Le mystère du Plateau

Depuis des cycles se tenait le grand chantier archéologique du Plateau. Bac se sentait fier de participer à cette épopée. « Nous vivons une époque formidable ! » s’exclamait-il à qui voulait l’entendre, ravi que les avancées technologiques puissent être mises au service de l’archéologie. Rien que le fait de gravir les pentes à-pic, que personne n’avait encore réussi à escalader, était en soi un exploit, rendu possible par le progrès.

D’innombrables légendes couraient sur le Plateau ; la plupart des gens en avaient fait le lieu de résidence des divinités qui régissaient leurs vies. D’autres insistaient sur le fait qu’il était maudit : au cours des âges, de nombreux aventuriers avaient tenté l’escalade, mais aucun n’était revenu pour la relater. Les archéologues s’apprêtaient maintenant à lever tous ces mystères.

S’efforçant de rester professionnel, Bac vérifia une nouvelle fois qu’il n’avait rien oublié. Il savait que, tout trépignant d’excitation qu’il était, il ne se rendrait pas compte de ce qui pourrait manquer, mais il s’obligea à contrôler quand même. Il s’assura également qu’il disposait de quoi écrire dans ses poches : il comptait tout noter de manière scrupuleuse.

« Bac, es-tu prêt ? Il est temps de partir. » Madame Vir était la responsable du groupe de recherches duquel dépendait Bac. Il attrapa aussitôt son sac à dos et lui emboîta le pas, enchanté d’avoir été choisi pour faire partie du premier groupe d’expédition. Sous les vivats — envieux, il en était certain — de leurs confrères et consœurs, il monta dans la nacelle du ballon, en compagnie de madame Vir. En plus d’eux venaient Icro le géologue, Paras, exploratrice de son état, et le pilote.

La météo, favorable au vol, ajoutait à la liesse générale. Le ballonniste contemplait la foule d’un air désabusé. « Tout va bien ? lui demanda madame Vir.
— Il faudra bien, mais je vous préviens, vous ferez bien de vous accrocher. La météo restera bonne ici, mais il n’en sera pas de même là-haut. Le voyage risque de secouer. »

Bac et ses deux collègues acquiescèrent, leur enthousiasme nullement entaché par la mise en garde du pilote. Ils arrimèrent leurs bagages et les caisses de matériel avec soin, tandis que le ballonniste lançait ses machines. Lorsque la nacelle s’ébranla, un regain de vivats parcourut les spectateurs, qui hurlèrent de joie lorsqu’elle décolla du sol. Ils étaient enchantés d’assister à un tel évènement, encore très rare. Bac se sentait transporté et il gratifiait la foule de grands gestes euphoriques.

Il allait entrer dans l’Histoire, il en était sûr. Il s’efforçait de graver ces instants dans sa mémoire, pour pouvoir les relater plus tard lorsque l’on s’arracherait ses interviews et que l’on s’intéresserait à sa biographie. Se souvenant qu’il avait emporté des carnets à cet effet, il se saisit de celui qu’il conservait dans sa poche, dégaina un crayon et commença à griffonner à toute allure.

Au fur et à mesure que le ballon prenait son essor, les cris des spectateurs s’amenuisaient. En jetant un coup d’œil par-dessus le bord de la nacelle, Bac crut qu’il allait défaillir : l’engin s’était déjà tellement élevé en altitude ! En proie au vertige, il se cramponna au rebord, manquant de lâcher carnet et crayon. Fermement agrippé, il continua à contempler avec fascination la vue imprenable qui s’offrait à lui. Il ne parvenait plus à détacher son regard de l’immense vide sous la nacelle.

« Attention, accrochez-vous, ça va secouer maintenant. » les informa platement le ballonniste.

Ses quatre passagers obéirent. Bac s’assit au fond de la nacelle, rangea son matériel d’écriture et se cramponna aux caisses arrimées à côté de lui. Comme le pilote l’avait prédit, le temps se dégrada rapidement et le ballon se retrouva bientôt en proie à de puissantes rafales. Madame Vir s’était solidement accrochée et endurait la tempête avec un flegme remarquable que Bac admirait et enviait tour à tour.

Les embardées de la nacelle s’accentuaient. Les passagers s’agrippèrent plus fort. Bac se blottit contre sa caisse, les articulations engourdies à force de se crisper. Il s’efforçait de se faire le plus petit possible pour ne pas déranger le pilote qui s’affairait lestement d’un coin à l’autre. Quelques instants plus tard, l’archéologue avait l’impression que la tempête avait duré des heures. En regardant le ballonniste qui n’avait cessé de s’activer, les traits tirés par la fatigue, Bac sentit l’inquiétude le submerger.

« Quand arriverons-nous en haut ? ne put-il s’empêcher de gémir.
— Nous avons déjà dépassé le haut, répondit le pilote qui l’avait entendu malgré les cris du vent. J’essaie de retrouver le sol pour nous poser. Ça va secouer.
— Encore ? » se plaignit l’archéologue. Il ne sut pas si le ballonniste l’avait entendu, car il était déjà reparti s’affairer de l’autre côté de l’engin.

Un choc brutal lui fit soudain lâcher prise et Bac roula au fond de la nacelle qui avait arrêté de bouger. Madame Vir se redressa et demanda : « Que s’est-il passé ?
— Nous avons atterri. Le vent nous a emportés loin du bord, mais nous nous trouvons bel et bien sur le Plateau. Je ne pense pas que je pouvais procéder à un atterrissage plus en douceur. Ceci dit, vous avez tous l’air vivants et entiers, non ?
— Je suppose que c’est déjà pas mal étant donné les conditions, en effet, finit par acquiescer madame Vir. Allons les enfants, occupez-vous de décharger le matériel. »

Un juron l’interrompit. « Qu’y a-t-il maintenant ? s’enquit-elle avec irritation auprès du pilote énervé.
— La tempête a endommagé le ballon et l’atterrissage a tordu la direction. Je vais devoir réparer tout ça pour descendre chercher le reste.
— Disposez-vous de quoi procéder aux réparations ?
— Oui, ça va juste prendre du temps, grommela le ballonniste.
— Peu importe dans ce cas. Les causes de contretemps sont légion lors d’un chantier archéologique. Faites au mieux. »

Sur ces mots, elle entreprit d’aider les membres de son équipe à vider la nacelle des caisses qui l’encombraient. Chargé, Bac descendit précautionneusement du ballon. En posant le pied par terre, il constata que le sol en haut du plateau s’avérait plus chaotique que celui dont il avait l’habitude en bas. Il s’abîma un instant dans la contemplation des arêtes qui l’entouraient, avant d’être rappelé à la réalité par le poids encombrant de la caisse qu’il transportait.

