En début d’après-midi, Cédric se rendit dans le parc de l’établissement tout seul. Jérémy et Valentine s’étaient rendus au CDI pour chercher précisément comment fonctionnait le sortilège de localisation, mais lui n’avait pas la tête aux recherches. Il s’attarda un moment près des loutres pour les regarder batifoler dans l’eau hivernale. Après quelques instants, il se demanda comment elles faisaient pour ne pas avoir froid. [à changer si l’action se fait décaler]
« Tu as l’air bien morose. » Constata une voix. Il s’agissait de la lycéenne blonde avec qui Cédric avait tissé des liens depuis halloween. Elle s’assit auprès de lui et reprit : « Qu’est ce qui te tracasse ? » Le garçon soupira et changea de position, ce qui fit fuir les gros champignons colorés qui étaient venus se regrouper autour de lui, rassurés par son immobilité. « Allez, raconte-moi et ça ira mieux après, tu verras. » Argumenta-t-elle avec un ton enjôleur.
Cédric chercha ses mots un bref instant, puis lui expliqua : « J’ai une amie à moi qui s’est faite agresser hier. Et j’étais là, mais je n’ai rien pu faire…
– Oh, c’est terrible ça, compatit la lycéenne blonde. Et toi ça va ? Tu n’as rien ?
– Ca va, ça va. Mais je suis plutôt en colère contre les gens qui ont fait ça.
– Ils vous ont dit pourquoi ils avaient fait ça ?
– Ils veulent changer le monde, quelque chose comme ça… Eluda Cédric. Mais ce n’est pas une raison pour agresser les enfants. »
Le garçon se renfrogna de nouveau et s’emmura dans son silence. La jeune fille à côté de lui paraissait ne pas savoir quoi dire. Elle jeta quelques petits cailloux pour taquiner les loutres, restant elle aussi silencieuse. Puis elle reprit la parole : « Tu sais, des fois les gens peuvent faire des choses qui paraissent terribles, mais pour que tout aille mieux après.
– Ils ont clairement dépassé la limite ! » S’emporta Cédric qui s’inquiétait beaucoup pour son amie de toujours.
Il trouvait la phrase de la lycéenne bizarre. Cela l’irritait, et il se sentait déjà très énervé. « Je préfèrerais qu’on change de sujet, bougonna-t-il.
– D’accord, si tu veux, acquiesça la jeune fille en haussant les épaules. De quoi tu as envie de parler ?
– Je ne sais pas trop… Comment tu t’appelles déjà ? Tu ne me l’as jamais dit.
– Liselle. Je m’appelle Liselle.
– C’est joli comme prénom. » Commenta Cédric.
Le garçon s’apprêtait à dire qu’il n’avait jamais entendu personne s’appeler ainsi. Sauf qu’il avait déjà entendu ce prénom et il réfléchissait à où. « Merci, lança Liselle. C’est gentil. Tu es un garçon gentil, c’est pour ça que tu t’inquiètes autant pour ton amie qui a été enlevée.
– Mmhmm. » Emit Cédric.
Il se figea. Lui avait-il dit que Stéphanie avait été enlevée ? Il était persuadé d’avoir dit qu’elle avait été agressée. Il essaya de se souvenir de la conversation. « Je n’ai pas dit qu’elle avait été enlevée, précisa-t-il.
– Ah ? Oh, et bien j’ai du mal comprendre, se justifia Liselle. Et si on marchait ? Je vais finir par devenir un vrai glaçon.
– D’accord. »
Ils se levèrent tous les deux et commencèrent à marcher ensemble, remontant doucement le parc en direction de l’entrée du collège. Cédric ne pouvait pas s’empêcher d’avoir des doutes à propos de Liselle. Il savait que Stéphanie n’aurait pas laissé passer ce genre de détail et il s’efforçait à faire de même. C’est alors qu’il se souvint où il avait entendu ce prénom de Liselle. Il s’immobilisa soudainement en réalisant que Liselle était la personne à qui s’était adressé le maître du feu de la Confrérie des Cinq Eléments lors de son rêve. Cédric se souvint que Liselle avait été félicitée d’avoir révélé que Hildegarde était toujours en vie.
« Quel est ton catalyseur au fait ? S’enquit le garçon d’un ton qu’il espérait détaché. Je ne l’ai jamais vu.
– C’est normal, répondit la jeune fille en souriant. Il est invisible.
– Ah bon ?
