NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 19

Suivant du regard les traces que Simon avait laissées lors de sa précédente visite, elle pouvait retracer tout son parcours. Comme il y avait de grandes trainées dans la poussière qui partaient dans tous les sens, Ethelle supposa qu’il s’était laissé submerger par son émerveillement et avait couru dans tous les coins pour voir le plus de choses possible. Elle fit également l’hypothèse qu’au début il avait certainement du avoir du mal à se poser à un endroit précis pour étudier plus précisément une zone donnée. Au grand soulagement de la rouquine, l’archéologue paraissait plutôt calme, en dépit du feu de l’enthousiasme qui couvait dans ses yeux. Il semblait parvenir à se maîtriser. Il en était de même pour Clay ; elle poussa un soupir de soulagement intérieur.

Ils étaient arrivé dans un grand hall. Très haut de plafond, le hall était spacieux. Un îlot trônait au centre de la pièce et, derrière, s’élevait une volée d’escalier, bordé de chaque côté par d’étranges marches en ferraille. Un autre escalier bordé, lui aussi, de marche en ferraille descendait. « Il s’agit certainement du comptoir d’accueil, lui expliqua Simon qui avait suivi le regard de la jeune femme. Je ne sais pas à quoi servaient ces… Machins. » Ajouta-t-il en désignant des poteaux en forme d’échelle qui bordaient les deux côtés de l’îlot central. « Peut-être qu’à l’époque ils étaient des portes qui empêchaient l’accès aux salles importantes, suggéra l’archéologue. Je compte bien élucider tous ces mystères. Sinon, vous pouvez voir des salles qui bordent le hall, pas très bien avec la lumière de la lanterne je vous l’accorde. Je ne sais pas à quoi servaient toutes les salles, encore. Mais l’une d’entre elle était clairement une zone de détente. Je vous propose que nous allions monter notre camp là-bas. » Ses deux compagnons acquiescèrent et entreprirent d’emmener toutes leurs affaires dans la pièce indiquée.

D’un commun accord, Clay et Ethelle décidèrent que la pièce était trop envahie de poussière pour pouvoir y dormir sans s’étouffer pendant leur sommeil. Le jeune homme ressortit de l’endroit et fureta un peu. Dans un renfoncement du grand hall, il repéra une porte dans un mur, qui pouvait passer pour un placard. Il l’ouvrit et se sentit très fier d’avoir supposé juste. Il avisa un objet qui ressemblait à un balai au manche de métal et s’en empara. Soulagé que l’objet ne se désagrège pas entre ses doigts malgré son grand âge, il l’emmena auprès de sa compagne. « C’est impressionnant, il a encore toutes ses franges, constata-t-elle.
– Je pense que c’est parce qu’elles sont faites d’un matériau… Bizarre, déclara Clay. Je ne sais pas ce que c’est, mais ça a défié le temps.
– Simon a dit que les conditions de conservation de la bibliothèque étaient exceptionnelles vu son âge, ajouta Ethelle. Il pense qu’elle a été ensevelie juste comme il faut pour que tout se conserve au mieux.
– Oui, je me souviens qu’il a dit ces choses là, acquiesça le jeune homme. J’ai du mal à m’imaginer tout ça. Comment étaient les gens qui vivaient ici par exemple.
– Ils ne vivaient pas ici, corrigea-t-elle. Si il s’agissait vraiment d’une bibliothèque, il y a fort à parier qu’ils étudiaient ou travaillaient ici.
– C’est ça, précisa-t-il. J’ai du mal à m’imaginer toutes ces choses. »

Ils échangèrent un sourire. Puis ils entreprirent d’évacuer la plus grosse partie de la poussière de l’endroit. Comme Clay n’avait trouvé qu’un balai, Ethelle s’empara d’une grosse brosse d’archéologie de Simon pour l’aider. Alors qu’ils avaient fini de se débarrasser du plus gros de la poussière, le jeune homme reprit : « Qui sait si ce que je tiens actuellement dans les mains est véritablement un balai ?
– Oh, c’est une bonne question, réalisa la rouquine. Quoiqu’il en soit, il a parfaitement réussi son office.
– Je suis en train de me demander si Simon va m’en vouloir d’avoir utilisé un artefact millénaire pour nettoyer la pièce.
– Quoi de mieux qu’un balai de plusieurs milliers d’années pour nettoyer une bibliothèque de plusieurs milliers d’années ? Ironisa Ethelle.
– Très bonne excuse ! » Pouffa son compagnon. Avisant le mobilier qui restait dans la pièce, il continua : « Je me demande si ces sièges sont confortables.
– Je ne les testerais pas, si j’étais vous, le prévint la rouquine. Ils risqueraient de se désagréger sous votre poids. » Le jeune homme acquiesça, il se disait certainement la même chose, mais cela ne l’empêchait pas de paraître déçu.

Après avoir nettoyé et installé un semblant de camp, les deux jeunes gens sortirent de la salle, lanterne en main, pour retrouver l’archéologue. Celui-ci ne se trouvait plus dans le grand hall. Lorsqu’ils l’avaient laissé, il admirait pensivement les poteaux en forme d’échelle qui se dressaient de part et d’autre de l’îlot d’accueil, les fixant intensément comme pour les faire parler. Il n’avait pas du en tirer quoi que ce soit et s’était certainement lassé, préférant explorer d’autres parties du bâtiment. Simon ne se trouvait nulle part au rez-de-chaussée, de ce qu’ils purent constater. Ils se rendirent aux grands escaliers derrière l’îlot et ses poteaux. « En haut ou en bas ? Interrogea Clay.
– Monsieur Derrington ? » Appela Ethelle. Mais l’interpellé ne répondit pas. Les deux apprentis explorateurs tendirent l’oreille, à l’affût d’un indice sur la position de l’archéologue.

« Ces traces là ont l’air plus fraîches que toutes les autres qu’il a laissées la dernière fois qu’il est venu, déclara le jeune homme en désignant des empreintes qui se dirigeaient vers le bas.
– En effet, en convint la rouquine. Descendons voir ; j’espère qu’il ne s’est pas blessé. » Ils prirent les marches qui descendaient avec précaution. Etant donné leur âge, ils craignaient qu’elles ne s’effritent sous leurs pieds. Malgré leurs craintes, ils arrivèrent à l’étage du dessous sans encombre. Clay leva haut sa lanterne pour leur permettre de voir les alentours. Le hall de cet étage disposait de dimensions plus modestes que celui du dessus et plusieurs couloirs en partaient. Examinant les traces, ils empruntèrent celui qui paraissait avoir les traces de Simon les plus fraîches. Des portes perçaient les murs de part et d’autre de ce couloir et Ethelle se demanda ce qu’elle renfermaient. Elle hésita même à arrêter de chercher l’archéologue pour ouvrir certaines d’entre elles. La crainte de faire une bêtise la retint.

« Monsieur Derrington ? Appela-t-elle. Où êtes-vous ? Ce n’est pas très aimable de votre part d’être parti explorer les lieux sans nous !
– Par ici ! » Lança joyeusement Simon. Il passa une tête dans le couloir, un peu plus loin et leur fit vivement signe de s’approcher. « Venez voir ce que j’ai trouvé ! » Soulagés d’avoir retrouvé leur excentrique archéologue, ils se précipitèrent à sa rencontre et se glissèrent dans la pièce qu’il avait ouverte. « Regardez-moi ça !
– Regarder quoi ? Demanda Clay.
– Et pourquoi cette pièce en particulier ? Compléta Ethelle intriguée.
– Oh, une intuition, balaya Simon. Mais admirez donc cette installation ! » La pièce était plus vaste que ce à quoi s’attendait la rouquine. Il s’agissait d’un petit amphithéâtre et tous les sièges étaient tournés dans leur direction. Elle se tourna et le mur, derrière elle, était blanc.

L’archéologue était déjà en train de monter à l’assaut des marches en direction d’un étrange boîtier. « On dirait un photographeur (j’avais pas déjà donné un autre nom à ça ? x) ), commenta la jeune femme.
– Tiens donc, s’étonna l’archéologue qui ouvrait précautionneusement le boîtier. Il semblerait que vous ayez raison mademoiselle ! Du moins, cet objet comporte de nombreuses similitudes. Bien sûr, je ne suis pas un spécialiste de ces appareils. Nous allons devoir étudier la question… Ah mince ! Ils ont fixé leur machine. Mmmh… » Clay s’approcha à son tour. Il examina l’objet avec attention. La machine possédait effectivement quelque chose qui ressemblait à leurs objectifs de photographeurs. Mais il avait une forme peu conventionnelle et beaucoup de choses manquaient, selon lui, qui avait eu l’occasion de longuement inspecter un de ces objets qui se trouvait sur le zeppelin de la veuve noire. Il toussota, puis expliqua :

« Je ne vois aucun des mécanismes qui permettent de le faire fonctionner. Et puis, il se trouvait dans une boîte fermée et je ne vois pas de place où se mettre en tant que photographe (?)… Etes-vous certain qu’il s’agit d’un photographeur ?
– Je ne suis certain de rien, soupira Simon. Et vos propos font sens. Moi qui était tellement content de trouver un point commun entre eux et nous…
– Avez-vous entendu parler de cette récente invention ? Intervint Ethelle. J’ai entendu dire que des gens avaient trouvé le moyen d’enregistrer des images mouvantes et non juste des images fixes.
– Est-ce vrai ? S’émerveilla Clay qui n’avait jamais entendu parler d’un tel prodige.
– Tout à fait, confirma pompeusement la jeune femme. Il se peut que cela soit ce type d’appareil.
– C’est ingénieux ce que vous dites là mademoiselle, se réjouit l’archéologue. Ce pourrait en effet être un appareil qui immortaliserait des spectacles ou des conférences ou des choses comme ça. J’ai vraiment bien fait de vous emmener avec moi, vous êtes vifs mes amis ! »

Ses deux apprentis sourirent, ravis du compliment. Ils se sentaient aussi très fiers de proposer des idées et hypothèses que l’archéologue considérait sérieusement. Ethelle faisait le tour de la pièce tandis que ses deux compagnons continuaient d’inspecter la machine. « Je ne vois toujours pas de mécanisme qui permette d’activer la machine, persista Clay.
– Cela ne m’étonne pas, soupira Simon. Et cela peut, en fait, confirmer une de mes hypothèses.
– Vraiment ? S’enquit curieusement l’ancien Faucheux.
– Oui, continua l’archéologue. Il me semble avoir compris qu’ils utilisaient une énergie autre que mécanique pour leurs appareils. Quelque chose de plus volatile.
– Comme du gaz ? Supposa Ethelle de loin.
– Mmmh, considéra Simon. Peut-être quelque chose comme cela. Mais définitivement pas de gaz. J’ai déjà vu des tuyaux, mais ils ressemblent plutôt à des câbles et des câbles pleins qui plus est ; je ne vois pas comment du gaz pourrait passer à l’intérieur. »

Les deux hommes tournèrent leur attention vers la rouquine qui s’intéressait à un étrange petit placard accroché à un mur près d’une des portes du haut de l’amphithéâtre. Elle l’ouvrit et il grinça sur ses gonds. A l’intérieur, la jeune femme aperçut plusieurs boutons et un gros levier. Elle ne put déchiffrer ce qu’il y avait d’écrit à côté de chacun des boutons ni des deux positions possibles du levier. Grisée par la curiosité contagieuse de ses compagnons, elle saisit le levier et tenta de le lever. Ce fut tellement difficile qu’elle dut y mettre les deux mains et, enfin, il se débloqua d’un coup sur un bruit affreux, tenant à la fois du craquement et du grincement. En réponse, de faibles lumières vertes et sourdes s’allumèrent au-dessus des portes, l’appareil au-dessus lequel se tenaient Clay et Simon se mit à ronronner et des grésillements provenant de petites boîtiers à grilles en haut des murs se firent entendre. Les trois explorateurs étaient subjugués tant cela semblait à la fois merveilleux et effrayant.

Une image s’afficha soudain sur le mur blanc en face du mystérieux appareil, en bas de l’amphithéâtre. D’après le faisceau lumineux qui jaillissait de l’objectif de l’appareil, les explorateurs déduisirent que c’était lui qui produisait l’image. Il s’agissait d’un texte qui clignota plusieurs fois avant de rester stable. « Qu’est ce que cela signifie ? Demanda Ethelle la gorge nouée.
– Je n’en suis pas entièrement certain, hésita l’archéologue. Il est clair qu’il s’agit d’un message de mise en garde.
– Sommes-nous en danger ? S’inquiéta Clay.
– Non non, je ne pense pas, le rassura Simon. Je dirais que ça parle de faibles ressources d’énergie qui risquent de bientôt s’éteindre. Et il y a quelque chose à propos d’un système de secours qu’il faut… Lancer ? Brancher ? Si l’on veut continuer à profiter de l’installation. »

Sans aucun signe avant-coureur, tout se coupa. Le silence et l’obscurité revinrent. « Je crois que les ressources d’énergie, quelles qu’elles soient, sont épuisées, commenta platement Simon.
– C’était impressionnant, déclara Ethelle qui avait été époustouflée par cette démonstration. Je n’en reviens pas !
– On aurait dit de la magie, renchérit Clay. Pensez-vous que nous puissions trouver ce système de secours ?
– Je ne sais pas, avoua l’archéologue en se mâchouillant pensivement la lèvre inférieure. Ce que je sais, en revanche, c’est que ce que nous venons de vivre confirme que ma découverte est colossale !
– Si nous découvrons comment cette civilisation faisait fonctionner toutes ces choses, appuya la rouquine, cela pourrait même changer la face du monde.
– Wow, lâcha Clay. Je ne pensais pas prendre part à quelque chose d’aussi important un jour… C’est… C’est complètement fou ! »

Les trois explorateurs restèrent un moment à digérer ce qu’ils venaient de vivre. « Comment des gens qui pouvaient réussir à faire des choses aussi merveilleuses ont-ils pu disparaître ? Lança l’ancien Faucheux. Je n’arrive pas à le concevoir !
– Les créatures surnaturelles, rappela Ethelle. Ils n’ont rien pu faire comme la magie, si ce que Simon nous a dit était exact.
– Oui, confirma l’archéologue tout aussi pensif que ses deux compagnons. C’est effectivement ce qu’il m’a semblé comprendre dans ce que j’ai lu. Enfin, ce n’était pas aussi clair que cela, bien sûr. Disons que j’ai trouvé beaucoup de documents qui parlaient du problème récurrent de l’apparition de choses surnaturelles. Et aussi qu’ils avaient découvert comment enrayer cela, mais que d’aucuns s’inquiétaient que des factions cherchent à détruire leur monde en sabotant ce dispositif. J’ai mis des mois à découvrir tout cela !
– Des mois ? S’étonna Clay. Mais combien de temps avez-vous donc passé ici ?
– Plusieurs mois, répondit évasivement Simon. Il y a tellement de choses à découvrir ici ! Et puis, il a d’abord fallu que j’apprenne comment déchiffrer la langue avant de pouvoir essayer de décrypter tout ce savoir ! »

Pour Ethelle, abattre autant de travail tout seul devait plutôt nécessiter plusieurs années.

 

 

2340 mots pour aujourd’hui, je commence même à prendre de l’avance dis-donc !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 18

Le train ne s’était pas encore arrêté que Simon sortit de sa maison pour sauter lestement sur le quai, afin de bien vérifier que la gare avait bien reçu son télégramme qu’il avait envoyé de Covempton à propos du stockage de son wagon-appartement. L’archéologue ne revint pas tout de suite, mais les deux jeunes gens perçurent des vibrations dans le sol de la voiture, puis celle-ci s’ébranla de nouveau, en arrière cette fois. Cela dura peu de temps : le wagon tourna et se retrouva rapidement rangé sur une voie de garage. L’archéologue fit de nouveau irruption, souriant comme à son habitude. « Tout va bien, leur assura-t-il. Ils garderont ma maisonnette au chaud pendant que nous partons en expédition. » Les deux jeunes gens acquiescèrent de concert. Ils passèrent la suite et la fin de leur soirée à préparer du matériel tout en discutant ensemble de choses et d’autres et, notamment, de ce qu’ils risquaient de trouver dans la bibliothèque. En vue de leur future journée de labeur, ils partirent tous trois se coucher très tôt.

