NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 7

Il s’agissait d’Anna, qu’elle avait connue à l’école de jeunes filles de Notre Dame des Roses et qui avait été l’une de ses amies qu’elle pensait la plus proche. Elle se promenait bras dessus, bras dessous avec une jeune femme qu’Ethelle ne connaissait pas. Leurs regards se croisèrent un bref instant. Puis celui d’Anna se durcit. « Etes-vous folle ? Prenez donc garde où vous mettez les pieds ! » Eructa-t-elle sous le regard éberlué d’Ethelle qui ne l’avait jamais entendue vociférer ainsi. En réflexe, elle esquissa d’ailleurs un pas en arrière, tandis que son ancienne camarade détournait le regard et passait à côté d’elle, comme si elle était une moins que rien et qu’elles ne s’étaient jamais rencontrées. Bouche bée, la rouquine la suivit des yeux et contempla le dos d’Anna s’éloigner, la démarche raide et le pas pressé, fermement accrochée au bras de sa nouvelle amie.

Ethelle resta figée là, ne parvenant pas à détacher son regard de cette amie qui était soudainement devenue une étrangère agressive. Un peu choquée, elle revit son jugement sur Anna. Cela ne lui était plus très utile désormais, mais elle se promit d’être un peu plus vigilante sur la nature de ceux qu’elle côtoyait. Elle devrait ainsi moins se faire rabrouer par ceux qu’elle qualifiait d’amis. La jeune femme restait perdue dans ses pensées, se demandant ce qu’elle avait bien pu faire au monde pour se retrouver dans une telle situation du jour au lendemain. Quelqu’un bouscula soudainement Anna, la faisant hurler, ainsi que son accompagnatrice. « Au voleur ! » S’époumona l’ancienne amie de la rouquine. L’agresseur courut dans la direction d’Ethelle qui, faisant un pas de côté pour le laisser passer, reconnut Clay, le Faucheux. Alors qu’elle lui laissait le passage libre, celui-ci lui adressa un clin d’œil et disparut rapidement sur le petit chemin de pierres blanches.

La jeune femme rousse sourit amèrement ; il s’agissait là d’une bien piètre consolation. Mais sa camarade de Notre Dame des Roses, qui continuait de crier au voleur, avait bien mérité ce qui lui arrivait. Elle lui tourna le dos et continua son errance. Ses pas la menèrent, de manière prévisible, jusqu’à sa petite grotte végétale. Tenant son sac de voyage à deux mains devant elle, elle resta un instant à réfléchir en contemplant les végétaux entrelacés. Sa nature têtue reprit soudainement le dessus. De quel droit le dénommé Clay lui avait-il interdit l’accès au parc des Deux Ormes de nuit ? Après tout, l’accès au parc était interdit pour tout le monde, la nuit. Elle ne voyait donc pas pourquoi elle aurait encore moins le droit que les Faucheux de se trouver là.

Ethelle jeta un coup d’œil autour d’elle, pour s’assurer que personne n’était en vue. Une fois qu’elle fut certaine d’être seule, elle se glissa dans l’igloo de verdure. Maintenant à l’abri des regards, elle enleva sa robe encombrante et se vêtit de nouveau de sa tenue d’équitation, plus pratique. La jeune femme se souvenait que son père n’avait pas été particulièrement enchanté de la voir commander cette tenue. Il aurait préféré la voir monter à cheval en amazone. Mais il ne pouvait rien refuser à sa fille unique qui, en plus, avait perdu sa mère si jeune – la pauvre – et Ethelle ne voulait pas d’une tenue pour monter en amazone. Elle avait horreur de monter ainsi à cheval.

Une fois prête – se changer plusieurs fois dans la journée lui rappelait sa vie précédente – elle laissa ses affaires dans la grotte buissonneuse (buissonnière se dit dans ce cas ?) et partit à l’assaut de la ville. Son estomac criait famine et il y avait une chance pour qu’elle se tourne vers la profession de malfrate, alors autant qu’elle s’entraîne dès à présent. Ethelle revint au parc des Deux Ormes juste à temps pour la fermeture. Elle ne savait pas comment Clay et les autres Faucheux faisaient pour entrer après la fermeture. Pour sa part elle préférait s’y faire enfermer. Sans perdre de temps, elle courut se réfugier dans son abri. Épuisée par ses émotions de la journée, la jeune femme ne prit pas la peine de sortir quoique ce soit de son sac. Elle se contenta de s’effondrer par terre et de s’endormir promptement.

Des éclats de voix la tirèrent du sommeil. Se redressant instantanément, Ethelle jeta un rapide coup d’œil à l’extérieur de sa grotte feuillue. D’où elle était, la jeune femme ne distinguait rien. En revanche, une odeur de brûlé piquait ses narines. Inquiète, elle attrapa son sac de voyage et se coula à l’extérieur, tentant de localiser l’origine de la fumée. Elle repéra rapidement les lueurs jaunes d’un feu, au milieu de la pelouse de détente du parc. Intriguée et se sentant téméraire, Ethelle se dirigea dans cette direction. Elle voyait des silhouettes se découper – qu’elle supposa être des Faucheux – courant d’un côté et de l’autre du feu. La jeune femme ne savait pas ce qu’il se passait, mais la confusion paraissait être totale.

La rouquine n’osa pas retourner dans son buisson. Le feu avait l’air de s’étendre sans que personne n’essaie de le maîtriser et elle ne voulait pas se retrouver cuite en papillote. Ni en quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs. Une ombre se dressa soudainement devant elle, a contre jour de flammes. « Encore toi ? » Lui lança la silhouette avec la voix de Clay. Ethelle n’eut pas le temps de répondre, et encore moins de s’offusquer d’être ainsi tutoyée, que l’ombre l’attrapa par le bras et l’emmena dans la direction opposée au feu. « Dépêche-toi, tout un tas de gens que tu n’as pas envie de voir ne vont pas tarder. » L’exhorta le jeune homme. La rouquine se pressa, à la suite de Clay qui la guidait dans une direction où elle ne se souvenait pas avoir vu de sortie.

Ethelle n’avait pas l’habitude de courir et s’essouffla vite. Son compagnon lui prit son sac d’autorité pour la soulager. Ils coururent jusqu’aux grilles qui ceinturaient le parc des Deux Ormes. A cet endroit, il y avait un mur contre lequel s’appuyait le système d’arrivée d’eau pour la rivière qui serpentait dans tout le parc. Le tout était dissimulé dans de faux rochers, le long desquels coulait une petite cascade artificielle. La jeune femme ne s’était jamais rendue dans cette partie du parc, mais elle n’avait pas le temps de s’y attarder. Clay grimpa lestement le long des rochers factices et, une fois en haut, se tourna vers Ethelle pour vérifier qu’elle le suivait. Celle-ci gratifiait les degrés de pierre d’un regard perplexe.

« Viens ! » Lui enjoignit le jeune homme. Elle acquiesça et entreprit d’escalader les rochers. Ils étaient glissants et elle s’écorcha les doigts dessus.
Elle réussit à rejoindre Clay plus rapidement qu’elle ne pensait et se sentit fière d’elle-même. La rouquine s’autorisa même de gratifier son compagnon d’un sourire satisfait. Mais celui-ci ne l’attendit pas. Toujours le sac de la jeune femme en main, il passa par dessus le mur et se laissa tomber dans la rue de l’autre côté. Une fois sur le trottoir qui longeait le parc, il leva la tête en direction d’Ethelle et lui adressa un petit signe encourageant. Elle déglutit. Le sol lui paraissait terriblement loin : elle allait forcément se faire mal en sautant de si haut ! « Allez, tu peux le faire. » Clay lui tendait une main en lui faisant signe de le rejoindre. Mais la rouquine avait l’estomac noué de frayeur. Ce mur était tout de même bien plus grand qu’elle.

Des sifflets se firent entendre, en provenance du parc. « La police, lâcha le jeune homme. Dépêche-toi, nous n’avons plus le temps de tergiverser. » Ethelle laissa échapper un demi sanglot d’angoisse. Elle avait très peur de sauter du haut du mur, mais elle n’avait pas du tout envie d’être attrapée par les forces de l’ordre. Depuis qu’ils n’avaient pas poussé l’enquête sur la mort de son père plus loin que la facile constatation du suicide, elle ne leur faisait plus confiance. Qui sait de quoi ils pourraient l’inculper en la trouvant de nuit dans un parc fermé en proie à un incendie ? Elle ne pouvait pas se permettre qu’ils lui mettent la main dessus, sinon elle pourrait certainement dire adieu à ses dernières chances de faire de nouveau partie de la haute société. Timidement, elle enjamba le mur. Se maintenant au rebord, elle fit passer son corps dans le vide, puis se laissa lourdement tomber dans la rue. Clay la gratifia d’une joyeuse tape dans le dos, puis l’entraîna de nouveau dans la nuit éclairée par les lampadaires à gaz.

La jeune femme n’aimait pas le silence de son guide tandis qu’ils parcouraient les rues endormies. « Que s’est-il passé au parc ? S’enquit-elle curieusement.
– Tu ne me croirais pas, balaya Clay en se rembrunissant.
– Essayez donc, insista Ethelle un peu irrité par ce tutoiement intempestif et impertinent.
– C’était une salamandre, je crois, hésita le Faucheux.
– Une salamandre ? Répéta-t-elle un peu dégoûtée. Et comment une salamandre peut-elle mettre le feu à un parc ?
– C’est Tischa qui l’a attrapée. Elle nous l’a amenée et certains des Faucheux se sont mis à la taquiner. Il y en a même un qui voulait la faire rôtir pour voir quel goût elle avait. La salamandre.
– Quelle drôle d’idée, commenta la rouquine qui n’arrivait pas à concevoir que l’on ait envie de goûter à quelque chose d’aussi répugnant pour elle qu’une salamandre. »

Clay haussa les épaules. « Tu sais, reprit-il, quand on a faim, on essaie des choses. Quoiqu’il en soit, la salamandre n’a pas apprécié le traitement. Aux sifflements qu’elle poussait, je pense qu’elle était sacrément en colère. C’est là qu’elle a commencé à gonfler et à briller comme une lanterne ! Et elle s’est mise à cracher des étincelles.
– Les salamandres ne crachent pas de vraies étincelles.
– Et les rats ne rient pas, la rabroua le Faucheux.
– Et les lucioles n’ont pas de visage, continua Ethelle qui, pensive, ne se sentit pas vexée par la répartie de son compagnon.
– Comment ? Ce dernier ne comprenait pas ce qu’elle racontait.
– Je voulais juste dire que je pense que je te crois, expliqua la jeune femme.
– Oh, d’accord. Tu as une drôle de façon de le dire. »

Ils restèrent un instant silencieux, jusqu’à ce qu’Ethelle ne demande de nouveau : « C’est la salamandre qui a causé l’incendie avec ses petites étincelles, alors ? » Clay hocha affirmativement la tête. « C’est impressionnant.
– Tu trouves ? S’étonna le jeune homme.
– Et bien oui, confirma-t-elle. Cette bête a du produire vraiment beaucoup d’étincelles pour pouvoir causer un incendie.

 

 

1771 mots, continuation du rognage de retard en cours

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 6

Mais cela ne vous coûtera rien d’essayer. Sa famille est suffisamment aisée pour que vous soyez à l’abri du besoin. Bien sûr, avant le scandale Morton, vous auriez pu prétendre à bien mieux, mais la situation a malheureusement changé. Je le déplore autant que vous, soyez-en certaine. Ce n’est pas l’idéal, mais je pense que c’est le mieux auquel vous pouvez prétendre pour le moment. Et puis, soyons réalistes, vous n’allez pas pouvoir éternellement rester dans votre hôtel, n’est ce pas ? »

Le Comte Thomas Clayton se tut, attendant la réponse de la fille de feu son vieil ami. Il était visiblement très fier de son idée, qui soulagerait sa conscience en aidant Ethelle, tout en restant loin des éclaboussures du scandale autour de Morton qui, étant à présent décédé, ne pouvait plus se défendre contre ces accusations que sa fille jugeait fallacieuses. Cette dernière ne s’était pas attendue à une aide de ce type. Elle était sous le choc et utilisait la plupart de ses ressources pour garder un masque impassible. Un mariage, c’était tout ce que le meilleur ami de son père pouvait proposer. Avec un parti à l’air un peu douteux, qui plus est.

