NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 18

Plus ou moins humanoïde dans le sens où il avait de membres et d’une tête que l’on pouvait discerner de son corps, contrairement à Renacleriblob. Même si sa tête était ornée de huit globes oculaires, disposés comme des yeux d’araignée. Il n’avait pas de mandibules, en revanche, mais une bouche qui ressemblait à une bouche humaine en plus lippue. En revanche, les alentours de sa bouche et la peau sur ses joues avaient l’air de se mouvoir, comme des anémones de mer dans le courant. Le garçon supposa qu’il s’agissait de mini tentacules. Il s’obligea à détourner le regard en se rendant compte qu’il le fixait intensément. Kit n’avait encore jamais vu un être de cette espèce. A Bourgétoile, dans l’hôtel de sa mère, il avait déjà eu l’occasion de voir plusieurs races interstellaires. Mais cela restait occasionnel. Le plus gros de la clientèle était humaine. Alors qu’ici, les membres de l’équipage paraissaient vraiment venir de partout. Il se promit de discuter avec le plus de personnes possible durant le trajet, pour en savoir le plus possible sur toutes les planètes où avait éclot la vie.

Lorsqu’il vit qu’Eglantine donnait ses instructions pour lancer le décollage, il s’approcha d’elle discrètement, pour pouvoir observer ce qu’elle faisait sans la déranger. Il se montra tellement efficace dans son approche silencieuse que, lorsqu’elle tourna la tête du côté où il se tenait, elle sursauta de le trouver là. « Qu’est ce que tu fais ici ?
– Je regarde comment tu fais, lui expliqua-t il les yeux brillants.
– Hum, d’accord, accepta-t elle. Mais ne fait pas de bruit et ne touche à rien.
– D’accord. » Le garçon était prêt à tout pour assister à un vrai décollage. Il soupçonnait Hammerson d’avoir souvent exagéré dans ses récits et ses explications. Là, il avait l’occasion de voir tout cela par lui même et il comptait bien ne pas rater une miette du spectacle. Les moteurs vrombirent et les pattes de l’Otter Space quittèrent le sol.

« Thid, lança Eglantine. Vérifie qu’il n’y a personne en vue.
– Nos détecteurs assurent qu’il n’y a pas de présence dans les parages, l’informa la créature tentaculaire. Nous pouvons sortir sans risque.
– Parfait. Hal, je te laisse ouvrir la porte pendant que je vérifie que le bébé ne s’érafle pas contre les murs. » Sous le regard émerveillé de Kit, le plafond de la grotte où les stalactites avaient été enlevées s’ouvrit en étoile. L’Otter Space, par une manoeuvre bien huilée, s’éleva au dessus du plafond, puis au dessus du plateau. Il resta un instant stationnaire pendant que l’entrée se refermait, puis s’élança dans le ciel, fendant l’air avec autant de grâce qu’une loutre filant dans une rivière. Le garçon ne revenait pas de la vitesse à laquelle ils se déplaçaient. Il voulut faire part à Bran de son enthousiasme de voir Bourgétoile au delà du canyon, mais se souvint juste à temps qu’il avait promis de ne pas déranger Eglantine. Il se contenta donc d’admirer la vue de la ville de son enfance diminuer et remarqua que Bran faisait de même, avec une expression indéchiffrable. Kit lui adressa un sourire lumineux, que le jeune homme lui rendit. Le garçon se sentait un peu bizarre à l’idée de s’éloigner autant de Bourgétoile, mais il savait qu’il n’avait pas le choix si il voulait retrouver Rielle. Et puis, son futur de pilote l’amènerait également à beaucoup s’éloigner de Bourgétoile. C’était l’occasion de commencer à s’y habituer. Bran lui ébouriffa soudainement les cheveux. Il avait du percevoir les sentiments mitigés de son cadet et venait le réconforter.

Lorsque Kit regarda de nouveau par le hublot, tout était devenu noir autour de l’Otter Space. Tout était noir piqueté de milliard d’étoiles scintillantes. Il resta de nouveau bouche bée face à ce nouveau spectacle. C’était à la fois tellement similaire et différent de la nuit qu’ils avaient passée à la belle étoile, Bran, Rielle et lui. « Bon ! S’exclama soudainement Eglantine qui s’était levée de son poste de pilotage et leur faisait face. J’avais dit que vous pouviez assister au décollage. Maintenant que c’est chose faite, vous allez rejoindre Khouaf, qui va vous initier à la charmante tâche de mousse.
– Où faut il le rejoindre ? s’enquit Bran.
– Oh, je suppose qu’il vous attend, juste derrière la porte. » La capitaine avait raison. Lorsqu’elle actionna le bouton d’ouverture de la porte, la créature reptilienne en bleu de travail tâché les attendait. « Voilà ! Se réjouit Eglantine. Allez y maintenant. Les garçons et moi avons du travail. » Elle les poussa dehors sans ménagement et referma la porte derrière eux. Les deux mousses en herbe considérèrent leur nouveau maître d’un air interrogateur. Celui ci leur rendit leur regard en penchant la tête sur le côté. Kit se dit que la communication risquait de s’avérer un peu difficile.

Rielle essaya de se détendre un peu, en s’adossant au mur de sa cellule et en inspirant profondément et en expirant longuement. La seule visite qu’elle avait reçue, depuis que les hommes en uniformes gris l’avaient enfermée ici, était d’un employé quelconque qui était venu lui apporter de quoi manger. Elle n’avait même pas pris la peine de regarder à quoi cela ressemblait. D’une part, quoi que ce soit, ce serait forcément moins bon que ce qu’elle avait pu manger à l’hôtel de Madame Granger de Bourgétoile durant ces huit dernières années. D’autre part, elle se disait que si elle mourrait de faim, elle ne serait plus très utile à sa propre mère à elle. Et en plus, si elle était livrée en mauvais état, sa mère ne manquerait pas de punir ses ravisseurs. Elle se délectait d’avance de leur faire payer ce qu’ils avaient fait subir à Kit.

En pensant à lui, elle ramena ses jambes contre elle et les entoura de ses bras. En soeur attentionnée, elle se demandait comment il s’en sortait sans elle. Elle se doutait bien qu’il était suffisamment grand pour prendre ses décisions tout seul et agir comme un garçon de seize ans aussi responsable que peut l’être un adolescent de cet âge. Mais elle savait aussi que ce lien qu’ils avaient passé des années à forger était aussi important pour lui qu’il l’était pour elle. Et là, elle se sentait dévastée. Elle avait l’impression qu’on lui avait arraché ce lien et cela lui faisait mal, aussi étrange que cela puisse paraître. Elle espérait qu’il n’était pas aussi affecté qu’elle par leur séparation. Il avait parfois du mal à rester rationnel et elle craignait qu’il ne fasse des bêtises, surtout si elle n’était pas là pour le raisonner.

Elle était déjà satisfaite de savoir qu’il se portait bien. Doug, l’officier qui l’avait enlevée, lui avait dit qu’il était certainement mort car le coup qui l’avait assommé ne lui avait pas été donné de main morte. Heureusement, tout à l’heure elle avait senti qu’il était conscient lorsqu’elle avait réussi à superposer son esprit au sien. Elle n’avait pas encore démêlé le mystère du lieu dans lequel il paraissait se trouver et qu’elle ne connaissait pas, mais il allait bien et c’était l’essentiel ; cela avait réussi à la soulager de son angoisse. Rielle supposa qu’il avait du aller voir Bran. Lorsqu’ils se heurtaient à un problème qu’ils ne pouvaient pas résoudre, Kit et elle allaient toujours voir Bran. Il était toujours posé et savait toujours par quel bout prendre un souci pour le résoudre. Dans le cas présent, elle ne savait pas trop comment le jeune homme allait pouvoir aider son frère, mais elle était certaine qu’il l’aiderait à reprendre du poil de la bête.

Elle avait essayé de joindre Bran, aussi. Sa tentative, en plus d’avoir été maladroite, avait été timide. Depuis qu’elle avait pratiqué son Kells sur lui, elle n’avait pas eu l’occasion de s’ouvrir à son esprit, ni de prendre le fardeau d’éventuelles blessures. Elle ne savait donc pas très bien comment s’y prendre avec lui. Surtout que le don du Kells s’était fait de manière un peu… originale. Au moment où elle s’était approchée pour lui embrasser la joue, il avait tourné la tête et ils avaient échangé un véritable baiser d’amoureux. Cela avait été totalement inattendu et Rielle avait eu l’impression qu’ils en avaient été aussi surpris l’un que l’autre. Ce qui ne les avait pas empêché de continuer jusqu’à ce que le réveil de Kit ne les dérange. Elle se perdit quelques instants dans sa rêverie où elle embrassait Bran. Et des larmes lui montèrent brièvement aux yeux lorsqu’elle réalisa qu’elle n’aurait certainement pas l’occasion de recommencer. Elle enfouit sa tête dans ses bras pour se réconforter, avant de reprendre sa forme d’hippocampe bleu et doré et de se rouler en boule contre le mur. Ainsi prostrée, elle ferma ses immenses yeux noirs de jais et repensa à la nuit dernière, lorsque Bran, Kit et elle s’étaient tous endormis dans les bras les uns des autres. Elle regrettait énormément ce moment chaleureux.

Comme mue par un réflexe, Rielle se déroula d’un coup sans même y penser, et se retrouva soudain sur ses pattes. Tout son être lui criait qu’il était prêt à retrouver ces instants de tendresse, mais qu’il fallait qu’elle agisse pour cela. Le premier instant de surprise passé, elle se sentit déterminée. Elle n’avait absolument aucune idée de comment elle pouvait s’échapper et encore moins de comment elle pourrait retourner à Bourgétoile par elle même. Mais elle allait essayer tout ce qu’elle pourrait. Et, dans les moments où elle serait incapable de s’échapper, elle se promit de mener la vie dure à ses geôliers. Après tout, la fille d’Edward Hammerson et d’Ayla Kree Lai ne pouvait que réussir à se montrer insupportable. En plus, elle était certaine que Kit aurait approuvé l’idée. Pleine de bonne résolution, Rielle commença à inspecter la petite pièce au confort spartiate dans laquelle elle avait été enfermée. Depuis qu’elle avait dévoilé à Bran qu’elle pouvait changer de forme et de volume, elle s’était entraînée à devenir la plus grande et la plus petite possible. Ceux qui la retenaient captive ne se doutaient certainement pas qu’elle était à présent capable de se faufiler dans un trou aussi petit que celui d’une souris.

Rielle laissa échapper un petit rire de gorge. L’aération. Elle pouvait largement passer par là. Et, de là, elle pourrait se rendre dans n’importe quelle partie du vaisseau qui l’emmenait loin de son frère. Elle reprit sa forme humaine et entreprit aussitôt de desceller la grille. Voyant qu’elle avait besoin d’un tournevis ou, du moins, de quelque chose qui pourrait faire office de tournevis, elle balaya rapidement sa cellule du regard. Ses yeux tombèrent sur le plateau repas qui lui avait été laissé. Elle s’empara du couteau en vue de se servir de la lame pour dévisser la grille. Lors de sa première tentative, sa main glissa et elle se coupa légèrement la paume. Elle jura et recommença derechef, ignorant le picotement agaçant de la petite entaille. En faisant plus attention pour ne pas se blesser de nouveau, Rielle parvint à dévisser la grille d’aération. Elle considéra pensivement son oeuvre, tout en se mordillant la lèvre inférieure. Si, une fois passée dans le réseau d’aération, elle laissait ce trou béant, les hommes en uniforme gris sauraient immédiatement par où elle avait réussi à s’enfuir. Et elle ne pensait pas que c’était une bonne idée. Dans tous les cas, il n’y avait pas beaucoup de possibilités de sortir de cette pièce. Mais si ils pouvaient ne pas penser tout de suite à l’aération, ce serait mieux, se disait elle.

En croisant les bras, la grille toujours dans l’une de ses mains, elle prit quelques instants pour réfléchir posément à la question. Elle inspecta de nouveau la grille et passa le doigt entre les ventaux. Un sourire se dessina sur sa figure souvent inexpressive. Sous sa forme animale, elle pourrait certainement faire passer une patte à travers la grille pour pouvoir la visser de nouveau au mur. Ses pattes étaient moins pratiques que des mains mais, grâce à Bran, elle était capable de moduler sa forme pour que ses pattes deviennent de petites mains. Elle avait d’abord pensé à replacer la grille sans la visser, mais étant donné la facilité avec laquelle elle était tombée dès qu’elle avait ôté la dernière vis, cela lui semblait un peu risqué.

2050 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 17

« Je vous présente l’Otter Space, leur déclara fièrement Eglantine et leur désignant le vaisseau.
– Otter Space ? Répéta un Bran un peu perplexe.
– C’est un peu nul, comme nom. » Estima Kit sans aucune diplomatie. Cela lui valut une taloche derrière la tête de la part de la femme au cache oeil, qui n’aimait visiblement pas que l’on dise du mal de sa machine volante adorée. « Pardon… » S’excusa le garçon en jetant un coup d’oeil timide par en dessous à Eglantine qui le fusillait du regard. La mine de cette dernière se radoucit et elle les mena sur l’un des quais en bois qui permettait d’entrer dans l’Otter Space. « Regarde, Bran ! Il y a des loutres peintes de partout, s’exclama joyeusement le garçon. Il faut que Jack vienne voir ça, il va trouver ça marrant, non ? Où est il, d’ailleurs ? » Tout occupé qu’il était à découvrir de nouvelles choses, Kit avait totalement oublié l’existence du rancher, qui les avait pourtant guidés jusqu’à cette cachette secrète.

« Je crois qu’il est parti, supposa son aîné en lançant un coup d’oeil interrogateur en direction d’Eglantine.
– Oui, confirma-t elle. Je n’allais pas laisser un voleur dormir chez moi. C’est un coup à se retrouver dépouillé, ça ! Il est rentré en emmenant ses chevaux.
– Un voleur ? s’étonna Kit. Waaa ! C’est la première fois que j’entre dans un vaisseau avec lequel je vais m’envoler ! » Se réjouit il, oubliant instantanément que le rancher respectable qu’il connaissait, et que tout le monde connaissait à Bourgétoile, venait de se faire accuser de cambriolage. Bran, en revanche, garda cette information à l’esprit. Comme la plupart des personnes majeures de la région, il savait que Jack Peddler avait eu un passé louche avant de devenir l’un des ranchers les plus populaires du coin. L’homme paraissait avoir pris une véritable retraite de ses activités illégales. Bran se disait que, si Jack avait continué de pratiquer quelque peu la contrebande, il s’en serait rendu compte. En effet, lui même vivant au ranch vingt quatre heures sur vingt quatre, il aurait certainement remarqué si il s’y passait quelque chose de louche. De plus, Peddler ne s’absentait jamais du ranch seul et aucune rumeur à ce propos n’avait jamais pris naissance parmi les employés. Le jeune homme en avait conclu que le rancher avait décidé de passer une retraite en toute légalité, loin de tous les problèmes de son passé qui pourraient le rattraper. Néanmoins, il avait gardé certains contacts. Eglantine et son repaire secret au milieu du canyon en étaient la preuve. Bran supposa que Jack devait avoir quelques plans de repli si jamais son passé faisait de nouveau surface. En tous cas, c’est ainsi qu’il agirait, lui.

