NaNoCamp Avril 2017 J+12 : Préquelles Arkhaiologia

– Certaines créatures dotées de magie se décomposent instantanément après la mort, expliqua Asklepios.
– Moi qui espérait pouvoir les autopsier… Soupira la jeune femme. Je vais au moins essayer de récupérer ce… truc dégoûtant là. »

Elle se précipita à l’intérieur pour aller chercher de quoi prélever des échantillons. En l’attendant, Valentin s’approcha de l’amas visqueux, fasciné par la dissolution des derniers fragments animaux. Il se demandait si le bout d’herbe était condamné. « Amaterasu s’approche. » Déclara soudainement Asklepios. La femme aux yeux dorés acquiesça et pencha pensivement la tête sur le côté. Valentin supposa qu’elle la contactait par télépathie. Une seconde plus tard, une jeune fille toute menue apparut juste à côté de lui. Vêtue d’un échantillon conséquemment varié d’une flore exotique dont Valentin ne savait pas déterminer la provenance, elle loucha d’un air dégoûté sur la flaque organique.

« C’est la tête que tu fais alors qu’on se retrouve après plusieurs centaines d’années de sommeil ? Taquina Déa la nouvelle venue.
– Oh… Je suis désolée commandante ! S’excusa instantanément Amaterasu. Et cette langue est nouvelle, non ?
– Oui, les choses ont beaucoup changé depuis que nous nous sommes endormis, convint la femme aux yeux dorés. Ils font de la magie sans magie par exemple. C’est assez impressionnant. Et déconcertant, aussi. Comment nous as-tu retrouvés ?
– Je me souvenais que tu étais dans ces contrées, résuma la jeune fille vêtue de feuilles. Ça paraissait logique de commencer mes recherches par là. Et puis tu m’as jointe et me voilà. Par contre…
– Oui ? L’encouragea Déa.
– Je n’arrive pas à couvrir de grandes distances.
– C’est normal, la rassura Asklepios. Nos pouvoirs sont limités à cause de la magie disponible. »

L’homme aux yeux orangés et la femme aux yeux dorés expliquèrent à leur petite compagne ce qu’ils avaient compris de leur situation. Au même moment, Béatrice fit de nouveau son apparition.

NaNoCamp Avril 2017 J+11 : Préquelles Arkhaiologia

Valentin lui administra une pichenette et remarqua que le médecin s’était approché de la jeune femme et avait posé une main sur son épaule. Une aura orangée les environna tous les deux. « Merci, lui lança Béatrice avec reconnaissance. C’est vraiment efficace ! Tu pourrais m’apprendre cette magie ?
– Je crains que non, s’excusa Asklepios. Ces pouvoirs que nous avons nous ont été conférés par nos prédécesseurs ; ils ne s’apprennent pas.
– C’est d’ailleurs parce que ce sont des pouvoirs qui font partie de nous que nous pouvons les utiliser à volonté sans même y penser, précisa Déa. Normalement, la magie requiert beaucoup de concentration, canalysée par des incantations. C’est…
– Quelque chose est là. » L’interrompit le médecin en dressant la tête.

Comme pour confirmer ses propos, des hurlements inhumains et assourdissants provenant de l’extérieur fit sursauter Valentin et Béatrice. Les dragonnets inquiets se mirent à pousser des cris terrifiés. « Sortons. » Décréta la femme aux yeux dorés d’un ton sans appel, à l’intention de son compagnon. Entraîné à obéir à Déa, Asklepios lui emboîta instantanément le pas en direction de la porte à taille humaine qui menait à l’extérieur de l’annexe. Après avoir échangé un regard, les deux thésards les suivirent avec curiosité, se demandant s’ils allaient pouvoir ajouter une nouvelle créature à leur bestiaire.

Les dragons étaient déjà beaucoup plus impressionnants que les petites fées, même jeunes. Ils avaient aussi eu l’occasion de voir des banshees – dont le cadavre de l’une d’entre elle était conservé dans la bibliothèque universitaire – un korrigan, deux nymphes et quelques autres créatures féériques. Il leur tardait de voir des Dames Blanches dont parlaient les rumeurs, les elfes du royaume des fées qui faisaient de régulières incursions, et les licornes mentionnées par des enthousiastes.

En sortant, sur le carré d’herbe de l’autre côté de la place goudronnée dédiée aux véhicules, ils aperçurent cinq énormes hyènes. Du moins, était-ce l’animal auquel ressemblaient le plus ces créatures. Des hyènes immenses aux babines perpétuellement retroussées sur d’énormes crocs dégoulinants de bave. Leurs griffes, aussi, étaient étonnamment longues. « Ils ont senti les jeunes dragons, constata Asklepios.
– Et nous aussi, je pense, compléta Béatrice d’un ton peu assuré face aux bêtes qui grondaient dans leur direction. Ils ont l’air affamés.
– Qu’est ce que c’est ? S’enquit Valentin.
– Vous avez un mot qui n’est pas de votre langue pour eux, répondit Déa. Ce sont des barghests. »

Sur ces mots, elle secoua négligemment sa main et une cage aux barreaux épais apparut autour des monstrueuses créatures. « Tu es vraiment une personne… Pratique à avoir près de soi, commenta Béatrice en relâchant son souffle.
– Plutôt oui, confirma la femme aux yeux dorés sans aucune modestie. Restez tout de même vigilants, ils ne resteront pas enfermés très longtemps. Ils vont bientôt s’échapper, mais j’ai pensé que vous voudriez les observer un moment avant que Asklepios et moi nous occupions d’eux.
– Il n’y a pas moyen de les mettre en cage à l’in… » Commença la thésarde.

Elle s’interrompit en voyant que la bave des barghests, qui mordaient furieusement les barreaux, corrodait la cage. Déa leva le doigt pour faire apparaître une autre cage autour des barreaux en train de se faire grignoter. « D’accord. » Conclut Béatrice en roulant des yeux. Luttant contre son effroi, la jeune femme s’approcha des animaux, portable en main pour les filmer en faisant des commentaires. Valentin fit de même, prenant des photos. Plusieurs fois, la femme aux yeux dorés dut renforcer la cage pour empêcher les barghests fous furieux de s’échapper pour écharper tout le monde.