Elle fixa ses yeux bleus dans ceux du Comte. « Une union n’est pas une chose à prendre à la légère, parvint-elle à formuler. Il faut que je réfléchisse à cette éventualité que je n’avais pas du tout prévue.
– Je comprends, acquiesça Clayton. Mais ne perdez pas trop de temps. Je suppose que vos ressources financières qui vous permettent de payer Grand Grison ne sont pas extensibles. Et le jeune homme en question peut toujours changer d’avis sur l’une ou l’autre prétendante pendant que vous réfléchissez à la question.
– Je ne tarderai pas trop, lui promit Ethelle avec le plus d’assurance possible.
– Tant mieux, se réjouit le Comte. Pour vous aider, j’ai pris la liberté de vous prévoir un rendez-vous avec votre potentiel futur mari.
– Oh, merci, déclara machinalement la rouquine.
– Ne me remerciez pas, voyons, balaya Thomas Clayton avec magnanimité. C’est la moindre des choses d’essayer de vous sortir de cette situation compliquée ! Je ne vois pas comment vous pourriez y arriver toute seule.
– Bien sûr. »

Son égo n’avait pas vraiment apprécié la dernière phrase du vieil ami de son père. Ethelle ne pouvait pas s’empêcher de se sentir piquée par cette phrase beaucoup trop condescendante. Elle avait déjà remarqué ce trait de caractère irritant du Comte lorsqu’il s’adressait à son propre fils. Pour sa part, la jeune femme n’avait pas encore eu l’occasion de le subir, et elle aurait préféré rester dans l’ignorance. Thomas Clayton lui apparut soudainement plus détestable que secourable. Elle n’aimait pas trop cette idée de mariage et encore moins le fait qu’il lui propose un parti obscur au lieu de l’un de ses fils, neveux ou enfants d’amis, par exemple. Ses pensées furent interrompues par le Comte qui, enchanté de l’impression d’assentiment que lui avait donné la rouquine, reprenait :

« Bien, je suis ravi que nous ayons trouvé un terrain d’entente, en tous cas. Je vais devoir vous laisser prendre congé : j’ai beaucoup d’affaires importantes à traiter aujourd’hui. Je vous laisserai vous adresser à mon secrétaire, c’est lui qui dispose des détails de votre rendez-vous. Je vous souhaite toute la réussite du monde dans votre entreprise ! Vous êtes une jeune femme charmante, vous avez toutes vos chances. » Ethelle s’efforça de sourire ; après tout Clayton était persuadé d’avoir véritablement agi dans son intérêt à elle. La jeune femme le remercia, les formules de politesse lui venant machinalement à la bouche ; elle avait toujours bien maîtrisé l’étiquette. C’était, à certains moments, une seconde nature pour elle. Bien rodée, elle pouvait ainsi se sortir de situations mondaines désagréables, sans avoir l’impression d’avoir fait le moindre effort. Ce qu’elle appliquait consciencieusement avec le Comte, tout en ayant l’impression de continuer à vivre des évènements surréalistes, comme depuis le décès de son père.

En sortant du bureau, le secrétaire vint à sa rencontre. Ethelle ne lui avait pas accordé beaucoup d’attention pendant son attente, mais il paraissait un jeune homme plein de bonne volonté. Il avait déjà préparé une feuille avec toutes les informations dont la rouquine pourrait avoir besoin en vue de son rendez-vous avec celui que Clayton avait qualifié de son potentiel futur mari. « Merci beaucoup, lui déclara aimablement Ethelle avec un sourire.
– De rien, mademoiselle. Je me tiens à votre disposition si vous avez des questions.
– Je suis certaine que votre papier est parfaitement complet, lui assura la rouquine.
– Merci mademoiselle. » Le jeune secrétaire rosit légèrement.

« Où se trouve l’homme qui s’était assis ici ? L’archéologue ? s’enquit Ethelle en constatant que le petit salon d’attente était désormais vide.
– Oh, je ne sais pas mademoiselle, il est parti peu de temps après que vous soyez entrée dans le bureau de monsieur Clayton.
– Savez-vous où je peux le trouver ? L’interrogea ensuite la jeune femme qui ressentait le besoin de discuter avec une personne un peu excentrique qui lui changerait les idées.
– Malheureusement non, déplora le secrétaire. Je ne connais même pas son nom : il n’avait pas de rendez-vous avec madame Cranberry. Il est arrivé à l’improviste.
– Je vois, soupira-t-elle. Merci quand même, vous avez été fort aimable, monsieur. » Elle repensait à ce petit moment de félicité où elle sirotait son thé chaud qu’il lui avait apporté, confortablement installée sur le fauteuil vert, en étant persuadée que des jours meilleurs l’attendaient. Le jeune homme rougit carrément, mais ne parvint pas à faire durer la conversation. Ethelle s’en allait déjà, serrant fermement les anses de son sac de voyage.

En sortant dehors, sous le froid soleil de la matinée bien entamée, la rouquine se sentit un peu hébétée. Elle descendit les marches en pierre du Parlement comme dans un rêve. Puis se mit à marcher sans but dans la rue. Ses pas la menèrent inconsciemment jusqu’au parc des Deux Ormes. En s’installant sur un joli petit banc de bois blanc verni et aux armatures de fer forgé donnant sur une petite rivière artificielle bordée de joncs et de roseaux, la jeune femme songea qu’elle avait peut-être fini par considérer le parc comme sa maison. Elle se demanda si elle se sentait clocharde et que c’était pour cette raison qu’elle s’était dirigée ici sans y penser. Contemplant l’eau qui coulait en clapotant joyeusement, Ethelle se rappela de sa conversation avec – comment s’appelait-il déjà ? Oh, Clay – qui lui avait dit qu’elle n’était pas la bienvenue aux Deux Ormes et qu’elle devrait quitter l’endroit sous peine d’avoir de sérieux ennuis. Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle était rejetée de partout. Peut-être qu’elle n’avait effectivement pas d’autre choix que de tenter cette idée de mariage.

La jeune femme ravala ses larmes et sortit, de la poche où elle l’avait fourré, le papier que lui avait donné le secrétaire du Comte Clayton. Comme elle l’avait froissé d’énervement, elle le lissa consciencieusement, puis le parcourut. La rouquine apprit ainsi que le jeune homme à marier se nommait Nicolas Merryweather et qu’elle avait rendez-vous avec lui le lendemain, à l’heure du thé, dans un salon célèbre du centre ville où il avait accepté de la rencontrer. Elle laissa échapper un petit rire amer. Serait-elle encore vivante demain ? Ethelle n’avait toujours rien mangé depuis la veille, elle n’avait pas d’autre robe à mettre, n’avait aucune possibilité de prendre un bain, ni moyen de se rendre présentable. Une personne aussi difficile que semblait être le dénommé Nicolas ne laisserait jamais passer de tels manquements ; ses chances de l’intéresser étaient très minces, sans même compter que son nom de famille seul était un inconvénient pour le moment.

La jeune femme plia soigneusement le papier en quatre et le mit de nouveau dans sa poche, de manière plus minutieuse cette fois, et se laissa aller au découragement. Son regard erra de nouveau sur l’eau courante. Elle ne voyait plus d’autre solution pour fuir la misère et entreprendre de laver le nom de son père. La rouquine avait beaucoup compté sur le soutien du vieil ami de son père. Mais, comme ses amis à elle, l’attachement était superficiel ou même juste artificiel. Peu importait la nuance : le résultat était le même. Elle se retrouvait dans la rue, sans ressource ni personne vers qui se tourner. Complètement désemparée, Ethelle se prit désormais à se trouver plus compréhensive et compatissante envers les désespérés qui faisaient la manche, vendaient leur corps ou volaient.

Même si elle en était un peu honteuse, elle-même était devenue une voleuse passable en peu de temps. En témoignait ce pot de confit de canard qu’elle avait dérobé la veille mais qu’elle n’avait – ô ironie – aucun moyen de faire chauffer pour le manger. Au point où elle en était, la rouquine considéra la possibilité de le manger froid. Elle grimaça ; apparemment elle n’était pas encore prête pour ce genre d’extrémité. Son estomac gargouilla, certainement pour lui exprimer son désaccord. Il se sentait négligé et le lui faisait savoir. Elle poussa un long soupir. Que devait-elle faire à présent ? Se rendre à l’entrevue organisée avec Nicolas Merryweather ? Retourner sonner aux habitations huppées de ses amis au cas où l’un d’entre eux aurait changé d’avis ? Quitter la ville pour tenter sa chance ailleurs ? Faire la manche ou vendre son corps ou voler comme les autres démunis ? Mourir de froid dans un coin ?

Ethelle essaya d’imaginer un instant ce que pourrait donner une carrière de voleuse. Elle aimait bien l’idée de devenir une voleuse célèbre, mais pas trop celle de finir pendue à un gibet. La justice n’appréciait pas vraiment la profession de voleur. Malheureusement, aucune des autres possibilités ne lui plaisait non plus. Sa préférée était celle qui consistait à aller demander de l’aide à ses amis une fois de plus. Mais elle savait qu’il y avait peu de chance qu’ils aient changé d’avis et répugnait de ressentir de nouveau une telle déception. La jeune femme resserra un peu sa pèlerine. Malgré la fin de matinée, il faisait plutôt froid. Si elle se mariait avec Merryweather, elle serait au moins assurée de passer l’hiver dans une vraie maison chauffée.

En attendant, si Ethelle ne voulait pas tomber malade, elle devait faire un peu d’exercice. Récupérant son sac de voyage à côté d’elle, elle se leva et erra sur les chemins de pierres blanches du parc, admirant les pelouses encore vertes et les buissons et arbres bien entretenus. Il y avait également des parterres de fleurs envahis de pensées colorées et de violettes aux douces fragrances. Elle était tellement concentrée sur son admiration pour les plantes qu’elle faillit percuter quelqu’un.

 

 

1800 mots, je rogne un petit peu sur mon retard ^^

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 5

Pour le moment, cette situation lui convenait parfaitement.

La porte du bureau voisin à celui du Comte s’ouvrit avec fracas, faisant sursauter Ethelle et le secrétaire qui triait des dossiers sur les étagères voisines. Un homme sortit de la pièce et attrapa fermement la porte, comme si il essayait de la dégonder. « Pas littéralement ! » Rugit une voix féminine et sèche provenant du bureau. « Ne vous faites pas plus bête que vous ne l’êtes Simon !
– Je ne pense pas que je pourrai en tirer grand chose, déplora ledit Simon en ignorant la femme.
– Laissez cette porte, Simon et fermez la ! » L’homme finit par obéir. Il claqua la porte et alla s’affaler sur un fauteuil situé en face d’Ethelle. Il soupira en passant une mains dans ses cheveux en bataille et posa ses pieds croisés sur la table basse qui les séparait.

La jeune femme l’inspecta machinalement. Ses vêtements, bien que de bonne qualité, étaient un peu poussiéreux et son apparence générale un peu négligée. Elle avait déjà vu des personnes porter ce genre de tenue ; ils s’auto proclamaient explorateurs ou aventuriers et voyageaient de par le monde, d’où ils ramenaient anecdotes et objets mystérieux. Comme si il avait senti qu’il était observé, Simon leva les yeux sur elle. « Vous paraissez un peu déconfit, commenta Ethelle.
– Je le suis, précisa l’homme. Personne ne veut m’écouter et c’est assez frustrant.
– Je vois tout à fait ce que vous voulez dire. » Compatit la jeune femme. Lors de la mort de son père, personne n’avait voulu la croire lorsqu’elle disait qu’il ne fallait pas s’en tenir à la thèse du suicide. Même l’officier de police ne lui avait pas prêté une oreille attentive. Cela, en particulier, l’avait beaucoup découragée. Si même les forces de police ne prenaient pas la peine d’enquêter, comment allait-elle pouvoir laver le nom de Morton ?

