payer ce qu’ils avaient fait subir à Kit.

En pensant à lui, elle ramena ses jambes contre elle et les entoura de ses bras. En soeur attentionnée, elle se demandait comment il s’en sortait sans elle. Elle se doutait bien qu’il était suffisamment grand pour prendre ses décisions tout seul et agir comme un garçon de seize ans aussi responsable que peut l’être un adolescent de cet âge. Mais elle savait aussi que ce lien qu’ils avaient passé des années à forger était aussi important pour lui qu’il l’était pour elle. Et là, elle se sentait dévastée. Elle avait l’impression qu’on lui avait arraché ce lien et cela lui faisait mal, aussi étrange que cela puisse paraître. Elle espérait qu’il n’était pas aussi affecté qu’elle par leur séparation. Il avait parfois du mal à rester rationnel et elle craignait qu’il ne fasse des bêtises, surtout si elle n’était pas là pour le raisonner.

Elle était déjà satisfaite de savoir qu’il se portait bien. Doug, l’officier qui l’avait enlevée, lui avait dit qu’il était certainement mort car le coup qui l’avait assommé ne lui avait pas été donné de main morte. Heureusement, tout à l’heure elle avait senti qu’il était conscient lorsqu’elle avait réussi à superposer son esprit au sien. Elle n’avait pas encore démêlé le mystère du lieu dans lequel il paraissait se trouver et qu’elle ne connaissait pas, mais il allait bien et c’était l’essentiel ; cela avait réussi à la soulager de son angoisse. Rielle supposa qu’il avait du aller voir Bran. Lorsqu’ils se heurtaient à un problème qu’ils ne pouvaient pas résoudre, Kit et elle allaient toujours voir Bran. Il était toujours posé et savait toujours par quel bout prendre un souci pour le résoudre. Dans le cas présent, elle ne savait pas trop comment le jeune homme allait pouvoir aider son frère, mais elle était certaine qu’il l’aiderait à reprendre du poil de la bête.

Elle avait essayé de joindre Bran, aussi. Sa tentative, en plus d’avoir été maladroite, avait été timide. Depuis qu’elle avait pratiqué son Kells sur lui, elle n’avait pas eu l’occasion de s’ouvrir à son esprit, ni de prendre le fardeau d’éventuelles blessures. Elle ne savait donc pas très bien comment s’y prendre avec lui. Surtout que le don du Kells s’était fait de manière un peu… originale. Au moment où elle s’était approchée pour lui embrasser la joue, il avait tourné la tête et ils avaient échangé un véritable baiser d’amoureux. Cela avait été totalement inattendu et Rielle avait eu l’impression qu’ils en avaient été aussi surpris l’un que l’autre. Ce qui ne les avait pas empêché de continuer jusqu’à ce que le réveil de Kit ne les dérange. Elle se perdit quelques instants dans sa rêverie où elle embrassait Bran. Et des larmes lui montèrent brièvement aux yeux lorsqu’elle réalisa qu’elle n’aurait certainement pas l’occasion de recommencer. Elle enfouit sa tête dans ses bras pour se réconforter, avant de reprendre sa forme d’hippocampe bleu et doré et de se rouler en boule contre le mur. Ainsi prostrée, elle ferma ses immenses yeux noirs de jais et repensa à la nuit dernière, lorsque Bran, Kit et elle s’étaient tous endormis dans les bras les uns des autres. Elle regrettait énormément ce moment chaleureux.

Comme mue par un réflexe, Rielle se déroula d’un coup sans même y penser, et se retrouva soudain sur ses pattes. Tout son être lui criait qu’il était prêt à retrouver ces instants de tendresse, mais qu’il fallait qu’elle agisse pour cela. Le premier instant de surprise passé, elle se sentit déterminée. Elle n’avait absolument aucune idée de comment elle pouvait s’échapper et encore moins de comment elle pourrait retourner à Bourgétoile par elle même. Mais elle allait essayer tout ce qu’elle pourrait. Et, dans les moments où elle serait incapable de s’échapper, elle se promit de mener la vie dure à ses geôliers. Après tout, la fille d’Edward Hammerson et d’Ayla Kree Lai ne pouvait que réussir à se montrer insupportable. En plus, elle était certaine que Kit aurait approuvé l’idée. Pleine de bonne résolution, Rielle commença à inspecter la petite pièce au confort spartiate dans laquelle elle avait été enfermée. Depuis qu’elle avait dévoilé à Bran qu’elle pouvait changer de forme et de volume, elle s’était entraînée à devenir la plus grande et la plus petite possible. Ceux qui la retenaient captive ne se doutaient certainement pas qu’elle était à présent capable de se faufiler dans un trou aussi petit que celui d’une souris.