Il se concentra sur la visite du vaisseau. Ce faisant, il réalisa que cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas mis les pieds dans l’espace. Et ses pensées s’éparpillèrent de nouveau. Il avait fait plusieurs voyages interstellaires durant son enfance. Y compris celui qui l’avait mené dans cet endroit marécageux d’une planète perdue, où il avait rencontré l’ermite qui lui avait enseigné tant de choses. Planète dont il ne connaissait toujours pas le nom, à vrai dire. Peut être n’en avait elle pas ; si ça se trouve, elle était juste répertoriée sous un simple numéro, sans personne pour avoir décidé de la baptiser d’une manière plus affectueuse. Ou, du moins, moins formelle. Il grimaça en pensant à ce voyage. Si il s’était bien terminé avec la rencontre de son maître, il avait eu beaucoup de péripéties désagréables. La plupart étant liées à une fripouille de la pire espèce. Et pourtant, cet homme n’avait pas l’air bien méchant de prime abord. Il avait même plutôt l’air bonhomme, et attendrissait son prochain avec son terrible accident qui lui avait ôté une jambe et une main, remplacés par des membres chromés de moyenne facture. De plus, il était cuisinier à bord du vaisseau où Bran avait embarqué. On pouvait faire confiance à la personne qui préparait la nourriture à tout le monde avec amour, n’est ce pas ? Et bien il s’était avéré que non. Le jeune homme avait été charmé par ce cuisinier estropié qui se montrait paternel avec lui. Mais cela avait été pour mieux profiter de lui. Son maître, le vieil ermite, l’avait aidé à surmonter cet échec de confiance. Sinon il ne se serait certainement jamais mis au service de Jack Peddler qui, par certains côtés, pouvait faire penser à Grand Jean d’Argent. Mais le rancher s’était toujours montré digne de sa confiance, lui.

« Oooh Braaan ! Regaaarde ! » Kit lui secouait frénétiquement la manche. Excité comme une puce, il sautillait en découvrant le cockpit. Il y avait des boutons et des manettes de partout, qui se reflétaient dans les yeux exorbités du garçon en extase. Eglantine semblait assez fière de l’effet de que son Otter Space produisait sur l’adolescent. Mais elle paraissait également prête à intervenir si il lui venait à l’idée de toucher à la moindre de ses précieuses commandes. Bran passa son bras autour de l’épaule de Kit, qui était encore suffisamment plus petit que lui pour qu’il puisse se le permettre. Ceci fait, il adressa un sourire rassurant à la femme au cache oeil. Elle lui sourit en retour. Le jeune homme connaissait cet air béat et protecteur qu’affichaient certains capitaines de vaisseaux à l’endroit de leur précieux bâtiment. Un air aussi fier qu’un parent aurait vis à vis de son nouveau né. Bran avait du mal à comprendre cette attitude. Un pilote, qui avait trop bu, lui avait un jour expliqué qu’un vaisseau n’était pas qu’un simple amas de métal. Mais que cela représentait la liberté de pouvoir se rendre où on voulait. Et que ça, c’était magnifique. L’homme avait eu les larmes aux yeux en disant ses mots, puis avait reprit une longue lampée d’alcool avant de s’écrouler sur la table. Personne n’avait su lui expliquer les choses de manière plus convaincante, du coup il avait laissé tomber le fait de comprendre cette étrange attitude.

En voyant Kit réagir ainsi rien qu’en visitant l’intérieur d’un vaisseau, il émit l’hypothèse que le garçon risquait de devenir l’un de ces fameux capitaines gagas de leur appareil. Il sourit. Son élève à lui avait de l’enthousiasme à revendre et cela donnait un optimisme certain à n’importe quelle opération. Eglantine paraissait parvenir à une conclusion similaire. Elle leur fit donc faire le grand tour du propriétaire, ravie de voir s’épanouir cette ardeur sans faille. Chaque coin de l’Otter Space fut inspecté. Et tous les membres de l’équipage leur furent présentés. Parmi eux se trouvait le dénommé Khouaf, la créature reptilienne en bleu de travail tâché, qui s’était occupée de leurs chevaux lors de leur arrivée au repaire de la femme au cache oeil. Il les considéra en penchant la tête sur le côté, puis leur fit un petit signe de main griffue en signe de reconnaissance. Bran s’imagina qu’il leur souriait. Mais il ne savait pas si c’était vraiment le cas ou si c’était juste sa perception qui était biaisée. Les autres membres de l’équipage d’Eglantine étaient tous aussi disparates, même si la majorité étaient des êtres humains. Pour les autres, il y en avait de toutes les formes, plus ou moins humanoïde. Kit s’intéressa à une sorte de gelée jaunâtre, sans membres ni visage, qu’il taquina du bout du doigt. En réponse, la créature lui enveloppa brusquement la main et entreprit de lui faire subir une pression de plus en plus forte.

« Ouch ! S’écria l’adolescent en se rendant compte que la gelée semblait vouloir lui broyer la main.
– Ca suffit, Renacleriblob, ordonna sèchement Eglantine à l’étrange créature. Il est nouveau : il ne sait pas encore que tu es susceptible. Lâche le ! » La gelée jaune relâcha son emprise sur le garçon avec un mouvement hésitant, comme à contrecoeur. Le contact entre les deux êtres se rompit sur un plop d’avertissement à l’intention de l’adolescent. Un plop presque menaçant. Puis, Renacleriblob tourna le dos à Kit et s’en fut, drapé dans sa dignité. Bran ne savait pas comment cette gelée avait réussi à leur donner l’impression de leur tourner le dos d’un air dédaigneux, mais c’était bel et bien ce qui venait de se produire. « Ne vous formalisez pas de son attitude, leur dit gentiment Eglantine. Il a eu un peu de mal à s’intégrer à cause de certains problèmes de communication inhérents à son état et il l’a mal vécu.
– Inhérent ? Répéta Kit qui ne connaissait pas ce mot bizarre.
– Il n’a pas de bouche, lui expliqua la femme en rajustant machinalement son foulard bariolé sur la tête. Du coup, c’est compliqué pour lui de se faire comprendre des autres. Et ça le frustre beaucoup car, lui, il comprend tout ce que nous disons.
– Oh, compatit le garçon. Ca doit être compliqué. Et à quoi il sert dans l’équipage, lui ?
– Et bien, vu qu’il peut s’étirer, se compresser et prendre n’importe quelle forme, il est très pratique pour se faufiler de partout, exposa Eglantine. Du coup il sert à faire toutes les actions dans des endroits inaccessibles pour nous autres.
– Waaa ! S’enthousiasma l’adolescent. C’est génial ! Et est ce qu’il peut prendre des formes rigolotes ?
– Certainement, mais je doute qu’il ait très envie de se donner en spectacle. Ce n’est pas vraiment son genre. »

Kit absorbait tous les propos d’Eglantine aussi efficacement qu’une éponge. Bran se demanda s’il retenait tout. Un son de flûte, mélodieux et zen, les interrompit. La propriétaire de l’Otter Space porta la main à l’appareil fixé à son oreille et s’enquit : « Allô ? » Elle écouta ce que son interlocuteur avait à lui dire. « Mmhmm, je vois. » Ponctua-t elle le discours à l’autre bout du fil. « D’accord. Oui, je me doutais bien que ça n’allait pas être du boulot de débutant, mec. » Elle hocha la tête, comme si son interlocuteur pouvait la voir. « Très bien, c’est un bon début. Je te revaudrai ça, crois moi ! Merci beaucoup ! » Elle se tourna vers les garçons en arborant un grand sourire.

« Ca y est, un de mes contacts a une piste sérieuse. Nous allons pouvoir commencer la chasse !
– Wahou ! Se réjouit Kit en sautant littéralement de joie. Tu as entendu ça, Bran ? On va retrouver Rielle !
– J’ai entendu, temporisa le jeune homme d’un ton apaisant.
– En route, décréta Eglantine. Je vous autorise à venir avec moi dans le cockpit pour le décollage, mais dès que nous aurons quitté l’atmosphère, je vous laisserai entre les griffes de Khouaf. Il vous expliquera ce qu’il attendra de vous en tant que mousses. Parce que ne croyez pas que vous allez pouvoir vous tourner les pouces en attendant de sauver votre princesse ! Il va vous falloir le mériter, votre voyage, mes lascars ! » En guise de réponse, Kit éclata de rire. La capitaine lui jeta un regard menaçant, en levant un sourcil interrogateur. « Oh, non non non, je ne me moquais pas, pouffa le garçon. Mais il ne faut pas me faire imaginer Rielle en princesse ! » Il rit de plus belle, arrachant un sourire à Bran. « Haha ! Elle va tellement m’en vouloir quand je lui en parlerai ! » Le visage d’Eglantine se radoucit. Elle haussa les épaules et les enjoignit à la suivre de nouveau jusqu’au cockpit.

« On ne touche à rien. » Prévint elle une nouvelle fois, avec un regard appuyé en direction de Kit, qui lui répondit avec un éblouissant sourire. Deux précautions valent mieux qu’une, se disait elle. Ils n’étaient pas seuls dans le cockpit. La femme au cache oeil était secondée par deux copilotes. L’un des deux était humain. Et l’autre, un être tentaculaire.

1955 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 16

« Tu crois qu’elle était avec nous alors ?
– Bien sûr que non, pourquoi est ce qu’elle serait repartie sinon ? s’enquit Bran d’une voix pâteuse et d’un air perplexe.
– Non, mais je ne disais pas avec nous en vrai, expliqua Kit. Je disais avec nous par l’esprit.
– Par l’esprit ? Je ne vois pas comment elle ferait un truc pareil…
– Et bien elle sait saigner à ma place, alors elle sait peut être faire ça aussi, exposa le garçon qui ne savait pas très bien comment formuler ce qu’il avait en tête.
– Elle m’avait parlé du fait qu’elle pouvait prendre des dégâts à ta place, mais elle ne m’a parlé d’aucun pouvoir psychique… » Le jeune homme réfléchissait tout haut en essayant de s’éclaircir l’esprit.

« Je me demande pourquoi elle ne m’en avait pas parlé, déplora doucement Kit.
– Pour que tu ne t’inquiètes pas.
– C’est vrai que je m’inquiète maintenant, avoua le garçon. Heureusement que je ne me suis pas trop fait mal jusque là !
– Hum… toussota Bran. Oui, heureusement… » Il se disait que ce ne serait pas très gentil de sa part de révéler à son cadet qu’il avait causé plusieurs blessures à sa soeur. Ce n’était pas le moment de lui donner mauvaise conscience pour rien. « Quoiqu’il en soit, maintenant, elle doit être trop loin pour pouvoir encaisser à ta place. Alors, soit prudent.
– Je suis toujours prudent. » Affirma Kit. Son aîné lui jeta un regard éloquent. « Bon, c’est vrai, avoua l’adolescent. Je ferai attention. » Il se tut une seconde, comme frappé d’une illumination. « J’ai une idée ! » S’exclama-t il avant de s’élancer dans la cuisine à côté du salon. Il revint rapidement en brandissant un couteau de cuisine de manière triomphante, sous le regard d’incompréhension de Bran. Il s’agissait d’un très long couteau, très pointu. Certainement un couteau à viande. Bran lui jeta un regard d’incompréhension avant d’écarquiller les yeux d’horreur lorsque le garçon entreprit de planter la pointe du couteau dans son avant bras gauche.

« Mais arrête ! » S’exclama le jeune homme en bondissant à bas du lit, tandis que Kit entreprenait de graver carrément une lettre en grimaçant de douleur. « Tu es fou ! » Bran fit voler le couteau d’un mouvement vif. L’objet alla se planter en vibrant dans le parquet. « Pourquoi est ce que tu as fait une chose pareille ? s’emporta l’aîné pourtant d’habitude si calme.
– Héhé, regarde ! Contra le garçon en lui mettant triomphalement son bras sous le nez. Elle ne doit pas être si loin que ça. La marque s’est un peu effacée ! » Bran jeta un oeil au R majuscule à vif que son cadet à la tête brûlée avait écrit au couteau sur son propre avant bras. En effet, la marque ne saignait déjà plus. Il y avait toujours le R, mais Rielle devait avoir à présent la même marque sur son bras – ou sa patte – à elle. « Tu essaies de communiquer avec elle ? réalisa le jeune homme sur un ton un peu adouci.
– Oui, répondit distraitement l’adolescent en inspectant sa cicatrice en forme de R. Mmmh, ça ne disparaît pas complètement. Oh ! » Il s’interrompit. Il venait d’avoir la brusque impression que l’esprit de sa soeur se superposait au sien et il la sentit de nouveau avec lui, comme durant les huit années qu’ils avaient passées ensemble. Cela ne dura qu’un bref instant. « Elle était là cette fois ! S’écria Kit. J’en suis sûr !
– Comment ça, là ?
– Et ben… Là ! Je ne sais pas comment l’expliquer, se découragea le garçon. Mais elle est partie maintenant. » Il soupira et alla s’affaler dans un fauteuil, les mains sur les yeux. Bran soupira en écho et s’assit sur le bord du canapé lit, juste en face de son cadet.

« On va la retrouver, tu sais, lui assura-t il d’un ton doux.
– Je sais, affirma résolument Kit. Mais elle avait l’air d’avoir peur. Je n’aime pas la savoir toute seule, perdue on ne sait où.
– Moi non plus, lui concéda le jeune homme. J’espère que cette Eglantine pourra la retrouver rapidement.
– Et moi donc ! » Les deux garçons échangèrent un sourire déterminé. A partir du moment où la femme au cache oeil trouverait la piste de Rielle, ils ne la laisseraient pas une seconde de plus que nécessaire entre les mains de ses ravisseurs. Et puis Kit était impatient de faire son premier voyage dans l’espace. Sa mère tenant un hôtel, elle n’avait pas eu la possibilité de l’emmener en vacances en dehors de la planète. Sans compter que, là, Eglantine lui avait dit qu’il pourrait la regarder piloter. Il était certain que cela l’aiderait beaucoup pour son école de pilotes et que cela lui garantirait même une certaine avance. D’ailleurs, il comptait bien lui poser tout un tas de questions et se réjouissait déjà des regards jaloux qu’il n’allait pas manquer de susciter auprès de ses futurs camarades.