« Seriez-vous un explorateur ? s’enquit Ethelle intriguée par cet homme qui ne savait pas se tenir au milieu du Parlement.
– Encore mieux ! S’exclama celui-ci, un grand sourire illuminant son visage. Je suis un archéologue !
– Et vous recherchiez des fonds pour une expédition archéologique ?
– Pas vraiment, non. Je voulais surtout faire part de certaines de mes découvertes qui sont d’une importance capitale pour notre avenir. Mais aucune des personnes que je connais au gouvernement ne veut m’écouter.
– Avez-vous essayé de contacter des journalistes ? suggéra la jeune femme.
– J’y ai pensé, acquiesça Simon. Mais je ne suis pas certain du bien fondé de dévoiler mes hypothèses au monde entier.
– Pourquoi donc ? »

Ethelle avait fini par se trouver intriguée par ce que lui racontait l’archéologue. Il paraissait d’ailleurs enthousiaste d’avoir enfin une oreille attentive et parut réfléchir à la meilleure façon de lui présenter les choses. Après quelques secondes de réflexion, il lui demanda : « Auriez-vous remarqué des choses étranges, dernièrement ?
– Oh, et bien je remarque sans arrêt des choses étranges, répondit la jeune femme.
– Oui, c’est sûr qu’il y a beaucoup de choses étranges dans le monde, convint Simon. Mais je parle là de choses surnaturelles.
– Surnaturelles ? » Ethelle s’apprêtait à railler l’explorateur, mais se souvint brusquement du rat qui riait et de la grosse luciole qui avait eu l’air d’avoir un visage. Etait-ce à ce genre de choses qu’il faisait allusion ? Elle n’osa pas mentionner ce qu’elle avait vu la veille. D’autant qu’elle n’avait pas vraiment vu le rat et elle n’était pas très réveillée quand elle avait vu la luciole.

« Je suis certain que vous avez été témoin d’évènements étranges, persista Simon. Il y en a de plus en plus. Evidemment, les gens n’ont pas envie de voir le surnaturel, ils ont peur de passer pour des fous. Mais moi je sais bien que depuis des années, de nouvelles choses font leur apparition.
– De nouvelles choses ? L’archéologie ne concerne-t-elle pas plutôt l’étude du passé ? Pointa Ethelle d’un ton un peu acide, car elle n’était pas très sûre d’apprécier le discours de son interlocuteur.
– Oh si ! Et justement ! S’exclama l’homme avec véhémence. Tout est lié : ces apparitions étranges sont en rapport direct avec mes dernières découvertes.
– Vraiment ? »

La jeune femme était à la fois gênée des implications de l’apparition de choses surnaturelles qui la mettaient mal à l’aise, et intriguée par les explications de l’archéologue qui rendaient légitime ses observations de la veille. Elle avait brièvement pensé que ses déboires avaient fini par lui faire perdre la tête. Au moment où Simon allait entrer dans des détails, ils furent interrompus par le Comte Clayton qui sortait de son bureau avec le rendez-vous précédent celui qui était prévu avec Ethelle. Ils avaient l’air d’être arrivés à un accord qui leur convenait à tous les deux, si la jeune femme en croyait leur façon de parler très forte agrémentée de gros rires. Le visiteur finit par s’en aller et Thomas Clayton tourna la tête en direction du petit salon où se trouvaient Ethelle et Simon qui discutaient ensemble. « Ah, mademoiselle Morton, vous êtes déjà arrivée, se réjouit le Comte en s’approchant d’elle et lui tendant la main pour l’aider à se lever.
– Je suis toujours à l’heure, l’informa-t-elle en quittant le fauteuil avec une pointe de regret.
– Bien sûr, mademoiselle Morton, je n’en doute pas un instant. » Il jeta un coup d’oeil mi intrigué, mi dégoûté, en direction de Simon. Il ne pouvait clairement pas avoir une bonne opinion d’un homme à la mise aussi négligée. « Venez donc dans mon bureau, nous serons plus à l’aise et plus au calme. » La rouquine acquiesça d’un signe de tête et précéda Clayton dans son bureau. Il ferma soigneusement la porte, invita la jeune femme à s’installer dans un fauteuil similaire à ceux du petit salon d’attente qui faisait face à son bureau et s’assit lui-même derrière.

« Bienvenue mademoiselle Morton, j’espère que votre séjour à l’hôtel Grand Grison se passe bien.
– L’hôtel Grand Grison ? répéta Ethelle un peu perdue.
– Oui, j’ai entendu dire que c’était à cet endroit que vous logiez, ce n’est pas le cas ?
– Oh, si si c’est bien cela. » C’était effectivement dans cet hôtel chic qu’elle avait pris une chambre juste après la saisie des biens de son héritage, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de ressources financières. Mais ses dernières nuits dans le parc des Deux Ormes étaient encore tellement marquantes et présentes dans son esprit qu’elle en avait presque oublié l’hôtel.
Elle reprit rapidement constance et décida qu’il était mieux que le Comte pense qu’elle logeait encore à l’hôtel au lieu qu’elle soit une sans-abri qui dormait dans un buisson au milieu d’un parc. Cela n’aurait pas été une situation convenable pour un homme respectable tel que Thomas Clayton que de recevoir une simple clocharde dans son bureau du Parlement. D’autant plus que, étant donné le regard de dédain dont il avait gratifié l’archéologue, cette perspective l’aurait très certainement dégoûté, même si il connaissait Ethelle depuis qu’elle était toute petite. Si il pensait qu’elle vivait toujours dans un endroit chic, elle ne comptait pas le détromper, et ça servait plutôt bien ses affaires.

« J’ai été tellement désolé d’apprendre la mort tragique de votre père, compatit le Comte.
– Les morts sont toujours tragiques, commenta la jeune femme avec un petit air pincé.
– En effet, convint Clayton avec un fin sourire. Vous avez toujours autant d’esprit ; c’est un plaisir de constater que vous ne vous êtes pas laissée abattre par la situation.
– Merci, mais je vous avoue que ça n’a pas été tous les jours facile. » La rouquine se souvenait notamment du premier soir où elle avait du dormir dans le parc des Deux Ormes. Ce soir là il y avait eu une averse particulièrement abondante et elle avait cru mourir de froid dans l’humidité ambiante, recroquevillée dans sa pèlerine au sein de sa grotte végétale. Elle avait beaucoup pleuré en grelottant cette nuit là. Mais elle avait survécu et le lendemain il avait fallu trouver à manger, tout en essayant de trouver des contacts qui auraient pu l’aider, au moins en l’hébergeant momentanément.

« Je n’en doute pas, les circonstances de cette disparition étaient vraiment dramatiques, continua le Comte. Mais passons. Alors, que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?
– Tout d’abord, je vous remercie de bien avoir voulu me recevoir, commença la jeune femme. Dernièrement, cela a été un peu compliqué de trouver des personnes qui voulaient bien m’accorder du temps.
– Je comprends, beaucoup de gens manquent cruellement de certaines qualités humaines, déplora Clayton. Mais en tant que fille de mon ami d’enfance, vous pouvez compter sur moi mademoiselle.
– Cela me fait chaud au coeur de savoir que je ne suis pas abandonnée de tous, avoua franchement Ethelle. Depuis que tous mes biens ont été saisis, je me sens un peu désemparée, et j’aurais bien besoin d’aide pour remettre le pied à l’étrier.
– J’imagine. » Compatit le Comte d’une voix douce. Il la gratifia d’un regard compréhensif, poussa un profond soupir et se redressa face à son bureau.

Il reprit gravement : « Mademoiselle Morton, il faut que vous ayez bien conscience que le scandale autour de votre père va m’empêcher de vous aider publiquement. Je prends même déjà un risque pour ma notoriété de vous accueillir ici. En revanche, je peux essayer de vous aider par des moyens un peu détournés. » La jeune femme était très angoissée en attendant de savoir si le Comte allait pouvoir effectivement l’aider, ou si il s’agissait encore d’un espoir qui serait déçu. Elle s’efforça de n’en rien laisser paraître et de patienter tandis que Clayton s’étendait sur le fait qu’il n’allait pas pouvoir lui accorder une véritable aide directe. « Je connais un certain jeune homme de bonne famille auquel ses parents ont du mal à lui trouver un parti. Il s’avère qu’il les rejette tous et tout le monde se demande si il trouvera un jour une femme qui lui conviendra. Alors, j’en conviens, il se peut que vous ne l’intéressiez pas non plus.

 

 

1678 mots, je n’ai pas encore commencé à rattraper mon retard, mais au moins j’en ai pas plus !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 4

Le bâtiment faisait partie des plus imposants de la ville. A la fois massif et élégant avec ses colonnades élancées, il était clairement d’inspiration antique. Le fronton représentait des personnages classiques, en toges ou nus, qui étaient mis en scène dans diverses saynètes dont la signification restait obscure pour la plupart des gens. Ethelle s’était toujours demandée pourquoi les commanditaires de ces bâtiments les avaient voulu ornés de tellement de corps nus, alors que leur société était plutôt prude. Chacun pouvait être choqué lorsqu’un vêtement montait au dessus de la cheville, notamment. La jeune femme avait toujours trouvé cela ridicule ; elle ne voyait pas ce qu’il y avait de si affriolant dans un bas de mollet.

Le brouillard s’était un peu levé et la ville devenait plus fourmillante de piétons et de véhicules tractés par des chevaux tantôt animaux et tantôt mécaniques. Les voitures à moteur avaient fait leur apparition quelques années auparavant et avaient fait un tabac chez les familles suffisamment aisées pour s’en offrir une. Elles allaient plus vite qu’un cheval et n’avaient pas besoin de se reposer. Au début, il y avait eu pas mal d’accidents, surtout en ville où les piétons étaient pléthore. Mais le gouvernement avait rapidement pris les choses en main et établi tout un ensemble de règles à suivre, pour conduire ces véhicules en parfait accord avec « l’Etiquette de la Route ». Depuis, le nombre d’incidents impliquant ces voitures mécaniques avait beaucoup baissé. De plus, les piétons s’habituèrent rapidement à prendre plus de précautions avant de s’aventurer sur la rue où la circulation avait beaucoup augmenté. Certains quartiers aux rues plus larges que les autres avaient vu l’apparition de trottoirs surélevés où les piétons pouvaient marcher sans risquer de se faire renverser.

Ethelle avait adoré la petite voiture que son père lui avait offert pour son dernier anniversaire. Les finitions en laiton étaient finement ciselées et le tout était vernis. Elle avait rendue ses anciennes amies jalouses et avait organisé moult sorties à la campagne dont elles avaient toutes beaucoup profité. Malheureusement, la jolie voiture avait été saisie, comme tout le reste. Balayant ses pensées, elle gravit les degrés de pierre du Parlement. Elle savait très bien où trouver le bureau du Comte Clayton, elle s’y dirigea sans hésiter. Le secrétaire qui l’accueillit la fit patienter dans une petite alcôve meublée de petit fauteuils de cuir vert moelleux. La jeune femme s’installa avec délectation sur le meuble rembourré. Il lui semblait que cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas eu l’occasion de s’assoir sur quelque chose d’aussi confortable.

Pour adoucir son attente, le secrétaire du Comte lui amena une tasse de thé aromatisé aux fruits. Ethelle le remercia avec une chaleur qui surprit l’employé. Elle ne put pas s’empêcher de se brûler la langue avec la boisson encore presque bouillante, tellement elle était pressée de goûter de nouveau à ce breuvage qui lui avait tant manqué. La jeune femme resta un instant, les yeux mi clos, à profiter du thé chaud, confortablement assise sur le joli fauteuil. Elle avait presque l’impression d’être de nouveau dans sa vie d’avant et espéra qu’elle pourrait en profiter le plus longtemps possible. Heureusement pour elle, le rendez-vous précédent de Clayton paraissait s’éterniser.

 

 

535 mots

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 3

Auparavant, la jeune femme n’aimait pas les matins citadins, en grande partie à cause du brouillard qui envahissait les rues. Elle pensait à l’époque qu’il avait une mauvaise influence sur son teint. Et c’était peut-être le cas, mais elle avait désormais des sujets de préoccupation un peu moins superficiels. Le froid, par exemple. Elle fit jouer les articulations de ses doigts, déjà engourdis par la bise matinale. Pour paraître plus présentable, elle avait délaissé ses gants de cuir lacérés. Ils étaient désormais dans son sac de voyage, en compagnie de ce qui lui restait. Ethelle s’arrêta devant une vitrine pour inspecter son allure générale. Elle soupira de soulagement. Sa coiffure paraissait correcte, et le poudrage également. Rassurée sur son apparence, elle reprit son chemin après avoir arrangé quelques mèches.

Le Comte Thomas Clayton lui avait donné rendez-vous sur son lieu de travail, au Parlement.