 

Bien équipés, les trois explorateurs se rendirent à AllMobile, une petite société qui louait tout un tas de moyens de transport. Les alentours de cette ville étaient très touristiques, avec son lac aux eaux claires, ses ruines historiques et ses randonnées montagnardes. AllMobile était donc une petite affaire plutôt prospère. Simon jeta son dévolu sur ce que le loueur appelait pompeusement une mécamobile. Il régla et signa quelques papiers, puis les trois posèrent toutes leurs affaires dans le véhicule. Ils montèrent aussitôt en voiture et l’archéologue se mit vivement au volant. Ethelle put remarquer qu’il conduisait plutôt bien pour quelqu’un d’apparence aussi éparpillée. Il les mena d’abord acheter de quoi pique-niquer pendant l’expédition avant de se mettre véritablement en route.
(Insérer une péripétie incluant NM ?)

En quittant la ville, ils décapotèrent la voiture, pour profiter au mieux du voyage. Clay, à qui ils avaient laissé toute la banquette arrière, était penché vers l’extérieur pour mieux sentir l’air fouetter son visage. Il rappela à Ethelle les chiens de ses amis qui agissaient de même dès qu’ils montaient en voiture, enthousiasmés par le voyage et le vent dans leur truffe. Simon les emmena très loin dans la nature. Il n’y avait même plus de route et, pourtant, il continuait de rouler avec détermination au milieu de nulle part. Ils avaient quitté les hautes montagnes et l’endroit était vallonné, teinté des jaunes, oranges et rouges de l’automne. L’herbe était encore bien verte et des fleurs persistaient ça et là. La rouquine finit par se sentir fatiguée, enivrée par le grand air ; elle ferma les yeux et s’endormit paisiblement.

L’arrêt du véhicule la tira du sommeil. Elle bâilla et s’étira longuement. Ceci fait, la jeune femme inspecta les alentours de là où ils s’étaient garés. Ils se trouvaient dans une étrange clairière bordée de feuillus clairsemés d’un côté et du flanc d’une grande colline de l’autre. Simon avait garé la voiture au milieu de la clairière et était en train d’installer de nouveau le capot, probablement au cas où il y ait des intempéries ; il ne comptait certainement pas laisser la caution qu’il avait laissée à AllMobile. Clay avait commencé à décharger le véhicule mais, intrigué par l’endroit, avait arrêté pour faire le tour de la clairière, examinant tout avec attention. « Fait attention où tu marches, le prévint Simon. Vers la colline le terrain est de plus en plus instable. » Ethelle descendit à son tour et, malgré son manque d’habitude dans le domaine, songea à aider l’archéologue à sortir leurs affaires.

« Sortons tout, déclara Simon. Nous allons carrément monter notre camp dans la bibliothèque.
– Est-ce bien raisonnable ? S’inquiéta la jeune femme. Ne risquons-nous pas de nous retrouver ensevelis là-dessous si nous y dormons ?
– Oh non, il n’y a pas de souci à avoir, lui assura l’archéologue. Lors de ma dernière visite, j’ai repéré un endroit tout à fait stable et sain.
– Vous nous avez dit que vous aviez découvert l’entrée dans une faille qui s’était ouverte suite à un tremblement de terre, pointa la rouquine. Comment est-ce que l’endroit peut être stable ?
– Oh mais le tremblement de terre a eu lieu il y a bien longtemps de cela, la région n’a plus vraiment d’activité sismique ! » Comme toujours, Simon débordait d’enthousiasme. L’effet rassurant de ses propos était donc mitigé sur Ethelle. Elle se laissa tout de même convaincre. Les yeux de l’archéologue brillaient de millions d’étoiles à chaque fois qu’il mentionnait qu’ils allaient passer quelques jours entiers dans ce bâtiment antique. Et comme elle doutait que Clay se montre plus raisonnable, elle se résigna à les suivre dans leur douce folie exploratrice.

« Wow ! S’exclama d’ailleurs celui-ci. Euh ? Hem… Les gars ? Je crois que j’ai trouvé la faille ! » Il y eut un silence. « J’ai failli tomber dedans ! » Les informa-t-il ensuite. La rouquine leva les yeux au ciel. Elle craignait que l’enthousiasme débordant des deux homme qu’elle accompagnait ne leur fasse faire des bêtises. Légèrement inquiète et ayant l’impression d’être la seule personne raisonnable de l’équipe, la jeune femme se promit de les surveiller pour éviter qu’ils se blessent dans leur entreprise. Ce fut, entre autre, pour cette raison qu’elle observa avec intérêt Simon qui sortait le matériel pour les assurer pendant leur descente. Ils n’allaient pas avoir à escalader à proprement parler, mais la descente promettait d’être abrupte. Et cela risquait d’être d’autant plus dangereux qu’ils seraient chargés. Et encore, Derrington leur avait dit qu’il restreignait le poids au minimum, car ils auraient certainement des trésors archéologiques à ramener de leur voyage dans le passé.

Après les dernières recommandations de Simon – qui paraissaient étrangement sérieuses par rapport à ses habitudes légères – les trois explorateurs entreprirent de descendre dans les entrailles de la terre, avec précaution. L’archéologue ouvrait la marche en l’éclairant d’une lanterne, puisqu’il connaissait mieux le terrain, Ethelle suivait et Clay fermait la marche en portant le plus gros du matériel. A certains moments, le passage devenait très étroit, en plus d’être abrupt, ce qui ralentit encore leur progression. Le gros avantage du métier d’archéologue, se dit la rouquine, c’est qu’au moins ils n’étaient pas pressés : les vestiges n’iraient nulle part. C’était peut-être même pour cette raison que Simon parvenait actuellement à prendre son temps à marcher précautionneusement au lieu de sautiller vers sa bibliothèque chérie. Dans tous les cas, cette attitude mature rassurait Ethelle. Clay se montrait également prudent, ce qui la réconfortait d’autant plus.

La descente ne s’éternisa pas autant que la jeune femme le craignait, même si il y avait eu des passages très compliqués. Ils posèrent enfin le pied sur des marches de pierre qui montaient sur leur droite pour arriver devant des portes, originellement en verre, dont les débris d’une d’entre elles jonchaient le sol. L’archéologue avait l’air un peu gêné. Il se tint un bref instant devant eux, les mains se tordant d’embarras comme un enfant. La rouquine décida de profiter de la situation pour le taquiner. Cela ne lui ressemblait pas d’ordinaire, mais elle ne put s’en empêcher. « C’est vous qui avez cassé cette porte millénaire, n’est ce pas ? » S’enquit-elle. La jeune femme récolta un hochement de tête affirmatif et contrit. « Ne nous avez-vous pas dit que de détruire de telles pièces allait à l’encontre de tous vos principes archéologiques ?
– Oui, je sais, soupira-t-il. Mais je n’avais pas le choix ! Les armatures étaient trop vieilles pour ne pas se désagréger lorsque j’ai essayé d’ouvrir, tout a lâché d’un coup et la vitre est tombée d’un coup.
– Comment sont-elles sensées s’ouvrir ? » Demanda Clay qui observait curieusement les portes. La question parut rendre sa personnalité passionnée à Simon.

« Oh ! Elles sont sensées coulisser, expliqua-t-il joyeusement.
– Je suppose que le système de coulissage ne fonctionne plus, déplora l’ancien Faucheux. Et où se trouve la poignée ?
– Je me suis posé la même question ! Se réjouit l’archéologue.
– Et donc ? S’enquit Ethelle alors que l’explication se faisait attendre.
– Je ne sais pas, avoua Simon. Je n’ai pas réussi à déterminer comment cela fonctionnait. Ca ressemble à quelque chose qui aurait été activé de manière mécanique, ou quelque chose comme ça.
– Si c’est le cas, c’est ingénieux, commenta Clay. Tous les mécanismes doivent être cachés dans les murs.
– Je pense, oui, approuva l’archéologue. Il faudrait que j’amène des techniciens ici pour étudier la question. Je… Je n’ai pas l’habitude de ne pas comprendre les techniques de l’antiquité. Normalement ils sont sensés être moins avancés que nous sur le plan technologique. Mais eux… » Il se mâchouilla la lèvre inférieure.

« Eux je les soupçonne d’avoir été beaucoup mais alors, vraiment beaucoup plus avancés que nous.
– Cela semble vous perturber, nota Ethelle.
– Je suppose que oui, en un sens, réfléchit Simon. C’est comme si je m’aventurais en territoire totalement inconnu. Ce qui est particulièrement excitant ! Mais aussi, un peu effrayant je dois bien l’avouer.
– Qu’est-il écrit là au-dessus ? S’enquit Clay en désignant le fronton de la porte.
– Oh ! Ca, je le sais ! Se pavana l’archéologue. Leur alphabet est une version antérieure de plusieurs alphabets antiques que je connais (trouver des noms de langues antiques de différentes régions et s’étendre sur le sujet) et qui ont beaucoup de points communs. Je pense qu’ils sont tous issus de cet alphabet là. Les deux mots sont aussi assez ressemblants à ces langues en question.
– Cela ne nous dit pas la signification de ces deux mots, lui rappela la rouquine.
– Haha oui, excusez-moi mademoiselle, je me suis encore laissé emporter, se repentit Simon avec un sourire rayonnant. Ces deux mots veulent dire Bibliothèque Universitaire.
– Wow ! S’exclama Clay. Cela faisait donc partie d’une école ?
– Pas seulement, s’enthousiasma l’archéologue. De ce que j’ai compris, cet endroit faisait partie de tout un ensemble dédié à toutes sortes de recherches et d’érudition.
– Ca semble particulièrement important et intéressant, s’émerveilla le jeune homme.
– Oh oui, assurément, approuva vivement Simon. Et encore, je ne comprends pas toute leur langue ! C’est une forme vraiment ancienne par rapport à celles que je connais et je ne suis pas linguiste de formation en plus.
– S’agit-il d’une forme plus archaïque ? S’enquit Ethelle.
– Non, au contraire, soupira l’archéologue, elle est plus subtile et complexe. Surtout complexe. Comme je regrette de ne pas avoir été plus sérieux, j’aurais du passer cette formation de linguiste !
– Vous avez pourtant l’air de bien vous débrouiller, le rassura Clay appuyé par un hochement de tête de la jeune femme rousse.
– Merci, vous êtes tellement adorables tous les deux, s’attendrit Simon. Il n’empêche que j’aurais été plus efficace ici si j’avais été linguiste. Mais vous avez raison, après tout je connais toutes ces langues mortes comme si elles étaient mes langues maternelles. Je finirai bien par vaincre cette langue originelle ! »

Après cette petite discussion édifiante sur le palier de la bibliothèque, l’archéologue les fit entrer dans le bâtiment par la porte qu’il avait cassée auparavant. L’intérieur avait très peu bougé, pour quelque chose qui datait de plusieurs millénaires. Bien sûr, une épaisse couche de poussière et quelques débris recouvraient le tout, mais Ethelle estima qu’il n’y aurait pas besoin de beaucoup de rénovation pour rendre à l’édifice son état d’antan. Cela l’impressionna. Elle commençait à se laisser gagner par l’enthousiasme de ses deux compagnons d’exploration.

 

 

1910 mots pour aujourd’hui et retard rattrapé \o/

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 17

Elle ne resta pas offusquée très longtemps alors qu’ils se partageaient les gâteaux restants. Ils étaient encore chauds et se régalèrent. « J’espère que vous savez qu’il faut les laisser reposer avant de les manger, les informa Simon. Bande de gloutons ! » Les deux jeunes gens échangèrent un regard complice, avant de terminer l’assiette. Clay s’occupa même de terminer toutes les miettes. L’archéologue faisait semblant d’être fâché, mais il était évident qu’il était ravi du succès de ses petites pâtisseries. Ses hôtes étaient même tellement les bienvenus qu’il leur avait encore prévu une surprise avant que le train, qui devait emmener l’appartement mobile, n’arrive.

Un couple de tailleur-couturier frappa bientôt à la porte. Simon leur avait demandé de venir pour équiper en vêtements d’explorateurs décents ceux qu’il avait décidé de proclamer ses apprentis. Les deux tailleurs se montrèrent très aimables envers l’archéologue qui leur expliqua en long, en large et en travers ce qu’il attendait d’eux. Ils avaient un certain âge et se contentèrent de le considérer avec bienveillance. Lorsqu’ils commencèrent à se mettre au travail, Simon ne put s’empêcher de tourner autour d’eux pour leur poser des questions ou émettre des suggestions. Ethelle songa qu’elle n’aimerait pas être à la place des deux artisans. La femme du couple finit par l’informer que se tenait actuellement le marché de la gare, l’un des plus gros de la région, qu’y était vendue toute une variété de produits locaux et que ce serait dommage de rater une telle occasion.

Toujours enthousiaste, l’archéologue se laissa piéger et sortit aussitôt faire des emplettes. « Vous avez bien fait de l’envoyer ailleurs, commenta la rouquine. Il me mettait les nerfs en pelote !
– Je sais bien, pouffa la couturière. Il mettait également les nerfs en pelote à mon mari, n’est ce pas mon amour ?
– Hmpf, commenta le tailleur.
– Et je pense que cela aurait été dommage que l’un d’entre vous se retrouve piqué d’une aiguille sur un geste d’énervement.
– Je suis bien d’accord, confirma Clay qui louchait d’un air inquiet sur les nombreuses épingles.
– Nous n’aurons pas le temps de faire grand chose, précisa l’homme. Juste un vêtement, dit d’explorateur comme commandé par monsieur Derrington, pour chacun d’entre vous.
– Ca sera suffisant ! » Lui assura joyeusement l’ancien Faucheux à qui c’était la première fois qu’on taillait un vêtement sur mesure.

Ethelle, quant à elle, profitait de ce moment qu’elle n’avait plus eu l’occasion de vivre ces derniers temps. Le couple de tailleurs travaillait vite et bien. De plus, la couturière se montrait de plaisante compagnie, conversant selon les envies de ses clients. Le tailleur, lui, restait silencieux, n’ouvrant la bouche que lorsque cela était nécessaire. Entre les mains des professionnels, les habits prenaient forme. La rouquine estima le tissu de bonne qualité et le travail efficace. Simon savait choisir la qualité. Elle se demandait de quel origine sociale provenait cet énergumène. Il leur avait parlé de ses aventures dans le domaine de l’archéologie, mais pas de sa famille. Cela l’intriguait. Elle nota dans un coin de sa tête de penser à l’interroger à ce sujet un de ces jours. Un jour où elle serait d’humeur pour l’écouter digresser sur tous les détails de son enfance, bien sûr. Ce ne serait pas toujours le cas, subodorait-elle. La jeune femme nota aussi l’astuce d’envoyer Simon courir loin voir quelque chose qui l’intéressait. Cela avait l’air facile : l’archéologue s’intéressait à tout et ça pouvait s’avérer pratique si il se montrait un peu trop envahissant.

Le couple d’artisans était parti de vêtements déjà existants qu’ils se contentèrent d’ajuster à leurs nouveaux propriétaires. Ils œuvrèrent tant et si bien qu’ils eurent terminé bien avant que le train qui allait les emmener n’arrive en gare. Lorsque Simon fit de nouveau son apparition, ils discutaient tous les quatre, équipés de tasses de thé fumantes. « Vous buvez du thé sans moi ! Se plaignit-il aussitôt.
– Oh non, nous n’aurions pas osé, lui assura vivement Clay. Nous avons sorti une tasse de plus et il y a encore de quoi faire dans la théière.
– Oooh, mais vous êtes adorables. » S’émut l’archéologue. Il se reprit rapidement lorsque le tailleur lui annonça le prix de la rapide prestation effectuée par sa femme et lui. Simon paya sans rechigner la somme demandée. Le couple les salua et s’en fut, après les avoir remerciés pour le thé. « Le train ne va pas tarder, reprit Derrington après leur départ. Je vais aller m’assurer que notre wagon sera bien attaché pour le départ ! » Il fila de nouveau.

Clay se tortillait sur lui-même dans ses nouveaux vêtements. « Que t’arrive-t-il ? Finit par lui demander Ethelle qui s’était servie une nouvelle tasse de thé fumant et l’observait s’agiter dans tous les sens.
– J’ai envie de voir ce que ça donne, geignit-il. Est ce que cela me va bien ?
– Oui, ces nouveaux habits te vont à ravir, vous avez l’air d’un véritable explorateur là-dedans. » Elle n’avait pas mis beaucoup de conviction dans son ton, mais elle n’en pensait pas moins. L’ancien Faucheux avait l’air d’un autre homme dans ce nouvel accoutrement. Il avait gardé son côté un peu voyou de gamin des rues, mais il paraissait aussi plus mature à présent. Clay avait gagné une prestance certaine. Il ne s’en rendait pas compte, bien sûr, et d’en être conscient altérerait certainement son allure, comme c’était le cas pour la plupart des bellâtres qu’elle avait eu l’occasion de côtoyer.