« Je pense que c’est bon. » Décréta finalement la jeune femme. Déa acquiesça et des lances apparurent brusquement dans tous les sens dans la cage. Les bêtes enragées, transpercées, ne tardèrent pas à succomber à l’attaque. Béatrice et Valentin, ne s’attendant pas à quelque chose d’aussi violent, détournèrent les yeux du spectacle sanglant. Lorsqu’ils regardèrent de nouveau, la femme aux yeux dorés avait fait disparaître ses derniers lambeaux de cage. Ne restait plus au milieu de l’herbe qu’une immonde flaque à la couleur indéfinissable qui dissolvait les derniers poils et os des barghests.

« Je suis désolée de vous avoir choqués, s’excusa Déa qui paraissait un peu surprise de leur réaction. Oh, je vois, c’est d’être dans une période calme : vous n’avez pas l’habitude d’assister à de telles choses.
– C’est ça oui, confirma Valentin un peu pâle.
– Pourquoi est-ce qu’ils ne sont plus qu’une flaque ? S’enquit curieusement Béatrice aussi pâle mais dont la curiosité reprenait rapidement le dessus.

NaNoCamp Avril 2017 J+10 : Préquelles Arkhaiologia

Il se nimba de vert et fit un petit geste vers le haut. Un poisson sortit de l’eau, frétillant furieusement, et se dirigea vers la main de l’homme, visiblement contre son gré. Le grand Chaahk répéta l’opération, avec plusieurs poissons cette fois. « Tiens, j’ai pêché le repas, tu t’en occupes ? Lança-t-il à [Bidule] qui continuait de s’activer tout seul sur la plage.
– D’accord. Tu pourrais pas nous apporter du fromage aussi ?
– Je crains que non. Je n’en vois pas à portée.
– C’est nul, se plaignit [Bidule]. Vivement que nous retrouvions le chef.
– Pour pouvoir avoir du fromage ?
– Oui. »

Ce disant, le petit homme commença à s’occuper des poissons grâce à un bout de bois qu’il avait effilé. Pendant qu’il œuvrait, le plus grand commença à son tour une série d’exercices. Ils demandaient moins d’agilité mais plus de puissance. « Tu es sûr que tu ne veux pas m’envoyer valser sur le continent ? S’enquit [Bidule]. Il est dans cette direction. » Précisa-t-il en montrant l’est d’un petit signe négligeant. Chaahk secoua la tête en souriant par devers lui. Son ami était aussi petit que déterminé. Quand il avait quelque chose en tête, c’était très difficile de l’en détacher.

« Je n’ai pas encore récupéré toute ma force, expliqua une nouvelle fois le plus grand. Tu ne ferais pas trop ton malin de rester au milieu de l’océan.
– Je nagerai la fin du voyage, argumenta [Bidule]. Comme je vais vite, ça devrait suffire.
– J’en doute. Et puis, qu’irais-tu faire sur ce continent ? De ce que nous savons, il n’y a personne d’entre nous et ce ne sont pas les populations locales qui pourront nous être d’une grande aide.
– Peut-être que c’est nous qui pourrons les aider, suggéra innocemment le plus petit qui plantait les poissons évidés et écaillés sur des pics en vue de les faire cuire.
– Mmmh… » Grommela Chaahk en arrêtant de s’exercer. Il vint s’asseoir à côté de son ami qui préparait un petit foyer et reprit :

« Je ne voulais pas t’inquiéter, mais je suppose que tu n’as pas regardé les étoiles cette nuit ?
– J’ai vu qu’il y en avait, mais je n’y ai pas prêté attention plus que ça, j’étais trop faible et je me suis endormi tout de suite.
– Les étoiles ne sont pas là où elles étaient avant l’épisode du voile noir, expliqua sombrement Chaahk. C’est perturbant. Je préfère ne pas t’envoyer n’importe où avant que nous soyons certains de la situation.
– Je vois… Commença [Bidule] en allumant un petit feu d’un claquement de doigts et en disposant les poissons pour la cuisson. Ou alors, tu pourrais m’envoyer là-bas quand même et comme ça nous pourrions peut-être être fixés. »

Le plus grand hocha négativement la tête. Il ne voulait pas tenter quoique ce soit d’inconsidéré. Il savait que si la situation s’éternisaient, ils devraient agir. La question étant : quand devaient-ils considérer que la situation s’éternisait ? C’était une question difficile. « Les autres ne doivent pas avoir récupéré la totalité de leur puissance non plus, déclara-t-il finalement. Il n’y a pas assez de magie ; ça me chiffonne ça aussi.
– Je pense que c’est ce voile noir qui a volé toute la magie, déclara [Bidule] en s’emparant de deux bouts de bois ressemblant à des baguettes afin de tourner les poissons. Quand il est passé sur nous, c’est ce que j’ai senti.
– Étant donné qu’il couvrait tout l’horizon et que nous n’avons pas de nouvelles des autres, je suppose que le monde entier a été touché et eux aussi.
– Tu es pessimiste. Mange du poisson, ça ira mieux après. »

Chaahk obtempéra ; il avait faim. Il mordit dans la chair et soupira d’aise. Le poisson n’était pas totalement cuit, mais il n’en avait cure. L’homme appréciait tout autant le poisson cru. « Je pense plutôt que je suis réaliste, en fait, reprit Chaahk. Maintenant, la question à se poser, c’est : si le voile noir a absorbé toute la magie du monde, combien de temps a-t-il fallu au monde pour la régénérer ?
– Hum, marmonna [Bidule], très longtemps à mon avis. Surtout qu’elle n’est pas toujours pas au niveau où nous l’avons connue. »

Sur la plage de sable fin, dévorant leurs poissons, les deux amis méditaient à propos de leur situation. Ils s’ennuyèrent assez rapidement sur leur île après leur repas. Heureusement, ils étaient créatifs et improvisèrent rapidement des occupations, qui consistèrent principalement en des duels, tant intellectuels que physiques. Ils alternèrent entre des jeux de stratégie improvisés comme les échecs et des affrontements armés de bâtons. Les morceaux de bois ne tinrent pas longtemps et ils passèrent rapidement à l’entraînement à mains nues.

Ils s’interrompirent dans leurs exercices en entendant un bruit lointain. Aucun des deux n’avait jamais entendu un bruit pareil, ni jamais vu d’hélicoptère comme celui qui s’approchait de leur île, provenant d’un endroit soigneusement éloigné du volcan en éruption, qui s’était entre temps calmé. Les deux amis regardèrent l’engin voler dans leur direction avec perplexité. « Chaahk, as-tu déjà vu un animal pareil ?
– Je dois bien admettre que non, [Bidule]. Regarde, il y a des gens à l’intérieur.
– Des gens ? Ah oui, tiens. Ce serait un peu comme une charrette volante, alors ? »

Le plus grand acquiesça sans mot dire. À présent silencieux, ils se contentèrent de contempler le spectacle inédit de cette machine volante en acier les survoler et descendre petit à petit sur la plage.