– Oui, j’ai un catalyseur de l’air. »
Cédric ressentit une pression tout autour de lui. Il voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. « J’ai l’impression que tu ne me fais plus confiance, déplora la lycéenne. Mais ce n’est pas grave, tu viens de me donner l’opportunité de t’emmener aux autres. » Le garçon constata qu’ils se trouvaient juste à côté de la sortie et que, à cette heure où personne n’était sensé sortir, il ne se trouvait pas âme qui vive. Il essaya de se débattre, mais l’air autour de lui le pressait trop fort : le garçon pouvait à peine respirer.
« Si ça peut te rassurer, lui mentionna Liselle en s’employant à déverrouiller la porte de l’établissement, dès que je t’aurai ramené chez nous, nous relâcherons ton amie. Elle était juste un garantie, au cas où je n’arrive pas à trouver un moment où tu serais suffisamment longtemps tout seul. C’était tellement difficile de t’isoler discrètement ! D’ailleurs, je suppose que si ton amie n’avait pas été enlevée, je n’aurais pas eu l’occasion de t’emmener jusqu’ici. Elle ne te laissait jamais longtemps hors de sa vue comme… Comme une maman loutre en fait. »
Pendant que Liselle monologuait, Cédric avait réussi à catalyser suffisamment de magie pour que sa brume imprime une pression inverse sur l’air pour le repousser. Ses cours de défense magique n’avaient pas été vains. Au même moment, un rectangle se mit à briller sur sa poitrine : il s’agissait que la carte que Valentine lui avait attribuée. Lorsqu’il put enfin mieux respirer, ce fut plus facile pour lui de se concentrer pour se dégager de sa prison d’air.
« Tranche. » Murmura-t-il à la carte en se concentrant sur sa prison d’air. Comme il ne la voyait pas, il n’était pas certain que cela fonctionnerait, mais la carte fila là où il lui avait dit, tranchant de haut en bas. Liselle tourna brusquement son attention vers lui. Elle avait ouvert la porte et perçu le déchirement de son sortilège. La lycéenne se mit aussitôt en position pour attaquer Cédric.
Il avait catalysé suffisamment de magie pour se défendre un moment. Liselle était plus puissante et expérimentée que lui, mais il n’avait pas à tenir très longtemps. La carte de Valentine était toujours là, voletant autour de lui, servant parfois de bouclier. Et, surtout, elle avait prévenu sa maîtresse. Jérémy et elle arriveraient bientôt, il en était certain. Il avait juste à faire de son mieux en attendant. A trois, ils s’en sortiraient face à une lycéenne, songeait-il. Le fait qu’elle faisait partie d’un groupe de magiciens d’élite ne l’effleura pas.
La surprise de voir le garçon s’échapper de sa prison d’air aida beaucoup Cédric. Il profita que Liselle soit décontenancée pour catalyser un fouet d’eau qui se jeta aussitôt sur la jeune fille, s’enroulant autour de son poignet. Elle tendit son index de l’autre main sur l’eau, coupant le fouet en deux, et riposta aussitôt en envoyant une puissante rafale qui poussa le collégien en arrière, le faisant chuter sur les fesses un peu plus loin. Il poussa un grognement en tombant.
Liselle ne s’arrêta pas là et voulut capturer de nouveau sa proie dans une prison d’air. Cédric lui jeta une boule de terre en plein dans le visage, l’empêchant de l’enfermer une nouvelle fois. Monsieur Apowain avait toujours dit que garder les choses simples permettait de catalyser la magie plus rapidement pendant un affrontement. Il tentait d’appliquer ces conseils de son mieux.
Il alternait des attaques et des défenses des cinq éléments le plus rapidement qu’il pouvait. Catalyser la magie devenait de plus en plus difficile pour lui, contrairement à Liselle. Elle n’avait pas sa magie bridée, elle. Ce combat commençait à énerver la jeune fille : elle n’aimait pas être mise en difficulté par un simple collégien. Elle mettait de plus en plus de puissance dans ses attaques et prenait de moins en moins de gants. Cédric était à présent perclus d’entailles et d’estafilades ; Liselle savait comment rendre l’air tranchant.
Une sorte de griffon de la taille d’un gros chien se jeta soudain sur la lycéenne. Ils roulèrent tous deux à terre. Des cartes se plantèrent tout autour d’elle, la recouvrant d’un filet dont chacun des nœuds était l’une des cartes. Le griffon se changea en liane qui bâillonna et ligota la jeune fille.
« C’est qui cette folle qui t’attaque ? Lança Jérémy.
– C’est celle de l’air, de la Confrérie des Cinq Eléments ! » S’écria Cédric en réponse. Valentine se précipita alors vers la maîtresse de l’air à terre et, sortant une fiole de sa sacoche de ceinture, elle fit glisser le contenu dans la bouche de Liselle. La liane laissa un trou à cet effet. La lycéenne poussa des grognements en guise de désapprobation et perdit connaissance.