« C’est vrai ? Insista le jeune homme.
– Mais oui, persista la rouquine. Vous n’avez plus qu’à apprendre des connaissances sur la haute antiquité et vous ferez un parfait deuxième Simon.
– Ce serait fantastique ! S’enthousiasma Clay. En portant un habit aussi élégant, je me sens plus intelligent. Nul doute que je vais devenir quelqu’un d’important maintenant !
– Ce sont juste des habits, tempéra Ethelle. Ils ne changent pas qui vous êtes à l’intérieur.
– Ah ? Bof, vous savez, avec toutes ces choses magiques qui se passent, je pense que tout est possible. » La jeune femme n’avait rien à répondre à cela. Elle n’en eût pas besoin : Simon fit irruption avec entrain. Il avait tout arrangé avec le personnel de la gare et leur train allait arriver d’une minute à l’autre. Lorsque Clay se plaignit à lui qu’il ne pouvait pas s’admirer dans sa nouvelle vêture, l’archéologue ouvrit l’une des portes des placards qui encadraient son lit. L’intérieur de la grande porte portait un long miroir que Simon désigna fièrement au jeune homme.

Les deux s’amusèrent à s’amuser devant la glace jusqu’à ce que le wagon ne s’ébranle, sous le regard désabusé d’Ethelle qui se noyait au thé, à défaut d’alcool. La voiture venait d’être attachée à l’arrière de son nouveau train. L’archéologue était tout excité à l’idée du voyage et Clay se montrait tout aussi enthousiaste. A force, ils parvinrent à communiquer leur bonne humeur à leur compagne blasée. Elle finit bientôt par rire à leurs pitreries. Le train se mit en route peu de temps après que le wagon l’ait rejoint. Les trois habitants entamèrent leur voyage sous de joyeux auspices. Ils se calmèrent bientôt, Simon passant aux choses sérieuses. Il mit les quelques heures de voyage à profit pour enseigner à ses jeunes hôtes les rudiments de l’archéologie. Il ne digressa pas sur l’histoire, non. Il s’en tint aux techniques de base dont ils auraient tous besoin pour explorer la bibliothèque antique, sans rien abîmer des trésors à l’intérieur, ni se mettre en danger dans un bâtiment datant de plusieurs millénaires.

Le trajet passa rapidement ainsi. Simon parvenait à rendre même les détails les plus techniques intéressants ou, au moins, un peu ludiques. A la grande surprise d’Ethelle, Clay se montra passionné par tout ce que leur expliquait l’archéologue. Il semblait avoir véritablement décidé de se lancer à son tour dans cette voie et il gratifiait Simon de regards admiratifs. Elle devait avouer que toutes ces choses qu’elle découvrait ne lui étaient pas inintéressantes non plus. Etant donné la facilité qu’avait leur hôte à les captiver et la mine de connaissance qu’il semblait être, elle se demanda pourquoi on ne lui avait pas attribué de chaire dans une université. Peut-être que les autres spécialistes du domaine rechignaient à l’accepter comme collègue un peu trop enthousiaste. Quoiqu’il en soit, ils passaient un bon moment, la rouquine dut bien se rendre à l’évidence.

Lorsque Simon estima qu’il avait terminé de leur transmettre le minimum vital de connaissances, il leur fit visiter toutes les subtilités de sa petite maison, même si ils devaient bientôt la quitter. Ethelle apprit ainsi que l’étrange machine cubique dotée d’un hublot de la salle de bain servait à laver les vêtements. Elle ne savait même pas si ces choses existaient à grande échelle, ne s’étant jamais posé la question de savoir comment les domestiques lavaient ses vêtements. Néanmoins la jeune femme trouva ce dispositif ingénieux ; il suffisait de mettre les vêtements, du savon et de l’eau chaude dans le tambour, puis de l’activer à la main grâce à une manivelle qui décuplait la force imprimée et faisait tourner le tambour à toute vitesse. Ils s’en servirent au passage pour leurs vêtements précédents, histoire d’avoir des habits propres pour se changer lorsqu’ils rentreraient de leur expédition.

Simon leur expliqua qu’ils allaient arriver trop tard à la prochaine gare pour partir tout de suite à l’assaut de la bibliothèque antique. Clay se montra particulièrement déçu. « Ne pourrions-nous pas y aller, même de nuit ? Plaida-t-il. Après tout, vous avez dit qu’il ferait noir là-bas et que nous aurions besoin d’emmener de la lumière avec nous.
– Je suis enchanté de voir tant d’enthousiasme ! Se réjouit l’archéologue. Malheureusement, nous devons aller loin de la gare, louer une voiture ou des chevaux et prévoir d’autres choses qui ne peuvent se faire qu’en journée. Mais sache que je le déplore autant que vous. » Ethelle ne le déplorait pas tant que cela, elle. Elle s’abstint tout de même de dire quoique ce soit pour ne pas briser leurs ardeurs. La rouquine réalisa qu’elle aimait bien les voir ainsi. Ce qui ne l’empêchait pas de vouloir profiter d’une bonne nuit de sommeil avant de partir explorer des ruines antiques, dont elle avait appris qu’elles étaient enfouies très loin dans le sol et que le seul moyen d’y accéder passait par un précipice. Elle préférait affronter ce genre de choses en étant bien reposée. Surtout si il devait y avoir un trajet en voiture ou à cheval avant.

Pendant qu’elle réfléchissait, le train siffla, prévenant qu’il allait entrer en gare.

 

 

1760 petits mots aujourd’hui ! Si je suis sage (et je le serai plus qu’aujourd’hui car je ne boirai pas de vin avant de me mettre à écrire), je finirai de rattraper mon retard demain \o/

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 16

« Je vais devoir dormir par terre, décréta Clay.
– Pourquoi donc ? S’étonna Simon.
– Parce qu’il n’y a visiblement pas trois lits et que c’est moi qui ai le plus l’habitude de dormir à la dure, expliqua le jeune homme.
– Il ne faut pas présumer des choses aussi rapidement, le gourmanda l’archéologue. J’avais tout prévu, au cas où j’avais des amis que j’aurais à héberger. » Celui-ci se dirigea fièrement vers son canapé, détacha quelque chose dessous et tira un tiroir, qui s’avérait être en réalité un lit. « Et tadaaam ! S’exclama-t-il en se rengorgeant. Bien sûr, à terme il se peut que nous soyons un peu serrés dans cette maison qui n’est prévue que pour moi. Mais, pour une situation temporaire, cela conviendra très bien. Bien sûr, je vous laisserai vous débrouiller avec le canapé et moi, je vais récupérer mon lit. »

Ethelle était une personne difficile à émerveiller. Néanmoins elle devait bien admettre que leur hôte n’était pas avare en surprises. Après son passage dans la vie de la rue, la jeune femme se rendit à l’évidence : elle avait eu de la chance de tomber sur cet archéologue excentrique. Il était sans aucun doute sa porte de sortie, lui évitant de rester dans sa « maison » du parc, ou de devenir l’un des Faucheux ou de devoir se replier sur une solution de mariage qui ne lui convenait pas non plus. Bien sûr, la jeune femme allait devoir apprendre à vivre en quasi promiscuité avec deux hommes, elle qui avait l’habitude de grands espaces qui lui étaient entièrement dédiés. La rouquine se sentait plutôt optimiste vis à vis de cela ; ils lui laisseraient certainement de l’espace si elle le leur demandait. Passant sa dernière tenue de nuit, qui s’était enroulée autour du pot de confit de canard durant son voyage dans son sac et qu’elle dut défroisser un peu, elle se rendit vers le canapé.

Elle s’attribua égoïstement le lit-tiroir qui lui semblait plus confortable. Le jeune homme se coucha sur le canapé au-dessus d’elle et s’endormit aussitôt. Simon, lui, dormait déjà à l’autre bout de la pièce, ronflant légèrement dans son lit. Ethelle ne parvint pas à fermer l’œil aussi rapidement que ses compagnons. Les pensées se bousculaient dans sa tête. Pour le moment, elle suivait Simon et Clay. Mais voulait-elle vraiment devenir archéologue, elle ? Comment voyait-elle son avenir, maintenant qu’il n’était plus tout tracé ? La jeune femme réalisa que toute une multitude de possibilités s’offraient à elle. D’y songer lui donnait le tournis et elle ne parvenait pas à arrêter le tourbillon de pensées. Le jeune homme en contre-haut bougea un peu. La rouquine espéra un bref instant qu’il se réveille, pour pouvoir discuter un peu. Elle ressentait le besoin d’échanger. Constatant que le jeune homme s’était juste retourné dans son sommeil, elle considéra un instant l’option de le réveiller pour de bon. Mais elle craignait que cela mette son compagnon de mauvaise humeur. Elle lui tourna le dos, déterminée à s’endormir. Son cœur bondit soudain alors que ses yeux captaient une étrange lumière, très faible, fantomatique et colorée. Oubliant toute idée de dormir, Ethelle se redressa à moitié. Et puis elle comprit : la faible lueur provenait du bouquet de pensées. Ces fleurs n’étaient pourtant pas sensées produire de lumière, si ? La jeune femme se demanda brièvement si elle était en train de rêver ou pas.

Pour en être certaine, elle tapota les côtes de Clay du bout du doigt. Il ne se réveilla pas. Elle recommença, plus fort cette fois. Il poussa un grognement étouffé en réponse. La rouquine persista une troisième fois et fut récompensée par une question hébétée : « Quoi ? Que se passe-t-il ?
– Regarde, lui chuchota-t-elle pour ne pas réveiller Simon tout en lui désignant le petit vase improvisé dans le verre à whisky.
– De quoi ? Répéta l’ancien Faucheux qui avait du mal à émerger du sommeil. Oh ! Ca brille…
– Oui, confirma Ethelle tout bas. Mais les fleurs ne brillent pas normalement, si ?
– Je ne sais pas, avoua Clay. Je n’y connais pas grand chose en fleurs. Simon n’a-t-il pas dit que c’étaient des fleurs des fées ou féériques ou quelque chose comme ça ?
– Si, confirma la jeune femme. Sauf que je ne pensais pas que c’était vrai.
– Il y a une façon de s’en assurer. »

L’ancien Faucheux se leva et aida Ethelle à faire de même. Il attrapa sa veste, la pèlerine de sa compagne et leur deux paires de chaussures. Ouvrant tout doucement la porte du wagon, il se glissa dehors, la rouquine à sa suite. Ils s’équipèrent pour ne pas attraper froid et Clay entraîna la jeune femme en direction du rocher aux fées. La gare se situant en périphérie de la ville dans la direction du gros caillou, ils ne mirent que quelques minutes pour y parvenir, malgré l’obscurité car ils n’avaient pas pris la peine d’emmener une lanterne. Ethelle avait eu froid au début et, après avoir marché d’un bon pas, elle était à présent réchauffée. Mais elle ne put retenir un frisson en apercevant le rocher au fées. Ce n’était pas tant la roche en elle-même qui était impressionnante, mais le parterre de pensées autour, qui luisait de douces lumières irisées. « Ce sont vraiment des fleurs féériques. » Murmura pensivement le jeune homme.

Il emmena sa compagne en direction du caillou, se déplaçant précautionneusement à travers le tapis de fleurs lumineux. Il l’aida ensuite à grimper sur le rocher et la suivit, s’asseyant à ses côtés. Ils restèrent quelques minutes à profiter du spectacle, sans mot dire. « Je ne connaissais pas l’existence de fleurs brillant comme des lucioles, avoua Ethelle.
– Moi non plus.
– Il y avait des parterres de pensées dans mon jardin, continua la jeune femme. Mais je ne les ai jamais vues luire ainsi.
– Je n’ai jamais fait très attention aux fleurs en général, lui confia Clay. En tous cas, jamais de nuit. Mais c’est très joli !
– En effet, approuva la rouquine qui admirait rêveusement les alentours irisés. Très joli. » Ils se turent de nouveau, profitant du spectacle malgré la fraîcheur de la petite brise nocturne.

Constatant qu’Ethelle était sur le point de claquer des dents, le jeune homme s’enquit, inquiet : « Voulez vous rentrer ?
– Oh non, restons encore un peu. » Répondit-elle. Clay s’approcha d’elle et passa un bras autour de ses épaules. « Ce n’est pas très convenable, commenta sa compagne. Vous feriez mieux de me prêter votre veste.
– Tant pis, lâcha l’ancien Faucheux sans faire mine de bouger. Je ne suis pas une fréquentation très convenable de toutes façons ; c’est dans ma nature. » La jeune femme, loin de s’offusquer, sourit. Elle ramena ses genoux à son menton et s’occupa de contempler le parterre de pensées brillantes, profitant de la chaleur dispensée par la proximité de son compagnon.

Ethelle dressa soudainement l’oreille : elle avait l’impression d’entendre des chants. Elle tourna la tête vers Clay, qui mit un doigt sur sa bouche pour lui intimer le silence. Ils restèrent tous les deux immobiles et silencieux, aux aguets, afin de surprendre les chanteurs, qui qu’ils soient, balayant les alentours du regard. Les voix se turent. Les deux jeunes gens restèrent coi jusqu’à ce qu’il furent convaincus que les chants ne reprendraient pas. La rouquine, déçue de ne pas avoir découvert la provenance de la musique, effleura de son front le creux de l’épaule de son compagnon. « Et si nous retournions nous coucher à présent ?
– Oui… » Acquiesça Clay dans un soupir. Il était aussi tout aussi dépité qu’elle de ne pas avoir pu apercevoir les chanteurs. Il se laissa glisser le long du rocher, jusqu’au parterre de fleurs. Ethelle le suivit et ils rentrèrent au wagon de Simon Derrington. Ce dernier dormait toujours à poing fermé et ne parut pas être dérangé par l’irruption de ses deux hôtes, qui retournèrent discrètement se coucher. Des lueurs et chants plein la tête, ils réussirent néanmoins à s’endormir presque aussitôt.

Ethelle poussa un grognement. Un rayon de soleil heurtait directement ses paupières closes. Elle se tourna dans la direction du canapé pour fuir le rai agressif. C’est alors qu’elle perçut une odeur de pâtisseries et quelqu’un qui chantait. La jeune femme se redressa d’un coup, espérant voir les mystérieux musiciens de la veille qui chantaient vers le parterre de pensées lumineuses. Elle fut ô combien déçue de constater qu’il ne s’agissait que de Simon qui chantonnait pour lui-même, tout en écrivant furieusement dans un de ses carnets. La rouquine se laissa de nouveau tomber sur le matelas et ferma les yeux, cherchant vainement la félicité somnolente qui venait de la quitter. Mais le sommeil l’avait définitivement déserté, à son grand regret. Elle soupira et se leva pour de bon. « Bonjour, lança-t-elle à l’archéologue occupé.
– Que votre jour soit bon également, charmante demoiselle. » Répartit machinalement Simon sans prendre la peine de lever le nez.

La jeune femme se rendit dans l’espace derrière les paravents où elle pouvait avoir un peu d’intimité. Là elle entreprit de se débarbouiller rapidement et de se vêtir de sa robe confortable. Tout en s’habillant, elle se demanda si elle aurait de nouveau l’occasion de porter sa robe des grandes occasions. Le cerceau ne la rendait pas très pratique et la dernière fois qu’elle l’avait portée – lors de son entrevue avec le Comte Thomas Clayton – elle ne lui avait pas vraiment porté chance. En quittant l’abri des paravents, elle failli heurter Clay. Ce dernier lui adressa un regard embrumé et esquissa un sourire de salutations. Puis il la contourna et se rendit à son tour dans la petite salle de bain pour jeter de l’eau sur son visage. Lorsqu’il leva de nouveau la tête, il paraissait bien plus frais et dispo. Ethelle était surprise : elle ne savait pas que l’eau pouvait produire un tel effet. Sur le jeune homme, c’était impressionnant.

Clay ne resta pas longtemps dans la salle de bain. Sous le regard perplexe de la rouquine, il se dirigea ensuite automatiquement vers le comptoir de la cuisine. Simon avait encore cuisiné des cookies et l’ancien Faucheux se jeta dessus, comme la peste sur le pauvre monde et, surtout, comme si il mourrait de faim. Réalisant que, si il continuait de s’empiffrer de la sorte, il ne lui resterait rien, la jeune femme se précipita sur lui. « Hé ! S’offusqua-t-elle vivement. Laisse m’en un peu tout de même !
– Ejolé. » Postillonna-t-il l’air contrit.

 

 

1750 petits mots pour aujourd’hui, ce qui fait quand même un petit peu plus que le quota journalier ^^

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 15

Elle séchait, debout, en pleine réflexion, lorsque quelque chose effleura le dessus de sa tête. La jeune femme sursauta et leva les yeux, apercevant son sac qui pendouillait au dessus d’elle, maintenu par une main masculine qui émergeait du dessus du paravent. « J’ai pensé que cela pourrait vous être utile ! Lui lança joyeusement Simon de l’autre côté du paravent.
– Oh, merci. » Ethelle ne savait pas trop que dire de plus. Sous ses dehors extravagants, cet homme pouvait se montrer prévenant. Sans plus attendre, elle enfila une robe confortable et sortit de l’espace salle de bain.