Le plus grand se mit à bâiller à s’en décrocher la mâchoire. « Il faudrait peut être aller dormir, suggéra-t il.
– C’est vrai, approuva Kit. Mais j’aurais l’impression d’abandonner Rielle si jamais je vais dormir.
– Ce n’est pas le cas, lui assura Bran en se couchant de nouveau. Si tu vas dormir, tu seras plus en forme pour l’aider demain. Surtout que Jack a dit que toi et moi serions des mousses sur le vaisseau d’Eglantine.
– Ah bon ?
– Tu n’as pas entendu ?
– Non.
– Et bien nous allons bien être mis à contribution, crois moi, le prévint le jeune homme.
– Tu crois que ça va être si dur que ça ? se renseigna Kit.
– Cette Eglantine ne m’a pas l’air d’être quelqu’un à nous laisser nous tourner les pouces, si tu veux mon avis. Du coup, vient dormir, tu vas avoir besoin de force demain. Enfin, tout à l’heure. C’est pareil. » Il bâilla de nouveau, tandis que le plus jeune lui obéissait en le rejoignant. Kit repensa longuement au moment où il avait eu l’impression que l’esprit de sa soeur se superposait au sien et, sur cette pensée qui le réconfortait, il s’endormit de nouveau.

Rielle était désemparée, mais reprenait de l’espoir. Elle s’était demandée avec effroi ce qui arrivait à son bras, supposant que sa mère avait peut être testé quelque chose de nouveau sur elle. Mais elle avait été rapidement rassurée de voir le R majuscule qui s’était écrit sur son avant bras. Cela l’avait à peine picotée. La jeune fille avait pouffé de rire, étouffant le son dans ses mains. Seul Kit pouvait avoir eu une idée aussi idiote, elle en était certaine. Ce qui voulait dire qu’il avait finalement compris qu’elle encaissait les dégâts physiques pour lui. Peut être que c’était Bran qui lui avait expliqué ; même si elle aimait tendrement son frère de coeur, elle savait fort bien qu’il était parfois un peu lent d’esprit. Il ne prenait jamais la peine de réfléchir. Ramenant son bras blessé à elle – elle savait qu’elle allait cicatriser de quelque chose d’aussi dérisoire en quelques minutes seulement – elle entoura tendrement la marque en forme de R majuscule de son autre main et ferma les yeux. Toutes ses pensées se dirigèrent vers Kit. Elle pensait avoir presque réussi à joindre son esprit, tout à l’heure. Le R lui faisait dire qu’il était possible qu’elle ait réussi. Concentrée de tout son être, elle se sentit rejoindre son frère. Elle eût l’impression d’ouvrir les yeux dans un étrange salon, baigné par la pleine lune. Mais un bruit retentit à l’extérieur de sa cellule, qui lui fit réintégrer son corps immédiatement.

Un boucan terrible réveilla les deux garçons en sursaut le matin venu. Du moins, supposèrent ils que c’était le matin. Leur hôtesse soufflait avec enthousiasme dans une corne qui produisait un son qu’on pouvait certainement entendre jusqu’à Bourgétoile. Lorsque Kit se leva, difficilement, du lit, il constata que Bran avait déjà presque fini de s’habiller. Craignant d’être en retard, le plus jeune se précipita sur ses affaires pour rattraper le temps perdu. La corne s’arrêta enfin de beugler et le rire d’Eglantine emplit la pièce. « Hahaha ! Il va falloir vous habituer à ce genre de réveil si vous ne vous levez pas de vous même ! » Les prévint elle d’un ton enjoué. « L’avenir, sur mon navire, appartient à ceux qui se lèvent tôt ! chantonna-t elle. C’est bon ? Vous êtes prêts ?
– Oui ! S’exclama Kit avec autant d’entrain que la femme au cache oeil. C’est parti !
– Non mais oh ! Rétorqua prestement Eglantine. C’est moi qui décide du départ. On ne commence pas à faire les insolents et on écoute les ordres du capitaine. Autrement dit : moi.
– D’accord, capitaine ! » S’enthousiasma de nouveau le garçon. Eglantine roula un oeil perplexe. Mais elle n’allait pas se démonter pour si peu. Elle en avait vu d’autres. Leur désignant le canapé, elle leur ordonna :

« Rangez moi ça, et après je vous montrerai ma chérie, sur laquelle nous allons passer les prochains jours. » Les deux garçons obtempérèrent sans mot dire. Bran dut calmer les ardeurs de Kit, qui avait tellement d’entrain qu’il se laissait emporter et ne se montrait pas efficace dans la tâche assignée. Loin de là. Pendant ce temps, la femme les observait silencieusement, les jaugeant tous les deux du regard. Elle arborait un demi sourire en coin et se tenait appuyée contre le mur, les bras croisés. Lorsqu’ils eurent terminé et qu’ils sollicitèrent son aval, elle s’approcha du canapé, l’inspecta d’un oeil critique, fit bouffer quelques coussins, puis hocha la tête d’un air appréciateur. « Bon. Ce n’est pas trop mal, pour un début. » Commenta-t elle, à la grande joie de Kit. « Comme c’est acceptable, je ne vais pas vous le faire refaire. Suivez moi. » Elle les emmena hors de son appartement, de nouveau dans les couloirs de son repaire. « Je suppose que vous n’avez pas d’affaires ?
– Non, confirma Bran. Nous sommes partis tout de suite.
– Haha ! Bande de têtes brûlées ! S’esclaffa Eglantine. J’aime bien ça. Vous devez vraiment l’apprécier votre amie, elle a bien de la chance. » Alors qu’elle leur faisait parcourir plusieurs couloirs, Kit se demanda quelle taille faisait la structure. Et, comme il n’avait pas l’habitude de garder ses pensées pour lui, il posa la question tout haut. « Une grande partie du plateau, répondit évasivement leur nouveau capitaine. Mais j’avais besoin de place pour stocker ma résidence, ma chérie et mon équipage. Et tous les trucs qui vont autour. Plus diverses pièces pour plus tard ou au cas où. Bref, il me fallait beaucoup de place !
– Et il a fallu combien de temps pour creuser tout ça ? s’enquit le garçon impressionné.
– Pas si longtemps que ça. Une grotte occupait déjà la majeure partie de cet endroit. On a juste du niveler quelques couloirs et salles, rendre praticables d’autres endroits, creuser quelques pièces supplémentaires, des choses comme ça… »

Elle continua de leur expliquer les aménagements qui avaient du être fait dans le plateau du canyon et agrémenta son récit de quelques anecdotes de travaux. Kit perdit rapidement le fil lorsqu’elle se mit à mentionner certains de ses membres d’équipage. Il y en avait trop et, comme il ne pouvait pas mettre de visages sur les noms, tout s’embrouilla très vite dans sa tête. Il oublia instantanément tout ce qu’il essayait vainement de comprendre lorsqu’elle leur ouvrit une double porte et qu’ils pénétrèrent dans une immense salle. Il s’agissait d’une véritable grotte à elle toute seule. Des stalagmites grimpaient de partout et des stalactites hérissaient le plafond de partout, sauf une grande zone circulaire, au centre, d’où elles avaient toutes été enlevées. Un lac souterrain occupait le centre de la salle et, en terme d’eau, l’endroit en était bien fourni puisqu’ils pouvaient entendre des gouttes et des clapotis de tous les côtés. Kit se demanda comment cela se faisait qu’il y avait tant d’eau dans cette grotte alors que le canyon, à l’extérieur, paraissait si sec. Mais personne ne prit la peine de lui répondre. En plus du lac, un vaisseau trônait au centre de la grotte, les trois pattes de son train d’atterrissage posées autour de l’étendue d’eau.

2045 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 15

Comme tout paraissait arrangé – du moins, pour le moment – et que Kit savait ce qui allait se passer les jours suivants, toute la tension qu’il ressentait retomba d’un coup. Il se sentit soudainement très fatigué et ses paupières se fermaient toutes seules, sans qu’il ne réussisse à avoir la moindre prise sur la question. Jack suggéra alors à Eglantine de trouver un endroit où faire dormir ses deux nouveaux mousses. A ce stade là, le garçon commençait à avoir beaucoup de mal à suivre la discussion car tout semblait enveloppé dans du coton et il avait aussi l’impression que ladite discussion était entre coupée, ce qui rendait sa compréhension d’autant plus compliquée. Il perçut quand même que le rancher le ramassa du canapé avant de le poser dans un lit. Rassuré de voir que Bran se trouvait non loin de lui, il sombra bientôt dans le noir complet.

Il se réveilla en sursaut en sentant la présence de Rielle, ainsi qu’une très forte impression de danger immédiat. Il constata qu’il se trouvait toujours dans le canapé du salon d’Eglantine, qui se trouvait désormais être un lit. Bran dormait paisiblement à côté de lui et tout était calme. Rien ne justifiait cette impression de danger immédiat accompagnée d’un sentiment d’urgence qu’il avait ressenti. Comme il ne percevait plus la présence de Rielle, il se dit qu’il avait du rêver. Il sentait de nouveau ce vide causé par l’absence de sa soeur et cela le rendit mélancolique. En faisant attention de ne pas déranger son aîné, il se leva et se rendit jusqu’à la baie vitrée. D’épais rideaux avaient été tirés devant. Il les ouvrit de nouveau et une douce lumière de pleine lune baigna la pièce. Maintenant qu’il était juste devant, il se rendait bien compte que le paysage extérieur était factice. Ce qui ne l’empêcha pas de le contempler pendant de longues minutes. Derrière lui, Bran s’agita. L’adolescent se retourna au moment où le jeune homme se redressait brusquement à son tour.

« Kit ? s’enquit ce dernier d’une voix ensommeillée. Qu’est ce que tu fais debout ? Tu as aussi été réveillé par Rielle ? Elle est là ?
– Euh… Non, non, elle n’est pas là, répondit le garçon. Et comment est ce que j’aurais pu être réveillé par elle alors qu’elle n’est pas là ?
– Je ne sais pas, souffla Bran en se laissant de nouveau tomber sur son oreiller. J’ai vraiment cru qu’elle était là et que nous étions tous en danger.
– J’ai eu la même impression… » Kit s’approcha du canapé lit.