Très peu de mots aujourd’hui, mais ça sera rattrapé ce week end 😉

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 2

Elle se glissa entre des branchages pour se réfugier à l’abri d’une grotte végétale. Suffisamment spacieuse pour qu’elle puisse s’y étendre de tout son long, les parois de branches et de feuilles étaient très épaisses. La nuit précédente avait vu une averse arroser la ville ; mais Ethelle n’avait pas du tout été mouillée par la moindre goutte. Si elle n’avait pas été persuadée que Thomas Clayton la sortirait de la rue, la jeune femme aurait presque déploré de devoir quitter une cachette aussi pratique. Le seul inconvénient étant que les branches entrelacées ne laissaient pas plus passer la lumière que la pluie. Bien sûr, l’ouverture par laquelle Ethelle entrait dans son igloo de verdure permettait de bénéficier de la lumière d’un lampadaire à gaz qui éclairait la rue voisine. Mais il fallait se placer très près de l’entrée pour cela et l’éclairage restait insuffisant pour lire, par exemple. Il lui permettait juste de se repérer dans ses affaires.

La rouquine s’enveloppa avec délectation dans sa pèlerine de velours doublée. Pour le moment le vêtement était encore froid, mais il allait très rapidement lui procurer une douce chaleur. Elle posa son pot en verre de confit de canard devant l’entrée, afin de pouvoir l’admirer à la lueur du lampadaire à gaz, et se frotta les mains gantées de mitaines pour les réchauffer. La jeune femme avait un peu honte d’avoir découpé ses coûteux gants de cuir. Elle n’avait pas eu le choix : en restant dehors, et ce malgré que ce soit seulement le début de l’automne, elle avait été obligée de garder ses gants en permanence sous peine de voir ses mains engourdies. Sauf qu’elle avait eu besoin des capacités motrices fines de ses doigts. Avec regret, elle s’était résolue à faire comme les femmes de basses extraction qui portaient des mitaines, de laine quant à elles. Cette matière devait maintenir la chaleur plus efficacement, supposait Ethelle. Heureusement, elle n’aurait pas à vérifier cela par elle-même.

Tout en s’asseyant en tailleur face au confit de canard en pot, elle sortit une brosse de son sac de voyage et commença à démêler son opulente chevelure rousse. Ce faisant, elle laissa ses pensées vagabonder. La première chose qu’elle ferait une fois qu’elle aurait retrouvé un environnement décent, serait de prendre un bain. Chaud. Et mousseux. Elle ne dégageait pas encore d’odeur corporelle notable, mais elle ne s’en sentait pas moins crasseuse. Même si elle savait qu’elle aurait du mal à continuer ainsi pendant longtemps, Ethelle faisait tout pour se débarbouiller au mieux pour être présentable. Elle comptait utiliser toutes ses dernières ressources d’artifices de propreté et de beauté pour son rendez-vous.

A la base, elle avait aussi prévu de prendre un bon repas pour paraître au mieux de sa forme. Son visage lui avait fait peur la dernière fois qu’elle avait eu l’occasion de se regarder dans un miroir. Malheureusement, si elle voulait tenir sa promesse à Clay de rester discrète, elle n’allait pas pouvoir faire chauffer ce fameux confit de canard. Il lui faisait très envie, mais les effluves qu’il allait exhaler pendant la cuisson allait forcément attirer l’attention. La jeune femme n’appréciait pas trop ce dilemme. Elle interrompit brièvement le brossage de ses cheveux pour ranger la conserve tentatrice dans son sac de voyage, en compagnie de ses autres possessions. Ceci fait, elle s’assit de nouveau et reprit la brosse pour continuer de démêler machinalement ses mèches. Cette activité anodine et répétitive lui permettait de se détendre. Parfois aussi de réfléchir. Pour le moment, elle se contentait de passer longuement la brosse dans ses cheveux, en comptant à rebours à partir de cent.

Une luciole, aussi grosse que la précédente qui avait fait irruption pendant sa discussion avec le dénommé Clay, s’invita dans la grotte végétale, l’illuminant d’une douce lumière verte. Ethelle la suivit du regard, sans arrêter le mouvement. L’insecte voleta de part et d’autre des parois, comme si il visitait l’endroit. Après avoir fait le tour du propriétaire, la luciole s’approcha de la jeune femme qui suspendit son geste. Bouche bée, elle cligna plusieurs fois des yeux pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas. Elle avait cru voir un visage humanoïde au lieu de la tête insectoïde qu’elle s’était attendue à trouver. Malheureusement, le vol erratique de la petite bête l’empêchait de l’étudier de plus près. Laissant tomber sa brosse, Ethelle tenta d’attraper la luciole. Après quelques minutes de chasse, l’insecte s’échappa par l’entrée, se mettant hors de portée de la jeune femme en voletant en direction de la cime des arbres.

Sa poursuivante ne sortit pas de son refuge, se bornant à contempler la lumière verte de la luciole disparaître au loin, entre les feuilles. Un peu déçue, Ethelle haussa les épaules et ramassa sa brosse. Ne sachant plus où elle en était dans son compte, elle rangea l’objet dans son sac et commença à préparer sa couche pour la nuit. Comme le reste des rares conforts de sa vie dans la rue, son lit était rudimentaire, comportant une couverture sur le sol, une couverture sur elle et son sac de voyage en guise d’oreiller. La jeune femme ne parvenait pas à s’habituer à dormir ainsi. Son sommeil était perpétuellement agité et des cernes ajoutaient à sa mauvaise mine générale. Il lui paraissait bien loin le temps où elle dormait dans un vrai lit au matelas moelleux et aux oreillers de plumes ! Elle enleva ensuite sa douce pèlerine, pour la placer en guise de couverture supplémentaire et se glissa dans sa couche de fortune. Elle se blottit du mieux qu’elle put dans ses couvertures et chercha avidement le sommeil.

 

Le soleil la réveilla tôt le lendemain matin. La jeune femme s’étira longuement. Encore une fois, elle avait mal dormi, mais l’expectative de la journée lui donna une bonne dose de motivation. Elle se leva d’un coup, manquant de se heurter la tête contre la voûte de branchages. Se souvenant juste à temps qu’elle se trouvait dans un lieu bas de plafond, Ethelle évita la bosse qui aurait résulté de cette rencontre malencontreuse entre sa tête et une branche. Son ventre gargouilla soudainement, la rappelant à des considérations encore plus primaires. La jeune femme n’avait pas dîné la veille et elle n’avait rien pour le petit-déjeuner. En soupirant, elle se résigna à devoir se rendre à son rendez-vous l’estomac vide.

Pour ne plus penser à la faim qui la tenaillait, elle se mit au travail. Elle commença par sortir de son sac de voyage sa dernière robe présentable et la posa sur les couvertures étalées au sol, pour ne pas la salir. Ethelle laissa échapper une petite grimace en constatant que le vêtement était un peu froissé malgré ses soins. Elle devrait faire avec, n’ayant aucun moyen de faire du repassage. En souriant de le retrouver, elle récupéra son chapeau préféré, puis quelques bijoux sans lesquels elle ne paraîtrait pas à sa place lors de sa rencontre avec le Comte Thomas Clayton. Ceci fait, elle entreprit de se changer. Puis de coiffer son opulente chevelure rousse, à grand renfort d’épingles à cheveux, pour la rendre présentable. Sans aide ni miroir, l’opération était délicate et elle espérait que le résultat n’était pas grotesque. Une fois prête, elle rangea ses dernières affaires dans son sac de voyage, prit une grande inspiration, et sortit de son refuge. Comme elle était debout, la jeune femme lissa sa jupe, vérifia qu’aucune feuille ou brindille n’était restée collée, ajusta son petit chapeau et, son sac de voyage en main, elle entreprit de sortir du parc.

Bien évidemment, si elle se rendait dès à présent à son rendez-vous, elle serait beaucoup trop en avance. Elle en profita pour faire un petit tour en ville, profitant de ce moment agréable où tout le monde se réveille, malgré le supplice des appétissantes odeurs émanant des boulangeries.

 

 

1300 mots, et voilà, à peine le deuxième jour et je suis déjà en retard 😛

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 1

Elle s’immobilisa, tous ses sens aux aguets. Ses yeux balayèrent rapidement les environs, faiblement éclairés par les lampadaires à gaz de la rue d’à côté, et elle serra instinctivement son butin contre elle. Une fois assurée que l’inquiétude la fourvoyait et que personne ne la menaçait ni ne la surveillait, elle relâcha son souffle. La jeune femme ne s’était même pas rendue compte qu’elle s’était arrêtée de respirer. Elle se morigéna intérieurement ; le parc dans lequel elle avait trouvé refuge était fermé pour la nuit. Il ne devrait pas y avoir âme qui vive jusqu’au lendemain matin, à l’ouverture. Ethelle s’efforça de se détendre. Le parc des Deux Ormes, bien que très étendu pour un parc citadin, n’était pas surveillé pendant sa fermeture nocturne. Elle devrait être tranquille, au moins jusqu’à ce que le soleil se lève. La rouquine sourit inconsciemment à l’idée de se reposer en profitant d’un bon repas volé une heure plus tôt.

« Que fais-tu ici ? » La voix la surprit tellement qu’elle ne put retenir un petit cri en même temps qu’elle sursautait. Elle agrippa plus fort son précieux butin, par réflexe. La jeune femme se tourna pour faire face à son interlocuteur. Ce dernier la dépassait d’une tête qu’il avait surmontée d’une masse de cheveux bruns ajustés comme ceux d’un dandy, ne ressemblait pas le moins du monde à un garde et n’était certainement pas l’un de ces dandys auxquels il essayait de ressembler. Ethelle savait fort bien ce qu’il en était ; elle avait fréquenté son content de godelureaux avant sa chute de statut. Si la coiffure du jeune homme pouvait faire illusion, il n’en était pas de même de sa tenue vestimentaire, qui laissait à désirer pour un œil averti comme le sien.

Inconscient de cette évaluation, l’importun esquissa un petit sourire, plutôt satisfait de son effet. Il se rembrunit presque aussitôt. « Tu ne peux pas rester ici, l’informa-t-il.
– Et pourquoi donc, je te prie ? Ne me dis pas que ce parc t’appartient, je ne te croirai pas, le prévint-elle avec morgue.
– Oh, mais je n’ai pas cette prétention, lui assura le prétendu dandy. Mais tu te trouves sur le territoire des Faucheux : tu risques des ennuis si tu te permets d’outrepasser les limites.
– Vraiment ? Ironisa Ethelle. Ce parc appartient à la ville, il ne fait partie d’aucun territoire. Je suis bien placée pour le savoir : mon père faisait partie du conseil municipal.
– Peut-être, admit le jeune homme. Mais pas la nuit. Pendant la nuit, les règles des conseils municipals n’ont pas cours.
– Municipaux, corrigea machinalement son interlocutrice.
– Si tu veux, concéda-t-il. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’avoir une éducation de la haute. Alors tant qu’on se comprend, ça me convient. De toutes façons, tu as l’air mal placée pour donner des leçons, demoiselle Clocharde. »

Ethelle rougit et pinça les lèvres. La phrase avait sérieusement giflé son égo. Cette assertion était techniquement juste : pour le moment, elle se trouvait sans abri. Et, pour être plus libre de ses mouvements, elle avait abandonné les robes à cerceaux et jupons qui étaient la marque des femmes aisées. Elle arborait à présent sa vieille tenue d’équitation, inadaptée pour une soirée mondaine, mais beaucoup plus pour évoluer dans la rue et se cacher dans les ombres. Mais elle se considérait toujours comme la jeune fille de bonne famille qu’elle avait été durant la plus grande partie de sa vie. Se faire rattraper par la dure réalité était toujours douloureux pour elle. « Je suis désolé, s’excusa le jeune homme l’air un peu gêné. C’était un peu indélicat de ma part.
– Ce n’est rien, grommela la rouquine en secouant sa chevelure ondulée.
– Mais tu dois toujours partir, précisa-t-il.
– Je n’ai nulle part ailleurs où aller… Et j’ai laissé mes affaires dans un buisson. »

Un silence embarrassé suivit. Une brise fraîche les fit frissonner, agitant les feuilles des arbres bien entretenus qui les entouraient. Une grosse luciole passa entre eux. Le Faucheux toussota et reprit : « Je peux peut-être m’arranger pour qu’ils ne se rendent pas compte de ta présence, si tu te caches bien. » Ethelle écarquilla des yeux bleus plein d’espoir. « Mais tu devras déménager dès demain ! Précisa rapidement le jeune homme. J’aurai des ennuis, sinon.
– Marché conclu, se réjouit la rouquine rassurée d’avoir un peu de répit. De toutes façons, si ma journée de demain se déroule comme je le souhaite, je n’aurai plus à empiéter sur les territoires de qui que ce soit.
– Tant mieux pour toi, je crois. »

Son interlocuteur n’avait bien sûr pas compris ce à quoi elle faisait allusion. Le lendemain, elle avait rendez-vous avec l’un des plus vieux amis de son père. Elle espérait qu’il l’aiderait à remettre le pied à l’étrier et qu’elle pourrait récupérer, du moins en partie, sa vie d’avant. Ethelle se doutait que ça ne serait certainement pas si simple et qu’elle devrait faire beaucoup d’efforts pour récupérer les avantages et la richesse perdus. Mais la jeune femme était volontaire et elle se sentait prête à tout pour atteindre son objectif. Elle espérait juste que le Comte Thomas Clayton n’avait pas été abusé par les fausses accusations portées à l’encontre de son père. Jusque là, il avait été le seul à bien avoir voulu la gratifier d’un rendez-vous. Ethelle comptait beaucoup sur cette rencontre : il était son dernier recours.