« J’aime beaucoup votre installation, déclara la rouquine à l’archéologue. Vous avez tout le confort possible ici !
– Je suis ravi que cela vous plaise, se réjouit Simon. Je suis plutôt fier de ma petite maison ; elle est un véritable petit havre de paix mobile.
– Les murs sont bien épais, non ? Remarqua Clay.
– Oh oui ! S’exclama l’archéologue. J’avais besoin de place pour mes livres ! » Il leur fit la démonstration que tous ses murs libres glissaient pour dévoiler des étagères cachées derrière. Celles-ci étaient chargées d’ouvrages sur divers sujets, mais surtout traitant d’antiquité et d’archéologie en général, pour ce qu’Ethelle pouvait en juger. Le bas des étagères était en revanche, non pas empli de livres, mais de matériel divers : cordes, lanternes, moult outils divers aux fonctions pas toujours très claires, et ainsi de suite. La rouquine ne savait pas qu’être archéologue demandait autant de matériel. « En réalité, la seule chose qui manque, ce sont les commodités, continua Simon. Je n’avais pas envie de les avoir dans la même pièce que tout le reste.
– Comment faites-vous dans ce cas ? S’enquit curieusement la jeune femme.
– J’utilise celles du train, en général. » Expliqua l’homme.

Clay hocha la tête. Il paraissait particulièrement emballé par tout ce que leur montrait Simon. « Pour nous rendre à la bibliothèque, nous allons devoir changer de train à la prochaine gare, les informa l’archéologue. Et puis arrivera un moment où nous ne pourrons plus prendre le train. Ce sera le début de l’aventure !
– Irons-nous à pied ? S’enquit le jeune homme.
– Oh, non, nous aurons beaucoup de choses à transporter, ce serait beaucoup trop fastidieux, balaya Simon.
– C’est génial. » Commenta Clay complètement époustouflé. On aurait dit qu’il venait de faire la découverte de sa vie, supposa Ethelle. Il venait de trouver sa voie d’explorateur. Pour sa part, elle ne savait pas trop où elle en était, mais elle décida de profiter de l’instant présent de son mieux. Après tout, voyager avec un archéologue promettait d’être au moins intéressant.

Le voyage jusqu’à la prochaine gare, celle de Covempton, ne dura pas plus de quelques minutes après la fin de leur conversation. Simon les abandonna un instant à l’intérieur tandis qu’il se rendait sur le quai pour parlementer au sujet de sa maison qu’il voulait accrocher à un autre train, qui partait vers le nord-ouest tandis que celui avec lequel ils étaient arrivés partait vers le plein nord. Lorsqu’il revint dans son appartement mobile, il affichait son éternel sourire lumineux. « Tout va bien, les informa-t-il. Nous serons attachés au prochain train demain soir. Cela nous laisse le reste de l’après-midi et demain matin pour visiter les alentours, qu’en dites-vous ? » Ses jeunes hôtes se levèrent avec entrain. Après s’être bien reposés chez Simon, ils étaient impatients de se dégourdir les jambes. Ethelle ne s’était pas posé la question de si elle avait envie de visiter tranquillement la bourgade de Covempton. L’archéologue s’invita lui-même pour accompagner ses nouveaux compagnons de route. Il connaissait bien l’endroit, puisqu’il y avait arrêté sa maison mobile à plusieurs occasions et il leur fit visiter ses endroits préférés à grand renfort d’explications exhaustives.

Simon les emmena un peu à l’extérieur de la ville, pour leur montrer le rocher des fées. Il s’agissait d’une unique formation rocheuse, arrivée là on ne savait comment – même si le folklore parlait de géants, leur confia l’archéologue – entourée d’un champ de pensées multicolores. « Pourquoi appelle-t-on cet endroit le rocher aux fées ? S’enquit Clay.
– Ceci est une excellente question, se réjouit Simon qui adorait qu’on lui pose des questions. Figurez-vous, mon jeune ami, que ces petites fleurs sont appelées des fleurs-féériques et que certains leur prêtent des propriétés magiques.
– En ont-elles ? S’informa Clay qui paraissait prêt à croire que tout était possible depuis que l’archéologue lui avait promis monts et merveilles antiques.
– Je pense que cela dépend du degré auquel on y croit, répondit Simon avec entrain. Mais, qui sait ? Peut-être recèlent-elles vraiment un peu de la magie des fées. Les folklores doivent bien provenir de quelque part. » Il adressa un clin d’œil espiègle au jeune homme qui paraissait ébloui par le champ de pensées multicolores.

« Ou alors, l’esprit des gens est créatif et crédule, suggéra Ethelle qui cueillait un petit bouquet chamarré pour elle-même.
– Ah, vous êtes une personne terre à terre mademoiselle, lui lança l’archéologue avec un sourire. Les gens ont besoin de croire en certaines choses ! » La jeune femme ne répondit pas. Pour sa part elle avait du mal à croire en grand chose pour le moment, mais elle ne demandait qu’à être impressionnée. Le rocher au fées entouré de fleurs était fort joli, mais il lui en fallait plus pour être impressionnée. La rouquine se demanda d’où venait cet esprit désabusé, alors même que les choses allaient mieux pour elle. Peu lui importait ; elle disposait à présent d’un mignon bouquet de pensées qui agrémenterait parfaitement l’appartement mobile de leur hôte.

Un mouvement à côté d’un pan de sa robe lui attira l’œil. Une petite créature fila dans le champ de fleurs. Ethelle la distingua mal car elle se dissimulait derrière les corolles. Mais elle était prête à parier qu’il s’agissait d’une minuscule personne. Ou, du moins, d’une créature qui courait sur deux pattes. La jeune femme esquissa un pas en direction du petit être, sauf qu’il filait trop rapidement et qu’il eut bientôt disparu. Elle ouvrit la bouche pour interpeller ses deux compagnons et la referma. Elle n’avait rien à leur montrer. Et, si elle disait à Clay qu’elle avait vu une mystérieuse créature, il serait convaincu que la magie existait. Ce n’était pas parce qu’il existait de tous petits êtres ou des lucioles à visages ou des salamandres qui produisaient des étincelles, que ces créatures étaient forcément magiques. Après tout, toutes les espèces du monde n’avaient pas encore été découvertes, se souvenait-elle avoir entendu dire l’un de ses professeurs de sa vie d’avant, lorsqu’elle était encore une élève moyennement studieuse de Notre Dame des Roses.

Simon avait eu l’air de penser qu’un dragon pouvait très bien avoir détruit le Titania, mais c’était également ce que pensait Arabella Finley et elle était folle. Ethelle ne se sentait pas sûre d’affirmer que l’archéologue était sain d’esprit. Dans tous les cas, elle était bien déterminée à obtenir des preuves de tout cela. Magie ou pas, elle sentait qu’elle était sur la piste de quelque chose d’important. Elle finirait par savoir pourquoi Charles Morton avait été assassiné. La jeune femme cueillit encore quelques pensées pour compléter les couleurs de son bouquet et leva la tête en direction de ses joyeux compagnons. « Je vais à présent vous montrer une vraie fée ! » Venait de lancer Simon avec entrain. Les deux hommes avaient également ramassé des petites fleurs. Ils s’en étaient ornés un peu partout : en boutonnière, derrière l’oreille et dans le moindre interstice où il était possible d’en faire tenir une. Ils en étaient visiblement très fiers et se complimentaient avec moult courbettes en singeant des personnes de la haute société. L’archéologue s’était, de surcroît, équipés d’éventails de pensées. Se tenant droit et guindé, il se mit à agiter gracieusement ses bras pour imiter le vol d’une fée. Ce faisant, il esquissait des pas de danses plus ou moins grotesques autour des deux jeunes gens. Clay riait de bon cœur. Elle trouvait Simon tellement cocasse qu’Ethelle ne put s’empêcher de rire à son tour. L’apparence fleurie de l’ancien Faucheux ne l’aida pas à reprendre son calme. La rouquine partit dans un irrépressible fou-rire, bientôt accompagnée par les deux hommes fleuris. Pour les imiter, elle piqua quelques fleurs dans ses cheveux.

Ils rentrèrent ainsi au wagon, bras dessus, bras dessous, rieurs et envahis de couleurs aux douces senteurs. Simon leur prépara de quoi grignoter pendant que la jeune femme disposait son petit bouquet au sein d’un verre à whisky propre dans lequel elle avait versé de l’eau. Elle se sentait légère, comme si le fou-rire lui avait enlevé un poids. Ethelle était même sur le point de se mettre à chantonner alors qu’elle arrangeait les pensées dans le vase improvisé. Clay, quant à lui, avait découvert que le comptoir qui séparait l’espace cuisine du reste de la pièce comprenait une planche qui, à l’envie, pouvait se relever pour servir de table ou se rabattre pour ne pas envahir l’espace. Il trouva cela fort ingénieux et, après avoir observé les petits gonds qui permettaient une telle astuce, entreprit de dresser – littéralement – la table pour eux trois. Les voyageurs qui attendaient leur train de la soirée sur le quai voisin devaient se demander qui étaient ces gens qui faisaient la fête dans un endroit aussi saugrenu qu’un wagon remisé sur une voie de stockage. Mais ils ne purent jeter des coups d’oeil indiscrets : Simon avait fermé les épais rideaux de son habitation.

Ils veillèrent assez tard ; l’archéologue était volubile et avait beaucoup d’histoires à raconter. Il leur narra ses débuts dans la profession d’archéologue es explorateur. Comme de bien entendu, il en avait fait voir de toutes les couleurs à son mentor. Mais ses connaissances et sa vivacité d’esprit avaient réussi à compenser son excentricité. Le Simon adolescent, passionné par sa voie, avait fini par passer toutes les certifications avec brio, devenant l’un des plus jeunes archéologues de métier de l’histoire. Son maître avait été fier autant que soulagé que son apprenti obtienne ses diplômes qui le délivraient de sa garde. Le pauvre homme en avait récolté beaucoup de cheveux blancs et s’était déclaré en congés depuis lors, léguant une grande partie de ses affaires à son apprenti survolté. Simon avait publié plusieurs articles, devenant rapidement une sommité dans le domaine de la lointaine antiquité. Il déplorait néanmoins que ses confrères ne l’invitaient que rarement pour des colloques ou conférences et ne paraissait pas comprendre pourquoi ils évitaient sa présence.

Ethelle réalisa que l’archéologue, malgré l’éternel sourire qu’il affichait, était en fait blessé de ce semi-rejet de la part de sa communauté. Ce qu’il avait recherché en donnant tout son cœur à l’ouvrage n’était rien d’autre que la reconnaissance. Il l’avait obtenue dans les faits, mais pas de la manière qu’il avait souhaitée. Simon Derrington était devenu un ponte, certes, mais un ponte dont la présence gênait nombre de ses pairs : il était trop exubérant, envahissant, naturel, enthousiaste, brillant… Peu importait la raison. La jeune femme supposa que c’était pour cela qu’il avait été aussi enchanté de les accueillir, Clay et elle, pour lui tenir compagnie. Il obtenait de l’ancien Faucheux toute la reconnaissance du monde et, même si elle provenait d’un ignare, cela paraissait le combler. La rouquine se promit de donner un peu plus d’attention à l’archéologue ; c’était la moindre des choses qu’elle pouvait lui offrir. En attendant, plus la nuit avançait, plus les conversations perdaient de leur entrain et se posa la question de dormir.

 

 

Aujourd’hui, 1920 mots ! Je prends un peu d’avance pour demain 😛

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 14

– Voulez-vous une petite collation ? Lui proposa leur hôte.
– Volontiers ! S’enthousiasma Clay instantanément réveillé.
– Venez donc, votre amie a laissé de quoi faire. »

Le jeune homme bondit sur ses pieds et vint prendre place à côté d’Ethelle. Avisant l’assiette de cookies, il se jeta dessus, engloutissant le reste avec appétit, sans s’embarrasser d’étiquette. La rouquine le contempla un instant, les yeux écarquillés, puis reprit le fil de ses pensées et tourna de nouveau son attention vers l’archéologue. « Vous disiez, lui lança-t-elle, que vos travaux avaient un rapport avec l’émergence du surnaturel et une civilisation qui aurait disparu.
– Oui oui, c’est tout à fait ce que je disais, acquiesça Simon. C’est vraiment dommage que personne, au gouvernement, n’ait voulu m’écouter. Et pourtant, j’ai essayé à plusieurs niveaux ! » Ethelle ne parvenait pas à s’empêcher de se demander quelles étaient les natures exactes des connections de Simon avec le gouvernement. Un archéologue était-il suffisamment important pour avoir ses entrées à tous les niveaux du gouvernement ?

« Il faut que je retourne à cette bibliothèque pour en savoir plus, continua Simon. J’ai lu quelque chose à propos d’un certain dispositif et j’aimerais bien en savoir plus à ce sujet. Quoiqu’il en soit, je pense que cette civilisation avait atteint un niveau bien plus avancé que le nôtre. En fait, rien que cette découverte ferait un tapage monumental dans le monde de l’archéologie ! Mais nous faisons face à quelque chose de trop grave pour courir après la notoriété et les récompenses…
– Et moi qui pensait que nous étions au summum de la modernité. » Commenta la jeune femme rousse qui avait du mal à concevoir que leur vie n’était pas la plus avancée possible. Ils avaient inventé les zeppelins tout de même ! Et les submersibles, aussi, et tant d’autres merveilles de tecnologie. Que pouvait-il y avoir de plus impressionant que de voler dans le ciel ou de voyager sous l’eau ? Ethelle restait sceptique quant à l’avancement de cette civilisation. Elle supposait que l’archéologue se montrait juste un peu trop enthousiaste vis à vis de sa découverte.

« Nous avons du tout redécouvrir, pointa Simon qui paraissait sérieux lorsqu’il parlait d’un sujet en rapport avec l’archéologie. Nous n’avons juste pas encore eu le temps d’évoluer autant qu’eux.
– Je vois. » Acquiesça Ethelle qui jeta un bref coup d’oeil à Clay. Ce dernier n’écoutait la conversation que d’une oreille, occupé qu’il était à faire un sort aux cookies qui avaient survécu à sa compagne. Mais il levait régulièrement la tête en direction de l’archéologue pour le regarder gesticuler avec passion. « Comment une civilisation aussi avancée a pu être détruite par des créature surnaturelles ? Et elles, ces créatures surnaturelles, d’où viennent-elles ? » Questionna la jeune femme. Leur hôte ne répondit pas tout de suite, se cala de nouveau dans sa chaise et afficha un sourire narquois.

« Vous savez, je dois avouer que même si vous deux ne m’allez être d’aucune aide, cela me fait plaisir de pouvoir enfin discuter de ce sujet avec des personnes qui ne m’envoient pas directement sur les roses.
– Vous nous avez offert le gîte, monsieur, intervint Clay entre deux bouchées. Vous écouter est la moindre des choses que nous puissions faire pour vous remercier.
– C’est vrai, approuva Ethelle qui n’avait pas vu les choses sous cet angle mais qui aimait bien l’idée.
– Vous êtes de sympathiques jeunes gens, estima Simon en leur adressant un sourire lumineux. Bon ! Puisque vous êtes coincés ici avec moi, autant que je mette ce temps à profit pour vous bassiner en bonne et due forme. » Il se leva et s’étira longuement le dos en grimaçant. Puis, il invita ses deux spectateurs à s’installer plus confortablement dans son petit salon. Clay termina le dernier gâteau avant de se lever.

Comme le matin avant qu’ils ne s’endorment, ils prirent tous les deux place l’un à côté de l’autre, Simon face à eux dans l’un des fauteuils. L’archéologue était d’une merveilleuse humeur, il paraissait tout émoustillé d’avoir enfin l’occasion de parler de ses découvertes. Elles lui tenaient visiblement beaucoup à cœur. Ce qui était compréhensible, songea Ethelle, puisque si il avait raison, une civilisation plus avancée avait entièrement disparue à cause de l’émergence des contes de fées dans la vie réelle. Le monde qu’ils connaissaient était en danger, si la jeune femme devait en croire les signes qu’elle avait vus. Comme la luciole qui avait un visage par exemple. Elle ne savait pas trop quoi penser de l’histoire d’Arabella Finley, à propos du dragon qui aurait déchiré le ballon du Titania. Mais cela ne paraissait plus aussi fou tout d’un coup.