Rielle laissa échapper un petit rire de gorge. L’aération. Elle pouvait largement passer par là. Et, de là, elle pourrait se rendre dans n’importe quelle partie du vaisseau qui l’emmenait loin de son frère. Elle reprit sa forme humaine et entreprit aussitôt de desceller la grille. Voyant qu’elle avait besoin d’un tournevis ou, du moins, de quelque chose qui pourrait faire office de tournevis, elle balaya rapidement sa cellule du regard. Ses yeux tombèrent sur le plateau repas qui lui avait été laissé. Elle s’empara du couteau en vue de se servir de la lame pour dévisser la grille. Lors de sa première tentative, sa main glissa et elle se coupa légèrement la paume. Elle jura et recommença derechef, ignorant le picotement agaçant de la petite entaille. En faisant plus attention pour ne pas se blesser de nouveau, Rielle parvint à dévisser la grille d’aération. Elle considéra pensivement son oeuvre, tout en se mordillant la lèvre inférieure. Si, une fois passée dans le réseau d’aération, elle laissait ce trou béant, les hommes en uniforme gris sauraient immédiatement par où elle avait réussi à s’enfuir. Et elle ne pensait pas que c’était une bonne idée. Dans tous les cas, il n’y avait pas beaucoup de possibilités de sortir de cette pièce. Mais si ils pouvaient ne pas penser tout de suite à l’aération, ce serait mieux, se disait elle.

En croisant les bras, la grille toujours dans l’une de ses mains, elle prit quelques instants pour réfléchir posément à la question. Elle inspecta de nouveau la grille et passa le doigt entre les ventaux. Un sourire se dessina sur sa figure souvent inexpressive. Sous sa forme animale, elle pourrait certainement faire passer une patte à travers la grille pour pouvoir la visser de nouveau au mur. Ses pattes étaient moins pratiques que des mains mais, grâce à Bran, elle était capable de moduler sa forme pour que ses pattes deviennent de petites mains. Elle avait d’abord pensé à replacer la grille sans la visser, mais étant donné la facilité avec laquelle elle était tombée dès qu’elle avait ôté la dernière vis, cela lui semblait un peu risqué.

2050 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 17

« Je vous présente l’Otter Space, leur déclara fièrement Eglantine et leur désignant le vaisseau.
– Otter Space ? Répéta un Bran un peu perplexe.
– C’est un peu nul, comme nom. » Estima Kit sans aucune diplomatie. Cela lui valut une taloche derrière la tête de la part de la femme au cache oeil, qui n’aimait visiblement pas que l’on dise du mal de sa machine volante adorée. « Pardon… » S’excusa le garçon en jetant un coup d’oeil timide par en dessous à Eglantine qui le fusillait du regard. La mine de cette dernière se radoucit et elle les mena sur l’un des quais en bois qui permettait d’entrer dans l’Otter Space. « Regarde, Bran ! Il y a des loutres peintes de partout, s’exclama joyeusement le garçon. Il faut que Jack vienne voir ça, il va trouver ça marrant, non ? Où est il, d’ailleurs ? » Tout occupé qu’il était à découvrir de nouvelles choses, Kit avait totalement oublié l’existence du rancher, qui les avait pourtant guidés jusqu’à cette cachette secrète.

« Je crois qu’il est parti, supposa son aîné en lançant un coup d’oeil interrogateur en direction d’Eglantine.
– Oui, confirma-t elle. Je n’allais pas laisser un voleur dormir chez moi. C’est un coup à se retrouver dépouillé, ça ! Il est rentré en emmenant ses chevaux.
– Un voleur ? s’étonna Kit. Waaa ! C’est la première fois que j’entre dans un vaisseau avec lequel je vais m’envoler ! » Se réjouit il, oubliant instantanément que le rancher respectable qu’il connaissait, et que tout le monde connaissait à Bourgétoile, venait de se faire accuser de cambriolage. Bran, en revanche, garda cette information à l’esprit. Comme la plupart des personnes majeures de la région, il savait que Jack Peddler avait eu un passé louche avant de devenir l’un des ranchers les plus populaires du coin. L’homme paraissait avoir pris une véritable retraite de ses activités illégales. Bran se disait que, si Jack avait continué de pratiquer quelque peu la contrebande, il s’en serait rendu compte. En effet, lui même vivant au ranch vingt quatre heures sur vingt quatre, il aurait certainement remarqué si il s’y passait quelque chose de louche. De plus, Peddler ne s’absentait jamais du ranch seul et aucune rumeur à ce propos n’avait jamais pris naissance parmi les employés. Le jeune homme en avait conclu que le rancher avait décidé de passer une retraite en toute légalité, loin de tous les problèmes de son passé qui pourraient le rattraper. Néanmoins, il avait gardé certains contacts. Eglantine et son repaire secret au milieu du canyon en étaient la preuve. Bran supposa que Jack devait avoir quelques plans de repli si jamais son passé faisait de nouveau surface. En tous cas, c’est ainsi qu’il agirait, lui.