 

Béatrice se laissa tomber sur une chaise et poussa un râle. Tout autour d’elle, dans l’annexe, un brouhaha ambiant régnait qui provenait d’une demi-douzaine de jeunes dragons. Valentin lui tapota l’épaule en guise de réconfort. « Regarde, l’encouragea-t-il, on a enfin fini !
– Il était temps, répartit-elle. Merci à tous de m’avoir aidée ; je ne sais pas si j’aurais réussi toute seule.
– Tu aurais certainement réussi, lui assura Valentin tandis que les deux autres interpellés souriaient. Mais au lieu d’être épuisée, tu serais morte.
– Ha ha, ironisa Béatrice. N’essaie plus de faire de l’humour, c’est nul. »

NaNoCamp Avril 2017 J+9 : Préquelles Arkhaiologia

Valentin était en train de se dire que le tri allait durer plus longtemps que prévu, lorsque le visiophone du laboratoire les interrompit. Surprise de recevoir un appel le week-end, Béatrice se leva néanmoins pour répondre. Son téléphone se mit à vibrer à plusieurs reprises en même temps. Elle consulta ses messages en même temps qu’elle acceptait la conversation du visiophone du labo. Le buste d’un officier de police s’afficha, qui lui demandait si son complexe était capable de stocker quelques petits dragons et, si oui, sous combien de temps elle pouvait les recevoir.

« Oh euh, comme je suis là, vous pouvez me les amener. Je vais préparer les cages.
– Parfait, se réjouit le policier. Vous nous enlevez une sacrée épine du pied ; on ne savait pas trop quoi en faire… Par contre, deux n’ont pas survécu à la poursuite. Mais le professeur Massamba nous a dit de vous confier les cadavres.
– Oui, en effet, confirma la jeune femme qui continuait de recevoir des messages de son tuteur en même temps. Je vais m’assurer d’avoir de quoi les entreposer.
– Merci, nous arrivons dès que possible. »

Béatrice le remercia à son tour et coupa la communication, tout en pianotant à toute vitesse sur son téléphone pour assurer Massamba que tout allait bien se passer. Elle espérait ainsi arrêter le flot ininterrompu de son tuteur bavard et généreux en recommandations. « Qui c’est qui te harcèle comme ça ? S’enquit Valentin.
– C’est Massamba. Enfin, j’ai eu un message de Pommier et bientôt quinze de Massamba.
– On dirait qu’il est aussi enthousiaste que toi, plaisanta le jeune homme.
– Voire même encore plus ! Renchérit Béatrice. Et encore, je ne lui ai pas dit que j’ai déjà commencé à étudier un dragon. Bon ! Je suis désolée, mais je vais devoir abandonner le tri pour le moment, je vais devoir préparer l’arrivée des autres dragons.
– Tu veux de l’aide ? S’enquit Valentin.
– Ça ne serait pas de refus, mais vous avez fort à faire pour retrouver les amis de Déa et Asklepios.
– Allons allons, balaya la femme aux yeux dorés. Askel et moi adorons rendre service. Et puis, avec notre aide, je suis certaine que tout sera prêt en un rien de temps ! Ordonnez, et ce sera fait. »

 

Pendant ce temps, dans une jungle en plein cœur de l’Afrique, une jeune femme reposait entièrement nue sur un lit de pétales de cerisiers. Elle se réveilla en sursaut, repoussa ses mèches noires et lisses qui encombraient son visage et grimaça au souvenir de l’intense douleur qu’elle avait subie en guérissant. Qu’est ce qui avait bien pu la blesser à ce point ? Était-ce ce voile noir qui avait eu l’air de recouvrir l’horizon tout entier ? Combien de temps avait-elle dormi ? Et combien de temps son esprit allait-il rester brumeux ? Elle prit sa tête entre ses deux mains, plissant ses yeux en amande. Que de questions ; elle se sentait aussi confuse que ses souvenirs.

La jeune femme se leva. Une autre question lui traversa l’esprit : d’où venaient ces pétales roses sur lesquels elle était couchée à l’instant ? Elle scruta les alentours du regard. Cet environnement lui paraissait presque étranger, comme si elle n’avait pas l’habitude de se trouver dans un tel endroit, et percevait sa présence comme saugrenue en ce lieu. Elle toucha pensivement les grandes feuilles alentours. Celles-ci, comme répondant à son appel silencieux, se penchèrent vers elle, la caressant doucement, presque avec tendresse.

La jeune femme demanda aux plantes alentours si elle pouvait leur prendre quelques feuilles pour se vêtir. Sa requête fut acceptée et des morceaux entiers de végétation tombèrent d’eux-mêmes autour d’elle. Pour remercier la généreuse flore de ces lieux, elle posa ses mains sur les plantes. Une lumière rouge nimba son corps et les végétaux s’étant montrés généreux virent leurs feuilles manquantes repousser. Grâce aux abondantes feuilles immenses qu’elle avait à sa disposition, la jeune femme se confectionna un kimono végétal.

Sa confusion se dissipait peu à peu, elle le sentait. Une certitude s’imposa : elle devait retrouver les autres. C’était important. La jeune femme s’auréola de lumière et sourit. Elle se souvenait enfin qu’elle était Amaterasu.

 

Au même moment, deux énergumènes profitaient du soleil sur le sable fin d’un îlot dangereusement proche d’un volcan. « Hé, [Machin], tu crois que ça suffira à les alerter ? S’enquit l’un des deux d’une langue que plus personne n’avait entendu parler depuis longtemps.
– Je ne sais pas trop [Bidule], répondit l’autre d’un air dubitatif. C’est bruyant, c’est sûr, mais est ce que ça les atteindra ? Rien n’est moins sûr.
– Normalement Askel devrait entendre, supposa le premier avec entrain.
– Sauf s’il ne s’est pas encore éveillé, temporisa le second. C’est un paramètre à prendre en compte.
– Rha tu es trop sérieux ! »

[Bidule] se leva et commença un véritable échauffement, faisant rouler ses muscles fins sous sa peau. Très vite, il se lança dans des acrobaties de plus en plus impressionnantes. Il n’était pas très grand, mais disposait d’une excellente détente. « Et toi, tu ne tiens pas en place. » Rétorqua [Machin]. Celui-ci était beaucoup plus grand et costaud que son agile compagnon.