430 petits mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 14

Ils pénétrèrent dans une pièce nue, éclairée d’une lumière jaune artificielle. Une fois qu’ils furent tous entrés, emmenant leurs chevaux avec eux, la porte se referma automatiquement. Lorsque le claquement final retentit, Kit ressentit un frisson. Une autre porte leur faisait face. Mais elle était fermée et il n’y avait que les trois hommes et leurs trois montures à l’intérieur.
« Et maintenant, on fait quoi ? » s’enquit le garçon qui se sentait un peu confiné dans cette pièce avec le présence envahissante des gros animaux. De plus, malgré son attitude débonnaire, il avait l’impression que Jack était un peu tendu. Rielle aurait été fière qu’il ait été capable de remarquer ce fait. D’habitude, il ne faisait attention à rien et c’était sa soeur qui, en discrète observatrice sur son épaule, se chargeait de noter ce genre de choses. En revanche, il ne savait toujours pas quoi faire de ce type d’information. Rielle avait essayé de lui expliquer à maintes reprises, mais il trouvait toujours cela trop compliqué, alors que pour elle cela semblait couler de source.
La porte en face de celle par laquelle ils étaient entrés s’ouvrit soudain, avec un son de bouteille de soda que l’on ouvre. Une femme se tenait dans l’encadrement de ladite porte, fermement campée sur ses pieds. Soutenant le long canon de sa main gauche et l’index de la main droite près de la gâchette, elle mettait le rancher en joue de son oeil valide, qui leur lançait un regard dur. L’autre était dissimulé par un cache oeil. Kit leva les mains, terrorisé, et constata que Bran avait fait de même. « Qu’est ce que tu mijotes, cette fois, Jack ? s’enquit la femme dont la voix ne chantait plus.
– Mais rien voyons, se défendit le rancher. Je suis à la retraite, tu sais bien. Je ne fais plus de coups tordus, ni même quoique ce soit d’un peu répréhensible.
– Ha ! Lâcha sa suspicieuse interlocutrice. Et tu penses que je vais croire ça aussi facilement ? J’ai grandi, au cas où tu ne l’aies pas remarqué. Je ne suis plus la jeune naïve que tu as rencontrée.
– Tu n’es plus si jeune, ironisa Peddler à la grande inquiétude de Kit qui se demandait pourquoi il la provoquait ainsi.
– Haha ! C’est bien ce que je dis. » Appuya la femme en le gardant en joue d’un air déterminé.
Le garçon la regarda plus attentivement. Ses cheveux bruns, retenus en demi queue de cheval par un long foulard coloré dont les pans coulaient sur ses épaules, n’avaient pas la moindre trace de blanc ou de gris. De ce qu’il pouvait estimer, elle était certainement plus âgée que Bran. Mais beaucoup plus jeune que Jack, cela ne faisait aucun doute. Ses bras nus ne trahissaient aucun signe de vieillesse et son corps paraissait en grande santé à travers ses vêtements qui moulaient un peu ses formes. « Voyons, Eglantine, ronronna Jack dans une tentative pour l’amadouer. Tu fais peur aux enfants. Ce n’est pas très très correct, tu ne trouves pas ? » L’interpellée parut alors seulement les remarquer. « Ils sont un peu impressionnables, surtout le plus jeune, continua Peddler. Tu devrais baisser ton arme, qu’ils aient au moins l’impression que nous discutons de manière civilisée. » La femme au foulard bariolé eût l’air d’hésiter, puis suivit le conseil et cessa de les menacer. Kit ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement, même si cela confirmait l’assertion du rancher comme quoi il était impressionnable. Ce qui le vexait un peu. Eglantine fit nonchalamment pivoter son arme de sa main droite, de manière à ce que le canon repose sur son épaule, pointant vers l’arrière. Puis elle s’approcha d’eux, les jaugeant de son oeil unique.
« Mais tu es le jeune qui gagne toutes les compétitions acrobatiques ! s’exclama-t elle en inspectant Bran.
– Oui, confirma modestement ce dernier.
– C’est merveilleux ! se réjouit elle en le serrant contre elle de son bras libre. Je suis une grande fan de ce que tu fais, mais je n’ai jamais pu accéder jusqu’à toi pour discuter. Tu as une sacrée bande d’admirateurs !
– Euh, oui, c’est vrai qu’ils sont un peu envahissants, confirma Bran surpris de la soudaine effusion.
– Je pourrai avoir un autographe ? Supplia presque Eglantine.
– Oui, oui, bien sûr… » Le jeune paraissait complètement désarçonné. Kit, quant à lui, était rassuré en voyant la nouvelle attitude de la femme qui les menaçait précédemment avec une arme. Elle ne semblait plus vouloir les tuer et cela lui suffisait. De plus, il avait l’air de beaucoup aimer Bran et, pour le garçon, c’était un signe qu’elle devait être quelqu’un de bien. Au moins quelque part au fond d’elle.
Elle se tourna alors vers lui. « Tu n’es pas bien grand, toi, lui dit elle malgré qu’il fasse sa taille.
– Il est plus grand que tu l’étais quand je t’ai connue, mentionna Jack qui devait certainement trouver que cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas participé à la conversation.
– Ne me rappelle pas ce moment honni, lui lança-t elle sèchement en le pointant momentanément du canon de son arme avant de le replacer sur son épaule. Quoiqu’il en soit, je n’ai rien contre les petits. Bien. Pourquoi êtes vous ici ? » Bran et Kit s’entre regardèrent. Le plus grand décida de se placer en porte parole et toussota pour s’éclaircir la gorge.
« Nous avons besoin d’aide pour…
– Attend, le coupa soudainement Eglantine. Avant, allons nous installer dans un endroit plus propice à la discussion.
– Euh, d’accord, acquiesça Bran.
– Khouaf ! » Appela-t elle en l’ignorant. Une créature bondissante qui lui arrivait presque à l’épaule fit timidement son apparition par l’embrasure de la porte qui menait vers la suite du repaire. Vêtue d’une combinaison bleue tâchée de graisse et de cambouis, la créature était sans conteste reptilienne, avec toutes ces écailles qui recouvraient son corps et allaient du brun au cuivré. Une longue queue jaillissait de son bleu de travail et ses doigts, bien qu’articulés avec des pouces opposables, étaient griffus. Le – ou la – dénommé Khouaf tenaient ses bras un peu replié devant lui. En revanche, la créature ne portait rien en guise de chaussures. Ses pattes – on ne pouvait clairement pas appeler cela des pieds selon Kit – ressemblaient à des pattes d’émeu avec des griffes plus imposantes. Les chevaux bronchèrent un peu en le sentant arriver, mais Jack les calma d’un mot, avant de déclarer :
« Tiens donc, tu as des petits nouveaux ! Où l’as tu trouvé, celui là ?
– Sur une planète, ironisa Eglantine.
– Bien bien, capitula le rancher. Garde donc tes secrets. Tant que ça ne mange pas mes chevaux, ça ne me dérange pas. » Ajouta-t il en lançant un regard d’avertissement à l’étrange créature reptilienne. Khouaf lui adressa un genre de sourire, du moins est ce ainsi que Kit l’interpréta, en entrouvrant légèrement une gueule généreusement garnie de crocs pointus. Il s’approcha des garçons de son étrange démarche et leur tendit une patte avant en penchant la tête sur le côté, en poussant un étrange bruit de gorge interrogatif. Après un instant d’incompréhension, Bran tendit ses rênes à la créature en bleu de travail et Kit l’imita. Puis, tenant les deux chevaux d’une patte, Khouaf s’approcha ensuite de Jack et tendit son autre patte. Peddler hésita. « Et bien alors, Jack ? Se moqua Eglantine. Tu ne me fais pas confiance ? » Sur un grognement incertain, le rancher tendit à son tour les rênes de sa monture à la créature, qui s’en empara avec précaution et poussa un son d’un air satisfait. « Suivez moi ! Les enjoignit joyeusement la maîtresse des lieux. Même toi, Jack. » Ajouta-t elle d’un ton plus froid. Tous lui emboîtèrent le pas. Peddler fit quelques recommandations à Khouaf avant de les suivre. La créature se contenta de pencher la tête sur le côté et de le fixer d’un air indéchiffrable.
Elle leur fit emprunter un couloir, aussi nu et aseptisé que la pièce où ils étaient, puis un autre, avant d’ouvrir une nouvelle porte qui s’ouvrit sur un ton aussi chuintant que la précédente. Kit écarquilla les yeux. Eglantine les invitait dans un salon spacieux et plutôt richement décoré. Alors que dans les couloirs, le sol était en béton, là il était parqueté et recouvert en plusieurs endroits de tapis moelleux. Un canapé et plusieurs fauteuils bordeaux occupaient la pièce, entre autres meubles. Le moderne côtoyait le – parfois très – ancien. Une immense baie vitrée donnait sur un paysage au bord d’une mer démontée. Kit se demanda brièvement s’ils étaient sur un bateau, avant de réaliser qu’il s’agissait d’un faux paysage. Le canyon ne se trouvait pas au bord de la mer. La femme le changea d’ailleurs pour un champ de blé ensoleillé, après avoir déposé son espèce de fusil dans un râtelier à l’ancienne où se trouvaient d’autres armes de tous acabits et même des objets qui ne ressemblaient pas à des armes, laissant le garçon perplexe.
« Installez vous, les invita-t elle. Ici, nous serons plus confortablement installés pour discuter de ce qui vous amène.
– C’est sympa, chez toi, commenta Jack.
– Je trouve aussi, acquiesça fièrement Eglantine avant de l’avertir plus sèchement : ne salis pas tout avec tes vilaines bottes pleines de purin.
– Voyons, je suis mieux éduqué que ça, la gourmanda le rancher en s’installant délicatement sur le canapé bordeaux avec un regard appuyé. Et mes bottes ne sont ni vilaines, ni pleines de purin. Du moins, pas trop.
– Hmpf, grommela leur hôtesse alors que Kit s’asseyait sur le canapé à côté de Jack et que Bran s’accaparait un fauteuil. Bon, alors, tu avais commencé à me dire ce qui vous amenait ici, reprit elle d’un ton plus charmant à l’intention du jeune homme.
– Oh, oui. En fait, Jack a dit que vous pourriez nous aider…
– Tu peux me tutoyer, l’informa Eglantine en se laissant tomber dans un autre fauteil.
– Oh, euh, d’accord, balbutia Bran pris de court. Donc, Jack a dit que tu pourrais nous aider. La soeur de Kit s’est faite enlever et il parait que tu serais capable de nous mener jusqu’à elle.
– Ca, je ne sais pas, avoua leur hôtesse. Je ne connais pas la soeur de ce garçon, alors comment est ce que je pourrais la retrouver ?
– Parce qu’elle a été enlevée par tes amis les uniformes gris, intervint le rancher.
– Oh. » La mine d’Eglantine se fit pensive. « Mais comment ça se fait qu’ils soient venus jusqu’ici, vous le savez ?
– Oui, affirma Kit avant que qui que ce soit ait eu le temps de répondre. Ils cherchaient ma soeur depuis longtemps, et ils ont fini par l’attraper ce matin… Enfin… Hier je suppose. » Il venait de réaliser qu’il était certainement très tard puisqu’ils étaient arrivés alors que la nuit était bien avancée. Il sentit soudain très las et très fatigué.
« D’où connais tu ces gens ? lui demanda Eglantine.
– Je ne les connais pas, avoua le garçon. Je crois qu’ils travaillent avec la mère de Rielle.
– Rielle ?
– Oui, c’est le nom de ma soeur, expliqua Kit.
– Oh, d’accord. Vous avez donc le même papa ?
– Non plus. En fait, ce n’est pas vraiment ma vraie soeur, avoua le garçon. C’est juste qu’elle et moi avons décidé que nous étions frère et soeur, c’est tout. Et on vivait chez ma mère.
– Cette histoire est très claire, pouffa Eglantine. Continue.
– Bon, il faut peut être que je reprenne du début, supposa Kit.
– Je pense que ça m’aidera à comprendre, approuva la femme au cache oeil. Parce que ton histoire m’intrigue. » Kit acquiesça et inspira profondément avant de commencer :
« En fait, c’est le père de Rielle qui l’a amenée ici pour la cacher de sa mère.
– Encore une histoire de famille compliquée, commenta Eglantine.
– Oui. Il l’a amenée il y a longtemps ! J’étais tout petit à l’époque ; j’avais huit ans. Et il m’a dit que je devais la protéger. Mais je n’ai pas réussi à la sauver des gens en uniforme. Je pense que Ed va m’en vouloir quand il reviendra nous voir…
– Ed ? s’enquit leur hôtesse en levant son sourcil. Son père, je suppose ?
– Oui, confirma le garçon. Il s’appelle Edward Hammerson et c’est son père. »
Eglantine et Jack lui jetèrent des regards interdits. Bouche bée, ils semblaient aussi estomaqués l’un que l’autre. Intrigué, Bran prit la parole : « Vous le connaissez ?
– Bien sûr qu’on le connait ! Répondit le rancher. Tous ceux qui ont un peu bourlingué connaissent LE Edward Hammerson, le géant blond.
– Tout le monde le connait, corrigea la femme au cache oeil qui estimait la précision primordiale. Il fait partie des plus célèbres des fripouilles interstellaires !
– Ah bon ? s’étonna Kit les yeux ronds. Je ne savais pas, moi. Il ne me l’a jamais dit.
– Il n’allait pas te le dire voyons, lui dit gentiment Peddler.
– Pourquoi ?
– Parce qu’il ne devait pas avoir envie que sa notoriété le suive ici, lui expliqua le rancher. Il voulait être tranquille. Ici, personne ne connait le nom de Edward Hammerson, ni ne sait à quoi il est associé et cela lui convient parfaitement, je pense.
– Ah, émit l’adolescent qui n’était pas très sûr de comprendre.
– Et donc, intervint Eglantine, tu es ami avec sa fille ?
– Oui, confirma de nouveau Kit.
– Je ne savais même pas qu’il avait une fille, s’enthousiasma leur hôtesse. C’est génial !
– Pourquoi ? demanda le garçon.
– Parce que maintenant, je sais quelque chose que personne ne sait, se réjouit Eglantine. Je ne savais pas que Ed avait des déboires avec les uniformes gris par contre.
– Moi non plus, précisa Jack. Mais c’est peut être normal, je ne suis plus dans le circuit depuis bien longtemps.
– C’est sûr, l’envoya balader la jeune femme. Tu es vieux et tu n’es plus dans la course, alors arrête d’interrompre ce petit !
– Je te trouve devenue bien insolente, se plaignit le rancher.
– C’est parce que tu t’es affaibli, lui dit dédaigneusement Eglantine. Tu n’arrives plus à encaisser de simples mots.
– C’est ce qui fait le plus mal, protesta Peddler.
– Pfeuh ! lâcha la femme borgne avant de se désintéresser de lui. C’est fabuleux que tu sois ami avec la fille de Hammerson, vraiment, je n’en reviens pas.
– Par contre, intervint de nouveau Jack en ignorant un coup d’oeil assassin d’Eglantine, il va être plutôt furieux lorsqu’il apprendra que sa fille a été enlevée.
– Par les personnes même à qui il voulait la cacher, précisa pensivement leur hôtesse.
– C’est pour ça qu’il faut aller la sauver ! » Pointa Kit qui sentait la conversation s’éloigner du problème principal. Bran l’approuva d’un hochement de tête.
« Il a raison, appuya le jeune homme. Et là nous perdons un temps précieux… Euh, Eglantine, c’est ça ? Est ce que vous… Hem… Est ce que tu pourrais nous aider ?
– Mmmh. » Cette dernière se rassit au fond de son fauteuil, croisa les jambes et joignit les mains devant sa bouche en signe de réflexion. « Mmmh, émit elle de nouveau sur le ton de celle qui a encore besoin de réfléchir pour prendre une décision aussi grave. Oh ! Je ne vous ai même pas proposé à boire, quelle terrible hôtesse je fais ! Attendez un instant. » Elle se leva comme une fusée, disparut dans la pièce d’à côté et revint avec tout un assortiment de bouteilles diverses et hautement variées. Elle les disposa en une véritable forêt de verre coloré sur la table basse qui trônait entre le canapé et les fauteuils. Tandis qu’elle revenait d’un deuxième voyage avec quatre verres qu’elle distribua à tous, elle les invita à se servir.
« Prenez ce que vous voulez et comme vous voulez. » Elle même se servit une rasade d’un liquide ambré, dans la bouteille duquel flottaient diverses choses non identifiées. Pendant que les trois hommes hésitaient en vue du choix phénoménal qui leur était proposé, elle but son verre cul sec et se servit de nouveau. « Quelle histoire ! S’exclama-t elle enfin. Bon, laissez moi récapituler. En gros, vous avez besoin de moi pour retrouver les tuniques grises et leur enlever la fille de Hammerson, c’est bien ça ?
– Oui, répondirent les deux garçons.
– Et la mère de cette petite ferait elle même partie de ces uniformes gris, c’est bien cela ?
– Oui, confirmèrent une nouvelle fois Bran et Kit.
– Je me demande comment Hammerson a bien pu en venir à faire un bébé à une femme pareille, commenta-t elle. Ca me dépasse. Il ne vous en a pas plus parlé ? » Les deux garçons secouèrent négativement la tête. Bran, surtout, qui n’avait même jamais parlé avec Ed.
« Le problème de ces gris là, exposa-t elle ensuite, c’est qu’ils ont plusieurs laboratoires flottants un peu partout et qui se déplacent. Ils ont, bien entendu, aussi des équipements sur diverses planètes. Mais si ils détiennent quelqu’un de si important pour quelqu’un de la carrure d’Hammerson… Si j’étais eux je la baladerais dans l’espace ; c’est bien plus facile pour dissimuler les traces.
– C’est certainement ce que je ferais aussi, commenta Jack qui paraissait ne pas réussir à se retenir de mettre sans arrêt son grain de sel dans la conversation.
– Mais, du coup, continua Eglantine en ignorant la remarque de Peddler, ça va aussi être difficile pour moi de les pister… J’y pense : vous avez prévenu Hammerson que sa fille a été enlevée ?
– Non, répondit Kit. Je n’ai aucun moyen de le contacter.
– Mmmh. De toutes façons, je ne suis pas certaine que même lui arriverait à les retrouver…
– Ca veut dire que tu ne peux pas nous aider ? s’inquiéta le garçon dont la déception voilait la voix.
– Ce n’est pas ce que j’ai dit ! S’exclama joyeusement Eglantine. Si il y a bien quelqu’un, dans cet Univers, qui peut chasser les uniformes gris, c’est moi ! Sans vouloir me vanter, bien sûr.
– C’est vrai ? S’illumina Kit en même temps qu’un sourire naissait sur le visage de Bran qui se montrait particulièrement silencieux.
– Vrai de vrai, lui assura la femme au cache oeil en se servant une nouvelle rasade de boisson. Votre demande à ton ami et toi m’intéresse. Je ne sais pas encore ce que je pourrai gagner de palpable en vous aidant, mais la simple idée de mettre des bâtons dans les roues des gris me suffit comme accompte.
– Génial ! S’écria le garçon en sautant du canapé.
– En revanche, j’ai tout de même quelque chose à vous demander en échange, nuança Eglantine d’un ton grave son oeil unique jetant un éclair.
– Quoi donc ? S’enquit Bran d’une voix tendue par l’inquiétude.
– La prochaine fois que vous croiserez Hammerson, je veux être là. Et obtenir un autographe. »
Les garçons éclatèrent de rire. Ils rirent de soulagement, surtout, mais aussi du décalage des préoccupations de cette étrange femme qui arborait un foulard bariolé et un cache oeil. Kit n’arrêtait pas de se demander pourquoi elle portait un cache oeil d’ailleurs. Cela le fascinait et il avait du mal à s’empêcher de le regarder fixement. Il craignait qu’elle ne lui demande d’un coup ce qu’il avait à regarder comme ça, parce qu’il serait obligé de lui répondre qu’il fixait son cache oeil, et cela la vexerait peut être. Or il n’avait pas du tout envie de froisser la personne qui avait accepté de les aider à retrouver Rielle.
« Et comment comptez v… comptes tu qu’on se rende dans l’espace ? s’enquit Bran.
– Et bien, j’ai un vaisseau, bien sûr, balaya Eglantine comme si c’était évident.
– Waaa ! S’exclama Kit. Tu as un vaisseau à toi et tout ?
– Bien sûr, acquiesça leur hôtesse avec un grand sourire. Et c’est le plus chouette vaisseau de tout l’Univers, je vous le garantis !
– Et il est où ? Continua le garçon dont la curiosité d’avait désormais plus de bornes. Au spatioport de Bourgétoile ?
– Oh, non, bien sûr que non. Quelle drôle d’idée ! Il est là, dans mon repaire, avec moi.
– Waaa ! S’exclama une nouvelle fois Kit qui avait du mal à varier ses exclamations. Est ce que je pourrai le piloter ?
– Non.
– Est ce que je pourrai toucher des boutons ?
– Non.
– Est ce que je pourrai au moins toucher un levier ?
– Non.
– Est ce que je pourrai sortir dans l’espace en combinaison ?
– Non.
– Est ce que je pourrai te regarder piloter ?
– Peut être.
– Youpiii ! » Kit se mit à bondir de joie de partout dans le salon d’Eglantine, qui le fixait d’un air perplexe. Elle ne paraissait pas avoir l’habitude de rencontrer des personnes aussi excentriques qu’elle et se montrait un peu décontenancée.