Jérémy s’approcha ensuite de Cédric. Inquiet de le voir tout égratigné, il lui demanda : « Ca va ? On a mis du temps à arriver, désolé…
– Oh ça va, lui assura son ami blond en grimaçant de douleur. Tu n’as pas à être désolé, vous êtes arrivés à pic !
– Ouf ! Même sans Stéphanie, on a réussi à l’immobiliser, se réjouit Valentine. Bravo Jérémy, c’était fort de jouer son rôle et le tien à la fois !
– Merci, s’illumina le garçon. Combien de temps la potion de sommeil fera-t-elle effet ?
– Quarante huit heures, répondit la fillette.
– J’en parlerai à Hildegarde ce soir, déclara Cédric, en même temps que je lui dirai où se trouve Stéphanie.
– C’est très bien tout ça, intervint Jérémy, mais qu’est ce qu’on va faire d’elle ? On ne peut pas la laisser là… »
Les trois amis réfléchirent un instant à la question. « Il y a une estrade dans la salle du miroir. Peut-être qu’on pourrait la cacher dessous, suggéra Cédric.
– Je n’ai pas de meilleure idée, avoua son ami brun.
– En plus, il ne faut pas traîner, appuya Valentine. Emmenons la là-bas avant que quelqu’un n’arrive. »
Ils transportèrent la maîtresse de l’air inconsciente jusqu’à la salle du miroir. A cette heure là, il était fermé par les grosses doubles portes et personne ne se trouvait là. Ils examinèrent l’estrade. Il n’y avait pas d’ouverture et elle était impossible à soulever mais, sur le mur à côté s’ouvrait une porte. Ils découvrirent ainsi un placard où ils furent soulagés d’abandonner leur dangereux fardeau.
La cloche sonna et les trois amis sursautèrent. « On va être en retard ! » S’exclama Valentine. Ils se précipitèrent en courant dans la direction de leur salle de cours. Le professeur [vérifier si j’ai déjà parlé d’un cours en particulier à ce moment de cette journée] lança un regard interrogateur à Cédric en le voyant tout égratigné et entaillé. Le garçon balbutia qu’il était tombé dans des ronces, en espérant que l’excuse suffirait.
« Il faut regarder où vous mettez les pieds, jeune homme, lui conseilla le professeur avec un demi-sourire. Allez donc vous asseoir. » Le garçon obéit, toujours accompagné de Jérémy et Valentine. Cette fois-ci, Matéo les rejoignit en leur demandant à quel point Stéphanie était malade et quand elle reviendrait. Valentine lui répondit la même chose qu’ils avaient dit à tous les professeurs, en précisant qu’elle n’en savait pas plus. Matéo hocha la tête et s’enquit des blessures de Cédric, mais le professeur l’interrompit en lui demandant d’arrêter de dissiper ses camarades.
L’heure de cours parut s’étirer encore et encore. Le trio était tellement impatient de se rendre chez Jérémy que chaque minute semblait en durer dix. Cédric pensa, en son for intérieur, que si Stéphanie avait été là, l’attente aurait été encore pire. Lorsque l’on demandait à la fillette à la loutre combien de temps il restait avant la fin du cours, elle répondait souvent quelque chose comme « Dix minutes. » Et, deux secondes plus tard, une fois que l’ami s’était réjoui, elle ajoutait : « Plus cinq. » Le pire étant quand elle ajoutait « Plus vingt. » Cédric avait toujours envie de l’étrangler lorsqu’elle faisait cette blague.
L’heure de cours arriva à son terme, et le cours suivant parut s’éterniser tout autant. Les trois amis faillirent crier de soulagement. Ils rangèrent leurs affaires en quatrième vitesse, et foncèrent vers la porte du collège. Le chemin jusqu’à la maison de Jérémy passa rapidement ; son père était venu le chercher en charrette car une meute de loups avait élu domicile dans la région et le trajet n’était plus sûr. En revanche ils restèrent silencieux. Ils n’avaient pas envie de parler de la Confrérie des Cinq Eléments en présence de monsieur Rivière et, comme ils n’arrivaient pas à penser à quoi que ce soit d’autre, ils se laissèrent aller à contempler le paysage qui défilait sous leurs yeux.
2115 mots pour aujourd’hui et j’ai l’impression que la fin risque d’arriver un peu trop vite par rapport au nombre de mots qu’il me reste à écrire… On verra.