« On dirait presque que ce plateau n’est pas naturel, commenta l’exploratrice Paras.
— Cela corrobore les observations faites à la base du Plateau. » renchérit Icro.

L’équipe de recherche se dépêcha de vider le reste, impatients qu’ils étaient de commencer à étudier et explorer cette nouvelle région. De même, le campement fut monté en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. « Les terrains sont très clairs ici, comme les parois du Plateau, nota madame Vir. Mais, là-bas, nous pouvons apercevoir une zone plus sombre. Lorsque nous aurons fini notre installation, nous irons voir ce qu’il en est. »

Les autres chercheurs se mirent en route, pendant que le ballonniste continuait à pester sur le rafistolage de son appareil. Sur les conseils de Paras, ils s’étaient équipés de quoi se sustenter en chemin, ne sachant pas à quel point les distances pouvaient paraître trompeuses sur cette immense plaine. Ils voyagèrent longtemps, mais atteignirent le terrain noir en fin d’après-midi. Intrigués, ils ne prirent même pas le temps de poser leurs chargements avant de commencer à étudier cette spécificité.

La séparation entre le sol blanc et le sol noir s’étendait de manière plutôt nette, traçant une démarcation qui barrait le chemin face à l’équipe de madame Vir. Icro, le géologue, osa quelques pas sur le terrain sombre et se pencha ensuite dessus pour l’examiner de plus près. Pendant ce temps, Bac s’avança plus loin et s’exclama : « Regardez ! Le sol redevient clair ensuite ! »

Madame Vir s’empara de jumelles. Bac se morigéna de ne pas avoir emporté les siennes et attendit silencieusement qu’elle termine ses observations. Il tint son carnet et son crayon prêts, afin de rapporter tout ce qu’elle dirait à l’issue de son inspection. « Hum, dit-elle en abaissant ses jumelles. La répartition entre les zones blanches et les zones noires semble aléatoire, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’une logique se cache derrière tout cela.
— Serait-ce l’œuvre d’une main intelligente ? s’enquit Bac.
— Si tel est le cas, où sont ces gens ? demanda Paras en regardant tout autour d’elle. Nous n’avons vu aucune trace d’habitation jusqu’ici.
— Peut-être ont-ils disparu, supposa Icro. Il faut que j’étudie des morceaux de chaque terrain pour déterminer si l’une, ou l’autre — ou les deux — des colorations est artificielle.
— Bonne idée, approuva madame Vir. Nous pourrons aussi cartographier les zones sombres et claires ; avec un peu de chance, cela nous permettra d’obtenir une meilleure vue d’ensemble. Bac, vous serez responsable de la cartographie avec Paras, pendant qu’Icro s’occupera de l’étude géologique. »

Ils se sentaient tous les quatre positivement stimulés par cette découverte. Tous espéraient qu’il ne s’agissait pas là d’un simple caprice géologique. Après avoir effectué des prélèvements, l’équipe emprunta le chemin du retour au campement. Pendant le trajet, madame Vir leur fit part du fait qu’elle escomptait que le pilote aurait terminé les réparations du ballon lorsqu’ils arriveraient. Elle tenait à rassembler la totalité de ses chercheurs et du matériel le plus rapidement possible, maintenant qu’ils avaient trouvé quelque chose qui l’intriguait.

Lorsqu’ils parvinrent au campement, la nuit était tombée. Le ballon gisait toujours là et son pilote était assis devant, la mine sombre, s’adonnant visiblement à une pause. « Alors, lui lança madame Vir, ce ballon est-il prêt à voler ?
— Plus ou moins, ronchonna le ballonniste. Je dois encore passer du temps à réparer la direction. Sans ça, je ne peux que le faire monter et descendre, mais pas le diriger. »

Bac savait que madame Vir était déçue de la nouvelle, mais elle n’en montra rien, se contentant d’acquiescer. Elle lui souhaita bon courage et s’en fut s’isoler dans sa tente. Paras se pencha vers Bac et lui chuchota : « Si cela avait été l’un de nous qui n’avait pas terminé son objectif dans le temps qu’elle avait estimé, il aurait été vertement réprimandé.
— Certes, répondit-il. Mais nous sommes son équipe et elle sait mieux estimer le temps que nous prendra une tâche. En plus, je pense que le ballonniste est encore plus déçu qu’elle de son retard.
— Tu dois avoir raison.
— En parlant du ballon, reprit l’archéologue, il a dit qu’il pouvait monter et descendre. Que penses-tu de l’utiliser demain pour avoir une vision d’ensemble des sols blanc et noir grâce à l’altitude ? Cela nous simplifierait la tâche pour la cartographie, ne crois-tu pas ?
— Bac, mon ami, tu es un génie. »

Le génie peina à trouver le sommeil, tout émoustillé qu’il était par les découvertes historiques qu’il s’apprêtait à révéler. Lorsque la fatigue eut enfin raison de lui, il eut l’impression qu’à peine endormi, il lui fallait déjà se réveiller. Pendant qu’il mangeait son petit-déjeuner en compagnie de Paras, il regardait tout autour de lui. Madame Vir ne se trouvait nulle part en vue, Icro installait son espace pour étudier les roches et le pilote s’échinait déjà sur la direction du ballon.

Il marmonnait encore en jouant de la clef à molette, lorsque Bac et l’exploratrice vinrent lui demander d’emprunter l’appareil pour des relevés cartographiques depuis les airs. Le ballonniste se redressa en s’essuyant d’un revers de manche et, après quelques secondes de réflexion, il accepta. « Je pense avoir terminé mes réparations, mais je vais avoir besoin de tester leur fiabilité. Du coup, vous pouvez monter pendant que je procède à mes vérifications. »

Les deux collègues embarquèrent joyeusement dans la nacelle et le pilote lança la machine, avant de diriger le ballon dans la direction indiquée par ses passagers. Pour mettre à l’épreuve la solidité de ses réparations, il emmena l’engin très haut en altitude, à la grande inquiétude de Bac qui peinait toujours à rationaliser le vide qui se trouvait entre le sol et lui.

« Ah ben si je m’attendais à ça ! » s’exclama soudain le ballonniste. Les chercheurs, intrigués, jetèrent un coup d’œil par-dessus bord. Ils pouvaient apercevoir les sols blanc et noir se découper parfaitement, les zones sombres ébauchant des formes alignées, et ce, sur plusieurs rangées à perte de vue. Le pilote approcha le ballon de la première ligne et entreprit de la suivre.

« On dirait d’énormes lettres, commenta Paras.
— La première ressemble à une majuscule. » appuya Bac qui prenait furieusement des notes, comme si sa vie en dépendait. Il esquissa de son mieux les symboles formés par les zones noires, dessinant ainsi : « Depuis des cycles se tenait le grand chantier archéologique du Plateau. » Il avait encore beaucoup de signes à recopier.