3452 mots + les 60 petits mots d’hier ^^

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 12

Le garçon sentit les questions se bousculer dans sa tête, mais le rancher s’était déjà mis en route. « Tu préfères passer devant moi ou derrière ? s’informa Bran.
– Je ne sais pas… Derrière ?
– C’est comme tu veux, mais choisis vite avant que Jack disparaisse.
– Passe devant. » Décida l’adolescent. Son aîné acquiesça et commença à suivre le rancher. Kit lui emboîta le pas. L’étroit sentier qui permettait de descendre dans le canyon n’était, au final, pas si étroit que ça. Un cheval pouvait aisément s’y mouvoir. « Je croyais que ça aurait été plus dangereux, glissa le garçon tout bas à Bran qui le précédait.
– Il nous aurait fait descendre de cheval si ça avait été le cas, lui révéla alors ce dernier.
– Il plaisantait tout du long alors ?
– Qui sait ? Je pense qu’une partie de ce qu’il nous a dit était vraie. Alors reste tout de même prudent. » Kit se demanda si le jeune homme le taquinait aussi ou si il était sérieux.

Le chemin, malgré qu’il soit un peu abrupt par endroit, parut durer une éternité au garçon. Il se rendit compte qu’il s’ennuyait rapidement sans personne avec qui discuter. Il avait fait plusieurs tentatives auprès de Bran, mais celui ci ne paraissait pas très loquace. Il dut prendre son mal en patience pendant cette interminable descente. Alors que son esprit vagabondait, il commença à se dire qu’ils auraient pu prendre un vrai moyen de transport jusqu’au canyon et, ensuite, terminer à pieds. D’après lui cela aurait été beaucoup plus rapide. Mais en constatant qu’après la descente, ils n’étaient toujours pas arrivés à destination, il révisa son jugement et se concentra sur les pas de sa monture qui suivait sagement celle du jeune homme devant lui. Jack les mena dans les méandres du canyon pendant encore bien longtemps. Le garçon n’arrivait pas à estimer depuis combien de temps ils chevauchaient ainsi. De plus, il était complètement perdu et aurait été bien en peine de rentrer chez lui. Sans compter que, la nuit avançant, il se mettait à bâiller à répétition. Lorsque Jack s’en rendit compte, il ne se priva pas de le taquiner à ce propos. Kit tenta de se forcer à ne plus succomber à son réflexe, mais cela s’avéra bien plus difficile que ce qu’il pensait. Il n’avait jamais essayé de s’empêcher de bâiller auparavant !

Au bout d’un interminable moment, le rancher les fit descendre de cheval. « Nous sommes arrivés ? s’étonna Kit qui avait l’impression qu’ils se trouvaient au beau milieu de nulle part.
– Pas encore, pouffa Jack. Regarde, nous sommes au milieu de nulle part ! Réfléchi un peu, voyons ! Mais rassure toi : nous sommes maintenant plus près de l’arrivée que du départ. » Le garçon leva les yeux au ciel. Il avait encore l’impression que l’homme se payait sa tête. Il jeta un coup d’oeil à Bran, cherchant du soutien. Mais celui ci se contenta de lui adresser un petit sourire absent, tout en caressant machinalement sa monture. Il se voulait certainement rassurant, mais ce n’était pas assez explicite pour Kit ; il soupira tandis qu’ils emboitaient de nouveau le pas à Peddler, menant leurs chevaux par la bride. Le rancher leur fit emprunter un petit sentier, plus étroit que celui qui leur avait permis de descendre dans les méandres, qui montait sur une des parois qui les entourait. Le garçon commençait à se sentir vraiment las de ce voyage. Il était fourbu. Fatigué, il avait mal aux fesses et aux jambes. Chacun de ses pas était douloureux après cette longue balade à cheval. Mais il ne se plaindrait pour rien au monde : Jack se moquerait de lui et Bran serait certainement déçu. Or Kit ne souhaitait ni l’un, ni l’autre. Néanmoins, il se demandait ce qu’il allait encore devoir endurer et, surtout, pendant combien de temps.

Alors qu’il se plaignait tout seul dans sa tête – à défaut de pouvoir communiquer avec Rielle qui, elle, l’aurait compris – le rancher et sa monture disparurent brusquement de son champ de vision. Il se rendit alors compte qu’il s’était un peu laissé distancer par les deux adultes, presque en même temps que Bran disparaissait à son tour. Le chemin semblait s’arrêter au milieu de la paroi et Kit sentit son coeur s’emballer en ne voyant que du vide de partout. « Euh… Attendez moi ! » Lança-t il en accélérant le pas. Il se morigéna rapidement de sa frayeur. Le chemin continuait tout simplement le long de la paroi. Cette dernière tournait presque à angle droit, ce qui lui avait donné cette impression de fin. En débouchant après le tournant, il constata que le sentier entrait carrément à l’intérieur de ladite paroi en continuant dans la même direction et qu’il ne montait plus. Cette entrée ne pouvait pas être décelée à moins de se trouver juste devant elle, comme Kit maintenant. Après avoir constaté que la lanterne de Jack continuait dans le couloir ainsi formé, il se rendit compte que Bran l’attendait en arborant une mine aussi interrogatrice que soucieuse.

« Tu nous as appelés ? s’inquiéta le jeune homme. Tout va bien ?
– Non non, enfin, oui tout va bien, lâcha le garçon. C’est juste que je ne vous voyais plus, c’est tout. » Bran hocha la tête d’un air grave et se mit de nouveau en marche, sa monture lui emboîtant le pas. Kit et son propre cheval les suivirent. Ils rattrapèrent rapidement Jack. « Quel est cet endroit ? souffla l’adolescent.
– Une grotte, répondit joyeusement le rancher en laissant sa voix se réverbérer d’innombrables fois contre les murs de pierre ocre. Mais il s’agit aussi de l’entrée du domaine de la personne dont je vous ai parlé.
– Un domaine ?
– Oh, oui, je sais bien, cela ressemble fort à un simple couloir de prime abord, confirma Jack Peddler. Mais ne te laisse pas berner par cette apparence grossière.
– C’est une grotte naturelle ? s’enquit à son tour Bran.
– En partie seulement. Mais je ne voudrais pas vous gâcher la surprise, je ne vous dirai plus rien maintenant. »

Bien sûr, Kit tenta de poser d’autres questions, mais Jack se contentait de pouffer à chaque fois. Ils parvinrent bientôt à un élargissement du couloir, qui faisait penser à une pièce. Et, dans cette pièce, se trouvait une porte qui ressemblait à une porte de garage et qui ouvrait vers l’intérieur du plateau. Du moins était ce l’estimation qu’un observateur extérieur pouvait en faire. Pour le moment, ladite porte était fermée. « Pourquoi il y a une porte ici ? questionna Kit. Et comment est ce qu’on entre ?
– Tu poses beaucoup de questions, commenta le rancher en éludant soigneusement les interrogations du garçon.
– C’est normal, expliqua l’adolescent sans se démonter. La plupart du temps, personne ne me répond. Alors si j’en pose plein, j’ai plus de chances d’avoir des réponses. Ca parait logique. » Sa réflexion fit rire Jack et provoqua une bourrade amicale de la part de Bran. Le rancher tapota la paroi à côté de la porte et, avec un grognement satisfait, il souffla dessus en provoquant un petit nuage de poussière ocre. Cela révéla un interstice qui indiquait une petite ouverture dans le mur. Il l’ouvrit et découvrit un antique interphone. Après avoir adressé un clin d’oeil de connivence aux deux garçons, Jack appuya sur un bouton. Un bruit affreux retentit, qui fit penser Kit à une alarme. Ils attendirent quelques secondes, puis l’interphone émit un grésillement, bientôt couvert par une voix féminine qui s’enquit platement :

« Oui ?
– Salut ma douce, c’est Jack.
– Tiens donc ! Salut Jack, chantonna la voix. Qu’est ce que tu viens faire par ici ? Je te manquais, c’est ça ?
– Toujours, ronronna le rancher sous les regards incrédules de ses deux spectateurs. Tu me laisses entrer dans ton repaire ?
– Je ne sais pas, articula la femme d’une voix toujours chantonnante. Qu’est ce que tu m’as amené de beau pour mériter de mettre les pieds chez moi ?
– De la chair fraîche, répondit Peddler. Deux beaux spécimens ! » Kit voulut protester, mais Bran le bâillonna de sa main et lui fit signe de se taire. « Tu ne le regretteras pas, crois moi ! Se vanta ensuite le rancher.
– Vraiment ? S’étonna la voix à l’autre bout de l’interphone. C’est étonnant que tu ne me demandes rien. D’habitude tu ne viens que lorsque tu as un service à me demander. » Tous trois notèrent le ton suspicieux. Jack fit alors son plus beau sourire, en espérant que son interlocutrice l’entendrait, et plaida :

« Voyons, tu peux bien nous laisser entrer, au moins en souvenir du bon vieux temps… » La personne à l’interphone renifla, ce qui ne parut pas de bon augure à Kit. Mais il avait tort de s’inquiéter, car la porte de garage s’ouvrit en même temps que l’interphone s’arrêtait de grésiller. Jack referma soigneusement le boitier dissimulé dans la paroi et adressa un sourire rassurant à ses deux jeunes accompagnateurs. « Vous verrez, les prévint il. Elle n’a pas toujours un caractère facile, mais avec elle vous trouverez forcément votre amie. » Lorsque la porte se trouva entièrement ouverte, le rancher leur fit signe de le suivre.

1620 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 11

– Moi ? Lâcha Jack en s’esclaffant de nouveau. Oh non, j’ai passé l’âge de ces bêtises ! Et puis vous seriez certainement plus en danger si je venais avec vous. Contrairement à ce qu’on pourrait penser étant donné ma charmante personnalité, il y a pas mal de personnes qui ne m’aiment pas beaucoup dans la galaxie.
– Effectivement, c’est difficile à croire, ironisa Bran.
– Dis donc, montre toi respectueux envers ton employeur, jeune homme, le gourmanda le rancher en se levant. Bien ! Je ne vais pas aller dans les étoiles avec vous, mais je vais vous emmener voir la personne dont je vous ai parlé.
– C’est gentil de nous aider ! » Se réjouit Kit avec un grand sourire.

Il se sentait soulagé que quelqu’un lui ai enfin offert une solution pour qu’il puisse partir à la recherche de sa soeur. En pensant à elle, sa mine s’assombrit. Il se demandait si elle allait bien et si elle avait aussi repris conscience. Le garçon ressentait un terrible vide depuis qu’il était lui même tombé dans les pommes. Comme si, en enlevant Rielle, les hommes en uniformes lu avaient arraché une partie de lui. De plus, il lui semblait aussi manquer d’une partie de sa réflexion. Il avait pris l’habitude de réfléchir tout haut, puis la petite créature bleue et dorée lui donnait son point de vue et ils avaient pris l’habitude de faire avancer n’importe quelle réflexion à deux. Maintenant qu’il n’avait plus la petite voix qui chuchotait à son oreille, il trouvait le monde bien silencieux et il se sentait vraiment très seul. « Par contre, petit, lui dit Jack alors que Kit se levait. Il ne faut pas t’agiter autant juste après avoir pris un vilain coup sur la tête. C’est dangereux. Et tu n’arriveras pas à sauver ta soeur si tu meurs, d’accord ?
– Ca parait logique, acquiesça le garçon avec un sourire.
– Tu serais surpris de nombre de gens qui manque de bon sens élémentaire. Allez, venez donc, les morveux. Arrêtez de bavasser comme des pipelettes. »

Les deux jeunes gens lui emboîtèrent le pas, tandis qu’il rugissait à Andy de lui trouver trois chevaux sellés et des provisions pour un jour de trajet. « Un jour complet ? s’affola Kit qui s’inquiétait de perdre du temps dans la poursuite des ravisseurs de Rielle.
– Un jour complet, confirma Jack. Mais le temps que tu perds maintenant, tu vas vite le récupérer, crois moi ! » De toutes façons, il n’y avait pas d’autre choix, semblait il. Bran tapota gentiment l’épaule de son cadet pour le rassurer ; Kit lui adressa un sourire incertain. Le jeune homme lui fit un clin d’oeil. Andy revint bientôt, amenant trois chevaux harnachés avec lui. « Je t’avais demandé des provisions avec ! Lui reprocha le rancher en faisant de gros yeux.
– Je sais ! Plaida l’apprenti essoufflé. J’y allais !
– Et bien fait plus vite que ça. » Décréta Jack, tandis qu’Andy détalait de nouveau.

« Pourquoi est ce que tu te montres aussi exigeant avec lui ? s’enquit curieusement Bran.
– Parce que c’est ce dont il a besoin celui là, expliqua le rancher en vérifiant les sangles des selles. Vous pouvez monter. » Ils obtempérèrent. « Suivez moi maintenant, continua-t il en mettant son cheval au pas et le dirigant vers la sortie du ranch.
– Et les provisions ? s’étonna Kit.
– Elles vont arriver à peu près au moment où nous allons passer la barrière, prophétisa Jack sur le ton de la conversation.
– Tu vas le dégoûter du travail, le prévint Bran.
– Ah ces jeunes ! S’exclama le rancher d’un air dramatique. Ils croient tout savoir… Tu verras, quand mon âge tu auras, plus sagace tu seras. Et tu martyriseras les petits qui en ont besoin. » Comme prévu, un peu avant que les trois cavaliers n’arrivent à la barrière, Andy sortit du bâtiment et écarquilla les yeux en les voyant presque partis. Il piqua un sprint pour amener les provisions. « C’est pas trop tôt ! Commenta Jack. Tu peux retourner à tes corvées, garçon. » L’apprenti obéit sans rechigner.