Elle se raccrochait désespérément au fait que Clayton était un ami d’enfance de son père ; il ne pouvait pas se laisser berner par des vilainies. La jeune femme retrouverait bientôt son train de vie. Sa fortune et ses biens, dont elle aurait du hériter, avaient été saisis depuis la mort de son père, qui avait fait suite à un scandale tonitruant qui avait sali le nom des Morton. Beaucoup de gens important avaient, soi-disant, perdu beaucoup d’argent à cause de Charles Morton et tout avait été pris pour les rembourser. Ethelle s’était retrouvée sans ressources du jour au lendemain. Elle avait, pour ainsi dire, tout perdu en même temps. La notoriété de son nom, les richesses paternelles, son père et ses amis. La jeune femme avait pu se rendre compte de la superficialité des relations qu’elle avait avec ses prétendus amis. Aucun n’avait accepté de l’héberger, à cause du scandale Morton dont personne ne voulait être rattaché de près ou de loin, et la plupart d’entre eux avaient même refusé de la voir, lui barrant l’accès à leur maison avec des domestiques zélés.

Très rapidement, elle avait eu l’impression de vivre un cauchemar sans fin. Sa mère étant morte en couche, son père n’ayant pas de famille, ni gardé de contact avec celle de sa femme, Ethelle s’était retrouvée sans-abri presque du jour au lendemain. Même si cela faisait seulement quelques mois qu’elle était officiellement adulte, elle n’avait pas pu bénéficier d’un tuteur pour l’aider à se retourner. Au début, elle avait vendu certaines de ses affaires pour payer une jolie chambre dans un hôtel huppé. A ce moment là, elle pensait encore qu’elle allait pouvoir trouver du soutien. Elle ne s’attendait pas à être ainsi unanimement rejetée. Heureusement pour elle, Ethelle Morton était dotée d’une volonté de fer. Les moments de déréliction et d’abattement passèrent rapidement, remplacés par la rancœur envers ceux qui avaient causé du tort à son père et par une profonde détermination. D’abord elle devait récupérer son héritage et ensuite mettre à bas ceux qui avaient sali son nom. De plus, elle trouvait la mort de son géniteur mystérieuse. Les journaux avaient évoqué un suicide suite au scandale qu’il n’aurait pas supporté. Mais sa fille en doutait. Et elle comptait bien éclaircir cette histoire.

En attendant, Ethelle n’avait plus d’argent pour payer une chambre, même bon marché. Elle ne voulait absolument pas se séparer des quelques possessions qui lui restaient. La jeune femme frissonna : elle avait faim et commençait à avoir froid. Elle était impatiente de se retrouver dans sa cachette du parc des Deux Ormes pour s’emmitoufler dans la dernière pèlerine qui lui restait. Elle avait espéré manger un repas chaud mais, si elle devait se montrer discrète pour ne pas attirer l’attention des Faucheux, elle doutait de pouvoir faire de la cuisine. Dans tous les cas, elle ne savait pas vraiment cuisiner. Ses connaissances en la matière se bornaient à savoir faire réchauffer quelque chose de déjà préparé. C’était d’ailleurs ce qu’elle avait pensé faire, avec ce pot de conserve de canard confit accompagné de pommes de terre, qu’elle serrait toujours aussi fort contre elle et qui était présentement son butin le plus précieux. La sensation de faim était quelque chose de nouveau pour elle et elle avait hâte de retourner à une situation où elle n’aurait plus à ressentir une telle chose.

La rouquine crut entendre un petit rire dans son dos, qui interrompit ses pensées. Elle se retourna brièvement. Mais il n’y avait personne. Le jeune homme face à elle supposa : « Ce devait être un rat, je pense.
– Les rats ne rient pas, se défendit Ethelle.
– Je ne pense pas que c’était un rire, continua le Faucheux. Ca devait être un cri.
– Peut-être.
– Il ne faut pas en avoir peur : les petites bêtes ne mangent pas les grosses, la rassura le jeune homme.
– Je n’ai pas peur, se buta-t-elle. Et elles ne mangent peut-être pas les grosses bêtes, en attendant elles amènent plein de maladies.
– Tu as juste à ne pas les toucher. »

Ethelle fit la grimace à l’idée de toucher ces créatures qui lui évoquaient les égouts et la pauvreté. Son interlocuteur sourit et lui déclara : « Tu devrais aller te cacher maintenant. D’autres Faucheux ne devraient pas tarder à arriver ; on a un meeting ici ce soir.
– Oh, d’accord. » La jeune femme hésita, se mordit la lèvre, et se décida finalement. « Et merci.
– De rien, répondit-il. Au fait, je m’appelle Clay.
– Enchantée, répartit-elle machinalement. Je suis Ethelle.
– Bonne nuit, dans ce cas, Ethelle. » Cette dernière sourit et s’en fut dans les ombres du parc. Sachant qu’elle devait se montrer discrète, elle tenta de faire le moindre bruit possible en marchant dans l’herbe. Mais elle avait l’impression que toutes les feuilles et les brindilles du parc se calaient exprès sous ses pieds pour la contrarier.

 

1720 mots

NaNoWriMo 2016

Bonjouuur !

Comme tous les ans, pour la troisième année consécutive, je participe au NaNoWriMo. Je suppose qu’à force que j’en parle, vous savez maintenant de quoi il s’agit. En tous cas, pour moi il s’agit de faire des romans finis que je peux retravailler derrière. J’ai d’ailleurs fini celui qui s’appelait Bård et s’appelle maintenant Le Coeur de l’Hiver et qui m’avait fait un NaNoWriMo et deux NaNoCamps (laborieux pour ces derniers). Je ne sais pas trop quand j’aurai envie de reprendre celui de l’année dernière. Car j’aimerais bien reprendre des romans que j’avais commencé avant de me lancer dans les aventures NaNotesques.

On verra.

Quoiqu’il en soit, n’hésitez pas à participer vous aussi, si ça vous intéresse ! 50 000 mots en 30 jours, c’est faisable ! Oh, et comme les autres fois, je vais vous partager ma production journalière.

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 29

Il savait bien que Kit avait suggéré de rejoindre Eglantine juste pour la regarder piloter. Le garçon s’était senti bridé lorsque c’étaient les deux pilotes en gris qui étaient aux commandes. Il n’avait pas pu les abreuver de questions et, même, il n’avait pas eu le droit de parler du tout. Heureusement qu’il y avait eu l’intermède où Rielle avait superposé son esprit au sien. Bran déplorait que les deux hommes en gris aient assisté à cet échange. Maintenant que l’équipage d’Eglantine les avaient laissés sur le Complexe de Recherches, ils allaient certainement faire part à la mère de Rielle de cette histoire. Cela signifiait que Kit allait dorénavant être aussi recherché que sa soeur. Dans l’état actuel des choses, rien ne garantissait qu’il allait pouvoir faire partie de l’Ecole Planétaire de Pilotage dont il rêvait depuis tout petit.

En arrivant dans la cabine de pilotage, ils constatèrent que la capitaine se trouvait déjà à son poste, prête à décoller. Khouaf lui servait de copilote. Mais la porte n’était toujours pas ouverte, malgré les demandes répétées d’Eglantine. Le poste de contrôle avait du être déserté. Aucune réponse n’émanait d’eux. La femme au cache oeil se tourna vers eux, alors qu’une nouvelle secousse ébranlait la structure. « Nous avons un gros problème, leur confirma-t elle. J’ai l’impression que tout le complexe est en train de se désagréger, avec nous à l’intérieur. Il n’y a personne pour nous ouvrir les portes. L’un d’entre nous va devoir se porter volontaire pour aller dans le centre de contrôle et nous ouvrir. Malheureusement, celui là devra rester sur place. » Un silence de mort s’abattit sur la cabine. La capitaine appela les autres membres de son équipage qui étaient venus sur place. Renacleriblob eut du mal à entrer à cause de sa prise de volume. Kit contempla, fasciné, les multiples objets qui flottaient dans le corps en gelée translucide de l’être jaunâtre. Sur son esquisse de tête il arborait, de plus, un étrange bonnet orange à pompon sur le dessus, avec deux lanières de laine tressées qui pendaient des deux côté de sa figure inexistante. En le voyant, Khouaf s’avança sur lui et lui arracha le bonnet, le plaçant sur sa propre tête. Renacleriblob eut l’air de pencher la sienne, comme si il était déçu. Ou triste. Ou quelque chose d’autre de ce genre. C’était difficile à dire.

Lorsqu’Eglantine eut répété son information, Bran et Kit furent stupéfaits de constater que tout l’équipage se porta volontaire pour cette mission presque suicide. D’après les rumeurs, le Complexe de Recherche d’Ayla Kree Lai ne crachait pas sur les cobayes humains ou autres pensants. Du coup, ce qu’il risquait d’arriver à celui qui resterait derrière n’était pas pour faire rêver. « Nous allons devoir tirer au sort, annonça alors la capitaine. Pour savoir qui sera mangé. » Elle lâcha un rire bref et sans joie. « Nous allons le faire à l’ancienne : tirer à la courte paille. » Eglantine fouilla dans ses poches et en sortit un assortiment de vis et de clous, un anneau doré, un mouchoir en tissu, divers tickets froissés et autre cochonneries. « Tiens, je ne sais pas ce que ça faisait dans mes poches, mais admettons. Ca fera tout à fait l’affaire. » Elle leur présenta ses vis et clous, pointes cachées par ses doigts. « Choisissez bien. » Leur déclara-t elle gravement.

Une secousse fit trembler le sol sous le vaisseau de livraison. Elle était tellement puissante que tous, à l’intérieur, tombèrent par terre. Sur l’aire d’atterrissage, les lumières s’éteignirent, laissant place à la lumière rouge clignotante de secours. L’alarme continuait de hurler. Une grosse voix jaillissant des hauts parleurs couvrit le cri de l’alarme. « Mesdames et messieurs, veuillez nous excuser pour les perturbations que vous subissez actuellement. Elles ne sont pas indépendantes de notre volonté, bien au contraire, mais nous vous présentons nos excuses tout de même. » Informa poliment, mais avec une pointe de moquerie, une voix masculine. « Vous ne devez vous en prendre qu’à votre directrice, continua plaisamment l’homme. Oh, oui, ne vous inquiétez pas si vous ne pouvez pas communiquer entre vous. J’ai du faire brouiller vos communications et pirater votre système pour pouvoir vous parler. Je trouvais ça beaucoup plus agréable, ça m’évitera d’être interrompu. » L’équipage d’Eglantine et les garçons se relevèrent, un peu étourdis, tandis que le sol continuait d’être agité de soubresauts à des moments aléatoires. « Ayla ! Rugit brusquement la voix masculine du haut parleur. Je t’avais prévenue de ce qu’il te pendait au nez si tu recommençais. J’ai bien entamé ton laboratoire chéri, mais ce ne sont que des dégâts superficiels pour le moment. Si tu me rends ma fille, je cesserai et tu pourras tout faire reconstruire. Dans le cas contraire, je me charge de dépiauter personnellement tout ton complexe de recherches. Bien évidemment, si quelqu’un d’autre qu’Ayla Kree Lai se montre prêt à me rendre ma fille, cela fonctionne également. »

Kit haletait. « Ed, lança-t il. C’est Ed ! J’en suis sûr !
– Ed ? S’étonna Eglantine. Tu parles de Edward Hammerson ?
– Oui oui, confirma l’adolescent. Il faut qu’on le prévienne que Rielle est avec nous en sécurité, et il pourra peut être nous faire sortir !
– Ca me parait une excellente idée. » La capitaine se jeta sur son tableau de bord pour tenter d’entrer en communication avec le géant blond. Les secousses s’arrêtèrent. Hammerson devait attendre des réponses qui lui amèneraient des nouvelles de sa fille avant de recommencer à pilonner le laboratoire qui flottait dans l’espace. En ouvrant les canaux de communication, une voix féminine l’informa : « Bonjour, vous êtes bien dans le système de communication avec la flotte de monsieur Edward Hammerson. Vous ne pouvez communiquer qu’avec nous pour le moment. Toutes les autres lignes sont coupées par nos soins. Si vous souhaitez vous plaindre de la situation actuelle dans laquelle vous vous trouvez à cause de lui, tapez sur la touche un de votre pavé numérique. Si vous souhaitez lui indiquer où se trouve sa fille Rielle, tapez deux. Si vous… » La voix s’interrompit au moment où Eglantine s’échina sur la touche deux. « Nous faisons suivre votre appel, lui précisa la voix féminine. Merci de patienter un instant. » Ce qu’ils firent, pleins d’expectative.