Bilboquet Sac le Corsit

Salutations !

Le premier chapitre des aventures de Bilboquet Sac est enfin en ligne, vous pouvez aller le lire directement sur le compte twitter en question :

La suite viendra la semaine prochaine, alors à bientôt !

Parodie de Bilbo le Hobbit

Glorieuses salutations !

Si tu as lu le titre, tu sais ce dont ce message va parler. Alors oui, ce que je propose là a déjà été fait. Les parodies des écrits de Tolkien sont moult, mais celle-là c’est la mienne, parce que j’avais besoin de raconter des bêtises entre deux trucs sérieux. Si tu ne me suis pas sur un réseau social, sache que toute cette histoire est partie de la blague anneau unique => anneau punique.

Punique étant un qualificatif que les romains donnaient aux carthaginois, ma parodie de Bilbo se déroule dans notre antiquité. Du moins, à peu près. Bilbo le hobbit est donc devenu Bilbo le corsit, qui a quitté sa corse natale par appât du gain. Cette histoire sera racontée par Bilbo lui-même sur twitter, chaque chapitre que j’ai redécoupé constituera un thread et il y aura un thread par semaine, pendant douze semaines.

« Trop bien ! » te réjouis-tu. « Mais où puis-je trouver ce glorieux compte twitter ? » Il te suffit de rajouter @BilboquetSac dans tes abonnements ( https://twitter.com/BilboquetSac ). Il est facile à reconnaître avec sa PP de champignons. Il a déjà posté quelques trucs en guise de test, en attendant de pouvoir raconter son histoire en bonne et due forme et il t’attend.

« Super ! » t’exclames-tu. « Mais quand cela va-t-il commencer ? » Demain ou après-demain, en tous cas très vite !

N’hésitez pas à aimer et à repartager, ça m’aiderait beaucoup 🙂

À bientôt pour de nouvelles aventures ! (ou alors de vieilles aventures revisitées, ça dépend)

Joyeux 2020 !

Glorieuses salutations en ce déjà trépidant 2020 !

Comme tu as pu le constater grâce à ton perçant sens de l’observation, 2020 est composé de 20 et de 20. Autrement dit : de vin et de vin. Ton perçant sens de l’observation va certainement ajouter que mon sens de l’humour ne s’est pas bonifié avec le temps, mais tant pis, ne l’écoute pas ; il se montre désagréable.

Pour l’occasion, je vais reprendre le thème de mes vœux de 2015. Comme c’était il y a cinq ans, je suppose que tu ne t’en souviens pas. Et puis sinon, eh bah tant pis hahaha ! (Ouuuh, que je suis désagréable en ce début 2020 moi aussi)

En revanche, je vais cesser de parler de fin du monde, parce que c’est déjà pas mal engagé, du coup tout cela n’a aucun sens. En attendant la prochaine catastrophe, qu’elle vienne d’un volcan, de la troisième guerre mondiale ou d’un chauffe-eau qui joue à la cascade au beau milieu de la nuit, laisse-moi t’inviter dans un lieu paisible. Viens donc visiter le tout jeune vignoble de 2020 ! Tu y trouveras des ceps respirant le bonheur, avec des richesses en grappes, le tout sucré de bonne santé et aux riches couleurs de l’Amour. C’est agréable, n’est-ce pas ? Je trouve aussi et voilà tout ce que je te souhaite.

D’habitude, le vin est à consommer avec ton meilleur ami modération, mais pour celui-là, tu peux y aller sans crainte. N’oublie pas de transmettre les couleurs de l’amour tout autour de toi, même si je radote.

Bonne année 2020 qui, je l’espère, sera prodigue de choses positives pour toi !

NaNoWriMo 2019 : fin

Glorieuses salutations !

Cette année, je ne suis pas allée au bout du NaNoWriMo. Et oué, des fois ça arrive. En fait, le sujet du roman en question était un peu trop lourd pour moi et c’était difficile à gérer. Alors je le finirai, mais en prenant mon temps et en ne faisant pas que ça ! De toute façon, je n’ai fondamentalement plus besoin du NaNo pour avancer. J’ai déjà tant de trucs à retravailler sous la main que, même, ce n’est plus une bonne idée d’en rajouter.

Alors tant pis pour cette année et puis on verra l’année prochaine si je participe ou pas !

En attendant j’ai à profiter de mon glorieux mois des cadeaux et puis m’occuper de voir pourquoi Pôle Emploi trouve que ma fin de contrat ne peut pas ouvrir mes droits aux allocations de chômage (alors que c’est une fin de CDD, que normalement y a pas de souci, et que j’ai travaillé plus que les 6 mois requis durant les 24 derniers mois). Ça, c’est pas cool pour le mois des cadeaux et c’est un peu stressant pour la suite ; j’espère avoir de leurs nouvelles bientôt après ma réclamation.

Eh oui, parce que tant que personne n’accepte de publier un de mes romans, j’ai besoin de sous ailleurs, que je gagne entre un boulot alimentaire saisonnier et des allocations chômage. Je sais, j’exagère. Après tout, je devrais me nourrir de ma passion, hein.

Bref.

Dans tous les cas, joyeux mois des cadeaux à tout le monde et à bientôt pour de nouvelles aventures !

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 21

[préciser que Gaël arrête de jouer si c’est pas fait]

Si Jodie était présente, elle se voyait mal proposer un nouvel essai de fuite. La servante était la personne qui l’avait le plus collé aux basques pour la surveiller et Éléonore se sentait irritée à chaque fois qu’elle l’apercevait. De plus, si jamais il y avait un micro, Jodie venait de signaler sa présence, ce qui l’énervait d’autant plus. « Je ne fais que passer, je ne voudrais pas vous déranger, ajouta-t-elle. J’ai encore quelque chose à faire.
— On avait fini, précisa Gaël avec un sourire.
— Ah bon ? s’étonna Jodie.
— Oui oui. » confirma-t-il.

La servante parut un peu déçue et il y eut un moment de flottement. « Avez-vous besoin de mes services, madame ? s’enquit Jodie avec une pointe d’espoir.
— Pas du tout, il est tard, vous pouvez aller vous reposer. » Éléonore s’étonna de parler de la sorte. Elle avait envie de laisser tomber toutes ces simagrées et d’envoyer balader tout le monde.
Jodie afficha une moue irritée, mais obéit. Après son départ, les deux restants restèrent un instant silencieux. « Ça va ? demanda Gaël.
— Oui oui, balaya-t-elle. On ferait mieux de partir, il ne faut pas trainer ici, surtout que Jodie va prévenir tout le monde que je suis revenue.
— Par où ?
— Je ne sais pas, j’en ai marre. »

Elle ne voulait pas en dire plus tant qu’elle ne savait pas si quelqu’un l’écoutait ou non. Faisant demi-tour, elle sortit des appartements et Gaël la rattrapa, toujours son luth à la main. « J’étais inquiet quand tu as disparu. Tu étais où ? Tout le monde te cherchait partout, tu les as sacrément embêtés.
— Je… j’étais sortie. » Éléonore aurait bien voulu savoir où étaient les micros. Elle n’osait pas en dire plus pour le moment.