« Ah ! Où en étais-je ? Lança joyeusement l’archéologue.
– Vous vous apprêtiez à nous expliquer comment une civilisation avancée avait pu disparaître et d’où venaient les créatures surnaturelles. » Rappela Clay. Captant un regard perplexe de la jeune femme à sa droite, il s’enquit : « Quoi ?
– Hum, je ne savais pas que tu écoutais notre conversation, expliqua Ethelle.
– Oui oui oui, c’était bien cela, continua Simon en ignorant la conversation entre ses deux jeunes hôtes. Pour le moment je ne sais pas d’où viennent toutes ces choses magiques, je dois bien l’avouer. Cela fait partie des raisons pour lesquelles je dois retourner à la bibliothèque. Je dois encore trouver des réponses et essayer de ramener des preuves. C’est un peu compliqué de ramener intacts des ouvrages qui ont plusieurs milliers d’années… C’est un véritable problème. » Il se tut un instant, puis ses yeux brillèrent alors qu’il passait ses souvenirs dans sa tête. « Vous savez, il y a aussi des machines, là-bas. Je rêve d’en faire fonctionner une ! »

Les deux jeunes gens s’entre regardèrent tandis que leur hôte avait l’air perdu dans ses pensées à propos d’antiques machines merveilleuses. « Je n’ai pas tout compris, mais ces découvertes m’ont l’air passionnantes, s’enthousiasma Clay.
-Je ne sais pas… » Ethelle émettait des réserves. Mais si cette histoire de dragon était vraie, cela signifiait certainement que, à un niveau ou à un autre, l’émergence des contes de fées avait quelque chose à voir avec l’assassinat de son père et pas seulement avec la faillite d’AérosTech. Elle ne connaissait pas les détails, bien sûr, mais elle était certaine que la mort de son père était liée quelque part à la faillite de ses trois principaux contributeurs / collaborateurs. La rouquine en étant d’autant plus certaine qu’au moins l’un d’entre eux était également décédé, si elle en croyait les propos d’Arabella Finley. Cela devait forcément avoir un rapport.

Son compagnon, en revanche, avait l’air complètement emballé par tout ce qu’il avait entendu, même si il avait raté tout le début de la conversation. Ethelle supposa qu’il devat voir tout cela comme une merveilleuse aventure en perspective. A cette allure, il s’auto-qualifierait bientôt d’explorateur et deviendrait aussi excentrique que Simon. La jeune femme espéra que cela n’était pas trop contagieux. Néanmoins elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine curiosité vis à vis de toute cette histoire. Et, qui sait, cela pourrait peut-être lui permettre de faire la lumière sur l’assassinat de Charles Morton. Elle s’autorisa un sourire, que Clay prit comme un encouragement. Il s’illumina en retour et lança : « Monsieur, pouvons-nous vous accompagner dans votre exploration de la vieille bibliothèque ?
– Vous voulez m’accompagner dans la bibliothèque ? Répéta l’archéologue. Mais savez-vous au moins lire ?
– Oui évidemment, répondit Ethelle.
– Non. » Répondit en même temps Clay. Comme les deux autres le gratifiaient de regards perplexes, il ajouta : « Mais tout ça m’intéresse, et vous avez parlé de machines, ça a l’air passionnant ! »

Simon hocha la tête avec un sourire. Puis il produisit un petit rire ravi tout en se frottant les mains. « Mes amis, je sens que vous et moi allons bien nous amuser tous ensemble ! » Il se leva pour se mettre à danser une valse tout seul, accompagné par la musique du gramophone qui jouait toujours. « Evidemment, je vais devoir vous enseigner quelques petites choses, chantonna l’archéologue. Mais je suis enchanté d’avoir de petits assistants ! C’est la première fois, j’en suis presque ému ; personne n’avait jamais voulu être mon assistant avant cela, et voilà qu’à présent j’en ai deux ! C’est meeerveilleuuux ! » Il parlait et chantait en même temps, ce qui produisait un étrange effet, qui s’avérait plutôt désagréable à l’oreille raffinée d’Ethelle. Mais l’enthousiasme de l’archéologue était contagieux et elle laissa échapper un sourire. D’autant plus qu’il avait l’air complètement ridicule à danser avec une partenaire imaginaire en chantonnant à moitié l’air délivré par le gramophone. Clay, pour sa part, se mit à rire de bon coeur. Il avait tout de suite trouvé Simon sympathique, cela se voyait, et ne demandait rien de mieux que de partir à l’aventure avec ce joyeux compagnon.

La rouquine, elle, restait très terre à terre et n’avait pas oublié qu’elle avait très envie de prendre un bain. Elle attendit que l’archéologue soit un peu plus calme pour s’enquérir de la possibilité d’ablutions. « Oh, bien sûr ! S’exclama-t-il avec fierté. J’ai un appartement mobile tout confort mademoiselle. Il y a un réservoir entre le plafond et le toit de la voiture, je le fais compléter à chaque gare. Vous pouvez vous rendre derrière les paravents, c’est là que se trouve la salle de bain. » Ethelle le remercia chaleureusement et se glissa aussitôt dans l’abri intime procuré par les grands paravents. Ils dissimulaient effectivement une petite baignoire aux pattes de lion, un petit lavabo et une petite machine cubique avec un hublot en guise d’ouverture, située sous le lavabo. Se désintéressant aussitôt de la petite machine, elle avisa que le robinet pouvait fournir de l’eau chaude aussi bien que de l’eau froide. La jeune femme du se retenir de pousser un petit cri de joie. Elle le camoufla en prévenant les deux hommes de l’autre côté : « Le premier qui vient regarder, je le noie ! »

Elle vérifia qu’elle ne se faisait pas une fausse joie en tournant l’arrivée d’eau chaude. En même temps que l’eau coulait, un bruit de mécanisme qui se mettait en route se fit entendre dans le plafond au dessus d’elle. Puis l’eau devint chaude et, très rapidement, bouillante. Ethelle régla la température en ajoutant de l’eau froide. Se débarrassant de ses vêtements en quelques secondes, elle se plongea sans attendre dans l’eau tiède de la baignoire. La jeune femme laissa échapper un soupir de bien-être, écoutant distraitement Clay et Simon discuter à côté ; apparemment l’archéologue s’était mis en tête d’apprendre à lire à l’ancien Faucheux. Elle avait l’impression de baigner dans le luxe et elle s’empara vivement du savon pour compléter le tableau. La rouquine se frotta la peau jusqu’à ce qu’elle en devienne rouge et que l’eau se couvre de mousse. Une fois qu’elle se trouva satisfaite de son impression d’avoir décrassé le moindre pore de sa peau, elle entreprit de se rincer et de se laver les cheveux.

Ethelle aurait volontiers profité de rester plus longtemps dans l’eau chaude. Mais elle était pudique et ne se sentait pas très à l’aise avec deux personnes séparées d’elle par seulement des paravents. Elle emprunta de quoi se sécher dans l’armoire-lit dont une partie des portes donnait derrière les paravents. Enroulée dans une serviette et en se séchant les cheveux à l’aide d’une deuxième, la rouquine jeta un regard dégoûté à sa fidèle tenue d’équitation. Elle ne comptait pas s’en débarrasser, bien évidemment. Mais ses vêtements mériteraient largement d’être lavés. Debout, au milieu de l’espace offert par les paravents, la jeune femme se demanda soudain comment elle allait pouvoir s’habiller. Il était hors de question de remettre cette tenue crasseuse, mais ses autres affaires se trouvaient dans son sac de voyage, lui-même posé à côté du canapé avec Clay. C’était un problème épineux.

 

 

1971 mots du jour et, non, je ne me suis pas embêtée à faire les 30 mots de plus pour arriver aux 2000, je suis trop flemmarde.

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 13

La jeune femme n’avait jamais vraiment prêté attention à la façon dont se déroulaient les choses. A chaque fois qu’elle avait eu à prendre un train, elle s’était retrouvée dans une voiture étiquetée Salon de la Bonne Société. Ces wagons étaient, comme leur nom l’indiquait, de véritables petits salons à la décoration raffinée. Les personnes aisées qui l’empruntaient pouvaient voyager confortablement installés sur des fauteuils de cuir de bonne qualité, regroupés autour de petites tables rondes qui permettaient de poser diverses collations pour agrémenter le voyage. Des employés du train venaient régulièrement prendre leur commande, leurs pas étouffés sur les épais tapis qui paraient le sol. Dans ces voitures, Ethelle s’était toujours arrangée pour faire face aux grandes vitres qui permettaient de profiter du paysage extérieur. Effectivement, elle ne se souvenait pas que quiconque était venu les importuner pour vérifier leur trajet. Mais dans les conditions où elle voyageait, était-ce vraiment représentatif ?

Les deux jeunes gens restèrent un moment sur la plateforme à profiter du paysage qui défilait sous leurs yeux. Ils assistèrent ainsi à un merveilleux lever de soleil au dessus de la brume matinale qui recouvrait la ville qu’ils venaient de quitter et dont ils s’éloignaient à toute allure. Le spectacle était époustouflant et cette vue réchauffa le cœur des deux spectateurs. La rouquine frissonna. Même si le soleil se levait, la température restait froide malgré sa pèlerine et tout cela s’ajoutait à la fatigue de la jeune femme. « Avons-nous la possibilité de dormir à présent ? S’enquit-elle d’une petite voix.
– Nous allons essayer de trouver un coin où nous coucher. » Acquiesça Clay. Lui aussi paraissait las. Il ouvrit la porte de la voiture et entraîna sa compagne à l’intérieur. Alors qu’elle refermait derrière eux, il s’immobilisa, surpris. Il s’était attendu à trouver l’intérieur d’un wagon de transport et non pas d’un wagon de plaisance.

Celui-ci ressemblait à une véritable habitation. Il était tapissé avec le plus grand soin, tant sur les murs avec des motifs antiques qu’au sol grâce à des tapis qui délimitaient les différentes zones de vie. Un poêle à charbon trônait le long de l’un des murs. Des cadres contenant des clichés, des gravures et même quelques coupures de journaux paraient les cloisons, en plus d’appliques qui diffusaient une douce lumière orangée, certainement en attendant que le soleil dispense suffisamment de clarté pour pouvoir s’en passer. Complétaient le mobilier un petit salon composé d’un canapé et de deux fauteuils, une grande armoire à leur gauche directement en entrant, à côté de laquelle se trouvait un endroit dissimulé par des paravents, une petite cuisine à leur droite et un bureau à l’autre bout qui leur faisait face. A ce bureau, quelqu’un était assis, qui écrivait frénétiquement dans un carnet tout en étant entouré de piles de documents. « Simon ? Lança Ethelle, tout aussi surprise que son compagnon.
– Vous le connaissez ? » S’étonna Clay qui allait de surprise en surprise.

L’archéologue leva le nez de son carnet et considéra les intrus avec perplexité, en papillonnant des paupières. « Oh, nous nous sommes rencontrés au Parlement, mademoiselle, c’est bien cela ? Vérifia Simon.
– Oui, c’est bien cela, confirma Ethelle.
– Je me souviens que notre conversation avait été agréable, ajouta-t-il.
– Je suppose ; vous avez pratiquement été le seul à parler, lui rappela la jeune femme.
– Oh, ceci explique donc cela ! S’enthousiasma l’archéologue. Il est vrai que c’est plus aisé d’avoir une agréable conversation quand on est le seul à parler. Au moins, on est certain que les sujets abordés sont intéressants ! » La rouquine se demanda si ils n’avaient pas quitté la folie de la veuve noire pour se retrouver avec celle de Simon. Avant qu’elle ait eu l’occasion de continuer le fil de ses pensées, celui-ci les accueillit un peu plus chaleureusement. Il se leva et leur désigna son petit salon.

« Venez donc prendre place au lieu de rester debout. » Et, alors que les deux jeunes gens obéissaient après avoir échangé un regard incertain, il reprit : « Voulez-vous boire quelque chose ? Je m’apprêtais à faire du chocolat, pour ma part, je trouve que cela sied bien aux matins compliqués.
– Aux matins compliqués ? Répéta Clay un peu hébété par la situation. Vous avez eu des soucis ce matin vous aussi ?
– Oh, moi non, pouffa l’archéologue. Mais si vous voyiez vos têtes… » Sans attendre les réponses de ses hôtes, Simon se rendit à sa petite cuisine où prépara d’autorité de grandes tasses de chocolat chaud pour tout le monde. Affalé dans l’un des fauteuils, Simon considéra pensivement ses deux intrus. Ils s’étaient tous les deux assis sur le canapé, suffisamment proches pour puiser du réconfort dans la présence de l’autre, mais suffisamment éloignés pour la décence. Un sac de voyage trônait entre eux, à leurs pieds. Les cernes sous leurs yeux marquaient leur épuisement, remarqua-t-il. Ils étaient visiblement ravis de coller leurs mains sur les tasses chaudes et de boire le liquide tout aussi chaud qu’elles contenaient. L’archéologue constata que la jeune femme buvait par petites gorgées précautionneuses. Une fois qu’ils eurent l’air détendus, Simon reprit la parole :

« Vous ne m’avez toujours pas dit qui vous étiez, ni ce que vous faisiez chez moi.
– Je suis Clay et voici Ethelle, les présenta le jeune homme tandis que sa compagne restait silencieuse à profiter du breuvage chaud. Nous cherchions un endroit où dormir et… Pour être honnête, je ne m’attendais pas à tomber chez quelqu’un en entrant ici.
– Ah, oui, j’imagine, pouffa l’archéologue. C’est bien normal ; il semblerait que je sois l’une des rares personnes en ce monde à avoir pensé à faire l’acquisition d’un wagon entier dédié à mon seul usage personnel. C’est donc peu courant de tomber sur une voiture-appartement !
– Je suppose que vous avez choisi une telle habitation parce que vous voyagez beaucoup, n’est ce pas ? S’enquit Ethelle avec curiosité.
– C’est exactement cela, confirma Simon avec un sourire. Cette petite maison convient parfaitement à mes besoins d’explorateur. Dès que le train où est attachée mon habitation arrive en gare, je peux demander à la changer de train. Ainsi je peux avoir un petit pied à terre un peu partout où on peut trouver une gare, n’est ce pas intelligent de ma part ? »

Il avait l’air particulièrement fier de lui. Ethelle lui offrit un sourire poli. Elle trouvait que l’idée était ingénieuse, effectivement, mais elle n’avait pas envie de trop encourager quelqu’un qui paraissait déjà naturellement aussi fier de lui-même. Clay, quant à lui, hocha la tête d’un air impressionné. « Pardonnez ma franchise, reprit l’archéologue, mais vous n’avez pas une très bonne mine ni l’un, ni l’autre. Je crains que cela ne vous rende de mauvaise compagnie ; ne voudriez-vous pas dormir ?
– Dormir… » Soupirèrent-ils écho l’un de l’autre. Les mines pleines d’espoirs qu’ils affichèrent en dirent long sur ce qu’ils pensaient de la proposition de leur hôte un peu excentrique. Celui-ci se mit à rire de bon cœur. « Quelle coïncidence ! S’exclama-t-il ensuite. J’ai encore du travail à faire avant de profiter du voyage. Vous pourriez dormir pendant ce temps. »

Les deux jeunes gens s’entre regardèrent. La proposition était généreuse. Ils avaient du mal à croire qu’elle était désintéressée, mais ils étaient vraiment fatigués. Et, tant que le train était en marche, ils ne craignaient pas grand chose en réalité. Ils acquiescèrent. Simon sourit, se rendit vers son armoire dont il ouvrit le milieu, qui bascula pour former un lit et se tourna de nouveau vers ses intrus. « Voici de quoi dormir pour l’un d’entre vous, l’autre pourra bénéficier du canapé. Je dors souvent dessus aussi, il est très confortable, je peux vous l’assurer ! » Ethelle se dirigea vers le lit, sans même demander à Clay son avis. Cela semblait une éternité à la rouquine depuis la dernière fois qu’elle avait du dormir dans un vrai lit. Le jeune homme ne s’en offusqua pas le moins du monde. L’idée du canapé paraissait très bien lui convenir. A peine eurent-ils posé la tête et fermé les yeux qu’ils s’endormirent aussitôt, bercés par le rythme du train. Simon, lui, retourna à son bureau.

 

Ethelle baignait dans une moelleuse félicité. Sa conscience était très vague, mais elle se sentait bien et avait envie que cette sensation dure pour toujours. Oh, et il y avait même de la musique. Elle n’avait pas réalisé à quel point cela lui avait manqué. Ses yeux étaient toujours fermés, mais sa conscience avait émergé du sommeil. Entrouvrant une paupière, elle comprit que la musique provenait d’un gramophone. Elle la referma, bien décidée de profiter encore du confort d’un véritable lit, avec le luxe d’une ambiance musicale. La rouquine avait presque l’impression d’être de retour dans sa chambre de son ancienne vie et s’attendait à ce qu’une domestique vienne la tirer du lit. Ce qui ne se produisit pas ; elle s’en trouva presque déçue.