« Allô ? Rugit le géant blond dans les hauts parleurs du vaisseau de livraison tandis que son visage s’affichait sur l’écran de communication.
– Edward Hammerson ! Se réjouit Eglantine. Je suis ravie de rencontrer une légende telle que toi !
– Papa !
– Ed ! » Rielle et Kit interrompirent la femme au cache oeil pour se placer bien en vue, devant l’écran de communication. Un immense sourire s’afficha sur le visage du géant blond. « Ed, regarde, nous avons retrouvé Rielle !
– Je vois ça, pouffa Hammerson. J’aurais du me douter que tu ne serais pas très loin, petit. » Le regard du géant blond se tourna de nouveau vers Eglantine. « Je te connais, toi. Tu es le poulain de ce vieux Jack Peddler ! La fille avec un prénom de fleur, là.
– Eglantine, précisa cette dernière d’une voix un peu plus froide depuis la mention de Jack Peddler.
– Oui, voilà, Eglantine, c’était bien ça qu’il m’avait dit. Bien ! Où est ce que vous vous trouvez ?
– Nous sommes sur l’aire de décollage du bloc C, indiqua la capitaine de l’Otter Space. Mais il n’y a personne pour nous ouvrir la porte.
– N’en dit pas plus, balaya Hammerson. J’envoie quelqu’un vous ouvrir la voie. Préparez vous au décollage et accrochez vous ! »

L’écran devint noir. Il avait coupé la communication. Eglantine et Khouaf se mirent à préparer rapidement le vaisseau au décollage dans la cabine de pilotage, tandis que le reste de l’équipage s’égaillait dans tout le vaisseau pour faire de même. « Ca y est, déclara Kit à l’attention de sa soeur. Nous partons. » Il lui adressa un sourire éblouissant. En réponse, elle frotta sa tête contre sa mâchoire et enroula sa queue à nageoire dorée autour du cou pour affermir sa prise. Elle comptait bien ne plus jamais le lâcher. Ces moments toute seule avaient été parmi les plus horribles de toute sa jeune vie. Pendant quelques minutes, qui leur parurent une éternité, rien ne bougea autre que la lumière rouge qui clignotait en tant qu’alarme sur l’aire de décollage. Soudain, un bruit fracassant retentit et la porte vola en éclats dans une intense explosion qui ébranla toute la structure. « Ton père est un subtil… » Pouffa Eglantine tandis qu’elle faisait décoller le vaisseau. Evitant les débris qui volaient en tous sens, elle les dirigea vers la sortie. Devant eux se trouvaient deux chasseurs, dont les pilotes leur adressèrent un petit salut de connivence. L’écran s’alluma de nouveau sur Edward Hammerson. « Haha ! S’esclaffa-t il. Je vois que vous vous en êtes sortis, Jack n’avait pas menti sur toi, tu es une pilote accomplie ! Venez, je vous invite sur mon Raton Lavoleur. Suivez les chasseurs, ils vous indiqueront la voie. »

Quelques minutes après avoir arrimé le vaisseau de livraison des hommes en gris, Eglantine, son équipage et les jeunes gens étaient installés dans la salle à manger du Raton Lavoleur, qui était un bâtiment d’un peu plus grosse envergure que l’Otter Space. Ce qui changeait radicalement du vaisseau de la femme au cache oeil, c’était la flottille qui l’accompagnait. La puissance de feu de Edward Hammerson était à la hauteur de sa réputation. Il appelait pompeusement ses suivants une armada et c’était la plupart du temps en troupe qu’ils chassaient le butin. « Bienvenue dans mon humble chez moi, les salua le géant blond. Je suis content de vous voir tous sains et saufs !
– Merci pour le coup de main, rétorqua joyeusement Eglantine.
– Oh, mais de rien, balaya Ed. Je suis content d’avoir pu aider ceux qui étaient venus tirer ma fille des griffes de sa mère. Même si sa mère a plutôt des nageoires que des griffes, haha !
– Comment tu as su pour Rielle ? S’enquit curieusement Kit.
– Et bien, en fait, c’est ce bon vieux Jack qui m’a contacté. Il m’a dit qu’il avait longuement hésité parce qu’il craignait que je lui en veuille pour les quelques mauvais coups qu’il m’avait fait il y a… longtemps. Et il avait raison ! En fait, ça n’aurait pas été des informations vitales concernant Rielle, je serai directement allé lui casser la figure à son ranch. Mais bon. Là, ça valait bien que je lui laisse son nez en état. »

Kit prit ensuite la parole pour expliquer à Hammerson – et à tout le monde au passage – comment il avait vécu les choses. Bran se permit de corriger certains faits par ci, par là. Comme Ed les avait invités à dîner et que celui ci était servi, ils l’écoutèrent tous, occupés qu’ils étaient à se remplir l’estomac. Rielle avait reprit sa forme humanoïde pour l’occasion et s’était installée entre Bran et son frère. Tandis qu’elle buvait les paroles du second, elle colla sa jambe à celle du premier. L’étreinte lui fut rendue et la main du jeune homme s’égara sur sa cuisse. « Tu vas nous ramener à Bourgétoile alors ? était en train de s’enquérir Kit à ce moment là.
– Mmmh, marmonna le géant blond. Sans vouloir me montrer pessimiste, garçon, je pense que ça risque d’être un peu compliqué.
– Pourquoi ? s’étonna l’adolescent.
– Et bien, je ne peux pas ramener Rielle à Bourgétoile, expliqua Edward. Maintenant, c’est le premier endroit où les uniformes gris iront la chercher. Ca va d’ailleurs causer pas mal d’ennuis à la populace dans les mois qui viennent…
– Parce que tu crois qu’ils vont continuer à la poursuivre ?
– J’en suis certain, confirma Hammerson en soupirant. Vois tu, Rielle est le résultat des travaux de toute la vie d’Ayla Kree Lai. Tu imagines un peu ? Du coup, elle ne la laissera jamais en paix. Elle continuera toujours de la poursuivre.
– Je ne comprends pas trop pourquoi, avoua Kit. Mais j’ai compris que Ri ne peut plus aller à Bourgétoile.
– Je suis ravi de voir que tu comprends, le félicita le géant blond.
– Oh oui, renchérit le garçon. De toutes façons, nous avions l’intention d’aller à Athenaïs, pour mon Ecole Planétaire de Pilotage. »

Un silence gêné accueillit sa déclaration. Rielle décida de prendre les choses en main. Elle donna un petit coup de son poing fermé sur le dessus de la tête de son frère. « Mais tu es bête ou quoi ? A l’école de pilotage d’Athenaïs, ils vont avoir ton identité et tout ! Tu es fiché puisque tu es originaire de cette planète. Les hommes de ma mère me retrouveraient tout de suite si je vais là bas avec toi, surtout que Doug t’a déjà vu et qu’il sait qui tu es.
– Ah, oui, c’est vrai, réalisa l’adolescent. Qu’est ce que je suis bête !
– Sans vouloir vous alarmer outre mesure, intervint Eglantine auprès des trois jeunes gens, je pense que vos visages ont été stockés par les caméras de surveillance du Complexe de Recherche. Et ça m’étonnerait qu’ils ne portent pas plainte auprès des autorités contre nous. Que ce soit pour enlèvement, vol, détérioration de matériel… Nous allons tous être mis dans le même sac.
– Tu veux dire que nous allons tous les trois être recherchés ? s’enquit Kit.
– Exactement.
– Ah, c’est embêtant. » Le garçon devint pensif. Rielle se réjouit de constater qu’il n’avait pas l’air trop affecté par cette nouvelle. En effet, si il était universellement recherché, il ne pourrait plus faire partie d’une école de pilotage. Même avec une fausse identité, cela s’avèrerait risqué.

« Le mieux, je pense, serait de trouver une petite planète perdue pour recommencer nos vies, suggéra Bran.
– Pour les commencer tout court, tu veux dire, précisa Eglantine avec un sourire.
– Bien sûr, c’est une idée, acquiesça le géant blond. C’est la solution de facilité.
– Mais je veux devenir pilote, moi ! se rebiffa Kit. J’avais décidé que je deviendrai le meilleur pilote de l’Univers ! Ca va être compliqué d’apprendre à piloter sur une planète perdue !
– Oh, et bien ça, je pense que ça peut s’arranger facilement, lui répondit Hammerson avec un clin d’oeil.
– Comment ? s’enquit l’adolescent avec les yeux plein d’espoir.
– Eglantine est une bonne pilote, à ce que je me suis laissé dire, continua le géant blond. Je suis certain qu’elle pourrait t’apprendre beaucoup de choses !
– C’est vrai ?
– Non ! S’écria la capitaine de l’Otter Space. Enfin, si je suis une bonne pilote. Mais non, je n’ai rien à apprendre à qui que ce soit !
– Oh, allez s’il te plait Eglantine, supplia Kit avec son meilleur regard de chaton éploré. Je ne pourrai jamais aller dans une école pour apprendre à piloter, tu veux bien m’aider à réaliser mon rêve ? » Rielle se demandait parfois à quel point son frère était conscient de ses prédispositions à la manipulation.

Eglantine, quant à elle, arborait une mine horrifiée. Il semblait que le garçon venait de lui faire quelque chose de vraiment affreux, comme la trahir. Oui, c’était bien cela, elle paraissait se sentir trahie et prise de court. Elle se prit la tête dans les mains et soupira. « Bon, d’accord, accepta-t elle finalement en découvrant son visage. Je veux bien t’apprendre à piloter.
– Youpi ! Se réjouit Kit en se levant pour aller se pendre à son cou.
– Mais à une condition, précisa la femme au cache oeil qui essayait de reprendre son souffle sous l’étreinte du futur membre de son équipage et apprenti pilote.
– Laquelle ? S’enquit l’adolescent en reprenant sagement sa place.
– Il faudra que tu obéisses au moindre de mes ordres au doigt et à l’oeil.
– Pas de problème ! S’exclama-t il joyeusement.
– Y compris quand je te demanderai de te taire, précisa Eglantine au cas où.
– Ca, ce sera dur, avoua le garçon, mais je ferai de mon mieux !
– Bien ! Se réjouit Ed Hammerson en se frottant les mains. Alors, Eglantine, comment ça fait de récupérer deux membres d’équipage d’un coup ?
– Comment ça, deux ?
– Et bien, Kit et Rielle sont du genre inséparables, tu vois, expliqua le géant blond avec un faux sourire candide. Du coup, si tu acceptes le garçon, tu acceptes aussi ma fille.
– Tu es sérieux ? lança la femme au cache oeil sur un ton accusateur. C’était ça, ton plan en fait ? Tu voulais me mettre ta fille dans les pattes depuis le début ? Pourquoi ne les garderais tu pas, toi ? C’est TA fille après tout ! Moi je n’ai rien à voir avec eux, c’est Jack qui me les a laissés.
– C’est vrai, ça, intervint la jeune fille. Nous pourrions rester avec toi.
– Ce serait avec grand plaisir, déclara Hammerson en caressant la tête de Rielle avec affection. Mais mon équipage et moi allons nous aventurer dans des endroits particulièrement dangereux. Alors je préfèrerais les savoir en sécurité avec toi.
– Allons bon, toi aussi tu essaies de m’amadouer ? ronchonna Eglantine. A coups de flatteries en plus. Je ne te félicite pas. »

Elle poussa un profond soupir. « Hum hum… toussota alors Bran.
– Quoi encore ? s’enquit la capitaine de l’Otter Space.
– Et bien, je pourrais faire partie de votre équipage, moi aussi, suggéra le jeune homme. Je peux vous garantir que, moi présent, ces deux là se tiendront toujours à carreau.
– Oh, vraiment ? » Eglantine paraissait avoir un peu de mal à le croire, mais cette perspective lui plaisait néanmoins. « Tu sais canaliser ces deux là ? Enfin, surtout celui là ? s’enquit elle en pointant Kit.
– Aucun problème. » Lui confirma Bran avec assurance. Il avait longuement lutté intérieurement. Pour lui aussi, cela paraissait compliqué de retourner au ranch de Jack. Même si il était excentré de Bourgétoile, il lui déplaisait de risquer la tranquillité de cet endroit. D’un autre côté, il lui déplaisait aussi de faire partie d’un équipage de personnes versées dans l’illégalité. Il s’était juré qu’il ne se ferait plus avoir de la sorte après ses déboires avec Grand Jean D’Argent. Mais son maître lui avait appris que pour avancer dans la vie, il était important de tourner la page. Et puis, maintenant il était adulte et responsable. Il était tout à faire capable de discerner si on risquait de se servir de lui à ses dépends ou non. De plus, Eglantine les avait aidés, même si elle avait quelque chose à gagner dans cette histoire elle aussi. C’était déjà pas mal altruiste de la part d’une contrebandière, ou pirate, ou peu importe ce qu’elle était. Et puis, il était certain qu’elle ne refuserait pas si, un jour, il décidait de les laisser pour aller vivre sa vie sur une planète quelconque. Il espérait juste que, ce jour là, Rielle voudrait bien rester avec lui.