Il se concentra sur la visite du vaisseau. Ce faisant, il réalisa que cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas mis les pieds dans l’espace. Et ses pensées s’éparpillèrent de nouveau. Il avait fait plusieurs voyages interstellaires durant son enfance. Y compris celui qui l’avait mené dans cet endroit marécageux d’une planète perdue, où il avait rencontré l’ermite qui lui avait enseigné tant de choses. Planète dont il ne connaissait toujours pas le nom, à vrai dire. Peut être n’en avait elle pas ; si ça se trouve, elle était juste répertoriée sous un simple numéro, sans personne pour avoir décidé de la baptiser d’une manière plus affectueuse. Ou, du moins, moins formelle. Il grimaça en pensant à ce voyage. Si il s’était bien terminé avec la rencontre de son maître, il avait eu beaucoup de péripéties désagréables. La plupart étant liées à une fripouille de la pire espèce. Et pourtant, cet homme n’avait pas l’air bien méchant de prime abord. Il avait même plutôt l’air bonhomme, et attendrissait son prochain avec son terrible accident qui lui avait ôté une jambe et une main, remplacés par des membres chromés de moyenne facture. De plus, il était cuisinier à bord du vaisseau où Bran avait embarqué. On pouvait faire confiance à la personne qui préparait la nourriture à tout le monde avec amour, n’est ce pas ? Et bien il s’était avéré que non. Le jeune homme avait été charmé par ce cuisinier estropié qui se montrait paternel avec lui. Mais cela avait été pour mieux profiter de lui. Son maître, le vieil ermite, l’avait aidé à surmonter cet échec de confiance. Sinon il ne se serait certainement jamais mis au service de Jack Peddler qui, par certains côtés, pouvait faire penser à Grand Jean d’Argent. Mais le rancher s’était toujours montré digne de sa confiance, lui.

« Oooh Braaan ! Regaaarde ! » Kit lui secouait frénétiquement la manche. Excité comme une puce, il sautillait en découvrant le cockpit. Il y avait des boutons et des manettes de partout, qui se reflétaient dans les yeux exorbités du garçon en extase. Eglantine semblait assez fière de l’effet de que son Otter Space produisait sur l’adolescent. Mais elle paraissait également prête à intervenir si il lui venait à l’idée de toucher à la moindre de ses précieuses commandes. Bran passa son bras autour de l’épaule de Kit, qui était encore suffisamment plus petit que lui pour qu’il puisse se le permettre. Ceci fait, il adressa un sourire rassurant à la femme au cache oeil. Elle lui sourit en retour. Le jeune homme connaissait cet air béat et protecteur qu’affichaient certains capitaines de vaisseaux à l’endroit de leur précieux bâtiment. Un air aussi fier qu’un parent aurait vis à vis de son nouveau né. Bran avait du mal à comprendre cette attitude. Un pilote, qui avait trop bu, lui avait un jour expliqué qu’un vaisseau n’était pas qu’un simple amas de métal. Mais que cela représentait la liberté de pouvoir se rendre où on voulait. Et que ça, c’était magnifique. L’homme avait eu les larmes aux yeux en disant ses mots, puis avait reprit une longue lampée d’alcool avant de s’écrouler sur la table. Personne n’avait su lui expliquer les choses de manière plus convaincante, du coup il avait laissé tomber le fait de comprendre cette étrange attitude.

En voyant Kit réagir ainsi rien qu’en visitant l’intérieur d’un vaisseau, il émit l’hypothèse que le garçon risquait de devenir l’un de ces fameux capitaines gagas de leur appareil. Il sourit. Son élève à lui avait de l’enthousiasme à revendre et cela donnait un optimisme certain à n’importe quelle opération. Eglantine paraissait parvenir à une conclusion similaire. Elle leur fit donc faire le grand tour du propriétaire, ravie de voir s’épanouir cette ardeur sans faille. Chaque coin de l’Otter Space fut inspecté. Et tous les membres de l’équipage leur furent présentés. Parmi eux se trouvait le dénommé Khouaf, la créature reptilienne en bleu de travail tâché, qui s’était occupée de leurs chevaux lors de leur arrivée au repaire de la femme au cache oeil. Il les considéra en penchant la tête sur le côté, puis leur fit un petit signe de main griffue en signe de reconnaissance. Bran s’imagina qu’il leur souriait. Mais il ne savait pas si c’était vraiment le cas ou si c’était juste sa perception qui était biaisée. Les autres membres de l’équipage d’Eglantine étaient tous aussi disparates, même si la majorité étaient des êtres humains. Pour les autres, il y en avait de toutes les formes, plus ou moins humanoïde. Kit s’intéressa à une sorte de gelée jaunâtre, sans membres ni visage, qu’il taquina du bout du doigt. En réponse, la créature lui enveloppa brusquement la main et entreprit de lui faire subir une pression de plus en plus forte.