NaNoCamp Avril 2017 J+8 : Préquelles Arkhaiologia

– Je pensais que tu voudrais le garder avec toi.
– Peut-être, nous verrons bien. » Conclut Déa.

Le dragonnet atterrit en glissant sur le sol près de la femme aux yeux dorés et lui réclama des caresses. Celle-ci s’exécuta avec plaisir et reprit : « Tant que nous n’avons pas de nouvelles d’Amaterasu notre voyageuse rapide, j’aimerais savoir s’il y aurait un moyen de nous rendre vers ce volcan dans le Pacifique.
– Oulà non, s’exclama Valentin. Enfin, il y a des moyens, mais pas à notre portée. Et même si on pouvait, ça resterait long d’aller là-bas.
– Oh, commenta Déa avec une moue déçue. J’espérais que votre technologie pouvait tout faire. Même de nos jours, il y a toujours des limitations, n’est ce pas ?
– De moins en moins, répartit Valentin. Mais toujours, oui.
– Tu vois, Askel, lança-t-elle à son compagnon avec un fin sourire. Après tout, nous ne sommes peut-être pas si obsolètes que cela. »

Son sourire s’effaça au profit d’une mine concentrée. Elle cracha un mot que Valentin ne comprit pas mais que, d’après le ton frustré, il estima être un juron. « Un problème ? s’enquit-il.
– Ils sont trop loin pour que j’arrive à les atteindre, déplora la femme aux yeux dorés. J’espère qu’ils ne feront pas trop de bêtises en attendant. Si ce sont bien eux à l’origine de ce volcan, bien entendu.
– Je suis confiant à ce propos. » Intervint calmement Asklepios.

Valentin ne savait pas quoi répondre à ça et il retourna vers Béatrice, qui était totalement transportée par tout ce qu’elle apprenait sur le dragon. La conversation entre les quatre tourna ensuite surtout autour de ces animaux. Les deux mages fournirent quelques informations supplémentaires sur ce qu’ils savaient des dragons adultes. « Tu es seule à travailler dans ce grand bâtiment ? S’enquit Déa auprès de Béatrice.
– Oh non, nous sommes plusieurs, expliqua celle-ci. Mais nous sommes samedi. Et, le samedi, personne ne travaille.
– Sauf toi, pointa la femme aux yeux dorés d’un ton malicieux.
– Oui, mais c’est une situation exceptionnelle !
– J’en ai l’impression, commenta Déa. Où en sont les recherches ? » Continua-t-elle en se tournant vers Valentin.

« Je pense qu’elles sont terminées, estima celui-ci. Allons voir ; il va falloir trier. » Curieux, ils se rendirent tous dans le bâtiment principal, suivis par le jeune dragon qui ne voulait pas quitter la femme aux yeux dorés. Béatrice accepta que le jeune animal les accompagne à la condition que Déa s’assure qu’il ne fasse pas de bêtises. Valentin leur attribua des postes à tous et répartit les résultats de recherche. Ils s’installèrent tous et le jeune homme leur conseilla de garder le moindre article qui leur laisserait le moindre doute.

« Comment ils vont réussir à lire tout ça ? Interrogea Béatrice.
– Je peux lire n’importe quelle langue, en plus de la parler, leur assura Déa. Cela ne me prend que quelques secondes à intégrer. Un peu plus si je ne connais pas l’alphabet.
– Oh tant mieux, se réjouit Valentin. J’avais prévu le mode aveugle pour eux, avec des écouteurs.
– Je n’en aurai pas besoin, mais Askel si j’en ai peur, reprit la femme aux yeux dorés. Je suis désolée, mais dans mon état ce sera plus simple de traduire ce qu’il entend que ce qu’il voit. J’essaie de chercher les autres en même temps et cela me demande beaucoup d’énergie.
– Tu n’as pas besoin de te justifier, la rassura Béatrice. Valentin avait tout prévu de toutes façons. Si tu préfères les écouteurs, n’hésite pas à lui dire.
– Ça ira, chantonna Déa avec un grand sourire. Je suis impatiente de voir les styles d’écriture de toutes façons. »

Ils se mirent au travail sans tarder. Cela leur prit beaucoup de temps et, lorsque midi fut passé, Béatrice proposa de commander à manger. Après le repas, ils pourraient faire un point sur ce qu’ils avaient trouvé. « Je peux nous fournir de quoi nous nourrir, suggéra Déa. Comme les autres fois.
– À vrai dire, si ça ne dérange personne, j’aimerais beaucoup goûter à la nourriture de ce temps. » Comme toujours, Asklepios était intervenu de sa voix profonde et de son ton poli. La femme aux yeux dorés le considéra avec surprise. Puis, avec un sourire, elle acquiesça. « C’est une bonne idée, approuva-t-elle. Après tout, nous allons devoir vivre… maintenant, n’est ce pas ? »

Béatrice et Valentin s’entre-regardèrent, se demandant qu’est ce qu’ils pourraient leur faire goûter de typiquement moderne. Une demi-heure plus tard, ils se retrouvèrent à manger [ajouter un truc « typiquement » moderne avec ce qu’ils en pensent].

Concernant leurs recherches, tous étaient tombés sur beaucoup d’histoires insolites, mais aucune ne pouvait être considérée comme une piste certaine sur l’un des membres manquant de leur petit groupe de mages. Le tri avaient été fortement ralenti pour Déa et Asklepios, car ils avaient étudié les articles beaucoup plus en profondeur, émerveillés par toutes les nouveautés du monde d’aujourd’hui. La femme aux yeux dorés avaient même trouvé le moyen de naviguer elle-même sur Internet et en avait profité pour naviguer, faisant partager ses découvertes par télépathie à son compagnon.

NaNoCamp Avril 2017 J+6 : Préquelles Arkhaiologia

Le matin les trouva tous les quatre venant tout juste de s’endormir sur le canapé et les fauteuils du salon. Ils y restèrent toute une partie de la matinée, sommeillant dans des positions plus ou moins confortables. Ils furent réveillés par la lumière du jour, les volets s’étant ouverts automatiquement le matin venu. Les deux magiciens émergèrent plus rapidement que les deux thésards. Déa n’était pas très patiente. Elle secoua les deux amis afin de les réveiller. En plus de vouloir en savoir encore plus sur le monde d’aujourd’hui, elle tenait à voir le jeune dragon le plus rapidement possible. Les deux amis s’efforcèrent d’ouvrir les yeux et de se lever.