Kit se disait qu’il n’aurait pas aimé être traité de la sorte, mais le travail au ranch de Jack Peddler n’était pas réputé simple. Le rancher demandait le meilleur de tous ses employés et certains se décourageaient. En fait, travailler pour lui était devenu la meilleure des recommandations dans la région. De toutes façons, Kit avait décidé d’être pilote, du coup cela ne le concernait pas. Il était certain que c’était ce que Rielle lui aurait dit en aparté, avec un petit ton ironique. Il soupira. C’était étonnant de constater qu’après seulement quelques heures d’absence, elle lui manquait autant. Il avait vraiment pris l’habitude d’avoir cette sorte d’extension d’esprit à côté de lui en permanence.

Jack les mena dans la zone désertique qui s’étendait au nord de Bourgétoile. Il ne s’agissait pas d’un désert à proprement parler, mais la zone n’en était pas moins aride. Heureusement, Andy leur avait fourni des gourdes remplies. « Pourquoi n’y allons nous pas avec un vrai moyen de transport ? demanda soudainement Kit qui trouvait que les chevaux n’allaient pas très vite.
– Ah, je me demandais quand l’un de vous deux allait me poser la question, se réjouit le rancher avec un immense sourire. La personne chez qui je vous emmène tient beaucoup à sa tranquillité. Son lieu de résidence est dans un endroit difficile d’accès et impossible avec les véhicules dont je dispose. Par conséquent, nous perdrions du temps. Et ce n’est pas ce que tu veux, n’est ce pas, petit ?
– Bien sûr que non, acquiesça le garçon. Et les chevaux ne peuvent pas aller plus vite ?
– Haha ! S’esclaffa Peddler. La fougue de la jeunesse. Ca te rassurerait d’aller plus vite, même si ça ne changerait pas grand chose au final ?
– Oui, avoua Kit.
– Bien, accélérons, dans ce cas. »

Jack talonna sa monture, qui s’élança d’un petit galop. Les deux autres suivirent. Kit se trouva secoué ; il n’avait pas souvent eu l’occasion de monter à cheval, même si Bran leur avait appris les bases à Rielle et lui. Il avait encore moins l’habitude de se retrouver sur un de ces animaux au galop. Il se cramponna au pommeau de la selle pour ne pas tomber. Le garçon regretta bientôt sa demande. Ses jambes, ses fesses et ses bras crispés commencèrent rapidement à lui reprocher sa proposition. Mais il serra les dents, n’ayant pas envie de revenir sur sa décision. Il ne voulait pas perdre de l’estime ni auprès du rancher, ni auprès de Bran. La trajet jusqu’à la première pause lui parut durer une éternité. Il descendit de sa monture avec délectation et s’étira longuement, tandis que Bran s’occupait de faire boire les chevaux. « Alors, demanda Jack au plus jeune. Qu’est ce que tu penses de notre nouvelle allure ?
– C’est encore très lent, éluda Kit. Mais puisqu’il n’y a pas le choix, je m’en contente. Je pense que nous irions plus vite à dos d’Andy, en fait. »

Sa fanfaronnade fit rire le vieux rancher, qui continua de rire en inspectant les jambes et sabots des chevaux pour vérifier que tout allait bien. « Certainement, approuva Jack après avoir fini son inspection. Mais les chevaux ont plus besoin de soins hahaha ! » Le garçon fit quelques pas pour se dégourdir les jambes. Il avait encore l’impression de sentir le cheval bouger sous lui et cela le dérangeait. Malgré toute la hâte qu’il ressentait, il trouva que la pause ordonnée par le rancher n’avait pas duré assez longtemps. Il remonta douloureusement sur le dos de sa monture et, comme Peddler lançait de nouveau la sienne au galop, le garçon talonna son cheval à contrecoeur. La suite de la journée s’écoula de manière morne et douloureuse du point de vue de Kit. Il se promit de se faire grassement récompenser par Rielle une fois qu’il l’aurait secourue.

Au bout de plusieurs heures de chevauchées, le paysage se mit à changer en même temps que le soir tombait. Le relief se fit plus abrupt et ils débouchèrent sur les hauteurs d’un véritable canyon. Kit n’était jamais allé aussi loin dans cette direction. Il n’avait donc jamais vu ce paysage grandiose. L’effet orangé du sol était magnifié par le coucher de soleil qui illuminait tout d’une couleur si intense qu’elle en paraissait presque surnaturelle. Comme ils étaient presque au bord d’un plateau, le garçon ne put s’empêcher de demander : « Et maintenant, on va où ?
– Quelque part en bas, lui révéla Peddler
– Mais comment on va descendre ? s’inquiéta Kit.
– Pourquoi tu poses sans arrêt des questions, comme ça ? le gourmanda gentiment Bran. Fait donc confiance à Jack : il sait ce qu’il fait. » Ce dernier riait dans son coin. Il paraissait trouver le garçon hilarant à chaque fois qu’il ouvrait la bouche et Kit ne savait pas si il devait s’en sentir flatté ou offusqué.

« Bien ! Ca suffit les bêtises ! Décréta soudainement le rancher. Allumons les lampes pour que les chevaux ne se fassent pas mal dans l’obscurité. » Ainsi firent ils, obéissant avec diligence. Jack Peddler leur laissa une petite pause avant de se lancer dans le canyon proprement dit. Il en profita pour leur faire quelques recommandations. « Je vais vous emmener dans un environnement dangereux, les prévint il. Vous devrez être très fermes avec vos chevaux car nous allons arpenter des chemins qui surplombent le vide et le moindre écart pourrait vous tuer. Et ça serait beaucoup moins pratique pour sauver votre amie, n’est ce pas ? » Il leur adressa un clin d’oeil moqueur. « Il faudra que vous fassiez très attention à la faune. Il y a des lézards de feu qui logent dans les creux des parois. Leur morsure est venimeuse et le contact de leur peau hautement irritant. » Il continua de faire la liste de tout ce dont il fallait faire attention lorsqu’ils pénètreraient dans le canyon. Kit commençait à s’inquiéter face à la liste exhaustive que leur servait le rancher. Ce dernier paraissait prendre grand plaisir à leur expliquer toutes les choses horribles qui pouvaient leur arriver pour la suite de leur trajet. « J’espère que vous avez bien tout retenu ! Conclut il. Sinon ce n’est même pas la peine de me suivre !
– Les lampes éclairent assez pour que les chevaux ne tombent pas dans le vide ? s’enquit Kit.
– Tout à fait, confirma Jack. Bien, maintenant que vous avez posé vos questions, allons y gaiement ! »

1750 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 10

« Andy, trouve moi Bran le plus vite possible, et ramène le moi dare dare ! » Constatant que le petit apprenti ne bougeait pas, Jack reprit : « Maintenant Andy ! Nom de nom… » Le garçon détala. « Ce n’est pas possible, ces gosses. » Ronchonna le rancher en pénétrant dans le bâtiment. Il déposa Kit sur un canapé et alla chercher son Special Jack, qu’il distillait lui même. La majeure partie était pour sa consommation personnelle et celle de ses employés, mais il lui arrivait d’en vendre des échantillon de temps à autre en vantant les vertus désinfectantes du produit et le fait qu’il faisait garder la ligne. Il se montrait lui même en exemple, arguant qu’il ne serait pas si bien conservé si il ne buvait pas de son Special Jack. Se disant que ça serait peut être un peu violent d’en verser dans le gosier de l’adolescent évanoui, il se contenta de lui faire sentir le contenu tout en lui administrant de petites tapes sur les joues pour le réveiller. Le garçon finit par ouvrir péniblement les paupières et parvint à les faire papillonner. Il semblait avoir du mal à faire la mise au point mais, au moins, il était conscient, ce qui était une sérieuse amélioration selon Jack.

Kit parut se souvenir brusquement de quelque chose et se redressa brutalement d’un coup. « Ho, on se calme, lui enjoignit le rancher roux en le recouchant d’autorité.
– Mais, il faut que je trouve Bran, plaida l’adolescent d’un air hagard.
– J’avais compris ça ; je l’ai envoyé chercher. » Kit parut se rasséréner un peu. « Reste là, reprit Jack. Je vais t’amener quelque chose à boire. » Une fois qu’il se fut assuré que le petit mal en point qu’il avait ramassé se tiendrait tranquille, l’homme alla lui chercher un verre d’eau. « Tiens, bois, lui enjoignit il.
– Il arrive quand, Bran ? s’enquit l’adolescent.
– Bois, répéta Jack. Je te répondrai après. » Kit avala le contenu du verre d’un trait et renouvela sa question. « Par les anciens de la Vieille Terre ! Qu’il est pénible celui là ! S’exclama le rancher. Il arrivera quand il pourra. Mais rassure toi, il n’était pas parti depuis très longtemps, du coup il sera là d’une minute à l’autre. En attendant, si tu me racontais ce qui t’amène là, garçon ?
– Je ne sais pas trop si c’est une bonne idée… Hésita Kit qui avait été bien échaudé par les évènements de la journée.
– Allons, petit, tu sais bien que tu peux tout dire au vieux Jack ! Argumenta ce dernier qui était vraiment curieux d’en comprendre un peu plus sur les propos décousus du garçon avant qu’il ne perde connaissance.
– Et bien, c’est que c’est grave, contra l’adolescent.
– Ne soit pas inquiet pour ça, le rassura Jack. Tel que tu me vois, j’en ai vu d’autres. »

L’adolescent parut réfléchir et prendre une décision. Mais, au moment où il allait parler, la porte claqua contre le mur et Bran fit irruption dans la pièce. Le visage de Kit s’illumina. Il balaya la pièce du regard. « Jack ? Pourquoi tu m’as fait appeler ? Ca avait l’air urgent… » Sa phrase s’interrompit lorsqu’il aperçut son petit disciple tout pâle qui récupérait sur le canapé. « Kit, tu vas bien ? S’inquiéta le jeune homme. Où est Rielle ? » Jack poussa un soupir en constatant qu’il était passé à un cheveu de connaître l’histoire mais qu’il devait encore faire preuve de patience en attendant que le petit raconte tout à son ami. Avant, il lui fallait rassurer ce dernier.

« Mais oui, il va bien, répondit le rancher avant que le garçon ait eu le temps d’ouvrir la bouche. Il est juste un peu secoué et il en a demandé un petit peu trop à son corps. On dirait qu’il a couru plusieurs dizaines de kilomètres depuis ce matin ! Et aussi qu’il a pris un vilain coup derrière la tête.
– Couru ? Répéta Bran qui avait eu du mal à savoir si Jack plaisantait ou pas.
– Et pris un coup sur la tête, compléta son employeur d’un ton badin.
– Ne t’inquiète pas, intervint Kit. Je vais bien. Mais il faut que tu m’aides ! Ils ont enlevé Rielle et il faut qu’on la retrouve vite !
– Comment ça « ils ont enlevé Rielle » ? Et qui ? »

Le jeune homme attrapa une chaise sur laquelle il s’installa nonchalamment à l’envers et accorda toute son attention à l’adolescent. Ce dernier fit un effort pour rassembler ses idées et raconta à Bran – et, de fait, à Jack également – ce qu’il s’était passé lorsque la petite créature bleue et lui étaient retournés à l’hôtel de sa mère, à Bourgétoile. Il raconta les courses poursuites dans la ville, comment il avait essayé de gagner du temps pour Rielle mais qu’elle était venue lui prêter main forte à la place et comment elle s’était effondrée par terre à cause des armes des mystérieux hommes en uniformes, avant que lui même ne perde connaissance. Il raconta ensuite rapidement qu’il s’était réveillé dans sa chambre avec le Docteur Sam et sa mère et qu’il avait décidé de venir chercher Bran au ranch. « Et donc, tu as couru jusqu’ici juste après avoir repris conscience ? S’étonna Jack qui agissait comme si c’était à lui que Kit s’adressait.
– Oui, il faut faire vite, confirma le garçon.
– Pfiou ! Ce n’est pas étonnant que tu sois tombé par terre en arrivant alors. » Commenta le rancher en grattant ses favoris roux qui tiraient sur le gris.

Bran, quant à lui, s’était accoudé au dossier de la chaise et avait pris sa tête dans ses mains. Il avait l’air accablé. Le silence se fit pendant une poignée de secondes. Puis il se redressa et se passa une main sur la figure. « Je savais que Rielle prenait une partie de tes blessures à ta place, commença-t il enfin. Je l’avais vue faire, cette fois où tu es tombé de l’arbre et que tu aurais du te casser le bras. » Il se tut, conscient que ce qu’il venait de dire n’allait pas s’avérer très utile pour retrouver la petite créature bleue et dorée qui les fixait sans arrêt de ses yeux noirs liquides. « Qu’est ce qui t’a fait dire que j’aurais une solution ? lâcha-t il ensuite d’un ton douloureux.
– Tu as toujours une solution, expliqua simplement le garçon.
– C’est vrai que Bran est doué en solutions. » Approuva Jack en arborant un immense sourire. Sa remarque provoqua un regard assassin de la part du jeune homme accoudé sur le dossier de sa chaise.

« Tu ne sais pas comment on va sauver Rielle ? s’enquit Kit dans la voix duquel s’entendaient des larmes qui formaient une grosse boule dans sa gorge.
– Je… hésita Bran en voyant le visage plein d’espoir du garçon levé vers lui. Tu sais, ça fait vraiment longtemps que je ne suis pas allé dans l’espace. J’étais vraiment jeune quand je suis arrivé ici ; je ne suis pas la personne la mieux placée pour t’aider à retrouver Rielle. Au contraire. Je suis désolé. » Il en était d’autant plus désolé que, le matin même tandis qu’ils attendaient que Kit se réveille, la jeune fille l’avait embrassé. Une vague de froid avait parcouru tout son être et il en avait violemment frissonné. Il avait prit cela comme un coup de foudre, tandis qu’il répondait au baiser. Ce qui l’avait étonné, c’est que Rielle avait eu l’air surprise de se faire embrasser à son tour. Quoiqu’il en soit, comme ils avaient été dérangés par le réveil du dormeur, il avait eu l’intention de lui en parler de nouveau plus tard. Il avait du mal à imaginer qu’il n’aurait peut être plus l’occasion de s’expliquer avec elle mais, honnêtement, il se sentait désemparé face à cette situation pour laquelle il ne savait pas quoi faire.