« Ouch ! S’écria l’adolescent en se rendant compte que la gelée semblait vouloir lui broyer la main.
– Ca suffit, Renacleriblob, ordonna sèchement Eglantine à l’étrange créature. Il est nouveau : il ne sait pas encore que tu es susceptible. Lâche le ! » La gelée jaune relâcha son emprise sur le garçon avec un mouvement hésitant, comme à contrecoeur. Le contact entre les deux êtres se rompit sur un plop d’avertissement à l’intention de l’adolescent. Un plop presque menaçant. Puis, Renacleriblob tourna le dos à Kit et s’en fut, drapé dans sa dignité. Bran ne savait pas comment cette gelée avait réussi à leur donner l’impression de leur tourner le dos d’un air dédaigneux, mais c’était bel et bien ce qui venait de se produire. « Ne vous formalisez pas de son attitude, leur dit gentiment Eglantine. Il a eu un peu de mal à s’intégrer à cause de certains problèmes de communication inhérents à son état et il l’a mal vécu.
– Inhérent ? Répéta Kit qui ne connaissait pas ce mot bizarre.
– Il n’a pas de bouche, lui expliqua la femme en rajustant machinalement son foulard bariolé sur la tête. Du coup, c’est compliqué pour lui de se faire comprendre des autres. Et ça le frustre beaucoup car, lui, il comprend tout ce que nous disons.
– Oh, compatit le garçon. Ca doit être compliqué. Et à quoi il sert dans l’équipage, lui ?
– Et bien, vu qu’il peut s’étirer, se compresser et prendre n’importe quelle forme, il est très pratique pour se faufiler de partout, exposa Eglantine. Du coup il sert à faire toutes les actions dans des endroits inaccessibles pour nous autres.
– Waaa ! S’enthousiasma l’adolescent. C’est génial ! Et est ce qu’il peut prendre des formes rigolotes ?
– Certainement, mais je doute qu’il ait très envie de se donner en spectacle. Ce n’est pas vraiment son genre. »

Kit absorbait tous les propos d’Eglantine aussi efficacement qu’une éponge. Bran se demanda s’il retenait tout. Un son de flûte, mélodieux et zen, les interrompit. La propriétaire de l’Otter Space porta la main à l’appareil fixé à son oreille et s’enquit : « Allô ? » Elle écouta ce que son interlocuteur avait à lui dire. « Mmhmm, je vois. » Ponctua-t elle le discours à l’autre bout du fil. « D’accord. Oui, je me doutais bien que ça n’allait pas être du boulot de débutant, mec. » Elle hocha la tête, comme si son interlocuteur pouvait la voir. « Très bien, c’est un bon début. Je te revaudrai ça, crois moi ! Merci beaucoup ! » Elle se tourna vers les garçons en arborant un grand sourire.

« Ca y est, un de mes contacts a une piste sérieuse. Nous allons pouvoir commencer la chasse !
– Wahou ! Se réjouit Kit en sautant littéralement de joie. Tu as entendu ça, Bran ? On va retrouver Rielle !
– J’ai entendu, temporisa le jeune homme d’un ton apaisant.
– En route, décréta Eglantine. Je vous autorise à venir avec moi dans le cockpit pour le décollage, mais dès que nous aurons quitté l’atmosphère, je vous laisserai entre les griffes de Khouaf. Il vous expliquera ce qu’il attendra de vous en tant que mousses. Parce que ne croyez pas que vous allez pouvoir vous tourner les pouces en attendant de sauver votre princesse ! Il va vous falloir le mériter, votre voyage, mes lascars ! » En guise de réponse, Kit éclata de rire. La capitaine lui jeta un regard menaçant, en levant un sourcil interrogateur. « Oh, non non non, je ne me moquais pas, pouffa le garçon. Mais il ne faut pas me faire imaginer Rielle en princesse ! » Il rit de plus belle, arrachant un sourire à Bran. « Haha ! Elle va tellement m’en vouloir quand je lui en parlerai ! » Le visage d’Eglantine se radoucit. Elle haussa les épaules et les enjoignit à la suivre de nouveau jusqu’au cockpit.

« On ne touche à rien. » Prévint elle une nouvelle fois, avec un regard appuyé en direction de Kit, qui lui répondit avec un éblouissant sourire. Deux précautions valent mieux qu’une, se disait elle. Ils n’étaient pas seuls dans le cockpit. La femme au cache oeil était secondée par deux copilotes. L’un des deux était humain. Et l’autre, un être tentaculaire.

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