« Bon, capitula la capitaine de l’Otter Space. Soyez tous les trois les bienvenus parmi nous, dans ce cas. »

3172 mots et FIN !

NaNoWriMo 2015 : Kit et Rielle Jour 28

Sur un haussement d’épaule, la femme s’en fut. Rielle continua tout de même de palper le collier. Juste au cas où. Elle se cala le plus confortablement possible dans le petit lit peu douillet de l’infirmerie. Au moins, elle se trouvait à l’infirmerie et pas déjà dans un lit de labo dédié aux cobayes de recherches. La jeune fille décida qu’elle pouvait s’en réjouir. Cela ne suffit pas à lui arracher un sourire, mais elle se sentait rassérénée de savoir que Bran et Kit venaient le chercher. Elle comptait bien demander à son frère comment ils avaient réussi à en venir là. Le fait qu’ils aient réussi un tel tour de force juste pour elle lui faisait chaud au coeur. Sa volonté s’affermit ; elle comptait bien les aider du mieux qu’elle pouvait. Malheureusement, ainsi menottée et restreinte dans ses capacités, elle craignait de ne pas pouvoir faire grand chose. Si elle pouvait au moins enlever ses menottes… Peut être pourrait elle convaincre quelqu’un de l’aider pour cela. Pas l’infirmière qui l’avait débarrassée de Doug. Celle là paraissait un peu trop futée. Elle verrait tout de suite clair dans son jeu et Rielle n’était pas certaine de pouvoir lui faire confiance. Beaucoup trop de personnes, dans ce Centre de Recherches, admiraient Ayla Kree Lai et lui étaient entièrement dévoués. Mieux valait qu’elle n’agisse que pour elle même, ici.

Elle jeta un coup d’oeil circulaire autour d’elle. Il n’y avait pas beaucoup de patients à l’infirmerie en ce moment. Peu d’infirmières et de médecins aussi, du coup. De toutes façons, aucun d’entre eux ne devait posséder de clefs de menottes. Elle devrait donc aviser un homme en uniforme. Cette perspective la fit grimacer. La jeune fille aurait voulu avoir le moins à faire possible avec eux. Mais elle devait se démenotter. Ou alors provoquer une situation dans laquelle ils seraient contrains de la libérer. Mais comment provoquer une situation pareille ? Cela, elle n’en avait aucune idée. Pour le moment, elle était tranquille, mais elle soupçonnait que sa mère l’enverrait bientôt chercher. Elle allait bientôt estimer que sa fille serait suffisamment reposée. Rielle se sentit angoissée à l’idée de rester sur place. Elle remarqua que les lits étaient tous dotés de roulettes. Jetant un nouveau regard autour d’elle, la jeune fille attendit que personne ne lui accorde la moindre attention.

Lorsqu’elle fut assurée que personne ne lui prêtait attention, elle descendit du lit d’un mouvement fluide, sans attirer le regard de qui que ce soit. Agrippant alors le lit de sa main menottée, elle se mit à le faire rouler à côté d’elle et se dirigea vers la sortie. En état de stress, Rielle se trouva tout de même ravie que personne ne l’ait remarquée sortir de l’infirmerie. Maintenant qu’elle marchait dans le couloir, les gens la gratifiaient de regards perplexes. Elle fit de son mieux pour paraitre naturelle, comme si sa situation était tout à fait normale. C’était, bien entendu, très compliqué et elle se sentait au bord de la panique, tandis qu’elle se tenait tellement fort au lit que les jointures de ses doigts blanchissaient. Une illumination se fit soudain dans son esprit : elle devait trouver un bureau de maintenance. Là elle pourrait trouver de quoi se débarrasser de ces satanées menottes. Les gens de la maintenance étaient bien outillés normalement ; elle devrait bien réussir à dégotter une pince coupante ou quelque chose de cet acabit.

Alors que certaines des personnes qui la suivaient du regard commençaient à avoir l’air de vouloir la suivre, Rielle tomba enfin sur une porte réservée à la maintenance. Elle la poussa nerveusement et pénétra dans la pièce, son lit toujours avec elle. La jeune fille se trouvait à présent dans une pièce à peine plus grande qu’un placard à balais et remplie de centaines d’objets plus ou moins utiles qui se côtoyaient en un joyeux fourbi. Comment Rielle allait elle pouvoir trouver quelque chose pour la libérer ? Elle allait passer des heures à mettre la main sur un outil suffisamment coupant. Mais elle ne disposait pas de tant de temps. La rumeur de la jeune fille avec l’étrange collier de métal qui était entrée là avec un lit d’hôpital allait se répandre. Et quelqu’un allait forcément finir par venir voir ce qu’il en était. D’autant plus que son absence de l’infirmerie allait certainement bientôt être remarquée. Sans plus attendre, elle se mit à chercher et se rendit bien vite compte qu’elle était handicapée par ce stupide lit qui la suivait partout et par le fait qu’elle n’avait qu’un bras de libre pour fouiller la pièce. Elle ne se découragea pourtant pas, arma sa volonté et se mit à la recherche d’une boîte à outils.

La jeune fugueuse faillit crier de joie lorsqu’elle tomba enfin sur l’objet de sa quête. Elle ouvrit rapidement la caisse et fouilla au milieu du bric à brac accumulé à l’intérieur. Rien ne paraissait correspondre à ce qu’elle recherchait. Dépitée, elle balaya la pièce du regard, lorsque ses yeux furent attirée par une gigantesque pince accrochée au mur. Elle ressemblait bien à une pince de ferrailleur, capable de couper de gros morceaux de métal. C’était exactement ce qu’il lui fallait. Rielle s’empara de l’outil, ouvrit la pince, la posa sur le lit, plaça la chaine des menottes au milieu et coupa. Soulagée de l’un de ses problèmes, elle se mit à rire toute seule. Avisant la menotte toujours attachée à son poignet et à présent bien plus libre de ses mouvements, elle usa de nouveau de la pince pour s’en débarrasser. Fixant la pince d’un air émerveillé, elle se demanda si elle était suffisamment forte pour couper son collier. Haussant les épaules d’un air désinvolte, elle se résolut d’essayer, d’autant que maintenant elle pouvait utiliser ses deux mains. Après plusieurs tentatives infructueuses au cours desquelles, la pince glissant, avait failli la blesser, elle dut se rendre à l’évidence : la matière qui composait son collier ne pouvait pas se couper ainsi.

Toujours ennuyée de ne pas pouvoir prendre sa petite forme d’hippocampe bleu et doré, elle fouilla la pièce à la recherche d’un habit de travail. La jeune fille se disait qu’ainsi vêtue, elle aurait plus de chances de passer inaperçue. Elle avait tout d’abord réfléchi à rester cloîtrée ici. De fait, comme elle avait indiqué à Kit qu’elle se trouvait dans l’infirmerie du bloc C, elle ne pouvait pas trop s’en éloigner. Mais trop de personnes avaient du la voir entrer ici et la jeune fille décida qu’elle ferait bien d’aller se cacher ailleurs. Elle trouva ce qu’elle cherchait en ouvrant une sorte de casier. L’habit avait visiblement été conçu pour quelqu’un de plus grand et de plus fort qu’elle. Mais elle devrait s’en contenter. Elle l’enfila rapidement au dessus de ses vêtements d’hôpitaux. Constatant qu’elle ne voyait pas de moyen de dissimuler son collier de métal, dont la pointe plantée dans sa nuque l’irritait toujours autant, elle espéra que les gens ne la regarderaient pas de trop près après avoir remarqué son uniforme de la maintenance. Personne ne faisait vraiment attention à ces gens là. Comme ses cheveux blonds étaient longs, elle s’arrangea pour les placer de manière à ce qu’ils camouflent le collier de métal le plus possible. Se disant qu’elle ne pouvait pas mieux faire, elle prit une grande inspiration et ouvrit la porte.

En s’aventurant dans le couloir, Rielle se rendit compte que, comme elle l’avait espéré, personne ne lui prêta attention. Tout en marchant, elle tentait de se remémorer la configuration des lieux. Elle avait du mal à s’en souvenir ; elle était tellement petite lorsque son père l’avait prise avec lui ! Kit lui avait parlé d’un vaisseau de livraison. Elle se donna donc pour objectif de trouver une aire de livraison d’où elle pourrait voir son frère arriver, avec ses compagnons de voyage. Moins de temps ils resteraient dans le complexe de recherches, moins de risques ils prendraient. Et, surtout, la jeune fille avait envie de quitter cet endroit au plus vite. Elle devait faire un immense effort sur elle même pour maintenir une allure qui puisse paraitre anodine, alors qu’elle n’avait qu’une seule envie, c’était de s’enfuir en courant. Ce qui aurait été stupide, puisqu’il n’y avait nulle part où fuir, dans ce complexe. En chemin, elle repéra trois hommes en uniformes gris qui prenaient la direction de l’infirmerie où elle se trouvait auparavant en se dépêchant. Elle blêmit. Sa disparition avait du être signalée. Bientôt, tout le monde se lancerait à sa recherche et quelqu’un finirait bien par remarquer l’étrange collier qu’elle portait.

Au détour d’un couloir, elle heurta quelqu’un. Elle bredouilla des excuses et s’apprêta à filer sans demander son reste. Mais la personne qu’elle avait bousculée l’attrapa par le collet. « Dis donc, où est ce que tu crois aller comme ça ? Tu penses t’en sortir aussi facilement que ça ? » Rielle leva, avec horreur, les yeux sur Doug. Ce dernier resta bouche bée quand il reconnut la jeune fille. « Mais qu’est ce que tu fais là ? siffla-t il lorsqu’il eut récupéré ses moyens.
– Laisse moi partir ! s’écria Rielle en commençant à se débattre.
– Tu peux toujours rêver, rétorqua l’officier en gris en affermissant sa prise sur elle. Comment est ce que tu as fait pour t’échapper ? Je savais que j’aurais du poster quelqu’un pour te surveiller !
– Lâche moi ! Persista la jeune fille qui commençait à paniquer. Laisse moi partir ! » Elle essaya de le frapper, mais en vain. L’homme en uniforme la lâcha néanmoins, mais la poussa derechef dans une pièce dans laquelle il la suivit et ferma soigneusement la porte derrière lui.

Rielle recula lentement. Elle eût juste le temps de constater qu’elle se trouvait dans un bureau, vide. « Je ne te laisserai plus t’échapper, la prévint doucereusement Doug. C’était la dernière fois !
– Il n’y aura jamais de dernière fois, tenta de fanfaronner la jeune fille. Je chercherai toujours à m’échapper. Je ne suis pas un cobaye de laboratoire !
– Bien sûr que si, tu l’es, la contredit il en s’avançant vers elle. Ta naissance même est un test de laboratoire. Tu n’aurais jamais vu le jour sans le génie de ta mère.
– Ce n’est pas une raison, s’entêta Rielle dont la voix commençait à trembler.
– Oh si et, de toutes manières, ce n’est pas à toi d’en décider. Alors cesse de faire l’enfant et vient. Sinon je vais devoir employer la manière forte, et tu ne vas pas aimer ça, je te le garantis.
– Tu vas devoir venir me chercher, l’informa la jeune fille en se mettant en posture de combat comme Bran leur avait appris à Kit et elle.
– Oh ? Tu as appris quelques petites choses sur cette planète de bouseux ?
– Plus que tu ne le crois, siffla Rielle en colère.
– Tant mieux, ça n’en sera que plus intéressant. » La fugueuse n’apprécia pas l’air sadique qui s’affichait à présent sur le visage de l’officier, tandis qu’il se mettait à son tour en posture de combat.