S’étirant, elle décida qu’elle pouvait se réveiller totalement. Après tout, elle ne savait pas lorsqu’ils parviendraient à une gare et, si ils étaient dans une relative sécurité tant que le train roulait, elle s’inquiétait toujours de leur sort si Simon ne se montrait pas aussi bienveillant qu’il le paraissait. Elle s’étira de nouveau et s’assit sur le lit en tailleur. A son déplaisir, elle constata qu’elle s’était couchée dans sa tenue d’équitation qu’elle portait depuis la veille et la jeune femme n’aimait pas l’odeur que son corps commençait à produire. Maintenant qu’elle avait eu droit au luxe du lit, elle se disait qu’elle profiterait bien du luxe d’une baignoire. Mais la rouquine ne savait pas si c’était possible dans un train. « Bonjour, mademoiselle ! » La salua, de son bureau, Simon avec une voix chantonnant l’air du morceau en train de passer par le gramophone. Il avait visiblement arrêté de travailler et, les pieds croisés entre deux piles de papiers, l’archéologue prenait sa pause en buvant un liquide ambré. « J’espère que vous avez bien dormiii ! Continua-t-il sur le même mode.
– Fort bien, merci beaucoup. »

La jeune femme se leva du lit et fit quelques pas en direction de Simon qui chantonnait en buvant. Elle remarqua que Clay dormait encore profondément sur le canapé, un bras et une jambe quasiment par terre. Lui aussi avait eu grand besoin de récupérer Si ça se trouve, il avait même encore moins eu l’occasion de se reposer qu’elle, la nuit précédente. « Combien de temps ai-je dormi ? S’enquit Ethelle.
– Pluuusieurs heures ! Chantonna le joyeux archéologue. Nous avons déjà passééé laaa gaaare de Rotherby hy hy tudum laaa !
– Etes-vous obligé de chanter ?
– Oh oui, lui assura Simon avec sérieux. Il faut toujours exprimer sa joie, c’est important.
– Et pour quelle raison êtes-vous si joyeux ? S’informa la jeune femme.
– Je ne le suis pas, s’assombrit l’archéologue en terminant son verre d’une longue gorgée. Mais j’essaie de m’en convaincre : je suis bien plus performant lorsque je suis de bonne humeur.
– Mmhmm, je vois. » Commenta platement Ethelle.

Leur hôte lui semblait au moins aussi excentrique que lorsqu’elle l’avait rencontré au Parlement, la veille. Elle se souvenait qu’il avait pris de manière littérale l’expression « prendre la porte ». Bien sûr, elle supposait qu’il avait fait une telle chose juste pour faire enrager la femme qu’il était allé voir. Elle préférait cette explication à celle qui sous-entendrait que Simon avait un jour pris un coup sur la tête, le rendant simplet. Il s’agissait là de sa deuxième hypothèse. Quelle que soit la véritable explication derrière l’attitude loufoque de l’archéologue, elle lui était reconnaissante de leur avoir fourni un abri et, surtout, de ne pas s’être débarrassé d’eux lors de l’arrêt à la gare de Rotherby. Pour cela, elle estimait qu’elle pouvait lui accorder sa confiance.

Il lui fit signe de venir prendre place en face de lui. Elle obtempéra et s’assit sur une chaise rembourrée devant le bureau. « Je me souviens que nous avions parlé de surnaturel, vous et moi, lui dit Simon sur un ton plus sérieux.
– Je m’en souviens également, acquiesça la jeune femme qui avait du mal à se concentrer tant elle pensait à combien il serait agréable de prendre un bain.
– Vous aviez paru un peu sceptique sur le moment, continua-t-il, mais quelque chose me dit que vous avez été témoin de l’existence de créatures qui semblent issues de contes de fées.
– Oui, en effet, mais je n’étais pas vraiment moi-même à ce moment là…
– Peu importe, balaya l’archéologue avec bienveillance. Vous avez quand même vu certaines choses, même si vous avez du mal à le croire. Et je comprends ! J’ai eu beaucoup de mal à le croire moi aussi. »

Sous le regard perplexe d’Ethelle, il lui sourit. Puis, il poussa une assiette de cookies dans sa direction et lui servit, dans un verre propre, un doigt du liquide ambré qu’il buvait un peu auparavant. Comme elle avait l’air hésitante, il l’encouragea : « Mangez d’abord ; c’est un peu fort alors il ne vaut mieux pas être à jeun. » Cela rappela à la rouquine qu’elle avait une faim de loup. Seule sa bonne éducation bien ancrée l’empêcha de se jeter sur l’assiette pour engloutir tous les gâteaux d’un coup. Elle mangea tout de même la moitié du contenu de l’assiette avant de parvenir à s’arrêter. La jeune femme leva un regard gêné sur son hôte, mais celui-ci se contentait de la gratifier d’un air bienveillant. Elle testa ensuite le liquide ambré. Juste une petite gorgée. Et elle fit bien. L’alcool – un whisky âgé estima-t-elle – était vraiment fort et elle n’avait pas l’habitude. N’ayant que dix-sept ans et, par là même, n’ayant pas officiellement le droit d’en boire, la jeune femme n’avait pas eu l’occasion de se forger le palais. Elle perçut une chaleur lui monter presque instantanément au visage et le feu envahir sa bouche et sa gorge. Une fois la chaleur passée, elle put enfin profiter du goût tourbé.

« Haha ! S’esclaffa Simon. Il est bon, n’est ce pas ?
– Très. » Confirma Ethelle qui, même si elle n’en avait pas l’habitude, n’avait eu l’occasion de goûter que les meilleurs alcools possibles. « Vous disiez que vous aviez des preuves de l’existence de ces… choses surnaturelles ?
– Oh oui, confirma l’archéologue. Il y a quelques années, j’ai découvert le site d’une bibliothèque antique. Elle était même bien plus qu’antique, comme j’ai pu m’en rendre compte en l’explorant.
– Comment cela, plus qu’antique ?
– Je pense que la bibliothèque que j’ai découverte est antérieure à l’antiquité que nous connaissons.
– Mais comment est-ce possible ? S’étonna la jeune femme. Je croyais qu’avant l’antiquité il n’y avait que la préhistoire. »

A l’école de jeunes filles Notre Dame des Roses, Ethelle avait bénéficié de la meilleure éducation possible en ville. Mais l’histoire n’avait pas été l’une de ses matières de prédilection et ses connaissances de la période pré-antiquité étaient assez floues. « C’est un peu plus compliqué que cela en réalité, lui apprit Simon. Mais peu importe : je subodore que cette bibliothèque est, de vraiment beaucoup, antérieure à notre antiquité. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a eu cette civilisation qui a disparu il y a bien longtemps, suite à une catastrophe. De ce que j’ai compris, ils avaient trouvé une solution, mais elle est arrivée trop tard. Ils devaient aussi avoir des problèmes politiques qui n’ont pas aidé, mais je n’ai pas eu le temps de tout comprendre, encore. Il faut dire que leur langue est terriblement ancienne ! Heureusement que je connais les langues mortes comme si elles étaient vivantes, sinon je n’aurais jamais réussi à en comprendre autant.
– Et quel rapport avec le surnaturel ? » S’enquit la rouquine une peu perdue.
L’archéologue ne répondit pas tout de suite. Il s’assit correctement sur sa propre chaise, enlevant les pieds de son bureau. « Et bien… » Commença-t-il, mais il fut interrompu par un bruyant bâillement provenant du canapé. Clay se redressa et, regardant tout autour de lui d’un air éperdu, il demanda :

« Où sommes-nous ?
– Vous êtes dans mon appartement mobile, l’informa Simon avec bonne humeur. Votre jeune amie est déjà réveillée et nous étions occupés à discuter. J’espère que nous ne vous avons pas trop dérangé ?
– Non, ça va.

 

 

2710 mots, ça aura été un week end de bon rattrapage de retard. J’ai moins de 1000 mots de retard à rattraper maintenant 😛

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 12

« Toi, là, décréta Tina à la jeune femme. Je ne t’aime pas beaucoup.
– Je pense qu’on peut dire que c’est réciproque, commenta la rouquine tandis que Clay dissimulait un petit rire sous une toux mal imitée.
– Au moins, nous sommes d’accord sur un point, concéda la blondinette en jetant un regard assassin au jeune homme. Mais j’ai fait une erreur. Je sais reconnaître mes erreurs. Je vais donc t’aider à t’en aller d’ici.
– Merci. » Ethelle se permit de sourire au petit visage déterminé encadré de cheveux blonds en pagaille. Tina écarquilla les yeux, surprise, puis se reprit rapidement, fit volte face et imprima une cadence rapide en grommelant quelque chose qui ressemblait à « Suivez-moi » dans sa barbe. Les deux plus grands lui emboîtèrent le pas aussitôt.

L’adolescente bifurqua rapidement dans un couloir plus petit, qui menait à un escalier de service. La rouquine supposa que la plupart des Faucheux, enchantés de vivre dans un tel confort qui dépassait tout ce qu’ils avaient pu imaginer, ne s’étaient même pas intéressés à toute la zone dédiée au personnel. Sauf Tina qui, curieuse, avait certainement du explorer la nacelle du zeppelin de fond en comble. L’escalier les mena effectivement aux quartier des employés. L’adolescente les prévint de se montrer particulièrement précautionneux alors qu’ils passaient à côté des cuisines. Celles-ci, contrairement au reste de la zone du personnel, étaient occupées par des Faucheux qui s’occupaient des repas de la veuve noire et de leurs congénères. Ils n’eurent pas besoin de faire très attention. Ceux qui se trouvaient dans les cuisines étaient bruyants et rieurs ; personne ne pouvait entendre leurs pas. La blondinette les mena jusqu’à une réserve qui n’avait jamais rien du contenir, mais au bout de laquelle se trouvait un sas qui ouvrait sur l’extérieur. « Personne ne vient jamais ici, leur chuchota-t-elle. C’est ma sortie de secours. » Ethelle approuva intérieurement la prudence de la petite blonde déterminée. Même dans son palace de rêve, elle avait su garder la tête froide et s’était prévu une porte de sortie. Ce qu’elle-même, elle devait bien l’avouer, n’avait pas su faire pendant toute sa vie où elle avait profité de l’aisance conférée par la situation de son père. A sa décharge, elle se précisait tout de même qu’on ne lui avait jamais donné aucune raison de croire qu’elle aurait besoin d’une porte de sortie un jour.

Tina ouvrit la porte du sas, qui grinça lorsqu’elle la fit tourner sur ses gonds. En dehors de la nacelle, tout était sombre, les éclairages de l’intérieur ne parvenant pas à éclairer très loin à l’extérieur. Comme il n’y avait pas les marches prévues pour se rendre jusqu’au sol en contrebas, Clay sauta lestement à l’extérieur. Pour Ethelle, c’était une autre paire de manche. Ne voyant pas le sol en bas, cela lui nouait le ventre de devoir sauter dans le vide. Mais, ne voulant pas passer pour une personne faible face à Tina la têtue, elle s’assit sur le bord, prit une inspiration et se laissa tomber en s’efforçant de ne pas pousser de petit cri. Le jeune homme l’accueillit en bas, lui prenant la main pour qu’ils ne se perdent pas dans l’atmosphère sombre du hangar. Ils voyaient l’ombre de la blondinette se découper, au dessus d’eux, sur la lumière qui provenait de la réserve. Elle leur fit un signe de la main. « Merci ! Lui lança Clay dans un chuchotement. Je te revaudrai ça !
– Partez ! » Siffla l’adolescente en claquant le sas et le reverrouillant de l’intérieur.

« Hum, hésita le jeune homme. Je sais que nous étions pressés, mais j’aurais peut-être du prendre de quoi partir en voyage. A part ce qu’il y a dans ton sac, nous ne sommes pas exactement parés pour partir où que ce soit.
– Je… » Commença Ethelle, mais elle fut interrompue par un soudain éclat de voix provenant de l’intérieur de la nacelle. Elle ne savait pas si cela les concernait ou pas, mais une soudaine inquiétude l’envahit. Clay devait aussi s’inquiéter un peu : il lui prit de nouveau la main et l’entraîna rapidement vers les parois du hangar. La rouquine ne savait pas comment il faisait pour se repérer aussi bien dans la pénombre ambiante. Mais cela lui était égal : cela lui convenait très bien de le suivre aveuglément. Presque littéralement, d’ailleurs.

Ils parvinrent à la cloison sans que personne n’ouvre de nouveau le sas de Tina ou que qui que ce soit ne sorte de la nacelle de l’aérostat inachevé. Le jeune homme les fit passer derrière d’immenses amoncellements de caisses, pour les dissimuler à d’éventuels regards qui pourraient provenir du zeppelin. Ceci fait, il rendit à sa compagne son sac de voyage et la guida le long des murs, à la recherche d’une porte de service qu’il connaissait. Il espérait juste qu’il se dirigeait dans la bonne direction. Tout en tâtant la cloison de sa main à présent libre, il ne pouvait s’empêcher de se morigéner sur son manque de prévoyance. Les premiers jours allaient être compliqués. Ils allaient devoir quitter la ville – la veuve noire ne lançait jamais des menaces en l’air et il le savait fort bien – mais il n’était pas un spécialiste de survie en milieu non citadin. Et il doutait qu’Ethelle ait quelque connaissance que ce soit dans ce domaine non plus. Il était assez évident que, comme la veuve noire, cette jeune femme rousse était une personne intialement riche et à présent désargentée. Les personnes de ce genre là n’avaient aucune notion de survie. Ni même de vie réelle en général, lui avait-on toujours répété.

Il trouva enfin la sortie qu’il cherchait. Soulagé, il s’immobilisa et tendit l’oreille pour vérifier que tout était calme. Aucun bruit suspect ne troublait la tranquillité de l’extérieur de la nacelle. Le jeune homme enleva la barre qui empêchait la porte de s’ouvrir et ils se glissèrent tous les deux à l’extérieur. Il faisait toujours nuit et les alentours des entrepôts n’étaient plus éclairés à présent que plus personne n’y travaillait. Tenant toujours fermement la main d’Ethelle, Clay referma la porte, la bloqua et entraîna sa compagne loin du quartier des entrepôts. Plus ils s’éloignaient du centre de la ville, plus la rouquine ralentissait. Ils s’arrêtèrent dans une ruelle mal éclairée et le jeune homme lui demanda : « Que se passe-t-il ?
– Nous partons ? S’enquit Ethelle en retour.
– Oui, confirma-t-il. Nous n’avons pas vraiment le choix, je suppose. Mis à part si vous connaissez une solution pour continuer de vivre en ville en évitant la colère de la veuve noire ? »

La jeune femme ne répondit pas tout de suite. Elle n’avait plus beaucoup de solutions possibles en tête. La seule personne qui avait accepté de lui prêter assistance avait bien voulu le faire, seulement parce qu’il ne s’était pas directement impliqué. Et, en parlant de l’hypothétique mariage d’avec Nicolas Merryweather, plus elle y songeait, moins elle avait envie de s’enfermer là dedans. D’un coup, l’abattement la saisit. Ethelle leva la tête vers cet inconnu qui était à peu près le seul à bien vouloir l’épauler. « Je ne sais pas quoi faire, avoua-t-elle.
– Je n’ai pas trop d’idées non plus, lança Clay en souriant. Mais, ce dont je suis certain pour le moment, c’est que nous devons mettre le plus de distance possible entre nous et la veuve noire. Je ne sais pas à quel point vous la connaissiez, mais elle est vraiment dangereuse.
– Je ne la connaissais que très peu. Mais j’ai entendu des rumeurs à son propos et elle ne m’inspire pas confiance.
– Voilà pourquoi nous devons quitter la ville. »

Ethelle se tut de nouveau. Les propos de son compagnon paraissaient logiques, bien sûr. Mais l’idée de quitter la ville l’angoissait. Elle en était pourtant déjà sortie à de multiples reprises. Pour des vacances au bord de la mer par exemple. Ou lors de voyages formels où elle avait accompagné son père dans d’autres villes un peu partout. Sauf que cette fois, il y avait un petit air de définitif qui l’effrayait. Elle ne savait pas trop comment l’expliquer à Clay sans qu’il ne la trouve ridicule. « Tout va bien se passer, lui assura Clay avec toute la conviction dont il était capable.
– Vraiment ? S’enquit-elle, sceptique.
– Mais oui, j’en suis certain, ajouta-t-il. Nous ne nous connaissons pas encore, mais nous sommes ensemble. Et à deux, c’est toujours plus facile, n’est ce pas ? » Ethelle acquiesça. En réalité, elle ne savait pas vraiment si c’était toujours plus facile à deux. Mais l’idée de ne pas rester toute seule la rassurait beaucoup, la jeune femme devait bien l’avouer. Surtout si elle devait s’en aller pour une durée indéterminée qui pouvait, potentiellement, durer toute la vie. Comme le lui avait précisé Clay, elle et lui ne se connaissaient pas. Ils s’étaient rencontrés deux fois et demi. La demi étant pour la fois où il avait volé son ancienne amie Anna, qui venait de la rejeter comme une malpropre. Cet évènement à lui seul lui rendait le jeune homme plus sympathique.