« Et toi ça se passait bien avec Jodie ?
— Avec qui ? Ah, oui. J’essaie de me la mettre dans la poche, au cas où.
— Tu as bien du courage… En tous cas, ça avait l’air de bien fonctionner.
— Boah, dit Gaël en haussant les épaules, tu sais, je pense qu’elle essayait surtout de me soutirer des infos.
— Je me doute.
— En tous cas, si t’as pas d’idée d’endroit par où fuir, j’ai entendu parler d’un truc tout à l’heure, pendant que tu étais à ta représentation.
— D’accord. » acquiesça Éléonore.

Après tout, elle ne disposait pas de ces fameuses cartes qui ouvraient la porte du cellier au sous-sol, donc la solution de Gaël était certainement meilleure. Dans tous les cas, ils devaient se dépêcher avant que tout le château décide de constater son retour. Elle se laissa guider par Gaël qui, visiblement, n’avait pas chômé pendant son absence. Il avait découvert un chemin très peu emprunté, grâce auquel ils ne croisèrent personne en sortant de la bâtisse. Une fois dehors, il les fit prendre le chemin opposé de celui qui menait à la grille.

Ils n’avaient rien pris pour se couvrir et grelottèrent très rapidement dans le froid nocturne, mais ils ne s’arrêtèrent pas. Marcher d’un bon pas les réchauffa un peu ; ils couraient presque.

526 mots. J’ai perdu le flow du NaNoWriMo, c’est un peu triste, mais j’avance quand même. On verra bien jusqu’où !

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 20

Adossée contre le mur, elle se demandait comment savoir quand la nuit serait arrivée. D’autant plus que, puisqu’elle s’était glissée ici en milieu d’après-midi, elle allait devoir patienter longtemps. [revérifier si c’est bien ça au niveau du temps] Elle ferma les yeux et laissa ses pensées vagabonder. Avec étonnement, Éléonore réalisa que la plupart d’entre elles concernaient Gaël. Où était-il passé pendant la représentation musicale ? Avait-il trouvé une façon de s’enfuir ? Elle songea que lors de leur première discussion, il lui avait dit qu’il était venu pour saboter l’opération. Maintenant qu’elle savait quelle était l’opération en question, elle trouvait que c’était une bonne idée et commença à réfléchir sur les façons dont elle pourrait saboter l’expérience.

Ladite expérience tournait principalement autour d’elle, à priori. C’était embarrassant, d’ailleurs. Elle sourit : finalement, le fait d’avoir disparu suffisait peut-être à saboter l’expérience en question. Malheureusement, elle ne pensait pas pouvoir rester cachée dans cet endroit sombre et humide suffisamment longtemps pour mettre un terme à l’opération parentale. Elle avait de quoi manger juste à côté, certes, mais elle doutait que son petit bout de couloir reste indéfiniment sans surveillance.

Elle était très tentée d’essayer et ce, malgré l’inconfort de la situation. Ce qui l’inquiétait le plus venait de s’imposer à son esprit : si elle n’était plus là pour qu’ils s’amusent de ses interactions avec Gaël, qu’est ce que ses parents allaient faire de lui ? Éléonore les savait retors, mais elle n’aurait jamais pensé qu’ils laisseraient quiconque se faire torturer. Sous ce nouvel éclairage, elle se faisait du souci pour son compagnon d’infortune.

Plusieurs fois elle se raidit en entendant parler et aller et venir des gens à l’extérieur. Elle supposa que plusieurs d’entre eux possédaient des cartes qui permettaient d’ouvrir la mystérieuse porte. Éléonore se demanda si elle pouvait dérober une de ces cartes à quelqu’un. Avec un peu de chances, cette porte menait jusqu’à ses parents et elle pourrait les houspiller à propos de leur manque d’éthique.

Les aller-retour se raréfièrent et, après un long moment sans passage, Éléonore décida qu’elle en avait assez de patienter. Elle sortit, étirant un peu ses jambes ankylosées, et entreprit de retrouver les escaliers à tâtons, car elle ne voulait pas allumer la lumière de peur d’attirer l’attention. Butant contre une marche, elle réprima la flopée d’injures qui devaient accompagner la douleur, puis entreprit de remonter les escaliers, avec précaution et en suivant le mur de la main.

Lorsqu’il n’y eut plus de marche et que sa main atteignit la ruine de la porte, elle constata qu’il faisait vraiment nuit. La lune et les étoiles qui passaient par les fenêtres ne suffisaient pas à éclairer efficacement l’arrière-cuisine. Comme Éléonore avait passé plusieurs heures dans le noir, cela lui suffit à se diriger et elle se hâta vers ses appartements, où elle espérait retrouver Gaël.

Elle sourit en entendant un luth jouer, en approchant de ses appartements, et elle ouvrit joyeusement la porte de son salon. Alors qu’elle s’apprêtait à interpeller son valet, elle le vit en train de badiner avec Jodie. Ils se tournèrent tous les deux dans sa direction en l’entendant entrer, l’air surpris. « Madame ! s’exclama Jodie. Où étiez-vous ? Tout le monde vous cherchait de partout ! Nous étions tous terriblement inquiets. Je suis restée à tenir compagnie à votre valet qui ne savait plus où vous chercher.
— Je vois ça. » répondit Éléonore.

 

566 petits mots pour aujourd’hui. Finirai-je aux 50 000 mots ou pas ? x)

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 19

Aucun interrupteur ne permettait d’éclairer l’endroit, mais Éléonore s’y aventura tout de même. Au bout de quelques pas, le couloir tournait en coude et, même si elle n’y voyait plus goutte, elle continua.

Et faillit tomber.

Apparemment, le couloir menait juste à un trou et Éléonore s’appuya de la main sur le mur, le cœur battant : elle s’était faite une jolie frayeur. Elle s’était à peine remise de ses émotions qu’elle entendit des voix. Comme elle ne voulait pas qu’on la trouve dans les sous-sols, elle retourna prestement fermer la porte. Une fois dans le noir complet, elle retourna de l’autre côté du coude, près du trou. Éléonore entendit des gens parler dans le cellier, mais elle ne parvenait pas à discerner leurs propos.