Il s’avança lentement sur elle. Mais elle avait arrêté de reculer, décidant de faire face. Après tout, elle n’avait rien qui lui faisait plus envie que de le frapper en cet instant. Elle comptait donc bien en profiter. Malheureusement, il était plus grand, plus fort et mieux entraîné qu’elle. Les tactiques de combat qu’elle avait mises au point avec Bran impliquaient souvent sa métamorphose. Là, elle devrait faire sans. En plus, elle n’avait pas d’arme alors qu’elle se sentait plus à l’aise avec un bâton ou, mieux, quelque chose qui faisait office de trident, en main. Elle révisa alors son jugement, tandis que Doug était presque sur elle. Et, lorsqu’il passa à l’attaque, elle plongea derrière lui, se précipitant en direction de la porte pour s’enfuir. Kit et Bran devaient bientôt être arrivés, sa seule chance était de foncer à leur rencontre.

Au moment où elle parvint à la porte et l’ouvrit pour s’échapper, l’homme derrière elle l’attrapa de nouveau et la propulsa au centre de la pièce. Dans sa chute, elle heurta l’un des bureaux de la pièce qu’elle brisa. Elle en eut le souffle coupé. Endolorie de partout et un peu groggy, elle tenta de se relever. Ce fut difficile, mais elle finit par se tenir de nouveau debout face à l’officier en gris, qui la fixait d’un air moqueur. « Oh non, tu ne t’en iras pas ! La prévint il. Ne me croit pas si bête. » Il s’approcha d’elle. Une forme fit alors irruption par l’encadrement de la porte et se jeta sur lui. Rielle écarquilla ses yeux noirs, surprise de cette intervention à laquelle elle ne s’attendait pas. Deux personnes suivirent la première qui continuait de lutter au sol, aux prises avec Doug. « Vas y Bran, casse lui la figure ! l’encouragea Kit en mimant un coup de poing.
– Soyez un peu plus discrets. » Leur enjoignit fermement la femme au cache oeil, que Rielle avait vue lorsqu’elle avait contacté son frère dans le vaisseau de livraison, tout en fermant la porte sur eux. La jeune fille sentit monter les larmes aux yeux.

« Kit ? Emit elle. Tu es déjà là ?
– Oh bah oui, déclara celui ci. Nous avons fait au plus vite, tu vois ! » Il était tellement content de retrouver sa soeur qu’il la prit dans ses bras pour la serrer fort. Puis, se souvenant que leur aîné était aux prises avec un homme en gris hostile, il se retourna en direction du combat. « Allez Bran ! Qu’est ce que tu attends pour lui mettre la potée ?! Dépêche toi !
– On dit la pâtée, corrigea machinalement Rielle en laissant échapper un sourire.
– Bien bien bien, qu’avons nous là… » S’interrogea tout haut Eglantine. Bran avait finalement réussi à mettre Doug hors combat en lui faisant perdre conscience. La jeune fille était étonnée, parce qu’elle savait que l’officier était particulièrement fort en lutte. Mais elle se souvint que c’était le jeune homme qui leur avait appris à se battre, Kit et elle. Et que si il avait réussi à leur apprendre ce qu’ils savaient, c’était certainement qu’il se débrouillait lui aussi dans ce domaine. Elle fut soulagée de voir l’homme en gris inconscient. Elle gratifia Bran d’un regard admiratif, qu’il remarqua. Il parut un peu gêné et s’approcha d’elle pour vérifier comment elle se portait.

Pendant ce temps là, Eglantine commençait à démonter les ordinateurs du bureau et à mettre certaines pièces dans un sac qu’elle portait en bandoulière. Ce faisant, elle chantonnait, comme si elle faisait quelque chose d’aussi banal que cueillir des champignons dans une forêt automnale. « Qu’est ce que tu fais ? lui demanda curieusement Kit.
– Je récupère la mémoire de ces bébés, expliqua-t elle.
– Pour quoi faire ?
– Je te l’ai déjà expliqué, soupira-t elle. Peut être que ces machines contiennent des choses suffisamment intéressantes pour que je puisse les vendre à des concurrents. Renacleriblob est en train de faire de même. C’est un spécialiste de la récupération de choses diverses et variées, vous verrez ! Mais nous ne devons pas trainer. Surtout que vous avez déjà retrouvé votre amie : le hasard fait bien les choses, décidément ! Je nous voyais déjà en train de prendre des risques pour la retrouver. Bref. C’est merveilleux ! Oh, je n’ai pas encore fouillé celui là, j’ai failli ne pas le voir. Mais qu’est ce qu’il fait par terre ? On dirait que quelqu’un s’est battu ici…
– Ri, qu’est ce que tu as autour du cou ? S’enquit soudainement Kit qui venait de remarquer le collier.
– C’est pour m’empêcher de me transformer, expliqua la jeune fille.
– Mais c’est horrible ! S’exclama l’adolescent. Il faut te faire enlever ça.
– Je ne sais pas comment, déplora Rielle en sentant les sanglots lui monter à la gorge. L’infirmière m’a dit que c’était magnétique.
– Qui t’a mis ça ? Intervint Bran d’un ton apaisant.
– Lui. » La jeune fille désigna l’officier en gris qui gisait, inconscient, par terre.

Le jeune homme s’approcha du vaincu et se mit à fouiller ses poches. Il en sortit plusieurs cartes, clefs et choses diverses non identifiées. Puis, son butin en main, il revint vers Rielle, toujours blottie dans les bras de son frère. « Bien, voyons voir si l’un de ces trucs là fonctionne. » Il tenta d’ouvrir le collier de plusieurs manières. Il n’avait toujours pas réussi lorsqu’Eglantine eut terminé d’éventrer tout le matériel informatique à sa disposition. « Attend, il y a bien quelque chose qui va fonctionner… Ronchonna-t il lorsqu’elle les informa qu’il était temps de décamper.
– Tu pourras essayer tout ça quand nous serons tous en sécurité sur le vaisseau de livraison. Ou, mieux, sur l’Otter Space ! Allez, venez ! » Au moment où elle disait cela, un déclic se fit entendre et le collier, séparé en deux morceaux, tomba lourdement par terre. Rielle se sentit libérée, malgré la petite douleur causée par l’aiguille quittant sa nuque.

« Il est fait en quoi ce machin ? Lança Kit étonné par la densité apparente de l’objet.
– Peu importe, s’impatienta Eglantine. Venez vite ! » Les trois jeunes gens lui emboitèrent le pas. Rielle profita du fait qu’elle avait récupéré toutes ses aptitudes, pour se métamorphoser en petite hippocampe bleue et dorée et s’installer sur l’épaule de Kit. Ils marchèrent tous les trois d’un bon pas en direction de l’aire de décollage et d’atterrissage des vaisseaux de livraison pour le restaurant du bloc C. La capitaine leur avait conseillé de ne pas courir pour ne pas attirer l’attention. Mais, le fait est qu’ils ne devaient pas trainer. L’alerte concernant la disparition de Rielle avait déjà été lancée depuis plusieurs minutes. Des hommes en gris courraient d’ailleurs un peu partout. Aucun ne les avait encore arrêtés pour vérifier leurs identités. Ils crurent comprendre qu’ils avaient également perdu un officier. La jeune fille, soulagée de retrouver le contact familier de l’épaule de son frère, supposa qu’il s’agissait de Doug. Là aussi, ce n’était qu’une question de minutes avant qu’ils ne le découvrent, inconscient, sur le sol du bureau où ils l’avaient laissé.

Ils parvinrent sur la piste en même temps que Renacleriblob disparaissait à l’intérieur du vaisseau de livraison. Kit s’étonna de constater que l’être en forme de gelée avait l’air d’avoir au moins quintuplé de volume. Mais il n’eut pas le temps de questionner Eglantine à ce sujet. Une voix leur ordonna : « Halte ! Ne bougez plus ! Retournez vous lentement. » En voyant la capitaine lever les mains et s’exécuter, Bran et Kit firent de même. Rielle, quant à elle, se dissimula derrière le dos de son frère. « Que faites vous là ?
– Et bien, commença Eglantine d’un ton suave, nous avions fini la livraison de pommes de terre et d’autres denrées, du coup nous nous apprêtions à partir.
– Vous ne pouvez pas partir maintenant, décréta l’homme qui était entouré d’une dizaine de gardes tous en gris et armés.
– C’est embêtant, déplora la femme au cache oeil. Nous avions justement rendez vous ; nous sommes vraiment pressés.
– Nous ne vous ouvrirons pas le sas de sortie, l’informa le garde.
– Mais pourquoi donc ? Fit mine de s’offusquer Eglantine.
– Un de nos sujets dangereux s’est échappé, expliqua l’homme. Nous devons fouiller votre véhicule avant de pouvoir vous laisser partir. »

La capitaine soupira. Elle réfléchissait à toute allure. Elle devait gagner un peu de temps pour laisser à Renacleriblob l’opportunité de se dissimuler. Il paraissait avoir trouvé une grosse quantité de choses à voler et Eglantine espérait bien que les gardes en gris ne tomberaient pas dessus. C’était déjà assez angoissant de savoir que le sujet qu’ils cherchaient effectivement se trouvait actuellement pendu au dos du petit Kit. Mais drôle aussi, et la capitaine avait beaucoup de mal à ne pas laisser éclater son hilarité. Le garde, extrêmement nerveux, n’aurait pas compris. « Bon, si vous le devez, je n’y vois pas d’inconvénient, mais faites vite. » Elle espéra que Khouaf avait eu la présence d’esprit de cacher les deux pilotes quelque part. Ils avaient déjà eu le temps de décharger tout le reste de l’équipage dans un cellier où ils seraient certainement découverts avant de mourir de faim. Peut être qu’ils avaient eu le temps d’envoyer les pilotes avec les autres, mais elle n’en savait rien pour le moment. Dans tous les cas, cela impliquait qu’ils devaient partir rapidement. Il ne manquerait plus que le précédent équipage du vaisseau de livraison soit découvert et les dénoncent. En résumé, elle devait à la fois gagner du temps pour Renacleriblob et se presser au cas où les captifs seraient découverts. Voilà une situation qui sentait mauvais et qui s’annonçait pour le moins compliquée.

Au moment où les garçons et elle s’écartaient pour laisser le passage aux gardes en gris, un bruit sourd retentit dans tout le complexe. Kit était même certain que le sol avait tremblé. « Qu’est ce que c’était ? » lança quelqu’un à la cantonade. Le bruit recommença, faisant de nouveau vibrer la structure. Une alarme se déclencha, leur vrillant les tympans. Une voix féminine indiqua que toutes les forces armées étaient réquisitionnées car le Complexe de Recherche se faisait attaquer par des forces hostiles non identifiées mais lourdement armées provenant de l’espace. Tandis que les hommes en uniformes gris se pressaient d’obéir aux ordres, Eglantine fit rapidement monter les deux garçons dans le vaisseau de livraison. « La chance nous sourit, on dirait, leur lança-t elle joyeusement. Nous avons plus qu’à réussir à convaincre quelqu’un de nous ouvrir la porte. » Sans attendre de réponse de la part des plus jeunes, elle fila en direction de la cabine de pilotage.

« Que faisons nous ? Et qu’est ce qu’il se passe à ton avis ? s’enquit Kit pendant que Bran s’occupait d’appuyer sur le bouton de fermeture de la porte.
– Qu’est ce que j’en sais ? lui retourna le jeune homme d’un ton las.
– Moi je sais ! S’exclama l’adolescent. Nous devrions suivre Eglantine.
– Si tu veux. » Ils partirent à leur tour en direction de la cabine de pilotage. Bran se sentait tout mou, maintenant que la pression recommençait à retomber pour lui. Le fait de s’échapper en vaisseau ne dépendait plus que de la capitaine à présent. Lui, il était déjà satisfait d’avoir récupéré Rielle, à qui il adressa un sourire.

3733 mots