Après un copieux petit déjeuner fourni par la femme aux yeux dorés, ils se mirent tous les quatre en route en direction du campus, à pieds cette fois. En ce samedi, les alentours de l’université étaient déserts. Les locaux où ils se rendaient l’étaient tout autant. Ils paraissaient immenses ainsi vides. Pendant que Déa allait rendre visite au dragonnet en compagnie de Béatrice, Valentin s’installa à un poste informatique avec Asklepios. « Bien, commença le jeune homme. Ceci est un ordinateur et il est branché à Internet.
– Je n’ai pas très bien compris Internet quand tu l’as expliqué cette nuit, avoua le mage, mais j’ai compris qu’il pouvait nous aider à retrouver nos amis.
– Exactement. Du moins, je l’espère. Ce qui va compliquer nos recherches, c’est qu’il faut retrouver cinq individus potentiellement perdus dans le monde entier… Ça risque de prendre du temps.
– Peu importe, lui assura Asklepios. L’idéal serait de trouver Amaterasu.
– Amaterasu ? Vous êtes sérieux tous ? » Grommela Valentin qui se demandait à certains moments si quelqu’un lui faisait une blague.

Asklepios et Amaterasu étaient des dieux mythologiques et, s’il continuait la réflexion, Dea signifiait déesse. Le jeune homme se demandait d’ailleurs si elle avait un autre nom de déesse connue ; après tout, elle n’avait pas parue très sûre d’elle lorsqu’elle lui avait donné son prénom. La question lui était sortie de la tête pendant la nuit et, à présent, il se demandait s’il aurait le cran de poser la question au médecin du nom d’Asklepios de s’il était un dieu ou pas. Il craignait de passer pour un idiot. Et puis, techniquement, qu’est ce que c’était qu’un dieu ? Il se décida sur une question plus anodine :

« Pourquoi ce serait l’idéal de trouver Amaterasu ?
– Parce qu’elle maîtrise la capacité de… téléportation, expliqua le médecin avec son lourd accent. Grâce à elle, ce serait beaucoup plus facile de retrouver les autres et de nous rassembler.
– Vous rassembler, je vois bien. Mais comment ferait-elle pour retrouver les autres ?
– J’irai avec elle. Mes… capacités ne sont pas encore revenues à leur plein potentiel, mais je dispose d’une excellente perception qui s’étend sur plusieurs contrées. À nous deux, nous aurons retrouvé les autres en un rien de temps : il suffira qu’elle m’emmène un peu partout et je sentirai leurs présences. D’ici là, peut-être que Déa aura retrouvé toute sa puissance de pensée et qu’elle pourra joindre les membres restants. »

Valentin n’avait pas encore entendu son interlocuteur prononcer autant de phrases d’un coup. Le jeune homme trouvait que son élocution s’était améliorée, même si son accent était toujours très prononcé. En réfléchissant, il réalisa qu’Asklepios s’était toujours tenu en retrait en présence de Déa. Avec une forme de révérence, aurait-il pu dire. La femme aux yeux dorés ne s’était pas présentée comme telle, mais il se pouvait qu’elle soit la dirigeante de ce petit groupe. Peu importait ; pour le moment, il devait trouver un moyen de mettre la main sur Amaterasu.

« Hum, bon, reprit-il. Je vais avoir un peu de temps à obtenir une réponse valable, mais je lance une recherche sur les personnes qui parlent une langue bizarre en premier lieu. Les nouveautés sur hier et aujourd’hui. Ce qui est beau avec Internet, c’est qu’on trouve de tout. Après, l’inconvénient avec Internet, c’est qu’on trouve de tout aussi.
– Je te fais confiance, lui assura Asklepios. Ton amie et toi êtes des personnes généreuses et curieuses. Nous avons beaucoup de chance de vous avoir rencontrés.

NaNoCamp Avril 2017 J+5 : Préquelles Arkhaiologia

Béatrice ne dit mot jusqu’à ce qu’elle arrive à son garage. Lorsque la porte s’ouvrit et que la voiture descendit dans les profondeurs, Asklepios déclara de son élocution hésitante et accentuée : « Le monde a bien changé durant notre absence.
– C’est certain, appuya la femme aux yeux dorés. Comme je te le disais tout à l’heure, on dirait que tout fonctionne avec de la magie, sauf que ça n’en est pas.
– Tout à l’heure ? Questionna machinalement Valentin.
– Oui, lors de notre conversation télépathique, précisa Déa.
– Peut-être sommes-nous obsolètes dans ce monde là, continua l’homme aux iris orangés d’un ton pensif. C’est une étrange sensation.
– Je ne pense pas. » Commenta doucement la conductrice, comme pour elle-même.

En plus des voitures, les deux mages furent impressionnés par l’ascenseur, dans lequel la femme aux yeux dorés fit apparaître des vêtement pour son compagnon, qui put ainsi enlever son pagne de fortune. « Je comprends pourquoi vous construisez des bâtiments aussi hauts ! S’exclama Déa après qu’ils se retrouvèrent tous installés dans le salon de Béatrice. Ce serait une véritable plaie de monter tous ces étages à pieds.
– Ce qui est le cas lorsque l’ascenseur tombe en panne. » Précisa Valentin en souriant. Son amie habitait au huitième étage et, les quelques fois où cela s’était produit, elle était venue dormir chez lui, par flemme de grimper toutes ces marches. Il aimait bien la taquiner avec ça.

Une fois que Béatrice eut servi tout le monde en boisson, elle-même ayant grand besoin du réconfort d’une infusion après toutes ces émotions, elle se laissa tomber dans un fauteuil. « Bon ! Déclara-t-elle. Qu’allons-nous faire de vous ?
– C’est une excellente question, pouffa Déa. Vous avez déjà fait beaucoup pour nous. Moi, surtout. J’étais vraiment perdue jusqu’à maintenant. Toujours un peu, d’ailleurs, puisque je ne reconnais rien. Mais nous ne vous embêterons pas longtemps. J’aimerais que vous m’expliquiez un peu comment fonctionne le monde à présent – et nous répondrons à vos questions si vous en avez – puis nous irons chercher les autres, aviser de la situation, de notre rôle dans tout ça, et ainsi de suite.
– Tout un programme. » Commenta Béatrice tandis que Valentin se demandait comment faire pour résumer le monde.