« Que de pessimisme dans cette pièce, rugit soudainement Jack. J’ai déjà rencontré ces uniformes gris dont tu parles, petit, ajouta-t il à l’intention de Kit sur un ton plus doux en constatant qu’il avait fait sursauter les deux plus jeunes. Je ne me souviens plus exactement dans quelles circonstances, mais cela importe peu dans le cas présent. Quoiqu’il en soit, ce dont je me souviens, c’est que je ne les appréciais pas trop, ça non ! Je voyageais beaucoup d’une planète à l’autre à l’époque et j’ai acquis pas mal de… contacts, dirons nous, au cours de mes pérégrinations. » Il fit une pause et remarqua que les deux garçons étaient pendus à ses lèvres. Il sourit dans sa moustache et laissa échapper un petit rire. « Par contre, reprit il, avant de continuer plus avant, j’ai besoin que vous me disiez à quel point vous tenez à cette créature. » Il les jaugea du regard. Le silence s’abattit de nouveau sur la pièce pendant quelques secondes.

« C’est ma soeur, répondit Kit. Je ne sais pas comment l’expliquer, puisque ce n’est pas ma vraie soeur, mais elle fait partie de moi.
– Je… hésita Bran qui ne savait pas comment formuler son ressenti. Je me sens responsable d’elle, comme je me sens responsable de Kit. » Il n’avait trouvé que cette platitude à dire. Elle n’en était pas moins vraie, mais elle n’était pas représentative de ce qu’il ressentait vraiment. Jack lui jeta un coup d’oeil pénétrant. Le jeune homme esquiva son regard et ne put s’empêcher de rougir. Le rancher s’esclaffa à gorge déployée. Kit, lui, ne comprit pas ce qui faisait rire Jack, mais il retrouva l’espoir qu’on l’aiderait à sauver Rielle. Après tout, quelqu’un qui riait aussi franchement que cela ne pouvait pas annoncer ensuite une mauvaise nouvelle, n’est ce pas ?

« Je vois, je vois, déclara finalement le rancher en essuyant une larme à la commissure des paupières. Je vois tout à fait vos motivations. Celles que vous m’avez dite, et les autres aussi. Fort bien. » Il se leva et étira son dos, en le faisant craquer. « Aaah ! Ca fait du bien. Il ne fait pas bon vieillir, tenez vous le pour dit. Bref. » Il se servit une rasade de cet alcool qu’il distillait lui même et dont il était si fier. Puis, il versa la même quantité de Special Jack pour chacun des deux garçons. « Voilà ce qu’il va se passer, les petits. Je connais quelqu’un qui possède un vaisseau qui pourra vous emmener dans l’espace. C’est une personne un peu revêche mais, si je lui demande, je pense qu’elle sera d’accord pour vous aider à retrouver votre amie.
– C’est vrai ? Se réjouit Kit.
– Bien sûr que c’est vrai, répartit le rancher. Je ne me serais pas usé la salive pour dire des mensonges à deux perdreaux de l’année. Franchement, aucun intérêt à ça.
– Et tu vas venir aussi ?

1800 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 9

– Rielle… Commença Madame Granger d’un ton hésitant de celle qui a de mauvaises nouvelles à annoncer et qui ne sait pas trop comment s’y prendre. Les gens qui la cherchaient sont partis… Je suppose qu’ils l’ont emmenée avec eux… Je… Je suis désolée mon chéri. Rielle a disparu.
– Non, souffla Kit. Ce n’est pas possible. On s’était promis de toujours rester ensemble. » Il se prit la tête dans les mains, tandis que le Docteur Sam et sa mère échangeaient un regard désolé. « Pourquoi elle n’est pas allée rejoindre Bran ? » Se demanda-t il tout haut. « Bran… » Il se redressa et laissa ses mains retomber. « Mais bien sûr ! s’exclama-t il en faisant sursauter les deux adultes. Bran ! » Il sauta d’un bon à bas du lit. « C’est ça la solution ! se réjouit il.
– Qu’est ce qu’il se passe ? s’inquiéta Madame Granger qui se demandait si le coup qu’il avait pris sur la tête n’était pas plus grave que ce que le médecin lui avait dit.
– Maman, il faut que je retrouve Rielle, décréta Kit.
– Mais voyons, mon chéri, tu n’as aucun moyen de savoir où ils l’ont emmenée.
– Je trouverai, Bran aura une idée.
– Comment comptes tu t’envoler dans l’espace ? Le spatioport de Bourgétoile et tout petit, il n’a pas beaucoup de destinations pour les voyageurs comme toi.
– Je trouverai, répéta Kit d’un air déterminé.
– L’espace est très grand, tu sais, essaya de le raisonner sa mère. Je doute que tu puisses la retrouver en partant comme ça, sans renseignement, ou préparation… Tu devrais attendre le retour de Edward Hammerson.
– Ed ? Mais pourquoi ?
– Parce qu’il est le père de Rielle et qu’il sait certainement où ces gens l’ont emmenée.
– Je n’ai pas le temps d’attendre le retour de Ed, déclara le garçon. Qui sait quand il reviendra ici ? Ce sera peut être trop tard.
– Mais…
– En plus, continua-t il, vu qu’ils ont trouvé Rielle ici, ça veut peut être dire qu’il est arrivé quelque chose à Ed. Ce n’est vraiment pas prudent d’attendre. » Ce disant, il enfila ses chaussures qu’on lui avait enlevées pour le mettre au lit.

« Qu’est ce que tu fais ? lui demanda sa mère. Tu ne peux pas partir comme ça, bille en tête. Une fois arrivé au spatioport, tu ne sauras même pas quoi faire.
– Je ne vais pas au spatioport, balaya Kit en récupérant son blouson. Je vais voir Bran.
– Bran ? Que pourra-t il faire de plus que toi ?
– Je ne sais pas, mais je sais qu’il le peut ! » Sans un mot de plus et malgré les appels de sa mère, l’adolescent s’en fut en courant en direction du ranch. Le garçon courut aussi vite qu’il le put, malgré l’intense fatigue qu’il ressentait – puisqu’il n’arrêtait pas de courir depuis le matin – et malgré le mal de crâne qui le lançait perpétuellement. A chaque fois que ses pieds touchaient le sol, cela provoquait un choc jusqu’à sa tête. Il dut tout de même s’arrêter au milieu du trajet, pour éviter de tomber de nouveau dans les pommes. Il souffla un moment, accroupi dans la poussière puis, une fois que sa vue redevint nette, il repartit de plus belle. Lorsque, enfin, il vit l’entrée du ranch, il cria « Braaan ! » à pleins poumons. Ses jambes n’arrivant plus à le porter, il se laissa tomber par terre et continua de s’égosiller, jusqu’à ce qu’un rancher vienne le ramasser.

« Calme toi, petit, lui enjoignit il d’un ton apaisant. Bran est à l’autre bout des terres là tout de suite ; il ne peut pas t’entendre. Même si tu gueules aussi fort qu’un putois, je dois bien l’avouer ! » Il tenta d’aider Kit à se remettre sur ses jambes, mais elles se dérobèrent de nouveau sous son poids. « Et bien alors, qu’est ce qu’il t’arrive donc ? s’étonna l’homme en levant des sourcils broussailleux perplexes.
– Je veux parler à Bran, expliqua Kit.
– Oui, ça on avait compris, balaya le rancher. Tout le monde avait compris ça. Même les anciens sur la vieille Terre avaient compris ça. Et je t’ai dit qu’il n’était pas là pour le moment ! Ce que je veux savoir, c’est pourquoi tu as l’air d’un épouvantail.
– Ils ont enlevé Rielle, expliqua le garçon. Et je dois voir Bran pour qu’il m’aide à la retrouver. S’il vous plait ! Le chien m’a mordu et c’est elle qui saignait.
– Mmmh, émit pensivement l’homme tandis que l’adolescent perdait connaissance dans ses bras. Je n’ai rien compris à ce que tu m’as raconté p’tit gars, mais mon petit doigt me dit qu’il y a quelque chose de grave. Je pense que je vais aller faire chercher Bran. »

Il s’avérait que celui qui venait de ramasser littéralement Kit était le propriétaire du ranch. Jack Peddler était une armoire à glace, taillée sur le même modèle que Edward Hammerson, mais au poil roux, maintenant grisonnant par endroit. Il avait reprit le ranch depuis plus de quinze ans. De fait, il était arrivé à Bourgétoile à peine une paire d’années avant la naissance de Kit. Et il avait même passé ses premiers mois sur place à loger à l’hôtel de la mère du garçon évanoui. Mais de ce qu’il faisait de sa vie auparavant, personne ne le savait. Le bruit courait qu’il avait un passé trouble de pirate et qu’il passait sa retraite dans l’endroit le plus tranquille qu’il avait pu trouver. Cela paraissait plausible aux habitants du crû, qui considéraient leur contrée comme la plus agréable à vivre de l’Univers. Evidemment. Lorsqu’il était arrivé, les gens l’avaient considéré suspicieusement, mais l’avaient traité comme ils traitaient tous les gens louches : avec une forme de bienveillance, tant qu’il ne provoquait pas de grabuge. La suspicion s’était affaiblie lorsqu’il avait acquis le vieux ranch abandonné, réputé hanté d’ailleurs à l’époque, l’avait remis en état, puis l’avait administré d’une main de maître, offrant du travail et créant une vraie richesse de produits locaux à base de viande. Maintenant, tout le monde l’appréciait avec sincérité.

Et puis, il y a environ dix ans, Bran était arrivé. Il avait quatorze ans, mais un regard beaucoup plus vieux. Et Jack connaissait bien cette sensation d’impression d’avoir déjà tout vu alors qu’on avait pas encore l’âge. Une fois un peu secoué par des corvées terre à terre – Jack lui en donnait plus qu’aux autres pour l’empêcher de ressasser – ce garçon s’était montré un atout précieux pour le ranch. Acrobate né, semblait il, Bran était devenu l’attraction principale de la Fête des Moissons. Lors de ces réjouissances, les jeunes personnes qui vivaient à Bourgétoile et aux alentours se mesuraient les uns aux autres dans des disciplines aussi diverses que variées. Et, aux épreuves acrobatiques, Bran était le meilleur. Et, comme il était également très bon dans la plupart des autres disciplines, il devint rapidement la coqueluche de la jeune gente féminine. Il va sans dire que le jeune homme avait fait une très bonne publicité au ranch de Jack Peddler. De plus, comme il se montrait efficace dans son travail, le rancher lui laissait une grande liberté.

1200 mots

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 8

En arrivant à la porte de l’hôtel, le garçon perçut un tressaillement de la part de Rielle. « Qu’est ce qu’il y a ? S’enquit il.
– Rien, juste une odeur qui m’a rappelé de mauvais souvenirs. » Balaya-t elle. Cela lui arrivait de temps à autre. Avec son flair développé, beaucoup de ses souvenirs étaient liés à des odeurs. Une fragrance pouvait ainsi la mettre en rogne sans aucune raison apparente. Kit avait prit l’habitude des humeurs liées aux odeurs et savait qu’il s’agissait juste du cerveau de sa soeur qui jouait avec elle. Il lui administra une tendre caresse sur la tête et ouvrit joyeusement la porte de l’hôtel. Laissant tomber son sac d’affaires dans un coin, il s’exclama avec entrain : « Maman ! On est rentrés ! » Il s’arrêta, net. Sa mère, au comptoir, était en pleine discussion avec des personnes en uniforme, qui tournèrent la tête dans sa direction en l’entendant. Il n’en avait jamais vu de tels. Ces gens étaient accompagnés de plusieurs civils – à défaut de savoir ce qu’ils étaient vraiment – dont tous n’étaient pas humains. « Cours ! Lui souffla Rielle d’une voix étranglée.
– Quoi ?
– Fait demi tour et cours, vite ! » Le pressa-t elle. Au moment où il faisait volte face, un homme l’interpella.

« Hé ! Toi là bas ! » Kit n’attendit pas la suite. Il faisait une confiance aveugle à Rielle et l’urgence dans la voix de celle ci avait suffit à le faire se mouvoir. Ouvrant la porte à la volée, il se précipita dehors et se mit à courir. La petite créature bleue et dorée avait enserré son cou de sa queue et planté ses griffes dans son épaule pour ne pas tomber. Le garçon entendit la porte de l’hôtel claquer ; il sut alors qu’il était poursuivi. « Attend ! » Cria une voix. Le garçon ignora l’appel et tourna au coin d’une rue. Il établit un plan mental du quartier. Comme il connaissait bien Bourgétoile, il se disait qu’il n’aurait aucune peine à se cacher. Malheureusement pour ces gens, se disait il, il avait pris l’habitude de semer n’importe qui dans les rues lorsque les contrebandiers faisaient du grabuge avant le dernier retour de Ed. Il entendit deux « Attrapez le ! » et un « Attrapez la ! » avant de se trouver trop loin. Il avait tourné deux fois à droite, une fois à gauche, avait pris un raccourcis par une allée d’immeuble qui traversait un pâté de maison et s’était réfugié dans un local à poubelles. L’atmosphère était nauséabonde, mais au moins, là, il pouvait reprendre son souffle sans risque.

« Pfiou ! Heureusement qu’on a pris le temps de manger un petit déjeuner ce matin. » Souffla Kit. Rielle ne répondit pas. Elle se serrait contre lui, aussi essoufflée que si elle avait elle même couru. Elle était visiblement complètement paniquée. « Tu sais qui sont ces gens ? s’enquit le garçon en se laissant glisser accroupi, les fesses sur les talons et le dos contre le mur.
– Ils sont avec ma mère, expliqua succinctement l’hippocampe.
– Mince ! Je croyais que Ed avait dit que tu étais en sécurité ici, qu’ils ne te retrouveraient pas…
– C’est ce que je pensais aussi, se désola Rielle. Je ne sais pas comment ils ont pu suivre ma trace.
– Ils ont peut être eu de la chance, suggéra Kit.
– Comment je vais faire maintenant ? S’inquiéta la jeune fille en panique. Maintenant qu’ils savent que je suis là, ils ne vont pas me lâcher. On ne sera plus jamais tranquilles !
– Chut, chut, calme toi voyons. » Le garçon l’enleva de son épaule et la prit dans ses bras, où elle se blottit. « On va trouver une solution. Pour le moment, nous sommes tranquilles, ici. Ca ne sent pas bon, mais on va avoir le temps de réfléchir. »

La petite créature bleue et dorée hocha la tête et parut un peu apaisée. Ils restèrent un moment silencieux, pensifs sur la situation. « On pourrait partir tout de suite pour Athenaïs, proposa Kit. C’est de l’autre côté de la planète et c’est gigantesque ; ils ne nous trouveront jamais là bas !
– Je suppose qu’ils te connaissent à présent, déclara Rielle qui avait repris le contrôle d’elle même et s’efforçait d’évaluer froidement la situation. Dès que tu seras inscrit à l’Ecole Planétaire de Pilotage, ils sauront que tu es là bas. A ce moment là, ce sera très facile pour eux de te retrouver.
– Mmhmm, émit le garçon déçu. C’est embêtant.
– Je ne te l’envoie pas dire, soupira sa soeur désemparée.
– Dans ce cas là, je ne vois qu’une autre solution. » Il avait dit cela sur un drôle de ton, qui fit dresser l’oreille à Rielle. Elle le considéra de ses yeux noirs d’un air interrogateur. « Il va falloir qu’on se sépare. Puisqu’ils me connaissent, ils vont me suivre. Ca te laissera du temps pour aller te cacher. Tu devrais rejoindre Bran : lui saura quoi faire.
– Mais je ne veux pas qu’on se sépare ! Protesta l’hippocampe bleue.
– Je crois que ça va être compliqué de faire autrement.
– Papa avait dit qu’on devait veiller l’un sur l’autre, persévéra Rielle qui avait abandonné toute forme de rationalité.
– Oui, acquiesça Kit. Disons que ça sera ma façon de veiller sur toi. »

Du pouce et de l’index, il musela tendrement la petite créature. Les yeux profonds de cette dernière se remplirent de larmes. Il la lâcha. Elle reprit sa forme humaine et ils se serrèrent dans les bras l’un de l’autre. « Ta solution est nulle, décréta Rielle avec une grosse boule dans la gorge.
– J’ai toujours été nul pour les solutions. » Confirma l’adolescent en pouffant de rire.