Elle entendit la porte de son couloir s’ouvrir, en même temps qu’une faible lumière baignait l’autre côté du coude. « Non mais arrête, elle peut pas être là, y a juste une fosse.
— Bah, ça coûte rien de regarder.
— OK. Fais vite alors. »

Éléonore sentit la panique la gagner. Elle s’agrippa au mur qui bordait le trou et tâtonna du pied la base de la paroi à la recherche d’une prise. Comme elle ne savait pas quelle profondeur faisait la fosse, elle n’osa pas sauter dedans. Les pierres du mur étaient saillantes et Éléonore décida de tenter sa chance. Avec précaution, mais précipitation, elle se hissa contre la paroi pour se dissimuler derrière. La robe encombrante ne lui était pas d’une grande aide.

Son cœur battait à tout rompre pendant qu’elle se cramponnait au-dessus du vide pour se cacher. « Alors, tu vois quelque chose ? entendit-elle, la faisant sursauter.
— Non, sauf si elle est tombée dans le trou, mais il faudra aller chercher de la lumière pour vérifier.
— T’embêtes pas, je suis sûr que quelqu’un d’autre a du la trouver. On va avoir des nouvelles du QG aussi, ils vont nous guider.
— Ouais. C’est bizarre quand même. Je veux dire, elle a défoncé la porte de là-haut et elle est juste… partie ? Ça m’étonnerait qu’elle ait trouvé une carte pour ouvrir l’autre. »

Les deux compères s’en furent et Éléonore s’empressa de reprendre pied sur le sol. Ses bras lui faisaient mal, les pierres avaient abîmé ses doigts et elle maudissait cette robe envahissante. Maintenant qu’elle se retrouvait seule, elle réalisa qu’elle n’avait pas d’autre choix que de remonter, puisque cette issue menait à un trou et que l’autre était bloquée.

Elle hésitait sur la marche à suivre. Dans le doute, elle décida d’attendre la nuit avant de remonter, espérant que la plupart de ses geôliers dormiraient et que les caméras — s’il y en avait — captaient mal les images dans le noir. Dans le pire des cas, quelqu’un reviendrait plus tôt fouiller la fosse avec une torche et elle se ferait attraper. Dans le meilleur des cas, elle pourrait s’enfuir du château, quitter le domaine et retourner à la civilisation.

Éléonore se frappa le front de la paume. Elle ne pouvait pas essayer de s’enfuir sans Gaël.

510 mots pour aujourd’hui hahaha ! Finalement, il semblerait que je préfère accumuler du retard XD

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 18

Arthur étant d’une humeur morose, le dîner ne se trouva pas très animé. Aucun des trois conseillers ne s’efforça de lancer des sujets de conversation et Éléonore non plus.

Peu après l’entrée, elle sursauta, en constatant que Gaël avait disparu. Irritée de s’être laissée aller à réagir, elle se concentra de nouveau sur son assiette. Personne d’autre ne semblait avoir remarqué le départ du valet. Éléonore passa la fin du repas à se demander où il avait pu disparaître.

Il ne revint qu’après le dessert, qu’Éléonore avait décliné ; sa situation générale lui ôtait l’appétit. Tous s’étaient levés, s’apprêtant à retourner dans leurs pénates. Elle espéra que son soulagement n’était pas trop visible aux yeux d’Arthur et de ses conseillers et prit aussitôt congé pour retourner dans ses appartements.

Sur le chemin, elle s’ouvrit à Gaël : « J’étais très embêtée quand tu es parti, tu aurais pu me prévenir.
— Désolé, j’ai vu une opportunité de visiter un peu le château, alors je l’ai saisie.
— Tu as visité quoi ?
— Les cuisines ! C’était instructif, mais pas autant que ce que j’aurais voulu. C’est une vraie ruche là-dedans ! »

Éléonore ne creusa pas plus la question, préférant attendre la discussion au son du luth. Comme Gaël digressait sur l’organisation des cuisines et les plats qu’il y avait vus, sans s’étendre non plus sur la question qui les intéressait, elle supposa qu’il pensait la même chose. Sans se concerter, ils s’installèrent tous les deux sur le divan, suffisamment proches l’un de l’autre pour discuter tout bas, et Gaël commença à pincer les cordes de son instrument. Au bout de quelques notes, il commença à raconter son exploration.

« Dans l’arrière-cuisine il y a une porte dont personne ne voulait que je m’approche. Tu penses bien que ça a titillé ma curiosité. Alors j’ai fait comme si ça m’intéressait pas, histoire de pas titiller la leur, et j’ai attendu de pouvoir l’inspecter de plus près. C’était pas de la tarte ! Et, quand j’ai enfin eu l’occasion de m’approcher sans que personne me voie, et bah j’ai pas réussi à l’ouvrir. Elle est verrouillée. »

Éléonore afficha une mine déçue et Gaël s’empressa de la rassurer : « Mais ce n’est que partie remise, hein. Ne t’inquiète pas, nous trouverons aussi des outils pour forcer cette porte-là, si tu veux explorer ce qu’il y a derrière. Je suis plutôt curieux à ce sujet moi aussi, mais j’avais peur d’attirer l’attention si on me voyait essayer de l’ouvrir. Surtout que je suppose que si cette porte est importante, alors elle doit être surveillée.
— Tu as vu une caméra ?
— Non, mais je n’ai pas bien regardé ; j’essayais de paraître le plus naturel possible.
— Tu as bien fait. »

Ils restèrent un moment silencieux, Éléonore profitant de la musique du luth. Après avoir longuement bâillé, elle suggéra : « Et si nous allions dormir ? Je pense que nous ne pouvons plus rien faire pour le moment. Surtout que tu dois te reposer pour récupérer.
— C’est vrai que je suis épuisé, avoua Gaël en arrêtant de jouer et en posant l’instrument à côté de lui. J’ai l’impression que je vais m’effondrer, mais je ne sais pas où je dois dormir. J’imagine qu’il y a des quartiers pour les innombrables domestiques qui travaillent ici.
— Tu es sûr que tu dormirais bien au milieu de tous ces gens qui nous surveillent et se jouent de nous ?
— En temps normal non, mais là je suis tellement mort que je pourrais m’endormir n’importe où.
— Tu voudrais pas rester ici ce soir ? Comme la nuit dernière ? »

Gaël lui adressa un regard songeur. « Bah, ici ou ailleurs, peu m’importe ! déclara-t-il finalement. Et puis, c’est toujours plus agréable de dormir en bonne compagnie. Sans oublier qu’il faut que je t’aide à enlever ton gâteau, là.
— C’est vrai que je risque de la déchirer, toute seule.
— Je suis là pour ça, votre valet à votre service madame. »

Il voulut se lever de manière théâtrale, mais la douleur l’interrompit dans son élan, lui faisant rater son effet. « J’ai mal de te voir souffrir, commenta Éléonore que l’intention avait fait sourire. Allez, viens, arrête de tirer sur tes blessures et allons dormir. » Comme ils étaient seuls à s’aider l’un l’autre à se déshabiller pour la nuit, l’une de sa robe compliquée et l’autre qui ne pouvait pas bien bouger à cause des lacérations du fouet, ils se sentirent un peu gênés. La fatigue prit rapidement le dessus sur leur timidité et ils se réfugièrent sous l’édredon, prenant soin de bien rester chacun de leur côté du lit.
[Petit dialogue vie d’avant pour faire connaissance ? Résumé de discussion ? Dodo tout de suite ?]