« Ce breuvage est très bon, parvint à dire Asklepios entre deux gorgées. J’espère que nous ne puisons pas dans vos réserves.
– Oh non, il n’y a pas de souci à se faire de ce côté là, le rassura leur hôtesse. J’aimerais vous poser quelques questions sur les créatures… magiques. Vous vous y connaissez bien en créatures magiques ?
– Nous en sommes nous-mêmes, répondit plaisamment Déa. Je ne sais pas si nous pourrons répondre à toutes les questions, mais nous essaierons, n’est ce pas Askel ? »

Son ami aux yeux orangés acquiesça de bon cœur. Béatrice posa son mug, sortit son téléphone pour prendre des notes et commença ses questions. Valentin s’empressa de faire de même. Après tout, leurs sujets d’étude étaient très liés ; la nuit promettait de continuer à être aussi intéressante que lorsqu’elle avait commencé, lorsqu’ils avaient recueilli Déa après son entrée fracassante. De fait, ils passèrent une nuit blanche. Valentin se fit plusieurs fois la réflexion qu’il était heureux de ne pas avoir d’obligation le lendemain matin.

NaNoCamp Avril 2017 J+4 : Préquelles Arkhaiologia

Ils frissonnèrent. La lueur orangée disparut progressivement et l’homme fit un pas en arrière. Il prononça quelques mots d’une voix profonde et sur une intonation interrogative, mais ni Valentin, ni Béatrice ne comprirent sa question. Déa hocha affirmativement la tête en réponse, puis se tourna vers les deux amis. Elle souriait. « Je suis guérie ! Se réjouit-elle. Je vous avais dit que je connaissais un médecin.
– Euh, oui d’accord… Balbutia Valentin.
– On devrait peut-être s’en aller, du coup, non ? Suggéra Béatrice. Déa n’a plus besoin de soins et son ami se balade en petite tenue dans les couloirs de l’hôpital… »

La femme aux yeux dorés acquiesça et se tourna vers le médecin pour lui dire quelques phrases dans leur langue. L’homme hocha de la tête pour indiquer qu’il avait compris et ils quittèrent l’hôpital tous les quatre. Une fois dans la voiture de Béatrice, ils prirent le temps de mettre un peu d’ordre dans leurs esprits. « Raconte-nous Déa, la supplia Valentin. Tu te rappelles de tout ? Comment ça se fait que tu étais écorchée quand tu es arrivée ? Tu te souviens enfin d’où tu viens et où on est ?
– Un instant, temporisa Déa, Asklepios voudrait suivre la conversation. Je vais filtrer votre langue…
– Asklepios ? Filtrer notre langue ? » Ni Valentin, ni Béatrice ne comprirent l’expression. Ils échangèrent un regard perplexe.

« Pardonnez-moi, s’excusa Déa avec un sourire joyeux. Vous ne devez pas saisir grand chose à la situation.
– C’est le moins qu’on puisse dire, commenta Béatrice.
– Je vais essayer de résumer, reprit la femme aux yeux dorés. Filtrer votre langue, c’est pour que mon ami puisse vous comprendre et vous parler. Je suis télépathe et j’ai le don universel des langues. C’est la raison pour laquelle j’ai assimilé votre langage très rapidement. Asklepios, lui, ne dispose pas de ces dons. Je traduis donc dans sa tête ce qu’il entend et ce qu’il veut dire. Comme ça, il peut vous comprendre et vous parler. Par contre, je dois être rouillée, ça me demande bien plus d’efforts qu’avant de faire ça…
– Ça… Ce doit être parce qu’il y a peu de magie, expliqua doucement Asklepios avec un lourd accent. C’est plus difficile pour moi aussi… De soigner. »

Valentin se tourna du siège passager pour considérer l’homme. Celui-ci lui rendit paisiblement son regard, de ses yeux aux iris orangés. Le thésard se demanda d’où leur venaient ces couleurs d’yeux peu communes. « Arrête de te poser des questions, le gourmanda Déa. Je ne pourrai pas répondre à toutes sinon !
– Arrête de lire mes pensées, se plaignit le jeune homme. C’est perturbant…
– Je vais essayer, promit la femme aux yeux dorés. Mais je ne garantis rien : c’est de l’ordre du réflexe pour moi.
– D’où venez-vous alors ? » Intervint Béatrice avec le regard pétillant de curiosité.

Déa et Asklepios échangèrent un regard entendu. Valentin les soupçonna de discuter par télépathie en même temps qu’ils conversaient avec eux. La femme aux yeux dorés lui fit un clin d’œil et répondit : « En fait, la véritable question n’est pas d’où venons-nous, mais plutôt : de quand venons-nous ?
– De quand… » Murmura Béatrice. Les deux étaient stupéfaits.

« Vous avez voyagé dans le temps ? S’étonna Valentin.
– Pas vraiment, corrigea Déa après un bref regard en coin vers son compagnon. Pour simplifier, disons que nous sommes investis de magie et, quand elle est présente, nous sommes immortels. Lorsque le voile a éradiqué la magie du monde, nous sommes devenus poussière. Mais maintenant qu’elle est de retour, nous avons pu nous reconstituer.
– Comment se fait-il que tu te sois reconstituée amnésique ? S’enquit Béatrice.
– Nous sommes immortels, mais pas invulnérables, expliqua Déa. Nous pouvons être blessés, même si aucune blessure n’est mortelle et que nous guérissons plus rapidement que vous. »

Il y eut un nouveau silence, le temps que Valentin et Béatrice digèrent les informations. La jeune femme prenait furieusement des notes sur son téléphone. « Nous devons trouver les autres, déclara Asklepios de sa voix profonde.
– Je ne sais plus où ils étaient lorsque le voile est apparu, soupira la femme aux yeux dorés. Ils étaient certainement aux quatre coins du monde… Je n’arrive pas à les joindre par télépathie pour le moment.
– Les autres ? Répéta Valentin. Vous êtes combien de… comme vous ?
– Sept. » Répondit Déa avec un sourire absent.

Béatrice posa son téléphone et mit le contact. « On ne va peut-être pas rester à discuter toute la nuit sur un parking d’hôpital. Je vous emmène chez moi pour la nuit ?
– Avec plaisir, accepta la femme aux yeux dorés. Et le dragon ?
– Nous irons le voir demain. J’avais une autre question… Ce voile dont vous avez parlé tout à l’heure, qu’est ce que c’est ?
– C’est une bonne question, répondit Déa. Nous ne savons pas : nous n’en avions jamais entendu parler avant de le voir. Et de le subir. » Elle tordit la bouche à ce souvenir. « C’était très douloureux. »

NaNoCamp Avril 2017 J+3 : Préquelles Arkhaiologia

Son ami referma la bouche. Elle avait raison : inutile de faire l’ennuyeux moralisateur. La situation était particulière. Il prit place à l’avant tandis que Béatrice mettait le contact. La voiture électrique souffla en démarrant.