Ils se promirent de se retrouver le plus rapidement possible une fois que les choses se seraient tassées. Kit avait du mal à imaginer la vie sans sa soeur qui lui servait d’extension d’esprit et il en était de même pour Rielle. Ils avaient tellement pris l’habitude d’être ensemble, de manger ensemble, de dormir ensemble, de faire des bêtises ensemble et ainsi de suite, qu’ils avaient du mal à imaginer comment serait la vie tous seuls. La jeune fille se raccrochait aux souvenirs d’avant qu’elle rencontre son frère. Mais elle se rappelait surtout qu’elle se sentait toute seule. Et le fait de devoir se trouver de nouveau livrée à elle même l’effrayait. Mais elle prit sur elle d’avoir l’air courageuse. L’adolescent, quant à lui, s’efforçait de ne pas du tout penser à tout cela. Ils se relevèrent, toujours au milieu des senteurs nauséabondes des poubelles. Sur une dernière embrassade, Rielle reprit sa forme d’hippocampe à pattes. « Je vais les attirer sur moi, lui dit Kit. Comme ça, tu auras le temps de sortir de Bourgétoile avant qu’ils se rendent compte que tu n’es pas avec moi.
– Soit prudent, lui enjoignit la petite créature bleue et dorée. Ils ne sont pas toujours très tendres…
– Ne t’en fait pas pour moi, occupe toi surtout de rejoindre Bran le plus rapidement possible. »

Sa soeur hocha affirmativement la tête d’un air décidé. Kit lui sourit et ouvrit la porte. Ils partirent en courant chacun de leur côté. Le garçon avait à peine tourné à deux angles de rue qu’il tomba face à face avec un homme en uniforme. Il s’arrêta et ils échangèrent un regard interdit pendant une fraction. « Hé toi ! » S’écria l’homme, tandis que l’adolescent reprenait sa course. Il était satisfait d’avoir attiré l’un des poursuivants de Rielle. Il entendit d’ailleurs ce dernier appeler des renforts. Ils étaient en contact les uns avec les autres, parfait, se réjouissait il. Cela serait plus facile de les emmener tous dans une direction donnée. Il prit d’ailleurs la direction de l’hôtel, en courant suffisamment vite pour que l’homme qui le coursait le ne rattrape pas, mais pas à pleine vitesse non plus, afin qu’il ne le perde pas de vue. Mais les choses prirent bientôt mauvaise tournure. Plusieurs personnes en uniforme tentèrent de lui barrer la route à plusieurs reprises. Il les esquiva lestement, changeant de direction au dernier moment, se servant des passants comme bouclier, jetant des poubelles derrière lui en guise d’obstacle pour les ralentir.

Il était encore à plusieurs pâtés de maisons de l’hôtel de sa mère et commençait à sérieusement fatiguer, lorsque quelque chose le bouscula en grondant, lui faisant perdre l’équilibre. Il roula pour se retrouver sur le dos et se relever, mais une forme sombre se jeta sur lui pour l’empêcher de se redresser. Face à face avec deux rangées de crocs de taille inquiétante, il écarquilla les yeux et posta ses avant bras devant lui en réflexe pour se protéger. Bien lui en prit, car la bête qui l’avait jeté à terre claqua sa mâchoire sur son avant bras. Les canines s’enfoncèrent dans le cuir de son blouson jusqu’à traverser profondément sa chair. Kit hurla de douleur. Le chien – ou le loup, vu la taille de l’animal – s’agrippant à lui, l’adolescent le bourra de coups de poing de son bras libre. Mais la bête ne lâcha pas, jusqu’à ce que les hommes en uniforme entourent le garçon et que l’un d’entre eux lui ordonne de le lâcher. Deux autres relevèrent le garçon dont les larmes de douleur coulaient le long de ses joues. Malgré le mal que cela lui causait, il était soulagé que tout le monde semble s’intéresser à lui. Il se dégagea de l’emprise des deux uniformes qui le maintenaient et recula prestement, jusqu’à se retrouver dos à un mur. Il le jeta à tous un regard de défi, surveillant le chien du coin de l’oeil. Il n’avait presque plus mal au bras à présent, mais le souvenir de la douleur était toujours bien cuisant à son esprit.

« La bête que tu détiens est d’import illégal sur cette planète, l’informa platement celui qui paraissait être le chef des hommes en uniforme.
– N’importe quoi, répartit Kit. Je l’ai trouvée dans la rue. Et je n’ai jamais quitté cette planète, alors je n’ai pas pu l’amener ici !
– Peu importe, balaya l’homme. Nous devons récupérer cette créature illégale. Tu es prié de nous la remettre.
– Non. » L’adolescent rabattit frileusement les pans de son blouson sur lui, comme si il la dissimulait à l’intérieur. Il était très fier de sa prestation d’acteur. Ce n’était pas démérité, puisque les personnes face à lui le crurent.

« S’il te plait, garçon, soupira le chef des uniformes. Sinon nous allons devoir te la prendre de force. Et cela ne te plaira ni à toi, ni à moi.
– Mais je tiens à elle ! Plaida le garçon.
– Je te comprends. Mais rassure toi, nous prendrons grand soin d’elle.
– C’est vrai ça ? s’enquit Kit sur un reniflement suspicieux.
– Bien sûr. Nous sommes là pour prendre soin d’elle, je t’assure, tu peux me croire. » l’adolescent ne comptait pas le croire. Il faisait montre d’hésitation pour gagner du temps. Il évalua rapidement la situation. Le chien grondait toujours après lui. Les autres hommes en uniforme se tenaient prêts. Deux d’entre eux tenaient des filets. Les deux autres portaient des armes à seringues. Le chef lui faisait directement face. Il s’était déjà retrouvé dans ce type de situation. Le chien en moins. Celui là l’inquiétait particulièrement. Il serra les pans de son blouson plus fort. Puis, il baissa la tête en soupirant. « D’accord… » lâcha-t il enfin, comme si il capitulait. Le chef des uniformes laissa s’échapper un soupir de soulagement. L’adolescent fit un pas en avant, faisant mine d’ouvrir son blouson. Et, en un éclair, le pas anodin se mua en premier pas d’un sprint effréné. Les prenant de cours, il fusa au milieu d’eux et se retrouva dans leur dos en un clin d’oeil. Avec un peu de chance, il gagnerait encore de précieuses minutes.

Une masse le bouscula dans le dos. Le chien l’avait rattrapé en moins de deux et lui avait sauté dessus. Kit tomba de nouveau par terre et roula encore, levant les bras une nouvelle fois pour se protéger des crocs pointus. Alors que le chien allait encore refermer sa mâchoire sur lui, quelque chose le heurta à son tour, l’envoyant bouler. Le garçon s’assit prestement et crut que son coeur allait s’arrêter. La créature qui roulait à présent sur le sol aux prises avec l’animal était Rielle. Elle arborait à peu près la même taille et la même taille de canines. Elle grondait aussi autant que lui et faisait preuve d’autant d’acharnement. Les hommes en uniforme finirent par tenter de séparer les deux belligérants. L’un d’entre eux recula après avoir reçu un puissant coup de queue de l’hippocampe en furie. Un autre tenta de tirer un tranquillisant sur elle, mais n’atteint que le chien, qui cessa bientôt de se débattre. Rielle se redressa alors, se métamorphosant en même temps. Se plaçant ostensiblement entre Kit et les hommes en uniforme, elle leur fit fièrement face. De sa main droite, elle tenait le trident que Bran lui avait fait faire l’année dernière pour son anniversaire. Sa main gauche était posée sur sa hanche, signe de sa colère.

L’adolescent, en se relevant, nota qu’en plus des égratignures dues à la bagarre, du sang gouttait de l’avant bras de Rielle. « C’est curieux, constata-t il dans un coin de son esprit. Le chien l’a mordue au même endroit que moi… » Il releva machinalement sa manche et remarqua, non sans surprise, que son bras arborait à peine la marque des dents de l’animal. Pourtant il était certain d’avoir senti les crocs déchirer sa chair. Il n’eût pas le temps d’en tirer des conclusions. Le chef des hommes en uniforme s’adressait à présent à sa soeur. « Te voilà enfin, se réjouit il. Nous t’avons cherchée pendant bien longtemps, tu sais.
– Vous auriez pu vous épargner cette peine, rétorqua Rielle avec hargne.
– Tellement d’ingratitude, soupira l’homme. Bon, c’est la vie. Ca suffit de jouer maintenant, vient avec nous, sans faire d’histoires.
– Tu peux toujours rêver, refusa la jeune fille en faisant tournoyer machinalement son trident avant de le prendre à deux mains et de le pointer d’un air menaçant sur les personnes qui lui faisaient face.
– Allons, tu sais bien comment cela va se terminer, continua le chef des uniformes d’un ton blasé. Je vais me montrer persuasif et tu vas finir par me suivre, que cela te plaise ou non. En plus, figure toi que j’ai carte blanche sur les moyens pour te ramener. Alors tu penses bien que ça ne serait pas très malin de refuser, n’est ce pas ? »

Rielle ne bougea pas. Ses mains maintenaient toujours fermement le trident dans la direction des personnes en uniforme. Kit, quant à lui, ne savait pas quoi faire, ni que penser. Comment sauver sa soeur à présent qu’elle se tenait à la portée de ses poursuivants ? Pourquoi était ce elle qui saignait d’une morsure à l’avant bras alors que c’était lui qui avait été mordu ? Et puis aussi, pourquoi était elle ici au lieu d’être en chemin pour le ranch où travaillait Bran ? La tête commençait à lui tourner et il se trouvait vraiment désemparé. « Carte blanche ? finit par demander la jeune fille en desserrant à peine les dents.
– Oui, carte blanche. » Confirma l’homme d’un ton faussement badin, tandis que ses deux hommes armés pointaient leurs armes soporifiques sur Rielle, que l’un des autres récupérait le chien endormi et que le dernier avait toujours son filet en main. « Notamment, j’ai l’autorisation de faire ceci. » Expliqua l’officier qui paraissait commencer à trouver le temps long, en dévoilant une arme. Elle n’avait pas pour but d’endormir, celle là, mais bel et bien de tuer.

« Pfeuh ! lâcha dédaigneusement Rielle. Tu penses vraiment que la menace de me tuer va fonctionner ? Tu me sous estimes. Je sais très bien que maman me veut vivante.
– Oh, mais je ne comptais pas l’utiliser sur toi. » Précisa l’homme en jetant un regard éloquent en direction de Kit, toujours déboussolé. La jeune fille ne put retenir un cri de surprise. « Tu vois, je te l’avais dit, je ne suis jamais à court d’arguments pour te convaincre. Mais, comme je suis magnanime, je te laisse le choix : ou tu viens de toi même et ce bouseux garde la vie sauve, ou tu refuses et je le tue avant de t’attraper. Même si je n’y arrive pas tout de suite, je finirai par te retrouver et ton ami sera mort de toutes façons. C’est toi qui décide. » L’adolescent, malgré qu’il se sente encore comme dans du coton, comprit bien la menace. Il n’avait toujours pas abandonné l’idée de sauver sa soeur, même si il ne voyait pas comment. Néanmoins, l’idée que si il s’enfuyait, l’officier ne pourrait plus l’utiliser comme chantage, se fraya un chemin dans son esprit. Il était fatigué après les deux courses qu’il venait d’effectuer, mais il se prépara mentalement à fuir une dernière fois.

Il avait à peine esquissé un mouvement qu’un coup de feu retentit. Kit s’arrêta, net, et sentit une brûlure au niveau de sa pommette. Il porta sa main au visage et en retira du sang. En revanche, la plaie superficielle s’était déjà refermée. « Qu’est ce que tu as fait, Rielle ? demanda l’officier qui semblait avoir perdu son sang froid tout d’un coup et qui tenait encore son bras tendu au bout duquel fumait un antique revolver.
– Comme tu peux le voir, expliqua-t elle d’une voix grave, si tu le tues, tu me tues.
– Comment as tu osé faire une chose pareille ? s’emporta l’homme. C’est contraire à tous les enseignements de ta race, ça !
– Qu’en sais tu ? rétorqua la jeune fille aux yeux noirs de jais, sur la joue de laquelle perlait à présent un filet de sang. Tu ne connais pas les conditions dans lesquelles j’ai partagé ma vie avec la sienne. Tu ne sais rien. Tu ne comprends rien. Et… »

Elle fut interrompue dans sa tirade par un nouveau coup de feu. Cette fois, il émanait d’un fusil à seringues. Rielle eût seulement le temps d’ouvrir la bouche en une expression de surprise, avant de s’écrouler sur le sol. « Non ! » S’écria Kit en tombant à genoux à côté d’elle pour la prendre dans ses bras. Il fut repoussé sans ménagement par deux hommes en uniformes, qui s’emparèrent ensuite de la jeune fille. « Non ! Rielle ! Lâchez la ! » Alors qu’il se redressait pour faire déferler sa colère sur les ravisseurs de sa soeur, un coup derrière la tête de la part de l’homme au chien l’expédia dans le noir. Assommé, le garçon tomba à son tour sur le sol, tandis que les hommes en uniformes l’abandonnaient là, au milieu de la rue, en emmenant Rielle.

***

Lorsqu’il ouvrit les yeux, Kit constata qu’il était dans sa chambre. Il tourna vivement la tête en direction du lit jumeau pour se rassurer de son cauchemar. Mais le deuxième lit était vide et le Docteur Sam se tenait à son chevet, en compagnie de sa mère qui arborait une mine terriblement inquiète. « Maman ? » Parvint à émettre le garçon. Il tenta de se redresser, mais cela déclencha une explosion de douleur derrière son crâne. « Ouch ! Souffla-t il.
– Tu as pris un mauvais coup, commenta le médecin. Il va falloir surveiller ça pendant quelques jours, mais tu devrais t’en être tiré sans trop de mal.
– Sans trop de mal, répéta Kit machinalement. Et Rielle ?
– Rielle…

3255 mots, grosse journée pour compenser hier !