 

Lorsqu’Éléonore se réveilla ce matin-là, elle se demanda combien de fois elle serait encore obligée d’ouvrir les yeux dans cette chambre qui n’était pas la sienne. D’ailleurs, maintenant qu’elle savait qui l’avait enfermée ici, elle voyait des signes de ses parents partout. Du choix du mobilier à celui des tentures, en passant par une grande partie des objets. Elle s’en sentait mal à l’aise.

En s’étirant, son bras parvint à un endroit plus chaud du matelas et elle se souvint subitement qu’elle dormait avec Gaël. Elle retira prestement son bras pour ne pas le déranger et constata que cette précaution était inutile : il avait disparu. Une brève angoisse l’envahit : où se trouvait-il ? Elle se redressa et la porte s’ouvrit. « Votre valet vous apporte votre petit déjeuner, madame ! » la salua-t-il, la rassurant aussitôt. Comme il avait rempli le plateau à ras bord, ils mangèrent ensemble, avant de repartir pour une session d’exploration en vue de leur fuite prochaine.

Éléonore eut rapidement l’impression que tout se liguait pour l’empêcher d’aller où bon lui semblait. Des servantes venaient à elle pour s’enquérir de son bien-être, lui demander de décider entre deux repas, vérifier si elle avait besoin des services d’une couturière pour une nouvelle robe et ainsi de suite. Le valet de pied d’Arthur vint lui proposer, de la part de son maître, de flâner avec lui dans le jardin d’hiver et Edmond vint l’informer que des prétendants arriveraient bientôt.

Après tout ce qui s’était passé entre temps, Éléonore avait complètement oublié son accord avec Edmond. Elle n’était pas convaincue que cette invasion serait positive pour elle et se demandait ce que ses parents voulaient étudier avec cet évènement. Elle subodorait que des surprises — certainement mauvaises — l’attendaient avec l’arrivée de soi-disant prétendants. Après réflexion, elle se dit qu’un château fourmillant de monde leur permettrait, à Gaël et elle, de fouiller ou même de fuir inaperçus.

Alors qu’elle se retrouvait obligée d’assister à une représentation musicale, Éléonore jeta un coup d’œil insistant à son valet. Gaël hocha la tête et disparut aussitôt. Puisqu’elle était forcée de suivre les consignes de ses parents, elle espérait qu’au moins lui serait libre de ses mouvements. Pendant le spectacle, elle se demandait encore une fois quel était le but de tout ceci.

Puisque tout le monde avait décidé de lui parler, une fois la représentation musicale, elle conversa en retour avec tous ceux qui engageaient le dialogue. À sa grande déception, il ne s’agissait que de conversations triviales, sur des sujets ordinaires. Elle en nourrit une irritation grandissante, au point de se demander ce qu’il se passerait si elle frappait quelqu’un. Et si elle décidait de faire une grève de la faim ou de tuer une personne au hasard ou de faire mine de se suicider, cela arrêterait-il l’expérience ? Peut-être que c’était justement sa patience qui était testée.

En tous cas, elle la sentait filer aussi prestement que le sable d’un sablier.

Puisque tout le monde semblait en verve, Éléonore décida de rendre visite à la cuisinière qui s’était montrée si volubile la première fois qu’elles avaient discuté. Les cuisines étaient désertes. Elle supposa que tout le monde s’était rendu à la représentation musicale. Encouragée, elle se rendit rapidement dans l’arrière-cuisine, vers la porte dont lui avait parlé Gaël. Si jamais l’endroit était surveillé, elle devait agir vite.

À première vue, la porte était juste formée d’un fin battant de bois aux ferronneries simples. Éléonore agrippa la poignée, mais comme l’avait raconté Gaël, la porte était verrouillée. Elle s’empara donc d’un gros hachoir et s’évertua à transformer le battant en petit bois. Ce n’était pas discret, mais elle n’en avait cure. Derrière la porte descendaient des marches de pierre. Curieuse, Éléonore s’engouffra vivement dans les sombres escaliers, espérant ne pas trébucher.

Elle eut l’impression de devoir descendre longtemps, d’autant qu’elle avait ralenti à cause du manque de luminosité, mais l’endroit où elle se trouvait paraissait toujours appartenir à l’architecture du château. Elle espérait qu’il ne s’agissait pas d’un cul-de-sac. En bas des escaliers, la pièce s’élargit et Éléonore, ne voyant plus rien, tâtonna sur le mur à côté d’elle. Elle se trouva presque surprise de toucher quelque chose qui lui avait beaucoup manqué : un interrupteur.

La pièce s’illumina lorsqu’elle activa l’interrupteur et elle découvrit qu’il s’agissait là de la véritable réserve des cuisines. Il y avait non seulement des caisses et des étagères, mais aussi des réfrigérateurs et des congélateurs. Éléonore ne savait pas pourquoi la vue de la lumière et des machines électriques la rassurait autant, mais elle se sentait une irrépressible envie de sautiller de joie.

Elle fouilla la pièce du regard, à la recherche d’une autre issue, et en trouva deux. Les portes n’étaient plus des portes en bois massifs : elles étaient d’une facture beaucoup plus moderne. Éléonore n’aimait pas décider, mais un sentiment d’urgence s’empara d’elle. Des gens reviendraient bientôt aux cuisines et ne pourraient pas s’empêcher de remarquer la pile de petit bois qu’était désormais la porte de l’arrière-cuisine.

S’approchant d’une des portes au hasard, son cœur se serra : il fallait une carte magnétique pour l’ouvrir et son hachoir ne pouvait rien contre le métal. Elle se précipita alors vers l’autre porte. Celle-ci n’était pas verrouillée de quelque manière que ce soit. Soulagée, Éléonore l’ouvrit vivement.

 

1677 mots. Finalement j’ai pas rattrapé de retard aujourd’hui, mais au moins j’en ai pas accumulé non plus.