« Allons-y, dans ce cas, décida la rouquine un peu plus confiante. J’espère que vous avez une idée d’où nous allons.
– Aucune, confessa le jeune homme avec entrain en reprenant son chemin vers la sortie de la ville.
– Aucune, vraiment ? » Ethelle lui emboîta le pas. Elle soupira et, décidant de voir le bon côté des choses, elle haussa les épaules et reprit : « Fort bien, cela ressemblera à un roman d’aventures je suppose.
– Je ne sais pas pour le roman, précisa Clay qui n’avait pas d’idée précise de ce dont il s’agissait, mais pour l’aventure c’est certain ! » Il paraissait enthousiaste et cela contribua, de beaucoup, à faire se sentir mieux sa compagne de voyage. Pour continuer d’alléger son humeur, il lui prit de nouveau le sac de voyage des mains.

Pendant qu’ils entreprenaient de sortir du milieu citadin, ils avaient commencé à discuter. L’un et l’autre se sentaient plus à l’aise en faisant connaissance et de converser rendait la nuit moins lugubre, sous l’éclairage de plus en plus rare des lampadaires à gaz. Clay raconta comment, livré à lui-même assez tôt dans la vie, il s’était retrouvé sous l’aile inquiétante mais confortable de la veuve noire, l’aidant à tisser sa toile dans toute la ville. Il n’avait pas eu l’intention de travailler pour elle toute sa vie durant. Pour lui, il ne s’agissait que d’une activité temporaire, il comptait bien faire autre chose de sa vie. Voyager, par exemple, lui convenait parfaitement. Bien sûr, il avait prévu d’organiser un peu mieux ses pérégrinations et non de partir comme un voleur sur un coup de tête. Mais d’avoir saisi cette occasion paraissait lui convenir. Ethelle, quant à elle, expliqua que son père avait été la cible d’un scandale orchestré de toutes pièces et tué. Elle s’étendit sur combien elle se sentait frustrée de ne pas avoir l’occasion de prouver tout ça.

« Il vaut mieux que je tire un trait là-dessus de toutes façons, soupira-t-elle. Puisque nous devons aller loin, je ne vais plus vraiment avoir aucune chance de laver le nom de Morton de quelque manière que ce soit. Ce qui n’est pas très grave, puisque je vais certainement devoir changer totalement de vie.
– Bah, on ne sait jamais, philosopha le jeune homme. Nous aurons peut-être l’occasion d’élucider tous ces mystères qui entourent ta famille.
– J’en doute, surtout si nous partons loin, contra Ethelle. Les indices et les informations doivent toujours être en ville. Et les personnes qui m’intéressent qu’elles soient au courant sont en ville aussi.
– Je croyais que vous n’aviez plus de soutien là bas ? S’étonna Clay.
– Oui, c’est vrai… » Soupira une nouvelle fois la jeune femme.

Elle n’avait pas encore tranché si cela valait vraiment le coup d’innocenter son père pour retrouver ses anciens amis. Ils lui avaient prouvé qu’ils n’étaient pas vraiment amis, alors rien ne disait qu’ils l’accueilleraient de nouveau. Et est-ce qu’elle voulait vraiment être accueillie par de telles personnes, ça elle était sûre que non. Alors, quel serait l’intérêt de lutter pour laver le nom des Morton, elle ne l’avait pas encore déterminé. La rouquine savait juste que si elle en avait l’opportunité, elle le ferait, tout en sachant pertinemment qu’il s’agissait peut-être juste d’une utopie. Enjambant des rails à la suite de son compagnon, elle bailla. « Il faudrait peut-être que nous réfléchissions à dormir, non ? Proposa Ethelle.
– Oui, approuva Clay, je suis fatigué moi aussi. J’aimerais attraper un train avant.
– Attraper un train ? »

Un sifflement annonçant l’approche d’un train retentit. Ecartant la jeune femme de la voie ferrée, le jeune homme lui sourit. « Oui, ce train par exemple.
– Comment allons-nous faire une chose pareille ?
– A cet endroit, il ralentit, expliqua-t-il. Si nous réussissons à monter, nous pourrions voyager très loin sans nous fatiguer.
– N’est ce pas dangereux ? S’inquiéta Ethelle.
– A peine, balaya Clay. Pas autant que si nous étions restés avec les Faucheux.
– D’accord. » Acquiesça la jeune femme en rassemblant sa détermination. Heureusement que son compagnon portait toujours ses affaires ; elle pensait qu’elle aurait besoin de ses deux mains si elle voulait réussir à grimper sur un train en marche.

Le train s’approchait d’eux, ils le distinguaient à présent. Doté d’une majestueuse locomotive, il roulait à une vitesse qui semblait faramineuse à Ethelle. « Je ne sais pas si je vais y arriver, commença-t-elle à paniquer.
– Mais si, c’est beaucoup plus facile que ça en a l’air, lui assura le jeune homme. Et puis je suis là pour vous aider.
– Tu as intérêt. » Lança la rouquine, tellement angoissée qu’elle était passée au tutoiement sans s’en rendre compte. Bien évidemment, elle n’avait jamais essayé de prendre un train en marche ; l’idée lui nouait l’estomac. La locomotive les dépassa. Comme l’avait prédit Clay, le train ralentissait. Plus les wagons passaient devant eux, moins l’idée de grimper sur l’un d’entre eux semblait saugrenue, ce qui rassura la jeune femme.

« Nous prendrons le dernier, l’informa son compagnon. Ca sera le plus simple. » Ethelle hocha la tête pour montrer qu’elle avait compris et s’efforça de se tenir prête. Elle réalisa avec stupeur qu’elle n’était plus inquiète, mais plutôt excitée à l’idée de faire une chose qui sortait à la fois de l’ordinaire et à la fois semblait risquée. Le dernier wagon approchait et, au signal de Clay, la jeune femme bondit. A sa grande surprise, mêlée de fierté, elle se retrouva facilement sur la plateforme arrière. Le jeune homme la suivit aussitôt. « Alors, ce n’était pas si compliqué, n’est ce pas ? Jubila-t-il.
– C’était merveilleux ! S’exclama-t-elle toute émoustillée par l’expérience.
– A ce point ? S’étonna son compagnon.
– Oh oui ! Je n’avais jamais fait une chose pareille, expliqua Ethelle. Nous prenons ce train dans l’illégalité, n’est ce pas ?
– Oui, confirma Clay. Mais nous ne risquons rien, personne ne viendra vérifier que nous ne sommes pas montés sur ce train en gare.

 

 

2501 mots pour aujourd’hui, et rebim dans la tête du retard !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 11

– Tout à fait, approuva la rouquine avec les joues encore rougies par l’émotion. Mais votre oncle n’est pas décédé de ce que je sais, pourquoi vous retrouvez-vous ici ?
– Il est mort avant-hier, l’informa platement la veuve noire. De folie d’après le diagnostic des médecins.
– Est ce vraiment possible de mourir de folie ? S’étonna Ethelle.
– Je ne pense pas. » Elle but une gorgée de thé. « Je pense que ce sont les fées. » La jeune femme rousse ne répondit pas à cela. Elle porta à son tour la tasse à sa bouche. Le thé était à la température idéale et parfaitement infusé. Elle mit à profit cette gorgée pour réfléchir rapidement. Il était vrai que beaucoup de choses étranges avaient eu l’air de se produire dernièrement. Malgré cela, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un certain malaise face à Arabella Finley.

Ethelle n’avait jamais eu d’atomes crochus avec cette personne. Et, bien sûr, il y avait les rumeurs qui lui revenaient à l’esprit. Elles disaient que celle qui était maintenant la veuve noire était une dangereuse lunatique. Orpheline, elle avait été recueillie par son oncle Jeremiah Finley. Mais il se disait sous cape qu’en même temps qu’Arabella grandissait, la maison Finley avait de plus en plus de mal à garder ses employés, exception faite du majordome de la maison qui était là avant même que le directeur d’AérosTech ne s’y installe. Elle avait une réputation de lunatique et d’aucuns racontaient que l’oncle Jeremiah était obligé de payer ses domestiques plus qu’ailleurs si il voulait continuer de profiter de leurs talents. Même ainsi, les employés allaient et venaient, ne restant jamais longtemps.

Une question surgit soudain dans l’esprit de la rouquine. Les domestiques de la maison Finley ne faisait pas long feu, mais Arabella avait tout de même réussi à s’entourer de toute une volée de Faucheux. Sans compter le mystérieux majordome qu’Ethelle soupçonnait être celui là même de la maison du directeur d’AérosTech. Celle-ci devait avoir été saisie, comme la maison Morton, supposa la jeune femme rousse. Mais toutes ces réflexions ne l’aidaient pas à trouver une façon de se positionner vis à vis de l’étrange veuve noire. Heureusement, cette dernière reprit la parole. « Comment trouvez-vous ce que j’ai fait de cet endroit ?
– Oh, c’est charmant, lui assura automatiquement Ethelle. Comment avez-vous fait pour trouver le mobilier et la vaisselle ?
– Tout était entreposé ça et là, expliqua Arabella. Mes Faucheux n’ont eu qu’à se baisser pour ramasser et suivre mes instructions pour tout installer.
– Comment avez-vous trouvé vos… Faucheux ?
– Oh, ça et là également. J’ai fait la connaissance de plusieurs d’entre eux avant la ruine d’AérosTech. Certains m’aidaient pour certaines… Affaires. Ensuite, nous avons fini par former une petite organisation. Pas aussi lucrative que celle de mon oncle Jeremiah, bien entendu, mais nous faisons notre petit bonhomme de chemin. »

Ethelle n’était pas certaine de vouloir comprendre ce que sous-entendaient certains des propos de la veuve noire. La jeune femme se disait que, si ça se trouve, ce nom de veuve noire était plus évocateur que ce qu’elle pensait de prime abord. Elle regrettait de ne pas avoir prêté plus attention aux rumeurs impliquant mademoiselle Finley, mais elle commençait à saisir pourquoi cette trentenaire n’avait jamais trouvé de parti, dans un environnement où les gens aisés se mariaient pour nouer des alliances. Arabella lui sourit. Elle semblait bien l’apprécier, mais la rouquine avait bien peur que ça ne soit pas réciproque. Il allait falloir qu’elle prenne congé. Elle préférait encore tenter le mariage avec Nicolas Merryweather proposé par Thomas Clayton, le vieil ami de son père. « Vous pouvez rester avec nous, si vous le souhaitez, lui proposa la veuve noire. Je suis certaine que vous seriez une remarquable addition à mes petits Faucheux.
– C’est une proposition généreuse, concéda Ethelle. Malheureusement, je vais devoir décliner votre offre, mademoiselle Finley.
– Oh, en êtes-vous certaine ? » S’enquit Arabella. Elle avait l’air très déçue et posa sa tasse un peu trop fort dans sa soucoupe.

La jeune femme rousse fit appel à tout son flegme pour ne pas s’emporter. Elle était fatiguée – il se faisait tard et elle manquait de sommeil – et en avait assez que les choses ne se déroulent pas selon sa volonté. « Oui, tout à fait, maintient-elle. J’ai beaucoup de choses de prévues demain. Bien sûr, je remercie vos Faucheux de m’avoir tirée d’un mauvais pas durant l’incendie du parc des Deux Ormes et je vous suis particulièrement reconnaissante pour le thé ! Mais toutes les meilleures choses ont une fin.
– Elles n’ont pas à s’arrêter forcément ainsi, précisa la veuve noire. Je serais vraiment déçue si vous vous en alliez. Il y a assez de place ici pour que vous ayez un appartement à votre disposition, vous savez.
– Vous êtes une personne généreuse, prête à partager le peu qu’il vous reste, la flatta Ethelle. Je dois dire que l’on ne peut pas en dire autant de la plupart de nos autres confrères de la bonne société. »

La dernière phrase était en toute franchise. Arabella inclina la tête en signe d’acceptation du compliment. La jeune femme rousse avait appris que complimenter les personnes qui n’étaient pas de son avis arrondissait les angles et cela lui permettait souvent d’obtenir d’eux bien plus que si elle s’emportait. Elle espérait que cette astuce fonctionnerait aussi sur l’inquiétante mademoiselle Finley. Si la veuve noire était aussi dérangée que le laissaient croire les rumeurs, il n’y avait aucune garantie. « Vous êtes une personne bien plus intéressante que nos confrères que vous avez mentionnés, mademoiselle Morton. Pour cette raison et beaucoup d’autres, je ne peux pas vous laisser partir.
– Pourquoi donc ? S’enquit Ethelle qui sentait la moutarde lui monter au nez.
– Parce que vous savez qui je suis, expliqua Arabella. Normalement, la seule chose que savent la police et la presse sur la personne qui dirige les Faucheux est le surnom de Veuve Noire. Si ils savaient qui je suis, ils aurait très rapidement l’idée de venir fouiner par ici. Je ne peux pas vous laisser partir.
– Pourtant, certains de vos Faucheux doivent bien connaître votre identité, argumenta la rouquine.
– Mes Faucheux habitent ici et bénéficient d’une meilleure vie sous mon aile que celle de la rue, contra la femme en noir. De plus, ils ont prêté serment et savent très bien à quoi ils s’exposent si jamais il leur venait à l’esprit de me trahir. »

Mademoiselle Finley jeta un bref regard en direction de son majordome. Ethelle subodora que celui-ci était un garant efficace de la loyauté des Faucheux. Et elle n’avait pas la moindre envie de savoir comment il s’y prenait. Puisque cet homme avait été le seul employé à rester au service des Finley pendant tout le temps où ils avaient occupé leur maison et qu’il suivait encore Arabella maintenant, la rouquine supposa qu’un lien fort s’était créé entre le majordome et sa maîtresse depuis belle lurette. Dans tous les cas, elle n’avait pas envie d’en savoir plus à ce sujet non plus. « Que voulez-vous de moi ? Soupira Ethelle.
– Que vous fassiez partie de mes petites araignées, bien sûr.
– Que je devienne une araignée des rues ? Je ne crois pas, non.
– Ma chère, la seule autre option que j’ai est de vous éliminer. » La menace de la veuve noire était réelle.

Mademoiselle Morton en avait plus qu’assez. Sa diplomatie était mise à rude épreuve et elle n’avait qu’une envie : jeter sa tasse de thé à la figure parfaite de la veuve noire. Tout en imaginant la tasse de porcelaine heurter le fin visage d’Arabella en dispersant des fragments effilés et des gouttes encore chaudes sur elle, la jeune femme rousse réfléchissait à la façon dont elle pourrait fausser la compagnie des Faucheux. Elle tourna brièvement la tête vers son sac de voyage que Clay portait toujours, établissant un inventaire rapide de ce qu’il contenait. Malheureusement, elle ne voyait rien qu’elle possédait qui pourrait l’aider. Elle doutait, notamment, que la veuve noire se laisse amadouer par son pot de confit de canard. Ethelle ne possédait rien dont elle pouvait se servir pour marchander sa liberté auprès de mademoiselle Finley.

La rouquine soupira et, découragée, lâcha : « Suis-je donc emprisonnée ici, alors que je ne comptais même pas venir à la base ?
– Voyons ma chère ! S’exclama Arabella en riant. Regardez autour de vous ! Cet aérostat n’est pas une prison. Il s’agit d’un bâtiment de croisière et vous aurez tout ce dont vous aurez besoin, ici. Vous pourrez vous séparer de cet accoutrement d’équitation et porter quelque chose de plus seyant et… propre également. Ne seriez-vous pas heureuse de retrouver votre confort de vie ? » La question était, somme toute, rhétorique. L’une et l’autre en étaient parfaitement conscientes. Bien sûr qu’Ethelle voulait récupérer son luxueux train d’existence. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle avait besoin de laver son nom du scandale autour de son père. Elle voulait récupérer son héritage et sa notoriété, même si elle s’était promis de faire plus attention aux personnes qu’elle appelait ses amis. Elle voulait tout ça, mais pas rester enfermée au sein d’un hangar abandonné dans une épave inachevée jusqu’à la fin de ses jours, ou selon le gré des humeurs de la veuve noire, ou jusqu’à ce que quelqu’un démantèle les Faucheux.