Alors que la voiture s’approchait du bâtiment où travaillait la jeune femme, Valentin put apprécier les dimensions de l’annexe qu’ils avaient construite à côté, lui qui n’allait que rarement de ce côté là du campus. Elle lui parut immense : il y avait même une porte pour y faire entrer de gros véhicules. Béatrice gara la voiture devant et en descendit pour désactiver l’alarme. Elle ouvrit la porte à taille humaine et se glissa à l’intérieur du bâtiment. Quelques secondes plus tard, la grande porte dévolue aux véhicules se soulevait. La jeune femme sortit du bâtiment pour garder sa voiture à l’intérieur. Elle ferma tout et alluma la lumière.

« Bienvenue dans la nouvelle annexe ! S’exclama Béatrice en désignant les alentours en tournant sur elle-même.
– C’est fou que tu aies les codes et les clefs de tout ici, commenta Valentin impressionné.
– Oh, tu sais, les professeurs Massamba et Pommier sont souvent en déplacement à cause de la recrudescence des apparitions de créatures surnaturelles. Et comme ils sont souvent appelés sur des sites, ils me laissent le soin de m’occuper de la maison.
– Et ils te font confiance ? » La taquina le jeune homme.

Son amie lui tira la langue et ouvrit le coffre de la voiture, tandis que Déa s’extirpait de l’habitacle. La femme aux yeux dorés ne fit pas de commentaire mais, à la façon dont elle regardait la voiture et les alentours, les deux amis sentirent bien que tout lui paraissait nouveau. Béatrice les planta là pour aller préparer une cage la plus confortable possible pour le pensionnaire endormi dans le coffre. En l’attendant, Valentin et Déa firent le tour de la pièce neuve, bordée de différentes cages et au centre de laquelle trônaient d’énormes cartons contenant les futurs équipements de l’annexe.

La femme aux yeux dorés fit la moue. « Ces cages sont grandes, mais elles restent froides pour y faire vivre qui que ce soit.
– Ne t’en fait pas, la rassura le jeune homme. Béatrice m’a expliqué que les créatures enfermées ici ne le seraient que de manière temporaire. Ce sera aussi le cas pour ce jeune dragon.
– Oui, je ne compte pas le laisser là. » Acquiesça Déa.

Une fois que Béatrice eut installé ce qu’il fallait dans la cage pour adoucir le séjour du dragon, ils entreprirent d’installer le bébé à l’intérieur. « Je vais lui laisser la couverture, je pense, déclara Valentin en contemplant l’animal blotti dans le tissu.
– Il est tout mignon avec juste la tête et la queue qui sortent, s’attendrit Béatrice en fermant soigneusement la porte. Bon ! En route pour l’hôpital à présent ! » Continua-t-elle avec entrain, tout en se dirigeant vers sa voiture pour remettre la banquette et la plage arrière en place.

Le trajet pour l’hôpital se déroula rapidement ; il n’y avait pas de circulation. Aux urgences, l’affluence était très faible. Béatrice expliqua au personnel soignant que Déa s’était retrouvée au milieu d’une mauvaise bagarre, qu’elle souffrait d’amnésie et qu’ils s’inquiétaient qu’elle ait pris un mauvais coup sur la tête. L’infirmière de garde eut la confirmation de l’amnésie lorsqu’elle demanda le nom de famille de Déa et que celle-ci fut incapable de répondre. « C’est peut-être indiqué sur votre carte d’identité, suggéra l’infirmière.
– Elle n’en a pas, intervint encore Béatrice. Nous l’avons trouvée telle quelle. »

Après quelques autres questions et arrangements, leur interlocutrice les envoya patienter dans la salle d’attente, en leur assurant que la nuit étant calme, ils n’auraient pas à attendre très longtemps. « Déa ? L’interpella Valentin. Tout va bien ? Tu as l’air un peu absente depuis un moment.
– Mmhmm… Émit machinalement la femme aux yeux dorés. Il y a quelque chose ici.
– Quelque chose ? Répéta Béatrice.
– Oui. »

Déa ne s’étendit pas en explication. Valentin vit que son amie rongeait son frein, curieuse qu’elle était. Elle prenait sur elle pour le moment, mais ce n’était qu’une question de temps : elle recommencerait bientôt à lui poser des questions. Il sourit par devers lui. Comment lui en vouloir ? Il se sentait au moins aussi curieux qu’elle. Ses pensées s’interrompirent lorsqu’il vit la femme aux yeux dorés se lever et quitter la salle d’attente. « Déa ? L’appela-t-il.
– Tu cherches quelque chose ? » Continua Béatrice en se levant pour la rattraper. Valentin bondit à son tour de son siège pour suivre les deux femmes.

Celle aux yeux dorés continuait de marcher dans le couloir de l’hôpital sans leur répondre. « Déa, je ne pense pas que nous ayons le droit d’aller par là… » Tenta le jeune homme, mais elle continuait de faire la sourde oreille. Elle s’arrêta tout aussi soudainement qu’elle s’était levée. « Déa… » Reprit Béatrice à son tour, mais elle se tut en voyant un homme se dresser au bout du couloir, face à eux. Il avait noué une blouse médicale autour de sa taille, laissant à l’air libre son physique presque corpulent, et leur faisait face, sa mine affichant la stupeur à la vue de la femme aux yeux dorés qui lui faisait face.

Une porte du couloir s’ouvrit brusquement, interrompant le silence presque surréaliste. Une adolescente sortit, gémissant de douleur, titubant sous l’effet d’un calmant quelconque. L’homme attrapa lestement la jeune fille et posa sa main sur sa tête. Surprise, l’adolescente ne songea même pas à se débattre. Une douce lueur orangée nimba la main et se propagea le long du corps de la jeune fille, s’arrêtant au niveau du ventre. Là, la lueur orangée se fit plus forte et l’homme ferma les yeux, l’air concentré. L’opération ne prit pas plus d’une poignée de secondes. Lorsque la lumière orangée disparut, l’adolescente était endormie.