NaNoWriMo 2019 : Prison Dorée, jour 17

Éléonore et Gaël les attendirent tranquillement, fidèles à l’impression de paisibles promeneurs qu’ils voulaient donner. « Que faites-vous ici ? tonna Arthur à l’intention de sa fille.
— J’avais envie de prendre l’air.
— Oh. Oui, très bien, mais pourquoi ici ?
— Je n’y ai pas réfléchi, c’est un endroit comme un autre, n’est-ce pas ?
— J’espère que vous n’aviez pas l’intention de sortir du domaine ! lança le seigneur sur un ton menaçant.
— Je ne vois pas comment je pourrais : tout est bien clos.
— En effet. Venez à présent, rentrons. »

Il lança un coup d’œil hostile à Gaël et fit faire demi-tour à son cheval. Après avoir échangé un regard de connivence, Éléonore talonna sa propre monture et son valet les suivit. Pendant qu’Arthur faisait la liste de toutes les choses horribles qui pouvaient arriver si sa fille se promenait ainsi de manière frivole, sans prendre garde aux dangers qui l’environnaient. Ignorant les mises en garde, qu’elle estimait farfelues, d’Arthur, Éléonore réfléchissait à ce qu’il venait de se produire.

Si Gaël et elle voulaient ouvrir la grille, il leur faudrait des outils, ou apprendre à crocheter des serrures. Elle supposa que, comme Gaël n’avait pas proposé, il ne possédait pas non plus cette compétence. S’ils trouvaient des outils adéquats, la fuite par là restait possible. Cependant il faudrait qu’ils se montrent prudents, car le fait qu’Arthur et ses gardes soient arrivés si vite à les retrouver signifiait probablement qu’il y avait des caméras quelque part qui les avaient filmés.

Elle n’avait pas repéré de caméras dans le château, mais elle n’avait pas très bien cherché. Il y en avait peut-être aussi. Éléonore se disait que ce serait un plus de connaitre leurs positions. Elle laissa un moment son cerveau s’occuper de réfléchir à toute cette situation en tâche de fond, tandis qu’elle s’occupait de nouveau des propos d’Arthur. Éléonore se retint de lever les yeux au ciel en l’écoutant déblatérer et lui fut reconnaissante de ne pas lui demander de répondre lorsqu’il lui demanda, à plusieurs reprises, ce qui lui était passé par la tête de s’aventurer dehors toute seule.

« En dehors des bourreaux pervers, je ne pensais pas qu’il y avait autant de dangers sur le domaine, ironisa-t-elle. Comment se fait-il qu’étant clos et gardé, il y ait autant de risques par ici ?
— Il est toujours risqué pour une femme de s’aventurer seule où que ce soit, balaya Arthur.
— Je n’étais pas seule, j’avais mon nouveau valet avec moi.
— Votre… hum, oui, votre nouveau valet. Est-il seulement capable de vous défendre ? Il est encore blessé et je vous rappelle que c’est vous qui l’avez défendu et non pas l’inverse. Je ne peux décemment pas me fier à lui pour vous protéger. »

Éléonore se retourna brièvement vers Gaël, qui bayait aux corneilles avec un demi-sourire sur les lèvres. Voyant qu’elle le regardait, il lui fit un clin d’œil. Se sentant encouragée à supporter la conversation avec Arthur, elle continua à endurer ses inepties, mais ses pensées s’imposèrent de nouveau. S’il les avait si vite rejoints, c’est que ses parents devaient avoir des moyens de le contacter. Ses parents, ou les personnes qui s’occupaient des caméras. Peut-être avait-il accès aux caméras ? Dans tous les cas, ses parents devaient avoir un moyen de transmettre des consignes.

Elle espérait qu’ils n’étaient pas présents eux-mêmes, déguisés et dissimulés parmi la maisonnée. Un pressentiment l’informait que la rencontre ne serait pas apaisée entre les trois Duchesne et elle savait que ce serait principalement de son fait à elle, car elle serait incapable de garder son calme. Comment rester calme alors que ses propres parents expérimentaient sur elle ?

Ils parvinrent au château. Arthur tint à ce qu’Éléonore soit présente avec lui pour gérer les affaires courantes dans la salle des doléances, ce qu’elle accepta à contrecœur. Elle aurait préféré continuer à chercher un moyen de fuir avec Gaël, mais elle se disait qu’en acceptant une requête d’Arthur de temps à autre, il serait plus enclin à la laisser vaquer à ses occupations le reste du temps.

« Votre valet n’est pas obligé de venir avec vous, vous savez, mentionna le seigneur à sa fille.
— Oh, je sais, mais je tiens à sa présence. » répondit Éléonore. Elle voulait bien faire des concessions, mais pas celle-là. La dernière fois qu’elle avait laissé partir Gaël tout seul, elle l’avait retrouvé en train de se faire torturer par un bourreau pervers.

Il y avait moins de curieux que la première fois, constata Éléonore. Elle supposa que les doléances du jour devaient être moins intéressantes que l’arrivée du prisonnier. Cela lui paraissait normal puisque, contrairement à tout le reste qui devait être un minimum scénarisé, la venue de Gaël était totalement imprévue. Ce qui la rassurait. Elle n’avait pas envie de faire preuve de paranoïa envers lui ; elle avait vraiment besoin de se raccrocher à un allié.

Puisqu’il n’y avait aucun endroit prévu pour lui, Gaël resta debout derrière Éléonore, qui avait pris place sur son siège à côté de celui d’Arthur. Ce dernier désapprouvait de manière visible la présence du valet, mais sa fille ignorait sa désapprobation de manière toute aussi visible. La séance des doléances débuta dans une atmosphère lourde. Éléonore hésita à participer ; chacune de ses décisions enchanterait ses parents qui auraient ainsi des informations sur son compte à rajouter dans leurs notes.

D’un autre côté, sa mauvaise volonté provoquerait certainement des évènements désagréables de leur part. Or, elle avait besoin de tranquillité le temps de trouver la sortie. Elle prit le parti de participer avec parcimonie, privilégiant les décisions bienveillantes. À chaque fois, elle se demandait quelles conclusions allaient être tirées de ses actions, ce qui, comme l’avait remarqué Gaël, ressemblait assez à un jeu de rôles finalement.

La séance de doléance avait paru très ennuyeuse à Éléonore. De plus, elle commençait à fatiguer de se demander et d’évaluer en permanence quelles allaient être les implications de ses paroles et de ses actes. Elle n’avait plus l’habitude. « Dînerez-vous avec moi tout à l’heure, ma fille ? Cela me ferait très plaisir.
— Oh, oui, je mangerai avec vous ce soir. Y aura-t-il Edmond, Raymond et Sigismond ?
— Je les ai conviés, oui. Leur présence vous sied-elle ?
— Tout à fait. »

Même si, maintenant, elle se posait des questions sur Raymond et Sigismond qui lui avaient paru inoffensifs, Éléonore préférait ne pas rester en tête à tête avec Arthur. Tellement de choses lui venaient à l’esprit, toutes plus désagréables les unes que les autres. Pourquoi ses parents avaient-ils décidé de lui attribuer un père aux tendances incestueuses ? Elle trouvait cela horrible. Sans même parler du bourreau samedi… Où avaient-ils trouvé un esprit dérangé pareil ? Et surtout, pourquoi l’avaient-ils envoyé torturer Gaël ?