Ethelle fixa Tina qui regardait ses pieds, comme si elle s’efforçait de ne pas se sentir concernée. Clay, quant à lui, contemplait la rouquine d’un air gêné. Lorsque leurs regards se croisèrent, il lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. Au moins, se dit la rouquine, quelqu’un se montrait amical envers elle. Pour le moment, le jeune homme était le seul Faucheux envers qui elle ressentait un peu de confiance. Mais elle doutait qu’il soit capable de l’aider. « Tina, Clay, les interpella la veuve noire. Veuillez accompagner mademoiselle Morton jusqu’aux appartements qu’elle aura choisi. Si ils sont occupés par certains d’entre vous, faites les reloger. Nous avons là une invitée de marque : nous devons lui faire l’honneur d’une hospitalité irréprochable. »

Les deux Faucheux acquiescèrent et vinrent se placer près d’Ethelle. Celle-ci, comprenant que l’entretien avec Arabella était terminé, se leva, adressa un froid hochement de tête à l’intention de sa geôlière et les suivit. En sortant, elle jeta un dernier coup d’œil à mademoiselle Finley. Celle-ci avait repris la lecture de son journal tandis que le majordome lui servait une nouvelle tasse de thé. Le tableau dégageait tant de sérénité ! Serait-ce vraiment si terrible de finir ses jours ici finalement ? Ce n’était certes pas l’idéal, mais cela se rapprochait d’une vie confortable. Alors que Tina et Clay marchaient devant elle, la guidant dans les corridors faiblement éclairés comparativement au salon d’Arabella, une volée de jeunes Faucheux les bousculèrent en riant. Le cœur d’Ethelle se serra. Non, elle ne pouvait pas rester ici. L’idée de cette prison dorée la mit également face au fait qu’elle ne pouvait pas se rendre à son entrevue prévue avec Nicolas Merryweather. Sa situation ressemblerait peu ou prou à celle-ci. Ce qui l’emmenait à la conclusion suivante : il fallait qu’elle trouve ce qu’elle avait envie de faire de sa vie. Cette question revenait décidément bien trop souvent à son goût ces derniers temps.

Elle se rendit alors compte que Tina et Clay étaient en train de se disputer à voix basse, devant elle. La jeune femme s’approcha d’eux pour entendre ce qu’ils se disaient. « Je t’avais pourtant demandé de la laisser partir pendant qu’il en était encore temps, chuchota furieusement le jeune homme à la petite blonde.
– Je ne voulais pas que ta petite copine nous dénonce aux képis ! Répartit l’adolescente.
– Elle ne l’aurait pas fait, répliqua Clay d’un air excédé. Et maintenant elle est coincée avec nous alors qu’elle ne voulait pas…
– Comme si c’était une horreur d’habiter ici ! Tu es juste en train de chercher des excuses pour me crier dessus.
– Ce n’est pas une horreur d’habiter ici pour nous, précisa le jeune homme. Mais pour elle, ce n’était pas son choix.
– De toutes façons je ne voulais pas d’elle non plus, grommela Tina. Je ne savais pas que la veuve noire voudrait la garder ici.
– Voilà, à cause de toi, nous sommes tous embêtés. » Lança Clay.

Ils se murèrent tous les deux un instant dans un silence boudeur. Puis, le jeune homme toussota avant de reprendre : « Excuse-moi, Tina, je me suis un peu énervé pour rien.
– Non mais tu avais raison, parvint à avouer l’adolescente même si chacun des mots prononcés paraissait être le fruit d’un terrible effort. » L’atmosphère entre eux parut s’alléger instantanément. Ethelle en fut surprise. Elle n’avait jamais vu de dispute se conclure aussi rapidement et sur un compromis désintéressé des deux parties. En fait, elle ne savait même pas que c’était possible ; la jeune femme n’avait encore jamais été témoin d’une chose pareille. Les relations – et tout le reste en général – étaient toujours plus complexes de là où elle venait.

« Clay, l’interpella la blondinette. Je sais que, depuis quelques temps, tu réfléchis à t’en aller. En tous cas, c’est ce que l’on m’a dit. C’est vrai ?
– Plus ou moins, oui, confirma-t-il. Pourquoi me demandes-tu ça maintenant ?
– Je vais vous aider à sortir d’ici, tous les deux, décréta Tina.
– Comment ça ? S’étonna Clay. Et pourquoi ferais-tu une chose pareille ?
– Hum… Et bien, disons que je connais un chemin pour sortir d’ici, que personne d’autre que moi n’a découvert, commença l’adolescente. Et puis… Comme tu disais : cette situation est de ma faute.
– J’étais énervé quand j’ai dit ça…
– Non non ! Tu avais raison, j’aurais du t’écouter, persista Tina.
– Tu vas vraiment nous aider à partir ? Vérifia Clay.
– Oui.
– Même si cela signifie que nous devrons partir loin d’ici pour éviter la colère de la veuve noire ? Continua-t-il. Il y a des chances que nous ne nous voyions plus jamais, toi et moi, tu sais.
– Je sais. »

Le visage de l’adolescente était fermé mais déterminé, lorsqu’elle se tourna en direction d’Ethelle, qui s’immobilisa aussitôt.

 

 

2370 mots \o/ et bim, un coup de plus de 600 mots dans les dents du retard !

NaNoWriMo 2016 : Arkhaiologia Jour 10

Tina les mena jusqu’à un ensemble de stockage souterrain un peu moins souterrain et un peu moins humide que le reste, car situé un peu plus loin du bord du fleuve et quasiment en rez de chaussée. L’endroit était immense et très haut de plafond. Une rainure au milieu de celui-ci et de lourds ensembles mécaniques indiquaient qu’il pouvait s’ouvrir. De fait, la plus grande partie de l’endroit était occupée par une nacelle d’aérostat inachevée. Ethelle arrondit ses yeux de surprise : les Faucheux avaient installé leur quartier général au sein de la nacelle qui, bien qu’incomplète, était pratiquement terminée. La jeune femme se souvenait de cette production d’AérosTech, qui devait être dédiée aux croisières. Cela avait fait la une des journaux, tant le projet avait été ambitieux. Son père ayant été un ami du directeur de l’entreprise, il était même prévu qu’il fasse partie du voyage d’inauguration, en compagnie de sa fille.

Malheureusement le zeppelin de croisière précédent, Titania, avait eu un accident. Le monde avait été choqué d’apprendre la chute de Titania, dans la cordillère des Colosses. Les rares survivants, après l’incendie de la poche de gaz et la chute de la nacelle, avaient parlé d’une montagne mouvante qui avait percuté et déchiré le flanc du ballon. Tout le monde avait attribué ces vagues visions au choc subi par les passagers qui avaient frôlé la mort. Personne n’avait réussi à déterminer ce qui avait causé la chute de l’aérostat. Suite à cette petite catastrophe – l’accident avait causé la mort d’un ministre et de plusieurs autres personnes aux familles influentes – AérosTech avait vu son chiffre d’affaire baisser, de même que la fréquentation des zeppelins utilitaires de leur compagnie aérienne. Les dirigeants de l’entreprise pensaient pouvoir redresser le cap, mais ils firent faillite peu de temps après. En avait résulté, entre autre, l’abandon de leur partie des entrepôts du long de la Conquise.

Ceux-ci avaient rapidement été réhabilités par les Faucheux, de ce que pouvait en constater Ethelle. Pour des maraudeurs, ils devaient être bien installés dans cette nacelle qui avait pour but d’être un exemple en terme de luxe. La jeune femme devait avouer qu’elle trouvait qu’ils avaient eu une bonne idée et se morigéna de ne pas avoir pensé plus tôt à un abri de ce type. Malgré leur accointance arachnéenne, elle commençait à apprécier les idées de ces personnes. Elle se voyait même plutôt bien loger dans la nacelle inachevée, même si ce devait être une solution temporaire. En jetant un coup d’oeil de côté, elle réalisa que Tina était en train de l’observer, un petit sourire supérieur en coin. L’adolescente était visiblement ravie de constater qu’Ethelle était impressionnée par l’antre de la veuve noire.

Elles n’eurent pas le temps de se crêper le chignon. D’autres Faucheux sortirent de la nacelle et les emmenèrent au sein de l’édifice. Ils les entraînèrent dans ce qui devait originellement être un salon de réception. Ethelle se demanda où ils avaient trouvé le mobilier. En effet, celui-ci ne déparait pas du luxe recherché par les constructeurs de la nacelle. Peut-être que les Faucheux avaient trouvé d’autres entrepôts de mobilier dédiés aux aérostats pour meubler leur nacelle. Ils avaient également trouvé des lampes à huile qui éclairaient les pièces de douces lumières orangées. Une femme, dans la trentaine, trônait à une petite table de salon de thé, confortablement installée dans un fauteuil encore plus fastueux que celui du Parlement, où la rouquine s’était assise quelques heures auparavant. Elle était vêtue d’une robe noire d’excellente qualité assortie à ses cheveux de jais et, à son maintien, Ethelle devina que cette femme était originellement issue d’un environnement aisé. Alors que la veuve noire levait gracieusement la tête de son journal et dans sa direction, faisant jouer la lumière sur les traits de son visage, la rouquine réalisa qu’elle l’avait déjà rencontrée.

« Oh, ne serait-ce pas la délicieuse mademoiselle Morton ? S’enquit la femme en noir.
– C’est elle-même, confirma Ethelle en se réjouissant de voir une expression furieuse passer sur le visage de Tina.
– Je me souviens de la dernière fois que nous nous sommes côtoyées, déclara la dirigeante des Faucheux. Il s’agissait de la réception d’anniversaire du directeur de MéchanInc. C’était… Il y a deux ans de cela ?
– Environ, oui, acquiesça la jeune femme.
– Venez donc prendre place auprès de moi. » Lui enjoignit la veuve noire. Pour une araignée, Ethelle la trouvait plutôt sympathique, même si elles n’avaient jamais vraiment eu l’occasion de discuter lors des réceptions mondaines auxquelles elles avaient toutes deux participé. Le fait qu’elles avaient une grosse différence d’âge avait aussi du jouer, ces dernières étant nées à plus de douze ans d’intervalle. En réalité, la rouquine s’était souvenue de son identité de justesse. Il s’agissait de la nièce de l’ancien directeur de AérosTech, une des trois sociétés qui possédaient les entrepôts. Arabella Finley. Cela expliquait certainement sa présence ici, songea Ethelle, mais le fait qu’elle se retrouve entourée d’un gang des rues restait mystérieux.

En prenant place auprès de son hôtesse, la jeune femme ne put s’empêcher de jeter encore un bref coup d’œil en direction de Tina, qui lui parut verte de jalousie. Réprimant un sourire suffisant, elle tourna ensuite la tête en direction de Clay qui s’efforçait de rester impassible malgré sa surprise. Les autres Faucheux qui les accompagnaient depuis le début ne paraissaient pas se sentir très concernés et ils attendaient visiblement des instructions, appuyés çà et là contre diverses cloisons. Arabella posa le journal qu’elle lisait à leur arrivée sur sa petite table, donna quartier libre aux Faucheux et requit du thé à un autre d’entre eux qui se tenait dans l’ombre, derrière elle. Clay et Tina restèrent sur place, debout, silencieux et l’air quelque peu embarrassés.

Arabella ne fit rien pour les mettre à l’aise et ne semblait même pas avoir remarqué leur gêne. Toute son attention était dirigée sur Ethelle, qui commençait à ressentir un certain malaise à son tour. Elle décida de briser le silence : « Comment arrivez-vous à vous procurer du thé ici ? S’enquit-elle pour badiner.
– Mes petites araignées sont très douées pour trouver de tous les produits de première nécessité. » Expliqua la veuve noire avec un sourire attendri. Ethelle se demanda si elle avait bien compris qu’Arabella considérait le thé comme un produit de première nécessité. Pour sa part, elle avait préféré voler de quoi absorber du solide, plutôt que des feuilles qu’il fallait faire infuser dans de l’eau bouillante. Il était vrai qu’elle avait aussi – mal – acquis une conserve de confit de canard qu’elle n’avait eu aucun moyen de faire cuire et qui se trouvait toujours dans son sac de voyage.

Soudainement inquiète de ne plus l’avoir avec elle, la rouquine fouilla le salon du regard à la recherche de son précieux bien. En constatant que Clay l’avait toujours en main, elle poussa un soupir de soulagement intérieur. La jeune femme leva de nouveau les yeux sur la veuve noire, qui la considérait pensivement. « Vous n’avez pas besoin de vous agiter ainsi, la rassura Arabella. Vous êtes ici en présence amie. » Ethelle répondit par un sourire. Le Faucheux à qui le thé avait été commandé choisit ce moment pour revenir, équipé d’un plateau d’argent sur lequel se trouvaient une théière fumante et deux tasses de porcelaine avec leurs soucoupes assorties. L’homme disposa silencieusement le plateau sur la table, disposa soigneusement les tasses devant chacune des deux femmes et leur servit le thé comme un majordome de métier. La rouquine réalisa que ce devait être le cas.

« Bien, lâcha la veuve noire après avoir bu une gorgée du breuvage encore bouillant. J’ai besoin de savoir ce qu’il s’est passé au parc des Deux Ormes, pourquoi avez vous attiré l’attention de la police et pourquoi avez vous amené ici mademoiselle Morton ? Clay.
– Et bien, hésita celui-ci, rien de tout cela n’était prémédité. C’était un accident, tout simplement.
– Un accident ? Répéta Arabella sur le ton de celle qui en attend plus.
– Oui, hum… Toussota le jeune homme avec embarras. Quelqu’un avait amené une salamandre pour avoir l’air intéressant. Mais la salamandre a… Comme qui dirait… Craché du feu.
– Comment ça, craché du feu ? » Le ton doucereux de la veuve noire ne disait rien qui vaille à Ethelle. Clay ne paraissait pas en mener large non plus. Il faisait visiblement beaucoup d’efforts pour paraître impassible et cela ne fonctionnait pas très bien aux yeux de la rouquine. Tina, pour sa part, se faisait toute petite dans un coin, comme pour se faire oublier.

« Je sais que ça peut sembler étrange, reprit le jeune homme, mais cette salamandre devait appartenir à une race spéciale qui crache de petites flammes.
– Comme un petit dragon ? S’enquit Arabella toujours sereine.
– On peut voir ça comme ça, acquiesça Clay.
– C’est intéressant, commenta la veuve noire. Je savais que cela finirait par arriver. » Elle but une nouvelle gorgée de thé. Lorsqu’elle reposa sa tasse, un grand sourire barrait sa figure. Vu le résultat étrange que cela produisit, Ethelle supposa que la femme qui dirigeait les Faucheux n’avait pas l’habitude de sourire. « Tout le monde me prend pour une folle, reprit Arabella dont la voix se mit à trembler. Mais je sais que Titania a été détruite par un dragon. Et la ruine de RotorCorp est due aux monstres marins, j’en suis certaine. » Elle se tut soudainement. La rouquine, Clay, Tina et le silencieux majordome gardèrent prudemment la bouche fermée.

La jeune femme rousse travaillait à garder un masque neutre sur son visage lorsque la veuve noire plongea ses yeux noirs dans les siens pour dire : « Mademoiselle Morton, vous devez le savoir vous aussi, n’est ce pas ? Après tout, votre père a indirectement subi les désastres de ces créatures monstrueuses. Tout le monde pense que ces créatures appartiennent seulement aux contes de fées. Mais je sais, moi, qu’elles sont réelles ! Mademoiselle Morton, le jour où votre père s’est suicidé, j’ai entendu pleurer et crier une banshee devant votre maison et…
– Silence ! » Hurla Ethelle. Tous se figèrent. La jeune femme avait les joues écarlates et s’était levée, les mains fermement arrimées à la petite table. Elle luttait de toutes ses forces pour ne pas laisser couler les larmes qui encombraient sa vue. En réalité, elle-même était surprise de sa propre réaction. Mais que cette femme à la santé d’esprit douteuse se permette de mettre la mort de son père sur le compte de créatures de contes de fées l’avait mise hors d’elle.

Elle prit une grande inspiration, s’assit de nouveau, expira doucement et, calmée, reprit : « Veuillez pardonner ma réaction passionnée. Je me suis laissée emportée par mes émotions.
– Je comprends, compatit Arabella en lui jeta un regard incertain. Le deuil nous affecte tous.

 

 

1800 mots, cette fois c’est un nombre de mots correct !