L’homme se redressa, la portant jusqu’à la chambre qu’elle venait de quitter. Il en ressortit presque aussitôt, referma soigneusement la porte, et s’approcha de Déa. Celle-ci ne bougea pas et ses deux accompagnateurs ne savaient pas comment ils devaient réagir. L’inconnu prit le visage de Déa dans ses mains et posa son front sur le sien. Les mains se nimbèrent de nouveau de la douce lueur orangée, ainsi que la tête de la femme aux yeux dorés. Cette fois, l’opération prit un peu plus de temps, à la grande nervosité de Valentin et Béatrice.

NaNoCamp Avril 2017 J+2 : Préquelles Arkhaiologia

Valentin ne pouvait s’empêcher de fixer le dragon. Il avait encore du mal à réaliser qu’il en avait un chez lui. Ses pensées s’éparpillaient et il se redressa soudainement. « J’ai une idée qui pourrait t’aider à retrouver la mémoire, déclara-t-il à Déa avant de venir s’asseoir sur le canapé près d’elle.
– Ton téléphone ? S’enquit-elle en le voyant le lui désigner.
– Internet plutôt, corrigea-t-il.
– Je ne suis pas certaine d’avoir vraiment compris le concept d’Internet, avoua Déa. Mais je n’avais pas l’impression qu’il s’agissait d’une médecine.
– Ce n’est pas le cas, regarde. »

Le jeune homme déploya l’écran holographique et commença à naviguer. « Tiens, voilà ce qui s’est passé la semaine dernière dans les environs – je suppose que tu es du coin – et là c’est le parc à côté duquel nous t’avons rencontrée.
– Rien de ces choses ne me dit quoi que ce soit, soupira la femme aux yeux dorés.
– Mmmh, passons aux personnages célèbres alors… » Le jeune homme fit défiler des personnalités politiques, sportives, e-sportives, artistiques et tout ce qui lui passait par la tête. Mais personne ne disait quoique ce soit à Déa. Ni les personnes connues, ni même les noms des villes.

« Je pense que le problème est plus complexe que ce qu’il y paraît, intervint finalement Béatrice qui se tortillait pensivement une mèche de cheveux. Elle t’a dit que le concept d’Internet ne lui était pas familier. Nous devons prendre en compte la possibilité qu’elle ne vienne pas d’ici.
– Mais d’où alors ? Lança Valentin. Et pourquoi est ce qu’elle ne se souvient pas d’être venue ici, ni d’aucune ville ni rien ? Même la carte du monde ne lui parle pas…
– Je ne sais pas.
– Tu penses qu’on devrait l’emmener aux urgences comme on aurait dû le faire tout à l’heure ? Suggéra le jeune homme.
– Et laisser un dragon tout seul chez toi ? Pointa Béatrice.
– Hmpf… »

Malgré son admiration pour ces animaux mythiques, Valentin n’était pas prêt à en laisser un tout seul chez lui. « Il faudrait passer à ton labo avant, déclara-t-il après quelques instants de silence. Nous installons le dragon là-bas et puis direction l’hôpital. Par contre, je me vois pas promener un dragon dans la rue jusqu’au campus.
– Je vais chercher ma voiture dans ce cas, proposa Béatrice.
– Parfait. » Conclut Valentin.

Comme la jeune femme fermait la porte en s’en allant pour aller chercher son véhicule, Déa plongea dans son regard doré dans les yeux de Valentin, qui se sentit impressionné sans savoir pourquoi. « Je ne comprends pas tout ce qu’il se passe, lui dit-elle. Mais vous paraissez bons et de bonne foi avec votre amie. Je vais donc vous faire confiance. » Le jeune homme eut l’inexplicable impression que l’étrange inconnue venait de lui confier une mission sacrée. Il se tassa un peu sous le regard saisissant de Déa. Cette impression de grandeur émanant d’elle disparut aussi rapidement qu’elle était apparue. Elle lui sourit. Il lui sourit en retour, un peu gêné.

Le petit dragon émit un grognement plaintif. En réponse, la femme aux yeux dorés se mit à le caresser. Enchanté, l’animal se tourna sur le dos, laissant libre cours à la main caressante sur son ventre rond de bébé dragon. « Montre-moi encore des images s’il te plait, demanda Déa. Tout me paraît inconnu, mais tellement fascinant ! » Valentin acquiesça et lui montra des images de la ville. La femme aux yeux dorés penchait la tête sur le côté, comme perplexe face à ce qu’il lui présentait sur son écran holographique. Elle contemplait le tout en silence, posant parfois une question.
Béatrice fut bientôt de retour. Entre temps le dragon s’était endormi. « On le réveille ? S’enquit Valentin.

– Ça risquerait de l’énerver je pense. » Déclara son amie. Le jeune homme réfléchit un instant, puis enroula l’animal dans une vieille couverture qui traînait dans un de ses placard – qui utilisait encore des couvertures ces jours-ci – et Déa et lui entreprirent de le soulever doucement, pour voir s’ils pouvaient le porter à deux. Il était remarquablement léger pour une bête de cette dimension. Pour éviter que sa queue ne traîne par terre, la femme aux yeux dorée la fit passer par dessus son épaule.

Alors qu’ils descendaient les escaliers en le transportant le plus délicatement possible, Valentin croisait mentalement les doigts pour ne pas croiser de voisins. Surtout la pénible du dessus qui adorait traverser son appartement de long en large en talons à partir de sept heures du matin. Il aurait trop envie de lui jeter le dragon dessus, mais il préférait ne pas attirer l’attention. Heureusement ses voisins semblaient tous préférer rester chez eux – certainement en partie à cause de l’alarme songea le jeune homme – et ils parvinrent à la voiture de Béatrice sans se faire remarquer.

Mesurant l’animal du regard, la jeune femme ouvrit le coffre de son véhicule, enleva la plage arrière et rabattit la banquette arrière. Valentin et Déa glissèrent doucement dans la voiture le dragon qui dormait comme le bébé qu’il était. La queue de l’animal participait beaucoup dans sa longueur. Elle était très grande et, heureusement, très souple. Ils purent la faire rentrer en l’enroulant. Sans cela, ils n’auraient jamais pu faire tenir la bête dans l’habitacle.

Déa grimpa d’autorité à l’arrière, sur la banquette rabattue, à côté du dragon endormi. Valentin s’apprêtait à lui dire que ce n’était pas prudent de monter ainsi sans ceinture, mais Béatrice le poussa vers le siège passager avec un regard explicite.