S’ils ne craignaient pas d’aller si loin, peut-être n’hésiteraient-ils pas à l’éliminer. Pourquoi l’avaient-ils laissé le garder finalement ? Elle se prit la tête entre les mains. Trop de questions, trop d’implications affreuses, trop de complications. « Vous sentez-vous souffrante ? s’enquit Arthur.
— Oui, je vais devoir me reposer un moment. »

Elle s’en fut retrouver ses appartements, sans plus de cérémonie, suivie comme son ombre par Gaël. « Je suis complètement cassé ! s’exclama-t-il. J’ai mal partout et j’ai du mal à me réchauffer.
— Viens devant la cheminée et posons-nous un instant, ça nous fera du bien je pense.
— Je pense aussi, mais avant il faut absolument que j’aille faire une course. Sinon je n’aurai jamais le courage de me relever.
— Une course ? Quoi comme course ?
— Tu verras, c’est une surprise. »

N’ayant pas le courage de discuter, elle le laissa partir et se blottit dans un divan proche de la cheminée pour en contempler les braises. Elle craignait de ne plus le revoir, mais essayait de rester rationnelle et confiante. Maintenant qu’elle s’empêchait d’écrire à [Bidulon] pour lui raconter ses tribulations, elle avait l’impression d’avoir perdu un lien essentiel et il lui manquait d’autant plus.

Éléonore sentit une boule se former dans sa gorge et les larmes lui monter aux yeux. Pour enrayer son affliction, elle s’efforça d’occuper son esprit à autre chose. Son cerveau lui rappela alors que la cuisinière lui avait interdit d’explorer la zone des cuisines. Peut-être y avait-il quelque chose d’intéressant par là. Elle trouvait dommage de ne pas pouvoir lui faire plus confiance qu’à Jodie…

À son grand regret, parce qu’elle avait trouvé Sigismond, Raymond et la cuisinière très sympathiques, elle avait décidé de considérer tout le monde comme étant dans le camp adverse. Elle détestait les camps, préférant en général trouver des compromis, mais dans le cas présent, elle craignait de ne pas pouvoir se le permettre.

La porte des appartements s’ouvrit sur un Gaël qui paraissait très content de lui-même. Il exhiba fièrement un luth. « Regarde ce que j’ai trouvé ! » s’exclama-t-il. De le voir si joyeux fit oublier un instant ses idées noires à Éléonore. « J’étais pas sûr de pouvoir trouver un instrument qui ressemble suffisamment à une guitare pour que je puisse en jouer, mais je pense que ça fera l’affaire. » Il pouffa en voyant le regard interrogateur que lui lançait Éléonore. « Je parie que tu ne sais pas pourquoi je tenais autant à trouver un instrument de musique !
— Je ne vois pas, non.
— Je vais te montrer, attend. »

S’installant juste à côté d’elle, Gaël commença à jouer. De manière un peu hésitante d’abord. Puis, une fois qu’il eut pris un peu d’assurance, il se pencha vers Éléonore sans cesser de pincer les cordes de son luth et lui dit tout bas : « Je pense qu’on peut rendre nos conversations plus compliquées à suivre comme ça.
— Oh ! Mais c’est une excellente idée !
— Merci. Je l’ai bien inspecté de tous les côtés et il n’a pas l’air d’avoir de micro ou quoi. »

Son moral regonflé, Éléonore résuma toutes les réflexions qu’elle avait eues pendant le trajet, les doléances et devant le feu. « Tu n’es pas restée à te tourner les pouces non plus, commenta Gaël. Nous avons tout un programme, donc : trouver de quoi ouvrir la grille, visiter l’arrière-cuisine, découvrir comment sont surveillés nos faits et gestes… Pour la cuisine, c’est facile.
— Ah bon ? »

Gaël sourit et, regardant pensivement ses doigts sur les cordes du luth, il expliqua : « Eh oui, j’ai bien remarqué que c’était une servante qui t’amenait ton petit-déjeuner. Comme je suis maintenant ton valet, je vais forcément devoir me rendre aux cuisines régulièrement sans que ça questionne personne. Du moins, ils s’habitueront vite, surtout si je fais des trucs anodins, comme aider à préparer un plateau de petit-déjeuner.
— Bien vu, ça pourrait marcher. Mais il faudra que tu sois vraiment prudent : ils doivent avoir des consignes particulières à ton propos. Je pense que tu seras particulièrement surveillé.
— Noté. Je leur jouerai du luth pour endormir leur méfiance. Ou je jonglerai avec des pommes, j’aviserai sur le moment. »

Éléonore pouffa de rire. Gaël savait la rassurer sur le fait de ne pas être fourrée dans cette situation toute seule. Il arrêta de jouer. « Ça fait mal aux doigts à force. J’avais déjà mal partout ailleurs, maintenant je suis entièrement endolori, je dois être un peu maso… Bon, avec tout ça, le temps passe : je suppose que tu vas bientôt devoir dîner avec le mec bizarre, là.
— Oui, soupira-t-elle. Je n’ai pas envie, mais je me dis qu’au moins il me lâchera un peu la grappe après.
— Je comprends. Je t’accompagne, si tu veux.
— Mais ça va être ennuyeux et en plus tu vas nous regarder manger sans pouvoir manger toi…
— C’est pas grave. Tu sais, on est tous les deux dans cette galère, alors je propose qu’on se soutienne dans nos épreuves respectives.
— Ça me va. » acquiesça Éléonore avec un sourire.

Gaël posa son luth et se leva en grimaçant. « T’es sûr que tu ne veux pas rester ici à te reposer ?
— Oui oui, ça ira. J’ai pas très envie de rester tout seul de toute façon. »

Éléonore hocha la tête ; elle comprenait très bien ce sentiment. Ils se rendirent donc tous les deux dans la salle à manger, s’attirant un regard courroucé de la part d’Arthur. Gaël s’acquitta de son rôle de valet du mieux possible. Pendant tout le repas, Éléonore surveilla Raymond. S’il jouait juste un rôle de vieil homme qui perdait pied avec la réalité, il méritait un oscar. Concernant Edmond, elle s’en était toujours méfiée.

Celui dont le fait de savoir qu’il travaillait pour ses parents l’embêtait le plus était Sigismond. Il s’était montré prévenant pendant l’incendie et l’avait défendue face au bourreau. Si c’était pour lui faire subir une expérience, elle trouvait son attitude particulièrement répugnante.

 

2134 mots pour aujourd’hui. C’est pas tant pour un dimanche, mais je continue à manger mon retard.